Madame la ministre, vous avez inventé le projet de loi à obsolescence programmée : pas encore définitivement adopté et déjà caduc ! Les faits l’ont démontré durant tout l’été.
Le premier de ces faits, ce sont les incendies qui ont ravagé une immense partie de la forêt amazonienne, ressource formidable de biodiversité et de carbone vital – forêt primaire dans laquelle, en Guyane, vous autorisez toujours des exploitations minières tout en niant le droit des peuples autochtones.
Autre alerte, les nouvelles simulations qui serviront de base au rapport du GIEC de 2021 prévoient que la hausse de température moyenne globale pourrait atteindre 6, 5 à 7 degrés en 2100. Pour contenir le réchauffement climatique à 2 degrés en 2040, les réductions d’émissions de gaz à effet de serre devraient être immédiates et massives, sans commune mesure avec les trajectoires actuelles, ni même avec les engagements – non respectés d’ailleurs – de l’accord de Paris. L’objectif de 40 % de baisse des émissions de gaz à effet de serre en 2030 est donc bien insuffisant pour rester sous 2 degrés de réchauffement et atteindre une neutralité carbone en 2050.
Les scientifiques nous ont alertés de nouveau hier lors de la présentation du rapport du GIEC sur les conséquences du réchauffement climatique sur nos océans. Elles sont catastrophiques : amoindrissement des capacités d’absorption du CO2 par l’océan, disparition des écosystèmes marins, hausse du niveau des mers… Le changement climatique n’est plus une menace théorique : il est déjà une réalité. Si rien n’est fait, à terme, et beaucoup plus rapidement qu’on ne le pensait, toutes les espèces, la nôtre incluse, seront menacées.
Madame la ministre, nous n’avons plus confiance. Les jeunes, les ONG, les gilets rouges, jaunes ou verts n’ont plus confiance non plus. Ils ont compris une chose : vous ne changez rien et vous ne changerez rien. Vos mots sonnent creux et marquent votre impuissance. Vos politiques restent soumises au capitalisme, à la surconsommation à outrance et à la course au profit.
Pourtant, agir n’est plus une option : c’est un impératif vital, qui implique des changements radicaux, globaux et rapides.
En premier lieu, il est nécessaire de rompre avec l’austérité budgétaire pour investir largement. Ainsi, une stratégie globale de lutte contre le changement climatique ne peut se limiter à la production d’électricité, mais doit porter également sur l’efficacité énergétique, le logement, les transports, l’alimentation, bref tous les étages.
Il est facile de se donner bonne conscience en déclarant l’urgence climatique à l’ONU ou de faire des selfies tout l’été avec le cacique Raoni. Mais où sont les milliards d’euros nécessaires à la transition énergétique ? Assurément pas dans ce projet de loi ! Où sont les filières industrielles pour la réussite de la transition énergétique ? Assurément pas en France !
Le Haut Conseil pour le climat fait état d’un manque d’investissements publics et privés de plus de 40 milliards d’euros en 2018 dans les secteurs clés des transports, du bâtiment et de la production d’énergie. En parallèle, les investissements qui entretiennent l’utilisation des énergies fossiles en France ont atteint 75 milliards d’euros en 2017 ! C’est sûrement la politique du « en même temps »…
Il est nécessaire également de rompre avec le libre-échange et la multiplication d’accords commerciaux accroissant consumérisme, transport international de marchandises et dumping environnemental. Madame la ministre, vous voulez sauver l’Amazonie et la planète ? Alors ne signez pas le Mercosur et le CETA qui vont accélérer l’agro-business et la déforestation !
L’astrophysicien Jean-Pierre Bibring rappelait lors de la dernière Fête de l’Humanité que « nous consommons sur terre plus d’énergie qu’en produit le noyau terrestre. Sans changement de mode de production, de consommation, sans la fin du capitalisme tel que nous le connaissons, ce sera la fin de nos civilisations. Il nous faut sortir du “capitalocène” ».
Ces menaces pesant sur la planète creusent également les inégalités entre continents, entre pays et dans chacun d’entre eux. La précarité s’installe durablement en France, et avec la fin des tarifs réglementés du gaz et la prise en compte de l’atteinte du plafond de l’Arenh dans le calcul des tarifs réglementés de vente d’électricité, elle sera accentuée.
Ce texte maintiendra de nombreuses familles dans des passoires thermiques tant les reculs sur le volet logement ont été importants. Voici la réalité : ce sont les plus précaires qui subissent en premier lieu le réchauffement climatique.
Ce qui anime ce projet de loi, c’est la poursuite du démantèlement général du service public, en l’occurrence de l’énergie, à travers la promotion des communautés d’énergie et la fin des tarifs réglementés. Or la transition énergétique ne se fera pas sans justice sociale.
Pour conclure, la lutte contre le changement climatique ne peut être de la seule responsabilité des individus. Il faut un engagement massif des États et des entreprises. Ce projet de loi aurait dû être l’occasion de prendre la mesure de l’urgence à laquelle nous sommes tous confrontés.
Je citerai pour finir Philippe Geluck, le père de la bande dessinée Le Chat : « Je pense sincèrement que la pollution de la planète, ce n’est pas aussi grave qu’on le dit… C’est beaucoup plus grave qu’on le dit. »
Je salue moi aussi le travail de notre rapporteur, mais compte tenu de tout ce que je viens de dire, les membres de mon groupe voteront contre ce texte.