Je vous remercie de vous intéresser d'aussi près, et sur notre territoire, aux situations locales, notamment ici où le département a toute son importance.
En Saône-et-Loire, nous avons la chance extraordinaire de ne pas avoir de métropole. Cela nous offre la possibilité de travailler au sein du territoire de manière homogène. Je rejoins d'ailleurs les interventions précédentes sur le non-aboutissement de ces mariages forcés de communautés de communes. J'en ai vécu. On a passé des jours, des mois et des années à régler les problèmes administratifs. Ce temps, vous ne le passez pas sur le futur. D'aucuns, en Saône-et-Loire, ont même décidé de retarder la fusion et elle risque d'attendre encore un moment. La perte de temps et d'énergie était telle qu'aujourd'hui je me battrais pour que cela ne se fasse pas. Le mariage de trois communes pauvres a fait que nous disposons maintenant de moins de moyens qu'auparavant.
Je partage un peu l'effet d'aspiration. On peut comprendre que, lorsqu'il y a des aménagements pour attirer des locomotives économiques, les communes d'à côté peuvent le regretter. Il faut que l'ascenseur aille dans les deux sens et que les communes puissent conserver un peu de vie économique dans leur territoire.
La Saône-et-Loire est le sixième plus grand territoire de France. Lorsque vous menez des réflexions sur l'aménagement du territoire, il ne faut pas imaginer quelque chose d'uniforme, comme cela avait été fait il y a quelques années. Ce qui est vrai pour la métropole de Lyon ne l'est pas chez nous. En effet, très vite, la notion de mobilité devient importante. Dans notre département, il n'y a pas une terre où la moitié de la population vivrait dans des conditions confortables avec l'ensemble des services et tous les autres qui seraient délaissés. Notre conception de l'aménagement du territoire dans notre département repose sur l'équilibre. Nous nous efforçons d'être présents partout, bien que ce ne soit pas facile.
À l'époque, avec les grandes régions, l'idée était de supprimer les départements. Heureusement qu'ils existent encore. Si le département de Saône-et-Loire avait été supprimé et que tout se décidait à l'échelle de la région, cela aurait été dramatique. Nous ne nous limitons pas à l'aspect social : nous traitons d'économie, d'aménagement du territoire, de la voirie, nous sommes maîtres d'oeuvre. C'est le département en Saône-et-Loire qui réinstalle des médecins et non les régions !
Le département a la proximité adaptée avec les maires. Quand j'ai fait un appel pour créer mon centre départemental de santé, tous les maires m'ont fait un chèque en blanc. J'ai lancé l'idée au mois de juin 2017, puis j'ai écrit aux maires pour obtenir une mise à disposition de locaux si je parvenais à recruter les médecins. Tous m'ont répondu favorablement car, par cette proximité, nous pouvions construire les choses ensemble. Je suis donc très attaché au département et ce n'est pas en supprimant une entité que vous supprimerez les frais.
Le Président de la République est venu à Autun dans le cadre du Grand débat. Je n'ai pas été critique mais j'ai simplement insisté, par rapport à la loi NOTRe, sur la nécessité de faire confiance aux acteurs du territoire. J'ai cité plusieurs exemples où j'ai été contraint d'agir hors du champ de cette loi. J'ai pris quatre exemples : le centre départemental de santé face à la désertification médicale alors que je n'avais pas cette compétence mais que j'avais les médecins. Sur la question des agriculteurs, je suis également passé outre. On a voulu m'empêcher de régler les problèmes liés à la sécheresse car relevant de l'exploitation d'une entité économique. J'ai donc contourné la loi en créant un dispositif « pré-donneur » permettant de donner une somme à taux zéro à chaque exploitation sur dix ans, pour éviter que les agriculteurs se retrouvent coincés pour acheter des aliments. Dans une terre d'élevage avec 1 300 exploitations, heureusement que nous l'avons fait. Nous avons fait appel à une association en lui donnant les fonds nécessaires - 13 millions d'euros - et en lui confiant la gestion des emprunts qu'elle a mis tout de suite à disposition... alors que la loi l'interdisait.
Il existe d'autres exemples. Avec la région, nous étions intervenus sur une entité qui n'était pas la nôtre : la Route Centre Europe Atlantique (RCEA), qui est une entité d'État. Nous avons travaillé main dans la main avec l'ensemble des élus pour faire pression alors que, là encore, ce n'était pas notre compétence.
La loi NOTRe souffre donc d'un manque de souplesse et si on ne franchit pas cette ligne, comme je l'ai fait plusieurs fois, on n'est pas en capacité de répondre aux attentes du territoire.