Intervention de Dominique de Legge

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 10 juillet 2019 à 9h35
Contrôle budgétaire — Gestion des ressources humaines dans les armées - communication

Photo de Dominique de LeggeDominique de Legge, rapporteur spécial :

Le code militaire me semble exclure de fait les militaires du champ de la directive européenne de 2003 concernant certains aspects du temps de travail : il y a une totale contradiction entre les deux.

Pourquoi y a-t-il autant de contractuels dans l'armée ? Pour conserver une armée jeune. Quand on recrute quelqu'un à 18 ans, on ne le garde pas quarante ans. Un militaire s'engage pour une durée déterminée. Certains d'entre eux souhaitent devenir statutaires, mais ils sont devenus une minorité, à hauteur de 30 %.

La perspective d'une réforme des retraites affecte-t-elle le moral des armées ? À bord d'un bâtiment dont je tairai le nom, j'ai rencontré cinq officiers supérieurs. Deux d'entre eux m'ont dit : « C'est mon dernier embarquement car je n'ai pas de perspective de carrière, et il faut que je parte maintenant si je veux bénéficier du système de retraite actuel et me reconvertir. » - ce qui est probablement faux, car le nouveau système ne s'appliquerait qu'à partir de 2025. Mais cela en dit long sur le climat... Sur le Charles de Gaulle, j'ai demandé à des matelots, pour qui c'est le premier embarquement, et qui n'ont pas forcément de spécialité, comment ils se projetaient à dix ans. Leur réponse m'a surpris : ils ne se projettent pas du tout... La moitié d'entre eux m'ont répondu qu'ils seront probablement encore là dans cinq ans. Tous remercient la marine nationale de les avoir sortis de là où ils étaient, conscients que l'armée leur a donné un cadre, mais ils ne veulent pas forcément y rester.

L'une de nos préconisations, Vincent Capo-Canellas, serait d'avoir des indicateurs qui soient non seulement quantitatifs, mais aussi qualitatifs. La mise en place d'une prime de lien au service me semble intéressante ; elle permettra de dire à un militaire que s'il reste comme atomicien, il touchera 25 000 euros supplémentaires sur cinq ans, soit 5 000 euros par an. Ce n'est pas à la hauteur du différentiel avec le privé, mais c'est une manière de conserver certaines spécialités en tension. Certes, nous risquons d'avoir des grades inférieurs mieux payés que les supérieurs. Ce sera de plus en plus la technicité qui sera reconnue, davantage que le grade.

S'agissant de la réforme des retraites, j'ai rencontré une collaboratrice de M. Delevoye, qui m'a dit qu'elle ne pouvait rien nous dire... Ce qui m'inquiète dans les propos de M. Delevoye, c'est qu'il ne veut prendre en considération, comme rémunération accessoire pour la retraite, que celles liées aux opérations extérieures (Opex). Or il s'agit d'une notion administrative : selon l'endroit où est le Charles de Gaulle, il est en Opex ou non. Lorsqu'il se ravitaille, il peut sortir du cadre de l'Opex. Je suis assez inquiet de cette idée de calculer la retraite spécifique des militaires sur une notion géographique, qui n'a rien à voir avec l'engagement. Certains de nos avions décollent de bases qui ne sont pas en zone Opex pour des raisons de sécurité, ils vont pourtant bien sur un théâtre d'opérations Opex ... Est-ce moins dangereux ?

Christine Lavarde, la contractualisation consiste pour l'armée et le militaire à signer pour une durée d'engagement. Ce qui nous inquiète, c'est que cette durée tend à diminuer.

Gérard Longuet m'interroge sur la promotion des sous-officiers venant du rang et des officiers issus des sous-officiers : si je n'ai pas de chiffre à vous citer, l'armée reste un merveilleux lieu de promotion humaine et sociale. J'ai rencontré un capitaine de vaisseau formateur à Brest qui a commencé comme matelot. Je souhaite que nous ayons des indicateurs qualitatifs de la gestion des ressources humaines.

« Sentinelle » représente 10 000 personnes potentiellement en opération. Concernant les Opex, à chaque seconde 5 000 militaires sont mobilisés. Sachant que la durée d'une Opex est de quatre mois, cela donne une idée de l'engagement de nos armées.

Nous avons pu dire adieu au logiciel Louvois pour la paie des militaires ; c'est le logiciel Source solde qui le remplace. Il a un nom moins évocateur, mais il fonctionne mieux.

Thierry Carcenac, les casernements ne sont pas à la hauteur. Des efforts substantiels sont faits dans le cadre du plan famille. Pour les autres logements, cela passe par des sociétés HLM. Le Val-de-Grâce est devenu une marotte pour moi. Je ne comprends pas pourquoi nous nous obstinons à brader notre patrimoine immobilier, et à loger des militaires affectés à Paris loin en banlieue, avec tous les problèmes que cela pose. Symboliquement, il est important de conserver une capacité d'hébergement en plein coeur de Paris.

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