Le présent texte peut sembler relever de l'ajustement technique, mais il concerne, en réalité, le coeur du quotidien des élus locaux : l'élaboration des documents de planification et le poids administratif et financier que représente leur élaboration. Il porte une demande exprimée de longue date par les communes et les intercommunalités. Les mesures qu'il comprend sont issues des débats parlementaires de la loi ELAN. Malgré un consensus entre le Sénat, l'Assemblée nationale et le Gouvernement, elles ont été censurées par le Conseil constitutionnel en novembre 2018 au motif qu'elles constituaient des cavaliers législatifs.
Le sujet soulevé est plus ancien encore, car la proposition de loi vient corriger les lourdes conséquences d'une articulation manquée entre trois lois successives : la loi du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement, la loi ENE, la loi ALUR du 24 mars 2014 et la loi du 27 janvier 2017 relative à l'égalité et à la citoyenneté. Adoptées en moins de sept ans, elles témoignent de l'instabilité juridique qui touche les documents de planification locale et les compétences des collectivités territoriales. Nous l'avons tous vécu sur nos territoires : les communes et les EPCI doivent s'adapter rapidement aux évolutions successives, au prix de délais d'élaboration allongés et de dépenses budgétaires supplémentaires.
Le RLP est un document similaire au PLU visant à réglementer les affichages publicitaires des villes. Il peut, par exemple, déterminer des zones où s'applique une réglementation plus stricte ou plus souple que le droit commun national, et permet de soumettre certaines enseignes à une autorisation du maire. Depuis la création des RLP dans les années 1980, les communes étaient principalement compétentes pour les élaborer. Puis, en 2010, la loi ENE a lié la compétence en matière de RLP à celle relative au PLU. En 2014, la loi ALUR a ensuite organisé le transfert de la compétence des PLU et des RLP aux intercommunalités. Les EPCI ont dû se saisir de cette nouvelle compétence et se familiariser avec les RLP. De surcroît, la loi ENE a également rapproché le contenu des RLP de celui des PLU en changeant la structure des documents et en modifiant les règles pouvant être fixées dans le RLP.
Il existe aujourd'hui, en conséquence, non moins de quatre types de RLP : des RLP de première génération adoptés avant 2010 par les communes selon l'ancien format, des RLP transitoires adoptés entre 2010 et 2011, des RLP de seconde génération adoptés par les communes, mais conformes au modèle imposé en 2010 et des RLP intercommunaux adoptés par les EPCI depuis 2010. Sur les 1 681 RLP, seulement 82, soit 5 %, sont intercommunaux. A contrario, 1 211 RLP, soit 72 % des documents, ont été adoptés avant 2010 et ne se sont pas conformes.
Vient s'ajouter à ce paysage complexe une contrainte supplémentaire : pour inciter à l'élaboration de RLP à l'échelle intercommunale et selon le nouveau modèle, la loi ENE a organisé la caducité des RLP de première génération au 14 juillet 2020. Dans moins de dix mois, 1 211 documents locaux pourraient donc disparaître ! Imaginez l'ampleur des conséquences pour les communes concernées, dont je donnerai trois exemples : le règlement national de publicité, souvent moins protecteur, s'appliquera au risque de voir fleurir des milliers d'affichages publicitaires sauvages, sans moyen de s'y opposer ; le pouvoir de police de la publicité sera transféré du maire au préfet, ce qui constituerait un dessaisissement regrettable des communes et intercommunalités ; enfin, celles-ci perdront les recettes liées au mobilier urbain et à la publicité dans les villes. Pour la seule métropole d'Aix-Marseille-Provence, cela représenterait une perte annuelle de 11 millions d'euros.
La proposition de loi reporte donc de deux ans l'échéance de cette caducité brutale et indiscriminée lorsque l'EPCI s'est déjà engagé dans l'élaboration d'un RLP. Nous devons, en effet, encourager cette dynamique, et non pas lui mettre un coup d'arrêt brutal ou favoriser les territoires ne respectant pas la loi. Il faut, en moyenne, deux à trois ans pour élaborer un RLP intercommunal, alors que certains EPCI ont acquis cette compétence depuis à peine un an. La caducité représente alors une sanction disproportionnée.
Je vous proposerai également d'offrir une protection supplémentaire aux professionnels qui subiraient les conséquences de cette caducité. Si le RLP communal disparaît brutalement en juillet 2020, des centaines de milliers de dispositifs publicitaires pourraient devenir illégaux. Leurs propriétaires doivent bénéficier d'un délai raisonnable de deux ans leur permettant de se mettre en conformité, sans quoi ils seront exposés à des poursuites et à des coûts colossaux.
La proposition de loi harmonise, en outre, les procédures applicables aux PLU et aux RLP, dont le contenu est similaire et l'élaboration confiée au même EPCI. Par exemple, les intercommunalités de grande taille, telles que les métropoles, peuvent élaborer des PLU infra-communautaires et mener à terme les procédures de PLU engagées par les communes membres avant la création de l'EPCI. Ces possibilités ne sont pas expressément prévues dans le cas des RLP. Or, de nombreuses intercommunalités ont déjà entrepris d'élaborer ou de réviser leurs documents selon ces procédures. Cela les expose à une forte insécurité juridique, les RLP intercommunaux adoptés pouvant être annulés par le juge administratif pour vice de forme. Il convient de valider les RLP des intercommunalités qui ont fait l'effort de s'engager dans cette démarche, mais ont appliqué de bonne foi des procédures non prévues. Il faut également que la loi étende aux RLP les assouplissements valables pour les PLU.
Je vous suggérerai, à cet égard, de réparer un oubli de la proposition de loi : si elle prévoit bien ces souplesses dans le cas des EPCI à fiscalité propre, elle ne couvre pas les établissements publics territoriaux (EPT) du Grand Paris, lesquels disposent pourtant de la compétence en matière de RLP.
Par ailleurs, je vous proposerai d'opérer une coordination relative à la date d'entrée en vigueur de dispositions d'interdiction de la publicité, afin d'assurer une cohérence avec le report de l'échéance de caducité des RLP.
La présente proposition de loi, si elle peut sembler modeste, répond en réalité à l'urgence. Le droit en vigueur, en effet, met les communes et les intercommunalités dans une situation extrêmement délicate en prévoyant une caducité généralisée des RLP dans moins d'un an et en fragilisant les RLP intercommunaux déjà adoptés. Si nous ne remédions pas rapidement à cette situation en stabilisant et en articulant le droit existant, nous placerons des freins considérables à la dynamique vertueuse qui s'engage. La représentation nationale et le Gouvernement doivent se montrer à l'écoute des élus locaux et assurer le « service après-vente » des obligations législatives qu'ils mettent en place.
Madame la secrétaire d'État, il y a donc urgence, et j'espère que vous soutiendrez l'initiative du Sénat en inscrivant au plus vite cette proposition de loi à l'ordre du jour gouvernemental à l'Assemblée nationale. Il y va de l'avenir de plus de 1 200 communes et de notre cadre de vie commun. Vous y serez sûrement sensible, alors que notre hémicycle résonne des débats sur la publicité à outrance dans le cadre de l'examen de votre projet de loi relatif à l'économie circulaire.