Intervention de Jean-François Husson

Réunion du 16 juillet 2019 à 14h30
Énergie et climat — Discussion générale

Photo de Jean-François HussonJean-François Husson :

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous pouvons nous réjouir que le nouveau monde ait fini par soumettre à l’examen du Parlement un texte qui était bien parti pour ne jamais franchir les grilles du Palais du Luxembourg.

C’est peu dire que le Parlement aura été négligé sur les sujets environnementaux depuis la récente conversion écologique du Gouvernement. Comment en effet peut-on croire un instant au respect du débat parlementaire, quand on voit le temps qui nous est laissé pour traiter de sujets aussi importants que ceux dont nous sommes saisis ? Comment peut-on imaginer que le Gouvernement respecte le travail des assemblées, quand on nous propose, avec ce texte, d’avaliser une programmation pluriannuelle de l’énergie déjà rédigée depuis longtemps ? Sur ce sujet comme sur celui du Haut Conseil pour le climat, institué par décret voilà deux mois, il faudra nous expliquer, madame la secrétaire d’État, votre conception de la hiérarchie des normes !

Le texte débattu cette semaine mérite son qualificatif de « petite loi » : huit articles au départ, se bornant pour la plupart à habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnances ou à transposer des directives européennes.

La révision des objectifs énergétiques devenait certes nécessaire, mais nous aurions pu gagner un peu de temps si les gouvernements successifs avaient davantage écouté le Sénat, qui, dès 2015, a souligné l’impossibilité objective d’une réduction de la part du nucléaire à 50 % dans notre mix en 2025.

Je tiens à saluer le travail réalisé à l’Assemblée nationale et tout particulièrement celui accompli au Sénat, sous l’autorité de Sophie Primas, par le rapporteur, Daniel Gremillet, et la rapporteure pour avis, Pascale Bories, qui ont considérablement enrichi le texte. Sans les apports du Parlement, un projet de loi censé porter sur l’énergie et le climat n’aurait comporté aucune disposition sur la rénovation des bâtiments, ni même sur les énergies renouvelables !

En effet, c’est à la faveur du débat à l’Assemblée nationale qu’ont été introduites les mesures relatives à l’hydrogène, au photovoltaïque et à l’éolien en mer. Sans les travaux du Parlement, nous en serions restés à une programmation pluriannuelle de l’énergie adoptée sous forme de décret, échappant donc totalement à l’examen de la représentation nationale.

Certaines mesures sont à saluer : la réforme de l’Arenh, le renforcement des contrôles sur les certificats d’économies d’énergie et l’introduction, par la commission du Sénat, d’objectifs plus réalistes, qui permettront notamment à nos collectivités territoriales, en première ligne pour la transition écologique, de s’appuyer sur des points d’étape pragmatiques.

Tout cela, néanmoins, ne fait pas une grande loi sur l’énergie, répondant aux défis climatiques qui sont devant nous. Où est, en effet, la « vision grand-angle » du Gouvernement sur le sujet ? Où est le dispositif courageux qui permettra de dépasser la vision punitive de l’écologie pour concilier intelligemment croissance économique, attractivité des territoires et respect de l’environnement ?

Madame la secrétaire d’État, nos territoires, nos chefs d’entreprise, nos concitoyens et les élus ont besoin d’un cap clair et stable à moyen et long terme. Ils ont besoin d’être davantage impliqués dans le défi environnemental. Cela passe par une large concertation, ainsi que par la mobilisation du secteur bancaire et financier. Nos concitoyens nous le demandent aujourd’hui, et la jeunesse – mais pas seulement elle – se mobilise régulièrement, y compris pour des projets promus dans les territoires avec un financement solidaire et participatif, qui nous obligent à regarder l’avenir différemment.

Le grand projet de loi Énergie-climat que nous aurions aimé voter, c’est celui qui aurait proposé une fiscalité verte positive et concilié accompagnement des ménages, progressivité de la charge et transparence dans l’utilisation des recettes.

Vous choisissez de réduire la part de l’énergie nucléaire, alors que celle-ci participe aujourd’hui au bon classement de la France parmi les pays émetteurs de gaz carbonique. Et, paradoxe préoccupant, vous n’investissez que très peu dans les énergies propres ou renouvelables, en oubliant que, sans cet effort de diversification de notre mix, nous continuerons de traîner comme un boulet le solde négatif de notre facture énergétique – 40 milliards d’euros de déficit annuel, soit les deux tiers de notre déficit commercial.

Madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, ce projet de loi est décevant au regard des enjeux et des ambitions proclamées par la communication gouvernementale. Décevant par les mesures proposées, qui manquent significativement de cohérence d’ensemble, il l’est aussi par la méthode employée, qui consiste, je le répète, à faire ratifier par le Parlement des choix fixés par décret. Il déçoit, enfin, au regard des attentes d’une partie croissante de nos concitoyens, dont beaucoup souhaiteraient agir et être accompagnés, plutôt que taxés ou montrés du doigt.

Madame la secrétaire d’État, votre prédécesseur lors de l’entrée en vigueur de l’accord de Paris déclarait : « L’essentiel n’est pas ce qui brille, mais ce qui dure. » Tout est dit, et chacun en mesure aujourd’hui la portée !

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