Intervention de Pascale Bories

Réunion du 16 juillet 2019 à 14h30
Énergie et climat — Discussion générale

Photo de Pascale BoriesPascale Bories :

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui le projet de loi relatif à l’énergie et au climat, pour lequel la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable a reçu une délégation au fond de la commission des affaires économiques de neuf articles, notamment l’article 2, sur le Haut Conseil pour le climat, et l’article 4 sur l’autorité environnementale.

C’est une chance que deux commissions permanentes se soient penchées sur le berceau de votre politique énergétique. En effet, avec une seule petite semaine, le Sénat n’a pas disposé, le regrette, du délai suffisant pour examiner en profondeur ce texte, surtout avec quarante-trois articles additionnels. Pour un sujet majeur du quinquennat – vous venez de l’évoquer, madame la secrétaire d’État –, nous pouvons dire qu’il est bien rapidement traité !

Sur le fond à présent, l’urgence climatique nous oblige à prendre des décisions fortes pour demain et, surtout, à agir. Pour autant, elle ne saurait nous conduire à voter dans une hâte excessive un texte dont l’objet premier serait l’obtention d’un satisfecit médiatique. Il est facile d’annoncer de grands objectifs, encore faut-il être capable de transformer ces ambitions en réalité concrète.

À cet égard, je déplore le manque d’une dimension territoriale dans ce texte, s’agissant, en particulier, du volet du soutien financier aux actions des collectivités territoriales en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre, alors même que, comme vous le savez, la réalisation de cet objectif relève en grande partie d’actions locales.

Quelle ambition porte, en outre, un projet de loi qui crée, dans son article 2, un Haut Conseil pour le climat, lequel a pourtant été installé en novembre 2018 par le Président de la République et a remis son premier rapport il y a trois semaines ?

Ayant à cœur de nous montrer constructifs, nous avons, en commission, conservé dans cet article 2 de nombreuses propositions issues de l’Assemblée nationale qui nous semblaient indispensables et nous avons adopté plusieurs amendements visant à clarifier davantage les compétences et le fonctionnement de cet organisme.

S’agissant de la réforme de l’autorité environnementale, vous prétendez clarifier la situation à la suite de la décision du Conseil d’État d’annuler l’attribution au préfet de région de la compétence d’autorité environnementale responsable de l’évaluation de la qualité des études d’impacts réalisées. Loin de sécuriser les porteurs de projets, cette réforme risque pourtant de conduire à une multiplication des recours, compte tenu de l’absence d’autonomie de l’instance chargée d’examiner au cas par cas les projets par rapport à celle qui est compétente pour les autoriser.

Notre commission a donc souhaité sécuriser le dispositif retenu au regard du droit européen, en limitant les situations potentielles de conflit d’intérêts.

Enfin, je tiens à insister sur le manque d’anticipation du Gouvernement sur tous les plans.

Il est risqué, et je dirais même dangereux, de vouloir mener de front tous les combats, comme de fermer quatorze réacteurs nucléaires d’ici à 2035, concomitamment aux centrales à charbon. La priorité absolue est d’assurer la production d’une énergie décarbonée.

Il est encore plus risqué de prendre de telles décisions sans prévoir des dispositions spécifiques en faveur des milliers de salariés concernés par ces fermetures. Nous avons donc souhaité, avec mon collègue Daniel Gremillet, renforcer les mesures d’accompagnement de ces salariés.

Madame la secrétaire d’État, je ne crois pas être hors sujet en évoquant la sempiternelle question du mix énergétique. Ce projet de loi et la programmation pluriannuelle de l’énergie, dont le décret se fait attendre, s’appuient sur des hypothèses qui ne semblent pas gravées dans le marbre.

Dès son introduction, la PPE considère qu’« en 2050, la consommation d’électricité décarbonée pourrait atteindre entre 580 et 610 térawattheures ». Ce postulat repose cependant sur des projections d’économies d’énergie ou de développement des véhicules électriques qui relèvent parfois de la pensée magique. Comme ce fut le cas en ce qui concerne la fin de la vente des véhicules thermiques en 2040, inscrite dans la loi Mobilités, ce projet de loi valide des options technologiques qui pourraient nous conduire dans une impasse énergétique à moyen terme.

Nous n’avons pourtant qu’un horizon : décarboner notre production électrique. Je le dis sans enthousiasme, les leviers ne sont pas inépuisables. Les énergies renouvelables et le nucléaire seront le cœur de notre réponse, encore faut-il l’admettre puis s’y préparer. Quid des EPR ? Quid de l’accès aux métaux rares ? Avec quels partenaires l’assurerons-nous ? Ces questions, madame la secrétaire d’État, restent sans réponse.

Je déplore que ce texte, voté si rapidement, nous prive d’un véritable débat de fond sur notre politique énergétique. Je forme le vœu que, à l’avenir, nous puissions débattre au Parlement de cette question si essentielle de manière moins expéditive.

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