Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous franchissons aujourd’hui la dernière étape de l’examen du projet de loi relatif à la modernisation de la distribution de la presse. La commission mixte paritaire, qui s’est réunie mardi 24 septembre dernier, est parvenue à un accord, sans surprise tant la réforme de la loi Bichet est attendue.
C’est le signe que nos assemblées peuvent se retrouver sur des positions communes et travailler de façon constructive avec le Gouvernement, pour sauver – ou défendre, plutôt – un des symboles de notre démocratie : la liberté de la presse.
Le présent texte est décisif pour la survie d’un secteur en crise, qui doit maintenant se moderniser pour franchir le cap de la révolution numérique. La chute du volume de vente au numéro de 54 % en dix ans, l’attrition des revenus de la presse écrite de 41 % sur la même période, la fermeture des points de vente, au rythme de 1 000 par an, sont les principaux symptômes de cette crise ayant touché de plein fouet la principale messagerie de presse, Presstalis.
En réponse à cette situation d’urgence, le Gouvernement a fait le choix d’ouvrir le secteur de la distribution à la concurrence à l’échéance de janvier 2023 et de placer la régulation du secteur sous la responsabilité unique de l’Arcep, dont les pouvoirs, renforcés, seront étendus aux kiosques numériques.
Pour offrir plus de souplesse aux marchands de presse dans la gestion de leur commerce, le Gouvernement a aussi fait le choix d’instaurer une quasi-liberté d’assortiment des titres.
Cette liberté n’est pas absolue. D’une part, le texte institue un principe de non-discrimination et de transparence au profit de la distribution des publications. D’autre part, l’accès des éditeurs de titres d’information politique et générale à l’ensemble du réseau de distribution est une garantie constitutionnelle qu’il n’est pas question de remettre en cause. Il s’agit de préserver le pluralisme des opinions et la vitalité des débats, et nous en mesurons l’importance.
Ainsi, le Gouvernement a opté pour une évolution de la loi Bichet, sans rupture avec les grands principes qui ont sous-tendu son adoption, à l’heure de la libération de la France, comme des garde-fous démocratiques contre le déchaînement de la propagande. Ces principes sont plus que jamais d’actualité. Pour reprendre les mots du Conseil national de la Résistance, il nous faut veiller à garder intacts « la liberté de la presse, son honneur et son indépendance à l’égard de l’État, des puissances de l’argent et des influences étrangères ».
À ce titre, mon groupe se félicite de l’adoption par l’Assemblée nationale de l’amendement républicain visant à restreindre les parts pouvant être détenues par un actionnaire extracommunautaire dans une société de distribution de presse. Cette disposition vise précisément à limiter l’immixtion de puissances étrangères, États ou multinationales, dans ce que notre démocratie a de plus sensible : l’opinion publique.
L’opinion publique, en effet, est une proie facile pour les algorithmes des géants du web, les Gafam, créateurs de bulles informationnelles dans lesquelles seules les opinions semblables se rencontrent et se cristallisent.
S’agissant des Gafam, monsieur le ministre, nous suivons très attentivement le dialogue parfois un peu abrasif que vous entretenez actuellement avec eux. Nous avons bien pris note de la présentation que vous avez faite de la situation actuelle. Bien évidemment, nous vous soutenons dans cette démarche.
À l’issue des travaux de la commission mixte paritaire, les principaux apports du Sénat ont été conservés.
Pour renforcer le rôle des élus, affectés par les fermetures des points de vente et la désertification des territoires, la commission de la culture – j’en profite pour saluer l’excellent travail de notre rapporteur, depuis le début de l’examen de ce texte et jusqu’aux conclusions de la CMP et au vote de ce jour – a souhaité associer le maire à la décision d’implantation sur sa commune d’un diffuseur de presse, placée sous la responsabilité de la Commission du réseau.
Le Sénat a également renforcé les pouvoirs de l’Arcep, afin de favoriser l’efficacité de la régulation du secteur et sa transparence, notamment à l’égard du Parlement et des organisations professionnelles des diffuseurs de presse, qui seront consultées avant de fixer le cadre de leur rémunération.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, ce texte va dans le bon sens. Nous savons que l’avenir de la distribution de la presse dépend de son adoption. Nous ne pouvons que le souligner et soutenir cette réforme.