Intervention de François Patriat

Réunion du 16 juillet 2019 à 14h30
Création de l'office français de la biodiversité — Adoption définitive des conclusions de commissions mixtes paritaires sur un projet de loi et un projet de loi organique

Photo de François PatriatFrançois Patriat :

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, j’ai souvenir d’avoir, voilà près de vingt ans, fait voter par l’Assemblée nationale une loi relative à la chasse. Cette loi avait suscité tellement de passions et d’excès, même s’il s’est finalement avéré, à l’usage, que ce texte permettait de rétablir les équilibres et d’engendrer une chasse apaisée et durable, que je redoutais un peu que le présent projet de loi, intervenant presque deux décennies plus tard, suscite les mêmes passions et les mêmes excès. Or je m’aperçois que ce texte, qui aboutit aujourd’hui à son terme, a été examiné dans un climat apaisé, qu’il a donné lieu à des négociations, à des discussions, même si chacun sur ces travées a fait valoir les droits des territoires qu’il défendait et de la ruralité, mais avec beaucoup de responsabilité.

Je veux saluer le travail de tous les parlementaires, des membres du groupe d’études « Chasse et pêche » et des rapporteurs, mais aussi le vôtre, madame la secrétaire d’État, et celui de Sébastien Lecornu. Vous avez su conduire avec succès les concertations et les négociations qui ont abouti à ce texte d’équilibre, qui donnera satisfaction, je l’espère, tant aux environnementalistes qu’aux chasseurs.

Ce projet de loi est issu d’un document adopté à 98 % par les chasseurs, il y a deux ans, et qui a ensuite été négocié avec le Gouvernement. Il procède aussi de la volonté du chef de l’État et de Willy Schraen, président de la Fédération nationale des chasseurs, qui, avec beaucoup de témérité et de courage, mais aussi en acceptant des concessions, a permis que ce texte soit élaboré et adopté en incluant des éléments non seulement pour la chasse, mais aussi pour la biodiversité.

Ce texte ne comporte pas seulement le permis à 200 euros. Cela dit, si ce dispositif est l’occasion d’élargir le nombre de chasseurs et d’engendrer plus de mobilité pour la chasse, il représente aussi une redoutable responsabilité pour le monde de la chasse, qui doit assumer les dégâts de gibier – un vrai problème pour les maires ruraux –, au travers de la taxe à l’hectare, évoquée à l’instant. On le sait, les dégâts de gibier se concentrent sur peu de départements et, au sein de ces départements, sur peu de communes. C’est aux fédérations des chasseurs de l’assumer pleinement, et je crois qu’elles le font aujourd’hui avec beaucoup de responsabilité.

Je suis fier que l’éco-contribution de 5 euros par permis de chasse, complétée par une contribution de l’État de 10 euros, soit répartie à l’échelle nationale pour financer non pas des territoires ou des fédérations, mais des projets. Ainsi, là où il y aura de bons projets pour la biodiversité, la Fédération nationale saura, j’en suis convaincu, étudier ces projets et les assumer pleinement.

Je sais que cela a été un sujet de débat entre nous, mais la raison l’a emporté. Ce qui compte, c’est le financement de projets de biodiversité et non une répartition en fonction du nombre de chasseurs. Sans cela, les grosses fédérations – je n’en citerai pas –, qui comptent jusqu’à 30 000 chasseurs, auraient beaucoup d’argent et peut-être peu de projets, et, inversement, les petites fédérations, ayant peu d’argent parce qu’elles comptent peu de chasseurs, ne pourraient pas financer leurs projets.

Je suis de ceux qui croient que l’argent de l’eau doit aller à l’eau et que l’argent de la chasse doit aller à la chasse. Cependant, pour mettre en œuvre la réforme, nous avions besoin, pour cette première année, de financements croisés. Pour les années à venir, ce sera à l’État, dans le cadre de ses fonctions régaliennes, d’assumer l’expertise en matière de biodiversité. Nous devons œuvrer en ce sens, afin d’obtenir non plus des financements croisés, mais des financements dédiés.

Un autre sujet est celui de la gestion adaptative. Qui aurait pu croire, voilà deux ans, que nous aboutirions à un consensus en la matière ? Aujourd’hui, il existe un effet de cliquet, qui fait qu’une espèce est classée non chassable ou chassable à vie. Pourtant, certaines sont en expansion. Je pense notamment aux cormorans ou aux goélands. Nous évoquerons tout à l’heure le problème de la tourterelle des bois. J’ai apporté des éléments de réponse sur ce sujet à mon ami Ronan Dantec.

La disparition de cet effet de cliquet permettra une gestion intelligente des espèces, grâce à l’expertise de l’Office, dans un esprit de responsabilité et une volonté de sauvegarde des espèces.

J’évoquerai enfin la police rurale. Je crois que nous serons, demain, le seul pays en Europe à avoir une vraie police rurale, ce qui répond à la demande des maires ruraux et des agriculteurs. Plutôt que de s’arc-bouter sur le mot d’ordre « Touche pas à mon office » ou de tenter de récupérer certaines prérogatives, mieux valait mettre en place cette police rurale, qui sera en mesure d’agir sur tout le territoire, dans le cadre d’une plus grande proximité et d’une meilleure efficacité. C’est l’une des grandes avancées de ce texte.

À l’instant, M. le président du groupe d’études « Chasse et pêche » évoquait le problème des agents de développement des fédérations. J’ai une part de responsabilité à cet égard. Toutefois, je m’en suis entretenu avec vous, madame la secrétaire d’État, nous pourrons examiner, dans le cadre d’une évolution future, la manière de redonner aux agents de développement le pouvoir de verbaliser partout sur le territoire.

Ce texte n’est pas seulement relatif à la chasse, il porte aussi sur la ruralité et la biodiversité. Il permettra, ce qui est notre responsabilité à tous, une chasse apaisée, reconnue comme telle, et de respecter nos exigences environnementales. Telles sont les raisons pour lesquelles nous le voterons.

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