Intervention de Emmanuelle Wargon

Réunion du 16 juillet 2019 à 14h30
Énergie et climat — Discussion générale

Emmanuelle Wargon :

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, ainsi que Mme la présidente de la commission des affaires économiques l’a souligné, ce projet de loi est important. J’assurerai donc la continuité de l’État et la représentation du ministère de la transition écologique et solidaire pour que les débats puissent se dérouler dans les meilleures conditions possible et que le Sénat ait la possibilité de délibérer sur le texte.

Il y a en effet urgence. Partout, les signaux passent au rouge. Le vivant dans son ensemble s’érode. Comme nous le savons tous, la planète se réchauffe, et, avec elle, les conditions de notre pérennité risquent de s’éteindre également.

L’examen du projet de loi Énergie-climat s’inscrit dans ce contexte particulier. Durant le grand débat, les Français ont réaffirmé leurs exigences et leurs attentes. Le scrutin européen a confirmé la préoccupation, chaque matin plus grande, de nos concitoyens pour l’écologie. Voilà quelques jours encore, un épisode caniculaire exceptionnel nous rappelait que le dérèglement climatique peut bousculer nos économies, notre lien social, nos cultures, notre santé. Aujourd’hui, nous vivons un épisode de sécheresse ; soixante et un départements sont en alerte.

Il faut regarder la réalité en face. L’heure est à l’action. Un seul sujet doit importer : répondre à l’urgence, relever le défi de la transition écologique. En un sens, ce qui se joue, c’est bien l’avenir de la planète.

Mesdames, messieurs les sénateurs, l’écologie politique, celle que nous faisons aujourd’hui, peut changer durablement notre manière d’être. Face à l’urgence climatique, je crois aux actes concrets.

Pour répondre à une telle urgence, le Président de la République a souhaité que l’ambition écologique soit au cœur de l’acte II du quinquennat. Le Premier ministre l’a précisé dans son discours de politique générale au mois de juin : les mois à venir devront être ceux de l’accélération écologique.

Aller encore plus loin, c’est notre ambition. Elle s’inscrit dans le cadre de la mobilisation générale du Gouvernement et du ministère de la transition écologique et solidaire.

Depuis le début du quinquennat, le Gouvernement a mis fin à l’exploration et à l’exploitation des hydrocarbures. Il a mis en place des aides au bénéfice des Français, notamment des plus modestes, pour changer leurs manières de se déplacer, de se chauffer, de se loger. La finalité est de réduire notre dépendance aux fossiles et nos émissions de gaz à effet de serre.

Le Gouvernement a proposé une stratégie énergétique pour les dix années qui viennent, au travers de la programmation pluriannuelle de l’énergie et la stratégie nationale bas-carbone. Vous le savez tous, la programmation pluriannuelle de l’énergie relève d’un décret en vertu de la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte ; le fait qu’il s’agisse d’un texte réglementaire a donc bien à un moment été le souhait du législateur.

La PPE, comme la stratégie nationale bas-carbone, repose sur des économies d’énergies – nous commençons par le principe de sobriété et de réduction de la consommation –, un développement massif des énergies renouvelables et la réduction de la part du nucléaire dans notre mix énergétique.

Nous avons également défendu à l’échelon européen et international le renforcement des normes environnementales favorables au climat et à la biodiversité. Plus récemment, nous avons travaillé avec toutes les parties prenantes dans les Assises de l’eau pour engager en deux phases des actions concrètes pour renouveler les réseaux, protéger les captages et économiser la ressource en eau.

Le projet de loi que vous examinez aujourd’hui amplifie et prolonge cette ambition écologique. Il comporte quatre objectifs principaux, que je souhaite rappeler ici.

Le premier est de permettre la publication et l’adoption de la programmation pluriannuelle de l’énergie, donc la mise en œuvre de notre stratégie énergétique pour les dix années à venir.

Le deuxième objectif est de réduire notre dépendance aux énergies fossiles, rehausser nos objectifs climatiques et adapter notre gouvernance pour les atteindre. Pour ce faire, à l’article 1er, nous fixons l’objectif d’atteindre la neutralité carbone en 2050. En termes de méthode, il s’agit de diviser les émissions de gaz à effet de serre par un facteur supérieur à six par rapport à 1990 ; c’est donc plus ambitieux que le texte actuel. Nous diminuerons encore davantage notre consommation énergétique primaire d’énergies fossiles, en passant avec cette loi de moins 30 %, qui est la base législative actuelle, à moins 40 % d’ici à 2030.

Nous avons également souhaité mettre en place une instance d’expertise scientifique indépendante. Le Haut Conseil pour le climat, créé à l’article 2 de la loi, sera chargé d’émettre des avis et recommandations sur l’ensemble des politiques publiques et sur leur conformité avec notre trajectoire climatique ambitieuse. Comme vous le savez, cette instance a commencé ses travaux et nous incite à aller plus loin et à mieux intégrer les enjeux écologiques dans toutes nos politiques publiques.

Le troisième objectif de ce texte est de nous donner les moyens d’assurer la fermeture des centrales à charbon en accompagnant les territoires et les salariés concernés. Le Président de la République en a pris l’engagement. C’est un choix fort pour le climat. Ces quatre centrales émettent près de 10 millions de tonnes de CO2 par an, soit à peu près l’équivalent de 4 millions de véhicules thermiques. L’article 3 du texte donne au Gouvernement l’assise juridique nécessaire pour procéder à la fermeture effective des centrales, en permettant à l’autorité administrative de plafonner leur durée de fonctionnement. Depuis dix mois, nous mettons tout en place pour nous donner les moyens juridiques, humains et territoriaux pour réussir cette mutation industrielle et accompagner les territoires et les salariés concernés. Notre objectif est de signer les projets de territoire sur les quatre territoires touchés avec les élus, les parties prenantes et les acteurs économiques d’ici à la fin de l’année 2019.

Enfin, le quatrième objectif est de régler des problèmes trop longtemps restés en suspens.

En matière d’autorité environnementale, l’insécurité juridique qui demeurait jusqu’alors favorisait les contentieux et fragilisait les petits projets d’énergies renouvelables, notamment solaires. L’article 4 doit permettre de sécuriser le cadre juridique de l’évaluation environnementale, afin de faciliter la concrétisation des projets en revenant au système en vigueur jusqu’alors.

Des dispositions ont été adoptées à l’Assemblée nationale pour accélérer plus encore le développement des énergies renouvelables, notamment le photovoltaïque. Je m’en réjouis, pour la transition énergétique, pour nos territoires et pour les entreprises qui en bénéficieront.

Sur les tarifs de l’électricité, le Gouvernement a pris des engagements forts devant les Français : geler les hausses en hiver et augmenter le montant du chèque énergie pour atténuer les effets des augmentations. Néanmoins, au sein du Gouvernement, nous ne pouvons pas nous résoudre à être spectateurs d’un mode de calcul invariable. C’est pourquoi le projet de loi doit permettre de stabiliser les prix en relevant le plafond de l’Arenh à 150 térawattheures, ce qui permettra aux consommateurs français de profiter de la stabilité des prix du parc nucléaire.

Nous avons aussi fait procéder à une saisine rectificative du Conseil d’État pour que les éléments de la loi Pacte concernant les tarifs régulés du gaz et de l’électricité puissent être adoptés dans le cadre de ce projet de loi.

Le projet de loi a déjà été et continuera d’être enrichi par les débats parlementaires. Le travail fourni par les parlementaires le montre, les élus partagent le constat de l’urgence que je dressais voilà quelques instants. Ceux-ci ont souhaité l’inscrire au cœur même du texte, qui a été profondément enrichi à l’Assemblée nationale comme en commissions au Sénat ; jusqu’ici, plus de 378 amendements ont été adoptés.

Je sais que les parlementaires aspirent à être pleinement associés à la politique énergétique. C’est légitime, et j’y souscris. Le principe d’une loi de programmation quinquennale pour le climat répond à cette attente. Cette loi vous sera présentée à la prochaine échéance de la PPE, en 2023. Tous les cinq ans, le Parlement aura les moyens de s’assurer de la réussite de la transition énergétique et d’en fixer les prochaines étapes. C’est une évolution significative par rapport à la loi de 2015. En bref, le texte qui vous est présenté aujourd’hui sera l’occasion de renforcer l’implication et le travail du Parlement, afin que celui-ci joue pleinement son rôle dans la transition écologique.

Parmi les mesures supplémentaires que les députés ont souhaité introduire, je pense à la question essentielle de la rénovation des passoires thermiques ; elles sont une aberration écologique et représentent évidemment un coût pour nos concitoyens. C’est pourquoi, pour agir sans pénaliser les propriétaires, le texte a prévu trois phases : incitation, obligation, contrainte. Cette dernière phase sera définie lors de la programmation quinquennale de l’énergie en 2023. La convention citoyenne pour le climat pourra évidemment être associée à ces réflexions et proposer des mesures pour en accélérer le mouvement. Dans la première période, l’incitation, avec Julien Denormandie, nous retravaillerons à la simplification des aides, à l’amélioration des dispositifs d’accompagnement des particuliers, à l’amélioration de l’accompagnement des professionnels, à la gestion des copropriétés, pour en faire en sorte que le système soit le plus fluide, le plus opérationnel et le plus efficace possible.

Les amendements que le Gouvernement défendra au cours des débats visent principalement à préciser des éléments techniques, notamment sur la rénovation, sur les garanties d’origines et, plus largement, sur les tarifs du gaz et de l’électricité. De plus, nous avons souhaité soutenir l’hydrogène décarboné, produit à partir de l’électrolyse de l’eau, suite à de nombreuses demandes, pour profiter pleinement du mix électrique français. Nous souhaitons véritablement garantir l’efficacité de l’autorité environnementale à travers son organisation. C’est un impératif pour pouvoir atteindre nos objectifs en matière d’énergies renouvelables. Enfin, le Gouvernement doit conserver la possibilité de relever le plafond de l’Arenh. Nous en avons pris l’engagement devant les Français.

Avant le débat en séance, le texte qui nous rassemble aujourd’hui a pu bénéficier de l’expertise des sénatrices et des sénateurs en commission. Je comprends que les délais ont été très brefs. Je voudrais saluer l’investissement de tous ceux qui y ont travaillé jusqu’à présent.

Je vous remercie aussi d’avoir été constructifs, car nous avons l’occasion de trouver ensemble des terrains d’entente et de construire une vision et un plan d’action véritablement durables. Je crois pouvoir le dire, le travail a été riche, qu’il s’agisse de compléter la définition de la neutralité carbone, d’intégrer l’aspect social dans le plan stratégique d’EDF ou d’apporter des améliorations sur le contrat expérimental pour les solutions électriques renouvelables innovantes. De nombreuses autres précisions et simplifications soulignent la connaissance fine de nombre d’entre vous sur ces sujets.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je crois qu’il revient naturellement au législateur de fixer les orientations de long terme de la politique énergétique et climatique et au Gouvernement de mettre en œuvre les moyens nécessaires pour les réaliser. Ce texte répond à la nécessité que nous agissions et que chacun prenne ses responsabilités. Déjà enrichi par le débat parlementaire, il constitue une étape décisive dans la transition écologique. Je forme le vœu que les débats qui s’ouvrent aujourd’hui soient constructifs, exigeants et sincères. Je sais que ce sera le cas. Je serai à vos côtés dans ce débat.

Nous ne devons avoir qu’une seule bataille, une seule exigence : relever le défi de la transition écologique. C’est l’engagement du ministère de la transition écologique et solidaire, du Gouvernement et du Président de la République. Je sais pouvoir compter sur vous.

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