Intervention de Roland Courteau

Réunion du 16 juillet 2019 à 14h30
Énergie et climat — Discussion générale

Photo de Roland CourteauRoland Courteau :

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, parce que les sirènes de l’urgence climatique se font de plus en plus stridentes, parce que le dernier rapport du GIEC est plus alarmant encore, il fallait prolonger et amplifier la loi de 2015 pour la transition énergétique. De fait, au-delà de 2 degrés de réchauffement, nous entrerions dans le domaine de l’irréversible.

Ce projet de loi m’inspire une première question : pourra-t-on dire que, avec lui, la politique de la France sera bien dans les clous du dernier rapport du GIEC ? En d’autres termes, sur les questions majeures, le texte est-il à la hauteur des enjeux écologiques, économiques et sociaux ? Répond-il à la situation d’urgence ? Même s’il est vrai qu’il comprend un certain nombre de mesures intéressantes, compte tenu des enjeux et de l’urgence, ne manquerait-il pas d’envergure ?

Pour en juger, je prendrai deux exemples, qui nous invitent à porter le regard sur l’essentiel.

D’abord, madame la secrétaire d’État, vous fixez des objectifs de réduction de nos consommations d’énergies fossiles à l’horizon de 2030 et de gaz à effet de serre d’ici à 2050. Bien ! Mais, compte tenu du rapport du GIEC et du cri d’alarme de celui-ci, serons-nous, avec ces objectifs, sur la bonne trajectoire ? Ce texte sera-t-il compatible avec les scénarios d’un réchauffement de 1, 5 degré ou avec ceux d’un réchauffement de 2 degrés, voire plus ? Étant entendu que chaque demi-degré compte. Bref, les chiffres fixés ont-ils un fondement scientifique ou sont-ils en deçà ?

Surtout, il faudra dire comment nous atteindrons ces objectifs, par quels moyens et par quels financements. Or, à cet égard, nous ne voyons rien de précis. C’est pourtant sur cela que repose la crédibilité de l’annonce.

Ensuite, il y a la rénovation thermique des 8 millions de logements passoires, un sujet tout aussi fondamental, essentiel pour le climat, l’environnement et la qualité de l’air ; essentiel aussi pour la lutte contre la précarité énergétique et en matière de pouvoir d’achat des ménages ; essentiel enfin pour alléger la facture énergétique de la France, l’emploi et l’activité dans le secteur du bâtiment.

En vérité, l’enjeu est écologique, climatique et social. Le projet de loi prévoit-il un plan d’envergure et rapide pour la rénovation thermique ? Si oui, il ne m’a pas sauté aux yeux…

Je ne dis pas qu’il ne comporte aucune mesure – ce ne serait ni objectif ni juste. Des dispositions sont prévues, mais qui ne répondent pas forcément aux enjeux immédiats et à l’urgence. Elles vont toutes dans le bon sens, mais le problème de ce texte est que l’obligation des travaux de rénovation est repoussée en 2028, voire, pour certains immeubles, en 2033 – échéances trop lointaines, assorties de surcroît de trop nombreuses exceptions.

Bref, l’urgence climatique est remise à plus tard, donc à très tard, peut-être même à trop tard. C’est pourquoi le groupe socialiste a présenté un amendement visant à autoriser le Gouvernement à lever un emprunt à moyen et long terme pour assurer, sans attendre, le financement des investissements dans la rénovation thermique, en aidant notamment ceux qui en ont le plus besoin. Évidemment, nous nous sommes heurtés à l’article 40 de la Constitution…

Madame la secrétaire d’État, la balle est donc maintenant dans votre camp, pour une autre solution.

Pour mémoire, je rappelle volontiers les engagements du candidat Macron pour la création d’un fonds public pour la rénovation et pour la rénovation thermique de la moitié des logements passoires en 2022. Remarquez que c’était plus volontariste que l’objectif de 2028 fixé par le projet de loi… La cohérence entre les engagements et les actes ne saute pas aux yeux !

J’y insiste, il faut une vraie politique, volontariste, dans le domaine de la rénovation, faute de quoi la France se verra accusée, comme ce fut le cas récemment, de donner volontiers des leçons, mais pas assez d’exemples.

Face à des enjeux majeurs, nous attendions mieux. Même si le projet de loi a vu le nombre de ses articles augmenter à l’Assemblée nationale et a été modifié, parfois amélioré, par le Sénat en commission, les motifs de mécontentement ne manquent pas, tels le déplafonnement de l’Arenh et la suppression des tarifs réglementés. Sans parler du projet Hercule d’EDF, autre sujet qui fâche.

Reste que, bien évidemment, nous partageons la volonté affichée de rééquilibrer le bouquet énergétique de la France, en ramenant la part du nucléaire dans notre mix à 50 % à l’horizon de 2025 – échéance plus réaliste, je le reconnais volontiers, que celle que j’avais défendue à cette tribune en 2015.

Le problème, c’est que, par rapport aux enjeux majeurs, écologiques, économiques et sociaux, nous attendions plus. Il serait dommage que ce texte soit celui des occasions manquées.

Dans la discussion des articles, nous reviendrons sur la fermeture des centrales à charbon, sujet environnemental autant que social, et donc sur Cordemais, dont le sort était lié, selon le ministre de Rugy, au démarrage de l’EPR de Flamanville – je le glisse en passant.

À la suite de M. le rapporteur, je souligne qu’il faut rétablir la primauté du législatif sur le réglementaire.

Par ailleurs, je vous dirai tout le mal que je pense de l’Arenh et tout le bien que je pense de l’éolien flottant en Méditerranée, où nous espérons des projets industriels.

Ce qui se joue désormais au niveau planétaire, c’est la survie de l’humanité. L’objectif de maintenir l’élévation de la température sous les 2 degrés, au plus près de 1, 5 degré, ne relève pas de la pure convenance, sachons-le : au-delà, nous entrerions dans l’irréversible, comme le disait un ancien ministre. Je ne saurais mieux dire. Il ne s’agit pas d’en rajouter dans le registre anxiogène, mais de nous mobiliser tous et de parler vrai, sans laisser les problèmes sous le tapis.

Enfin, gardons-nous tous d’oublier que transition énergétique et justice sociale doivent être liées, car, sans adhésion de tous les citoyens, il n’y aura pas de transition réussie !

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