Intervention de Michel Laugier

Réunion du 26 septembre 2019 à 11h00
Modernisation de la distribution de la presse — Adoption des conclusions d'une commission mixte paritaire

Photo de Michel LaugierMichel Laugier :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voilà arrivés à la fin de nos débats sur le projet de loi relatif à la modernisation de la distribution de la presse.

Ce texte qui réforme en profondeur l’historique loi Bichet de 1947 était attendu – c’est le moins que l’on puisse dire – et depuis longtemps, tant les principaux rouages qui ont fait la force et l’efficacité de notre système de distribution depuis la Libération étaient grippés, voire défaillants.

Il vous est revenu, monsieur le ministre, de mener à bien ce chantier avec courage et, je dois le dire, avec habileté.

Il y avait un point d’équilibre à trouver entre les diffuseurs de presse, trop souvent oubliés du système, les éditeurs, les deux messageries, mais également les dépositaires centraux.

Sans aller jusqu’à tenter de faire croire que le texte que nous examinons aujourd’hui a satisfait tout le monde, je crois pouvoir dire qu’il constitue une position raisonnablement satisfaisante, qui offre enfin des perspectives de développement et conforte le modèle économique de la presse.

Pour parvenir à cet équilibre, monsieur le ministre, vous avez choisi de vous appuyer sur le Parlement, singulièrement sur le Sénat, que vous avez saisi en premier lieu.

Je tiens à souligner et à saluer votre capacité d’écoute et celle de vos services, qui, sous votre impulsion, nous ont permis de travailler en toute confiance et en toute clarté. Je n’oublie pas non plus les collaborateurs de la commission de la culture du Sénat.

Je tiens à rappeler les grands principes de ce texte.

Premier principe, la régulation sera intégralement confiée à l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, l’Arcep, ce qui met un terme à l’autorégulation du secteur.

La nouvelle autorité de régulation devrait notamment veiller à ce que les nouvelles sociétés agréées qui assureront, à compter de 2023, la distribution des journaux sur le territoire œuvreront bien dans le respect des objectifs d’intérêt général attachés à la presse.

Deuxième principe, les diffuseurs de presse seront enfin placés au centre du système, avec la possibilité de mener une réelle politique commerciale.

À l’accès illimité au réseau, ayant contribué à l’engorgement des linéaires, va succéder, une fois précisée que la presse d’information politique et générale conserve un droit absolu à être distribuée, une négociation pour déterminer l’assortiment servi dans les différents points de vente.

Troisième principe, la diffusion numérique de la presse est désormais prise en compte, qu’elle soit le fait des kiosques numériques ou des agrégateurs.

Cela rejoint pleinement la conviction de la commission sur la nécessité de réguler le monde numérique.

Cette conviction, soutenue à l’échelon européen de manière forte par notre présidente, Catherine Morin-Desailly, qui a fait adopter à l’unanimité une résolution européenne sur la responsabilité des hébergeurs, sera prochainement réaffirmée en séance avec la proposition de loi visant à lutter contre les contenus haineux sur internet.

Les nombreux apports des deux chambres, issus de tous les groupes politiques, ont contribué à améliorer significativement ce projet de loi.

Je veux évoquer quelques-uns des principaux amendements adoptés par le Sénat qui se retrouvent dans le présent texte : sur l’initiative de Jean-Pierre Leleux, le droit de « première présentation » des éditeurs auprès des distributeurs de presse, ce qui garantit l’accès au réseau pour toutes les nouveautés ; sur l’initiative de David Assouline, la mention dans le cahier des charges des futures messageries du respect des principes d’indépendance, de pluralisme, de non-discrimination et de continuité territoriale, ainsi que la publicité des barèmes établis par les sociétés agréées ; sur l’initiative de Françoise Laborde, la mission de veiller au respect du pluralisme confiée à l’Arcep.

Monsieur le ministre, vous vous étiez par ailleurs engagé à répondre à la préoccupation exprimée par Françoise Laborde, qui souhaitait inscrire dans la loi que l’Arcep disposait de vingt-quatre heures pour répondre à une situation mettant en jeu la distribution des quotidiens. L’Assemblée nationale a donc adopté un délai de quarante-huit heures dans ce cas précis, contre un mois pour les autres publications. Je vous remercie, monsieur le ministre, d’avoir su répondre à cette préoccupation légitime et d’avoir ainsi tenu votre engagement.

De son côté, l’Assemblée nationale a mené un important travail de coordination de l’ensemble des dispositions du texte. Elle a également pu traiter la question du statut des porteurs de presse, par souci d’équité avec les vendeurs colporteurs.

En définitive, seules deux divergences sont apparues entre nos assemblées

La première concerne la problématique des dépositaires centraux. L’Assemblée nationale est revenue au texte initial, ce qui ne me paraissait pas suffisant compte tenu de la place centrale de la profession. Une position de compromis a été trouvée sur le sujet, et elle satisfait les parties.

La seconde concerne l’avis du maire pour l’implantation des points de vente. Celui-ci, introduit en commission sur mon initiative, a été transformé à la suite de l’adoption d’un amendement de Françoise Laborde en avis conforme. L’Assemblée nationale a jugé bon de revenir à un avis simple ; à la réflexion, cela me semble plus prudent.

Dès lors, rien ne s’opposait à l’accord que nous avons élaboré avec le rapporteur de l’Assemblée nationale, Laurent Garcia, que je tiens à saluer pour la qualité de son écoute.

Je disais en ouverture que notre discussion de ce jour constituait la fin de nos débats.

Maintenant que le projet de loi va être adopté au Sénat – je le souhaite en tout cas – et prochainement à l’Assemblée nationale, je veux évoquer à cette tribune trois défis à relever.

Tout d’abord, à très court terme, il faudra trouver une solution à la situation de Presstalis.

On parle d’adossement, mais ce dossier ne semble pas progresser. En dépit des efforts certains de l’ensemble des personnels, les comptes sont encore déficitaires. Nous avons appris très récemment le départ de la présidente de l’entreprise, Michèle Benbunan, avec laquelle nous avions travaillé en toute confiance.

L’examen du prochain projet de loi de finances pourra nous offrir l’occasion de dresser un état de la situation, mais je constate, à regret, qu’elle n’a pas beaucoup évolué depuis le mois d’avril.

Or la distribution de quotidiens repose aujourd’hui sur cette seule société et il serait illusoire de penser que son défaut aurait une incidence autre que désastreuse pour toute la filière.

À moyen terme, il faudra répondre aux défis posés par l’adaptation du réseau des vendeurs de presse.

Ces derniers ont été trop longtemps les grands oubliés d’un système plus axé sur la distribution que sur la vente. L’amélioration de leurs conditions d’exercice et de leur niveau de vie doit rapidement découler de la mise en place du nouveau système issu du texte que nous examinons ce jour.

Il faudra, pour ce faire, que les éditeurs et les messageries jouent rapidement le jeu, mettent à niveau un système informatique très défaillant et soient en mesure de nouer un dialogue commercial suivi et fluide.

J’en profite pour dire un mot sur le rôle, qui me paraît essentiel en la matière, des dépositaires centraux de presse. Ceux-ci constituent un maillon indispensable à ce jour, et je suis heureux de pouvoir dire que le compromis trouvé avec l’Assemblée nationale s’est traduit par un geste en leur faveur.

Enfin, à plus long terme, il faudra s’assurer que les principes mis en place d’ici au 1er janvier 2023, et désormais soumis au contrôle de l’Arcep, puissent pleinement s’appliquer au bénéfice de tous et qu’ils permettront de mettre un terme, comme je le souligne depuis longtemps, aux renflouements réguliers de l’État. Les finances publiques n’ont pas vocation à soutenir perpétuellement un secteur économique qui est en mesure de trouver par lui-même son équilibre ! L’atteinte de cet équilibre est, je crois, un souhait partagé par tous.

En conclusion, si le secteur de la presse traverse une crise, dont nous avons tous conscience, nous avons su collectivement, et avec un grand sens des responsabilités, nous emparer de ces sujets et commencer à les traiter avec enthousiasme et dans des délais très brefs. Nos débats ont souvent montré de réelles convergences, traduisant bien l’attention que nous portons à la liberté et à l’indépendance de la presse.

À cet égard, je ne peux pas ne pas citer, ici, la proposition de loi de notre collègue David Assouline tendant à créer un droit voisin au profit des agences de presse et des éditeurs de presse, adoptée à l’unanimité par le Sénat et adoptée conforme par l’Assemblée nationale. Ce texte offre de réelles perspectives, dont doivent maintenant se saisir les acteurs de la presse. Je compte sur vous, monsieur le ministre, pour ramener Google à la raison !

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je vous remercie de votre attention. Je propose d’adopter le texte issu des travaux de la CMP.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion