Nous sommes heureux d'avoir l'opportunité de vous présenter la position du Medef sur la souveraineté numérique pour le monde économique.
Le Medef représente 170 000 entreprises adhérentes, d'une taille moyenne de quarante-sept salariés, au travers de soixante-dix-huit fédérations sectorielles et d'une centaine de Medef territoriaux. J'exerce, pour ma part, les fonctions de directeur général adjoint de Sopra Steria, entreprise française parmi les leaders européens de la transformation digitale, qui compte plus de 45 000 collaborateurs dans vingt-cinq pays et qui réalise un chiffre d'affaires supérieur à milliards d'euros. Je préside également la fédération Syntec qui regroupe, dans ses syndicats affiliés, des sociétés françaises spécialisées dans les domaines de l'ingénierie, du numérique, du conseil, de la formation professionnelle et de l'événement. Les 80 000 entreprises que nous représentons dans notre branche emploient environ un million de salariés et affichent un chiffre d'affaires total de 120 milliards d'euros. Je suis enfin président du comité souveraineté et sécurité économiques des entreprises du Medef, que Geoffroy Roux de Bézieux a souhaité créer au début de l'année 2019 pour renforcer la mobilisation des entreprises en la matière. De fait, les années passées dans le secteur public, à la délégation générale pour l'armement puis en cabinet auprès du Premier ministre, Lionel Jospin, m'ont permis de développer une expertise des problématiques de souveraineté.
La création d'un tel comité peut paraître à certains contradictoire avec la veine traditionnellement libérale du Medef, mais il convient de ne pas confondre libéralisme et naïveté et de tirer les enseignements de l'insuffisance des règles qui ont accompagné la libéralisation des marchés en Europe. Nous sommes confrontés à un contexte de tensions économiques internationales et de rivalité accrue entre les nations, avec t des conséquences lourdes sur l'activité des entreprises, qui se trouvent au coeur des enjeux de souveraineté économique. Les entreprises doivent, comme l'État, s'engager pour les protéger cette souveraineté économique. À défaut, le tissu économique français et européen pourrait être constitué, à l'avenir, soit de filiales de groupes extra-européens, soit d'entreprises de services de proximité. Si la réponse au défi de la souveraineté économique et numérique relève du politique, les entreprises portent également une responsabilité. De leur engagement dépend la capacité de l'économie française à créer et à développer des activités et des emplois durables.
Il existe une ligne de crête entre l'attractivité de la France et la souveraineté économique : nous devons demeurer un pays attractif, tout en conservant notre souveraineté, entendue comme la capacité de disposer d'une autonomie d'appréciation des situations, de décision et d'action. Le Medef souhaite jouer un rôle de sensibilisation et proposer des recommandations sur les enjeux liés à la souveraineté économique et numérique. Il faut que la France et l'Europe se dotent des outils, notamment juridiques, financiers et technologiques, pour préserver notre compétitivité et assurer des emplois durables. Nous devons bénéficier d'un cadre réglementaire préservant notre capacité à décider en toute autonomie. Il s'agit d'éviter les situations d'ingérence et de déstabilisation économique, comme les prises de contrôle par des investisseurs étrangers, de lutter contre l'extraterritorialité du droit, notamment américain, l'espionnage économique et industriel et l'action de certains fonds activistes. Le développement d'une culture de la sécurité économique et numérique au sein des entreprises paraît également indispensable.
Notre action vise un double objectif. D'une part, nous devons réinventer et densifier le partenariat entre les entreprises et le secteur public, y compris avec la délégation générale des entreprises, l'Anssi, le SGDSN, les services de renseignement. L'administration a conservé une terminologie pudique avec son service de l'information stratégique et de la sécurité économiques (SISSE), alors que nous osons le terme de souveraineté. D'autre part, il nous revient de mobiliser nos homologues européens, à commencer par la fédération de l'industrie allemande (BDI), car seule sera efficace une action forte et cohérente menée au niveau de l'Union européenne.