Intervention de René-Paul Savary

Réunion du 16 juillet 2019 à 14h30
Organisation et transformation du système de santé — Suite de la discussion et adoption définitive des conclusions modifiées d'une commission mixte paritaire

Photo de René-Paul SavaryRené-Paul Savary :

Le Sénat s’est également employé à renforcer la place des élus locaux dans le pilotage territorial de la santé. En effet, l’organisation territoriale de notre système de santé ne peut être pensée et exécutée par des structures souvent déconnectées des réalités du terrain. C’est pourquoi le Sénat a voté le renforcement des prérogatives du conseil de surveillance des établissements publics de santé, où siègent les représentants des collectivités territoriales.

De la même manière, cinq maires seront désignés dans le cadre de la mise en œuvre du projet régional de santé et de ses orientations, notamment sur l’accès aux soins et l’évolution de l’offre de santé.

La Haute Assemblée est historiquement le lieu de représentation des territoires. Les sénateurs connaissent le caractère pluriel de notre pays et les spécificités de chaque département. Afin de tenir compte de cette diversité, le Sénat a voté des amendements visant à apporter de la souplesse aux dispositifs de structuration du système de santé. Les besoins spécifiques de chaque territoire seront donc pris en compte dans le cadre des projets territoriaux de santé.

Malgré une commission mixte paritaire conclusive, que nous saluons, ce texte nous laisse un sentiment d’inachevé. En effet, de nombreuses mesures seront prises par ordonnance malgré la mise en garde des sénateurs. De la même manière, on peut regretter que ce texte ne réponde pas à la nécessité d’une restructuration de la gouvernance et du financement de notre système de santé.

Lors des futurs textes de loi consacrés à la santé, vous pourrez compter, madame la ministre, sur la force de proposition que constitue le Sénat pour continuer à répondre à la problématique de l’accès aux soins sur l’ensemble du territoire français. Dès le prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale, nous aurons à cœur de discuter de certains dispositifs qui n’ont pu être adoptés lors de l’examen de ce texte en raison de leur impact financier.

À titre d’exemple, l’exonération de cotisations sociales pour les jeunes médecins, dès lors qu’ils s’installent dans les trois ans suivant l’obtention de leur diplôme dans les zones déficitaires, pourra constituer une réponse au manque d’attractivité que connaît actuellement la médecine libérale. De la même manière, le financement des hôpitaux de proximité demeure encore incertain et il faudra apporter des précisions dans ce domaine. Ce débat fondamental aura également lieu, nous n’en doutons pas, lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2020.

Corinne Imbert vous remercie de l’attention que vous avez portée à son intervention. Je m’associe à ses remerciements, notamment à l’endroit de notre rapporteur et président de la commission des affaires sociales.

Ces remarques étant faites, la majorité du groupe Les Républicains votera, j’en suis certain, ce texte en espérant voir ses résultats se réaliser au plus vite sur le terrain.

Madame la ministre, il me reste quelques minutes pour intervenir à titre personnel et vous faire part de certaines remontées de terrain. Les sénatrices et les sénateurs sont en effet en contact permanent avec vos services, notamment les ARS, et un certain nombre de personnes viennent nous voir dans nos permanences pour nous informer des problèmes qui se posent.

Des mesures incitatives pour l’installation des médecins peuvent ainsi devenir des mesures contraignantes. J’en veux pour exemple mon territoire, qui est désertifié : trois jeunes médecins qui se sont installés dans la commune de Vertus ont eu un « mal de chien », pour des raisons administratives, à obtenir leurs aides spécifiques à l’installation, et ce financement ne leur est parvenu qu’au terme de deux ans. C’est la direction de l’ARS qui a réglé le problème.

Je pense également aux malades qui connaissent des difficultés particulières, car le traitement de leur pathologie est très onéreux.

Je connais une jeune fille qui souffre d’un déficit en lipase acide lysosomale : son traitement, administré toutes les trois semaines, et qui coûte 500 000 euros par an, a été pris en charge par l’hôpital d’Épernay. Vous connaissez le problème : du fait des actes techniques médicaux, les ATM, de l’autorisation temporaire d’utilisation, l’ATU, le remboursement n’est pas pris en compte dans le cadre du groupe homogène de séjour, le GHS. Par conséquent, l’hôpital d’Épernay estime désormais que le traitement coûte trop cher : il faut donc qu’elle soit prise en charge à l’hôpital Necker.

Prenons garde à ce que ne s’exerce pas, dans des cas très particuliers de pathologies lourdes, une médecine à plusieurs vitesses. Je vous demande, madame la ministre, d’y être très attentive.

C’est la raison pour laquelle j’avais proposé que le conseil de surveillance des ARS soit présidé par un président de région, un élu ou son représentant. Ce conseil serait ainsi devenu un lieu de discussion et de contre-pouvoir où l’on aurait pu régler un certain nombre de problèmes que l’on connaît sur le territoire.

Par ailleurs, avec Catherine Deroche et plusieurs de nos collègues, nous menons des auditions communes très intéressantes. Nous recevons, entre autres, des biotech. Tous ces acteurs de l’innovation nous répètent le même discours : les délais sont trop longs entre la délivrance de l’ATU, l’AMM, l’autorisation de mise sur le marché, et la fixation des prix ; la teneur des discussions diffère selon qu’elles se passent au niveau de la Haute Autorité de santé ou du Comité économique des produits de santé, le CEPS, quant à la fixation des tarifs.

Pour ce qui concerne les médicaments innovants, des exemples montrent que notre dispositif n’est pas aussi performant que précédemment. Les biotech, qu’il s’agisse d’entreprises françaises ou de filiales de sociétés étrangères, ont du mal à mobiliser leurs investisseurs, parce que la France est réputée pour pratiquer de longs délais, alors même que sa réputation est extraordinaire dans le domaine de la recherche et de l’innovation.

Je pense au cas spécifique de la bêta-thalassémie, pour laquelle il y a désormais un one shot et une thérapie génique, ce qui évite des transfusions régulières. Or notre modèle de tarification – en particulier l’article 65 de la LFSS 2019 – ne correspond pas à ce type de pathologie.

Nous avons également été confrontés à un problème complexe avec des nouvelles technologies destinées à soigner le cancer de la prostate à bas risque, lesquelles concilient un médicament, donc soumis à l’AMM, un dispositif médical, ce qui suppose une autre voie de tarification, et un acte chirurgical, lequel doit être codifié par la sécurité sociale. Il faudra trouver, pour ces thérapies innovantes, un nouveau modèle de tarification.

Dans le domaine de la prévention, il convient d’aller plus loin, d’oser davantage.

Par exemple, pour ce qui concerne la lutte contre le tabagisme, le plan anti-tabac ne suffit pas. Mais il y a des fumeurs qui ne parviennent pas à arrêter de fumer ! Il faut donc réfléchir à un concept de diminution des risques, puisqu’on ne parviendra pas à les supprimer totalement. Dans cette perspective, le vapotage ou le tabac chauffé et non brûlé, qui réduisent considérablement les effets cancérologiques, sont des solutions de remplacement qui méritent d’être étudiées. Elles existent dans d’autres pays et peuvent aider des fumeurs acharnés, même si ce n’est bien sûr pas la panacée. J’y insiste, il faut trouver des solutions pour limiter les effets toxiques du tabac.

Vous le savez, madame la ministre, le vote de la loi Santé ne signifiera pas que le travail est terminé, car un certain nombre de dispositifs méritent d’être pris en compte. Vous pouvez compter sur les sénatrices et les sénateurs pour avancer sur ces dossiers !

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