Intervention de Nadine Grelet-Certenais

Réunion du 16 juillet 2019 à 14h30
Organisation et transformation du système de santé — Suite de la discussion et adoption définitive des conclusions modifiées d'une commission mixte paritaire

Photo de Nadine Grelet-CertenaisNadine Grelet-Certenais :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous touchons ici à la dernière étape de l’examen d’un projet de loi qui focalisait tellement d’attentes de la part de nos territoires, marqués par la désertification médicale et par une crise de confiance sans précédent.

Il aurait fallu aller plus loin, et vous le savez, madame la ministre, pour répondre à l’anxiété des élus locaux que nous rencontrons chaque semaine.

Par peur de manquer de médecins, les collectivités, qui ne peuvent prendre des mesures de régulation efficaces, tentent d’attirer par tous les moyens des médecins généralistes, parfois – il faut bien le dire – aux dépens d’autres collectivités.

Cette concurrence malsaine entre territoires n’est pas à la hauteur du principe d’égal accès aux soins et laisse nombre d’élus locaux sans solution.

La récurrence des grèves dans les urgences, en Sarthe et sur l’ensemble du territoire, démontre combien la situation est tendue.

Comme l’a très bien exposé notre collègue Yves Daudigny, des avancées notables ont pu être obtenues grâce à l’apport du Sénat, notamment à l’article 2, obligeant les internes à effectuer, en dernière année de troisième cycle de médecine générale, un stage de six mois en ambulatoire prioritairement en zones sous-denses. Cette généralisation du Saspas, que nous avons proposée et qui a emporté notre non-opposition, pourrait avoir des effets concrets à court et moyen terme.

À la différence de ladite « suppression » du numerus clausus, mesure de bon sens mais qui n’aura que peu d’effets directs et instantanés – cela a été également dit –, ce stage constitue l’une des solutions pour lutter contre le phénomène de désertification médicale. Les territoires attendent beaucoup de cette mesure emblématique de souche sénatoriale. Nous serons donc très vigilants quant à sa mise en place rapide par le Gouvernement.

Autre point positif de cette loi, le développement de la télémédecine : il est évident que le télésoin peut apporter un service efficace et permettre de régler certaines situations délicates, notamment pour des publics incapables de se déplacer.

Toutefois, je tiens à le rappeler fermement, la télémédecine ne peut se substituer à la présence physique d’un médecin. Sans parler des problématiques d’accès au numérique, lequel demeure un sujet dans nos territoires ruraux, le risque est évidemment de créer une médecine à deux vitesses, l’une présentielle pour les territoires attractifs, l’autre virtuelle pour les territoires délaissés et déjà impactés par la disparition excessive de services publics comme privés.

À ce sujet, je ne me résous pas à l’abandon de l’article 13 bis A, qui introduisait un principe de médiation numérique en santé pour les usagers distants des nouvelles technologies, principe particulièrement pertinent en zone rurale et recommandé par le Défenseur des droits.

Il n’est pas nécessaire, madame la ministre, de vous rappeler l’importance du maintien d’une offre de santé diversifiée au plus près des territoires. Je pense notamment à l’accès à l’interruption volontaire de grossesse, qui peut être remis en cause par le simple départ à la retraite d’un gynécologue, comme ce fut le cas l’été dernier en Sarthe à l’hôpital du Bailleul.

Alors que le sujet est extrêmement sensible et qu’une tribune de nos collègues députés vous appelle à inscrire dans notre Constitution ce droit à l’IVG afin de le protéger, il est étonnant de constater quelles sont les positions du Gouvernement et de la majorité à l’Assemblée nationale. Quand le Gouvernement exprime par votre voix, madame la ministre, un avis défavorable à l’extension des délais légaux d’accès à l’avortement, une mesure portée ici même avec pugnacité par notre collègue Laurence Rossignol, la majorité ne réintroduit pas le regretté article 27, qui tendait à demander à vos services un rapport sur l’accès effectif à l’IVG dans nos territoires.

J’avais proposé à l’automne dernier de mettre sur pied un groupe de travail au sein de la commission des affaires sociales du Sénat ; en vain. C’est donc avec une réelle déception que je vois ce rapport abandonné, car il aurait permis de mettre en lumière les difficultés de beaucoup de femmes qui ne peuvent plus, en France, avoir accès à leur droit. Vous pouvez compter sur le groupe socialiste et républicain pour porter cette question de justice à chaque occasion jusqu’à ce que votre discours, a priori volontariste, se concrétise enfin. Nous attendons plus de cohérence, madame la ministre !

Ainsi, loin de clore certaines questions, cette loi ouvre des débats dont nous serons amenés à reparler dans un avenir proche. Je pense notamment à la question des données et à celle du recueil du consentement des patients.

Nous avons défendu le principe du consentement comme fondement de la licéité du traitement des données personnelles en santé, et donc de l’ouverture de l’espace numérique de santé, en lieu et place de l’ouverture automatique initialement prévue et portée par le groupe majoritaire.

À l’heure où les croisements de données vont devenir exponentiels, il s’agit de replacer le patient au cœur du système et d’affirmer le principe de consentement libre et éclairé, qui n’en devient que plus fondamental alors que nous ne mesurons pas forcément les conséquences de l’utilisation des « applis » de santé et de bien-être. De manière identique, les modalités de création et de gestion du Health Data Hub, ou « plateforme des données de santé », ne sont pas suffisamment encadrées par le projet de loi.

Nous aurons assurément l’occasion d’en reparler lors des débats à venir sur le projet de loi relatif à la bioéthique.

Néanmoins, nous pouvons nous réjouir du maintien dans le texte final de plusieurs de nos amendements visant, par exemple, à étendre l’usage de l’ENS aux bénéficiaires de l’aide médicale d’État, à intégrer des données relatives à l’accompagnement social et médico-social dans l’ENS ou encore à renforcer la protection des données lors de l’application ou la conclusion de tout contrat.

Au regard de ce bilan mitigé, nous nous abstiendrons sur ce texte qui ne prend pas suffisamment à bras-le-corps le sujet de la désertification médicale et qui ne répond que partiellement aux problèmes rencontrés par les élus locaux.

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