Intervention de Véronique Guillotin

Réunion du 16 juillet 2019 à 14h30
Organisation et transformation du système de santé — Discussion des conclusions d'une commission mixte paritaire

Photo de Véronique GuillotinVéronique Guillotin :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, c’est avec plaisir que je m’exprime au nom du groupe du RDSE pour la dernière étape du processus législatif de ce texte, dont nous saluons l’esprit et l’équilibre.

Nous en saluons l’esprit d’abord, car il propose des outils aux mains des professionnels. Cette souplesse attendue est de bon augure pour répondre aux enjeux de la santé du XXIe siècle et à la nécessaire transformation de notre système de santé.

Nous en saluons également l’équilibre grâce à un compromis entre sénateurs et députés, mais aussi grâce à un débat, parfois animé, mais toujours constructif, entre des courants différents qui, d’ailleurs, s’affranchissent des lignes partisanes.

Je parle, bien sûr, des désaccords qui persistent entre les tenants et les opposants de la coercition. Au sein même de notre groupe, des divergences se sont exprimées. À titre personnel, je me réjouis de l’absence de mesures coercitives dans ce texte final, grâce à l’engagement continu de la ministre et de notre rapporteur.

Cette prise de position ne nous fait toutefois pas oublier l’urgence qui existe sur nos territoires et dont le Sénat s’est légitimement fait l’écho. Si les débats ont été vifs, c’est que l’inquiétude est grandissante sur cette question si centrale de l’accès aux soins.

L’avenir de notre système de santé passera par des mesures fortes, qui inscrivent dans le marbre l’attachement de la France à une médecine de qualité partout et pour tous.

Je crois en cette loi, car elle redit la confiance de l’État envers les professionnels de santé, dont les nouvelles aspirations sont enfin prises en compte.

La coopération, d’abord, prend toute sa place dans la nouvelle organisation de notre système de santé. Nous le voyons dans nos départements, les territoires qui se portent le mieux sont ceux dont les professionnels et les élus se saisissent des outils de coordination, créant ainsi une dynamique attractive pour les jeunes qui aspirent à exercer en équipe. À cet effet, la signature récente d’un accord entre la Caisse nationale de l’assurance maladie, la CNAM, et les syndicats sur le déploiement des communautés professionnelles territoriales de santé, les CPTS, est à saluer.

Les études médicales telles qu’elles sont réformées semblent, par ailleurs, mieux correspondre aux aspirations de nos jeunes. Il s’agit d’un véritable changement de philosophie, qui donne plus de place aux valeurs humanistes et s’ouvre davantage sur les territoires.

J’en viens à l’article 2, qui a concentré l’essentiel des débats de la commission mixte paritaire.

J’ai déjà exprimé mon désaccord sur l’introduction d’une année de professionnalisation en internat de médecine, considérant qu’elle porterait atteinte à la formation. Un accord satisfaisant a été trouvé en CMP. Sans révolutionner ni mettre en péril les exigences de l’enseignement universitaire, il inscrit dans la loi un stage de six mois, en autonomie supervisée et en médecine ambulatoire, pour les étudiants de fin de troisième cycle, ce qui les incite à se tourner davantage vers les zones en tension. Il s’agit d’un signal fort envoyé aux élus et à nos concitoyens. À charge, maintenant, pour le pouvoir réglementaire de définir l’« autonomie supervisée ».

J’aimerais toutefois insister sur le fait que la question posée ici est non pas tant celle de la durée du stage ou du degré d’autonomie du stagiaire que celle de l’existence même de stages variés et formateurs en nombre suffisant.

D’une part, les conditions requises pour l’obtention du statut de maître de stage sont si contraignantes qu’elles découragent bon nombre de médecins. Sur ce point, l’article 2 ter offre une première réponse, grâce à l’engagement de notre collègue Élisabeth Doineau, en assouplissant les conditions de délivrance des agréments.

D’autre part, l’environnement des stages en zones sous-dotées doit également être interrogé, notamment en termes de logement et de mobilité, sans quoi ils restent inaccessibles aux étudiants.

En outre, il n’est pas inutile de rappeler que les hôpitaux sont fortement dépendants des internes dans leur fonctionnement. Même si l’on considère que les formations sont encore trop « CHU-centrées », ces stages demeurent indispensables. Les études ne peuvent à elles seules être une variable d’ajustement pour compenser la carence des médecins sur les territoires.

S’agissant du numérique, nous ne pouvons que saluer les avancées de cette loi, notamment les apports du Sénat conservés dans le texte final. Je citerais ainsi la généralisation de l’espace numérique de santé et du dossier médical partagé, qui permettront de centraliser les informations et les données, tout en garantissant un haut niveau de confidentialité et de sécurité. S’ils doivent bien sûr être accompagnés de garde-fous compte tenu de la sensibilité des données concernées, les apports du numérique en santé sont un enjeu majeur de notre siècle, et nous nous réjouissons qu’ils soient envisagés ainsi par le Gouvernement.

Sur le même sujet, nous notons le maintien dans le texte final de notre proposition visant à adosser un plateau de télésanté à chaque hôpital de proximité. Je remercie ainsi la ministre, que nous avons réussi à convaincre du bien-fondé de cette mesure, notamment pour les patients à qui nous offrons un cadre professionnel et sécurisé pour la pratique de la télémédecine.

Puisqu’il est question des hôpitaux de proximité, j’en profite pour revenir à un sujet qui a fait débat : la composition des commissions médicales d’établissement des GHT. L’Assemblée nationale a préféré renforcer la gouvernance des GHT via la création de commissions médicales de groupement et la mutualisation de la gestion des ressources humaines médicales. Sur ce point, il convient d’être pragmatique : les GHT ont vocation à assurer une continuité et une cohérence des soins hospitaliers à l’échelle d’un bassin de vie.

Toutefois, l’existence d’une stratégie de groupe et d’une mutualisation plus aboutie des ressources humaines doit se faire au profit des plus petites structures, qui peinent, seules, à recruter et à fidéliser les praticiens. Il faudra veiller à ce que cette nouvelle organisation améliore la présence médicale sur tout le périmètre des GHT.

Un bémol tout de même, je tiens à évoquer le cas des praticiens à diplôme hors Union européenne. Le Gouvernement ne souhaitant pas évoluer sur ce point, nous avons dû revenir en commission mixte paritaire sur les ouvertures accordées par le Sénat. Compte tenu des pénuries de médecins que connaissent certains territoires, des situations difficiles que vivent certains Padhue, mais surtout des nombreux garde-fous qui existent pour le contrôle de leurs compétences, cette loi aurait pu prévoir de plus grandes avancées, tout en conciliant qualité et sécurité des soins.

Cela étant, satisfait par le maintien de ses cinq amendements et par la philosophie générale du texte, le groupe du RDSE dans son immense majorité votera ce projet de loi. À charge maintenant pour le Gouvernement d’offrir des conditions d’application suffisantes à cette loi puisque la question du financement demeure en suspens. Nous serons ainsi attentifs et nous ferons des propositions à l’occasion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2020.

Au-delà des moyens financiers, j’y tiens particulièrement, il faudra renforcer l’accompagnement de nombreux territoires que je qualifierais d’atones et pour qui la prise en main des outils législatifs est loin d’être une évidence. Pour ne pas creuser l’écart entre ces territoires et les métropoles, plus dynamiques, élus et professionnels comptent sur le soutien d’agences régionales de santé souples, aidantes et à l’écoute, afin que cette loi irrigue l’ensemble du territoire.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion