Intervention de Jean-Claude Luche

Réunion du 16 juillet 2019 à 14h30
Création de l'office français de la biodiversité — Adoption définitive des conclusions de commissions mixtes paritaires sur un projet de loi et un projet de loi organique

Photo de Jean-Claude LucheJean-Claude Luche :

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, au terme de plusieurs semaines d’échanges nourris avec nos collègues députés, je suis heureux de vous présenter un texte commun sur le projet de loi portant création de l’Office français de la biodiversité, issu des travaux de la commission mixte paritaire qui s’est tenue le 25 juin dernier.

Je rappelle que le texte initial visait trois objectifs principaux : doter le monde de la biodiversité d’un opérateur public unique ; renforcer les attributions des agents dotés de prérogatives de police environnementale ; réformer l’organisation des activités de chasse en cohérence avec la création du nouvel établissement public.

En première lecture, nous avions abordé ce projet de loi avec l’approche pragmatique et attentive aux besoins des territoires qui est la marque de notre assemblée, et l’avions significativement enrichi. Lors de la commission mixte paritaire, nous nous sommes montrés particulièrement soucieux de préserver l’équilibre délicat que le Sénat avait ainsi construit. Le texte de compromis qui en résulte conserve l’essentiel de nos apports, et nous pouvons nous en féliciter.

Je souhaite à cet égard remercier nos collègues Anne Chain-Larché, rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques, et Jean-Noël Cardoux, président du groupe d’études « Chasse et pêche », de leur engagement à mes côtés et de leur contribution au texte que nous examinons aujourd’hui.

Sur notre initiative, des améliorations importantes ont été apportées à la gouvernance du nouvel établissement public succédant à l’Agence française pour la biodiversité, l’AFB, et à l’Office national de la chasse et de la faune sauvage, l’ONCFS, afin de garantir une représentation plus équilibrée des différentes parties prenantes.

En particulier, nous avons introduit une représentation des organisations professionnelles agricoles et forestières, fixé un quantum minimal pour la représentation des acteurs de la chasse et de la pêche et posé le principe d’une présence minoritaire de l’État en nombre de représentants, équilibrée par la création d’un commissaire du Gouvernement doté d’un droit de veto.

Nous avons en outre précisé que le financement de l’Office français de la biodiversité, l’OFB, ne saurait conduire à une dégradation des ressources des agences de l’eau. C’est un ajout très important au regard des inquiétudes que nous avons tous sur l’avenir de la politique de l’eau. À ce sujet, nous ferons preuve d’une vigilance toute particulière, vous le savez, madame la secrétaire d’État, sur la traduction budgétaire de la création de l’OFB à l’occasion de l’examen du projet de loi de finances pour 2020.

En matière de police de l’environnement, notre travail s’est inscrit pleinement en continuité de l’approche retenue par l’Assemblée nationale, en apportant des précisions aux attributions des inspecteurs de l’environnement. Nous avons eu le même souci de renforcer les pouvoirs des inspecteurs et de ne pas disperser les compétences de police.

Une autre priorité du Sénat a été de consacrer et d’amplifier la contribution du monde de la chasse à la protection de la biodiversité.

Nous avons ainsi précisé le système de financement d’actions en faveur de la biodiversité par les fédérations des chasseurs et inscrit dans la loi l’engagement pris par l’État de soutenir ces actions à hauteur de 10 euros par permis de chasser. Le dispositif équilibré auquel nous sommes parvenus permettra de conforter les nombreuses actions menées au quotidien par les fédérations de chasseurs pour une gestion durable de la biodiversité.

Néanmoins, il nous appartiendra de rester très vigilants sur l’utilisation de ces fonds et sur une solidarité qui devra s’exprimer entre les fédérations départementales. Madame la secrétaire d’État, j’ai eu l’occasion de vous le dire, nous comptons aussi sur votre vigilance en ce domaine.

Le Sénat a également adopté plusieurs dispositions pour renforcer la lutte contre les dégâts de grand gibier, qui constituent un véritable fléau dans de nombreux territoires, en particulier pour les agriculteurs et les propriétaires forestiers. Je pense notamment à l’encadrement des pratiques de nourrissage et du transport des sangliers vivants, ainsi qu’au renforcement des pouvoirs du préfet à l’égard des plans de chasse en cas d’augmentation importante des dégâts. Nous avons en outre permis aux fédérations régionales des chasseurs d’être gestionnaires de réserves naturelles.

Sur ce sujet, je tiens toutefois à préciser que, à titre personnel, je ne suis pas favorable à la mise en place d’une participation à l’hectare, tel que cela a été décidé. Il m’aurait paru plus judicieux de porter le permis national à 250 euros par exemple, ce qui représentait une large économie par rapport à son coût précédent, voisin de 400 euros. Je pense, je suis même persuadé, que cela aurait posé moins de problèmes financiers et d’organisation pour indemniser les dégâts de grand gibier.

Parallèlement, c’est également au Sénat qu’ont été adoptées deux mesures importantes en matière d’encadrement des activités cynégétiques, prévoyant une harmonisation réglementaire des règles de sécurité et créant un régime de rétention ou de suspension du permis de chasser en cas de comportement particulièrement dangereux. Cela témoigne d’une approche très exigeante et responsable de la chasse, en vue d’assurer la sécurité de tous et de permettre une coexistence encadrée et sereine des différentes activités dans nos territoires.

Enfin, nous avons adopté plusieurs dispositions concrètes en faveur d’une meilleure protection du patrimoine naturel. Je pense notamment à des ajouts précisant les critères de reconnaissance des zones humides, élargissant le périmètre des aires marines protégées et introduisant dans la loi une définition de la géodiversité.

L’ensemble de ces évolutions ont été apportées en tenant pleinement compte du travail effectué par l’Assemblée nationale. Les dispositions que nous avons adoptées s’ajoutent à celles qui ont été retenues par nos collègues députés, de façon cohérente et constructive, avec le même souci de proposer une réforme durable en matière de biodiversité.

Sur le fondement de ces travaux, nous avons œuvré activement avec Mme Barbara Pompili, rapporteure de l’Assemblée nationale, pour trouver un accord. Je tiens à saluer le travail que nous avons accompli ensemble en commission mixte paritaire, ainsi que l’implication de notre président de commission, Hervé Maurey, qui est retenu aujourd’hui par une réunion de l’Union interparlementaire.

Un point particulier a suscité des débats nourris jusqu’au dernier moment : l’introduction en première lecture au Sénat, sur l’initiative de notre collègue Jean-Noël Cardoux, d’un délit d’entrave aux activités de chasse, sujet d’actualité s’il en est.

Je rappelle que, sur cette question, la volonté du Sénat était d’affirmer clairement l’impérieuse nécessité d’assurer le respect par tous des activités de chasse et de pêche dûment autorisées. Un certain nombre d’exactions insupportables envers les chasseurs et les pêcheurs, via des menaces et des dégradations de leur équipement, sont régulièrement constatées. Cela participe plus globalement d’une remise en cause violente de certaines activités légales par une minorité radicale. L’objectif de l’introduction d’un délit d’entrave était de sanctionner spécifiquement ces comportements, avec des peines proportionnées à la gravité des faits.

Bien que nous estimions cette disposition parfaitement fondée, l’Assemblée nationale n’a pas jugé, et je le regrette, son maintien souhaitable, pour des raisons que je qualifierai d’affichage. Nous avons consenti à son retrait, après que vous vous êtes engagée, madame la secrétaire d’État, conjointement avec le ministre chargé des relations avec le Parlement, à examiner avec attention la proposition de loi déposée par notre collège Jean-Noël Cardoux, traitant la question du délit d’entrave de façon plus transversale.

Sous réserve de la décision de la conférence des présidents qui se réunira demain, ce texte devrait être inscrit à l’ordre du jour du Sénat en octobre. Nous serons particulièrement attentifs à ce que l’engagement pris par le Gouvernement se concrétise par une inscription rapide du texte à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale.

Au-delà de cette question, nous avons élaboré – vous l’aurez compris, mes chers collègues – un texte de compromis, conservant les nombreux ajouts du Sénat que j’ai mentionnés à l’instant, aussi bien sur les questions de gouvernance de l’Office français de la biodiversité que de police, de financement ou d’organisation de la chasse. Tout compromis suppose des concessions, a fortiori lorsque les textes des deux assemblées différaient significativement sur certains points, mais je pense que nous pouvons collectivement être fiers de l’importante contribution du Sénat au texte que nous avons à examiner aujourd’hui et que je vous invite à adopter.

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