La portabilité des données nous rappelle les débats autour de la notion controversée de propriété des données. Notre conception juridique fermement ancrée en Europe est que les données à caractère personnel ne sont pas cessibles, mais qu'elles constituent bien un attribut juridique de la personnalité des individus, hors commerce. Si un internaute consent à ce que ses données soient collectées, il peut dans la seconde suivante demander qu'elles lui soient restituées.
À l'inverse, les Anglo-saxons tendent à adopter une vision patrimoniale des données. Dans cette logique, la cession des données personnelles aux géants du numérique, au prétexte d'en recevoir un hypothétique et dérisoire bénéfice, va en fait de pair avec une perte de contrôle des individus sur leur utilisation. Selon moi, nous devons donc rester fermement attachés à la conception européenne qui qualifie les données personnelles comme des attributs de la personnalité juridique.
Quand on parle de droit à la portabilité des données, de quelles données s'agit-il ? N'oublions pas qu'outre celles qui ont été renseignées, par exemple lors de l'ouverture d'un compte, il y a aussi celles qui ont été collectées durant l'utilisation du réseau. De même, il faut tenir compte des données issues de croisement et partagées entre les différents réseaux, à l'instar de Whatsapp et Facebook.
Ces données là aussi devraient pouvoir faire l'objet du droit à la portabilité, mais on s'attaque alors ici directement le modèle économique de ces grandes entreprises : leur valorisation boursière repose uniquement sur leur capacité à collecter et exploiter ces données ! Face à cela, nous devons affirmer nos valeurs fondamentales. Nous en avons encore les moyens, car si nous avons certes perdu la guerre technologique, l'accès à un marché convoité de 500 millions de consommateurs nous autorise encore à en fixer les règles.