Intervention de Catherine Morin-Desailly

Réunion du 26 septembre 2019 à 11h00
Modernisation de la distribution de la presse — Adoption des conclusions d'une commission mixte paritaire

Photo de Catherine Morin-DesaillyCatherine Morin-Desailly :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, au terme de cette discussion générale, l’accord atteint par les deux assemblées est une très grande satisfaction pour moi, à la fois comme présidente de la commission de la culture et comme parlementaire représentant nos territoires.

Tout d’abord, comme présidente de commission, je ne peux que souligner la très grande qualité du travail accompli par notre collègue Michel Laugier, qui était rapporteur pour la première fois. Il a su faire preuve, tout à la fois, de diplomatie et de fermeté pour faire valoir les convictions exprimées de longue date par le Sénat.

Au-delà de cette réussite sur un sujet technique et – il faut bien le dire – très complexe, je suis heureuse de constater que notre commission, notamment dans le domaine de la presse, a su faire entendre sa voix et ses positions. Fortes de leur cohérence, ces dernières ont d’ailleurs connu une très large approbation sur ces travées : en témoigne l’accord dont font l’objet, non seulement ce projet de loi, mais aussi – je veux le rappeler – la loi tendant à créer un droit voisin au profit des agences de presse et des éditeurs de presse, issue de la proposition de loi de notre collègue David Assouline. Je reviendrai sur cette loi, dont l’application suscite depuis hier quelques émotions.

Monsieur le ministre, comme vous, je me satisfais également de la bonne atmosphère qui a régné entre les deux chambres du Parlement comme avec vos services : ainsi, nous avons pu accomplir un travail commun approfondi, dans le sens de l’intérêt général. Bien entendu, le futur projet de loi relatif à l’audiovisuel public nous conduira, de nouveau, à beaucoup travailler ensemble : j’espère que la même atmosphère régnera.

Mes chers collègues, notre commission a marqué, cette année, toute son attention pour la presse ; bien entendu, elle continuera de le faire, car elle est consciente du rôle essentiel que la presse joue dans l’équilibre de nos démocraties, aujourd’hui fragilisées par la désinformation multipliée sous toutes ses formes.

Ensuite, comme élue locale, passionnée par les territoires, je tiens à exprimer la satisfaction que ce texte m’inspire sur le fond.

Au sein de cette assemblée, nous connaissons tous l’importance des marchands de presse, dont les commerces sont des lieux de vie, de transmission du savoir et de l’information.

C’est dans nos territoires que bat le cœur de la presse nationale, de la presse locale, de la presse magazine, de la presse sportive, bref de toute la presse. Le système français de distribution, unique au monde, vise à créer les conditions d’une égalité entre nos concitoyens dans l’accès à l’information. Ce système existe depuis 1947, et il fallait le préserver à tout prix pour ne pas creuser encore plus les écarts entre nos territoires.

Le texte que nous examinons aujourd’hui, amélioré de manière substantielle grâce aux contributions de M. le rapporteur et de l’ensemble des groupes, préserve cette spécificité française d’une égalité dans la diffusion. C’est un premier point positif, et nous devons nous en réjouir, car des projets beaucoup plus durs auraient pu être présentés.

Toutefois, au-delà de cet acquis si important, demeure la question de l’avenir des marchands de presse. Nous, élus locaux, ne pouvons pas nous résoudre à les voir fermer boutique les uns après les autres sous les coups de boutoir de la diffusion en ligne et d’un système de distribution obsolète. Notre commission y a veillé : le texte que nous vous proposons d’adopter aujourd’hui place résolument au centre de ses préoccupations ces marchands de presse trop longtemps ignorés.

Le nouveau système, qui entrera en vigueur progressivement, permet d’envisager la fin de cette spirale mortifère de fermetures en créant les conditions d’une réelle autonomie des marchands. Ainsi, ces derniers pourront adapter beaucoup plus facilement leur offre de presse aux attentes de leur lectorat, bien entendu dans le respect de la diversité et du pluralisme.

Disons-le franchement : nous espérons tous voir finir ce spectacle désolant de cartons entiers remplis de publications en nombre tel que les rayonnages croulent littéralement. Cette autonomie des marchands de presse, que toute la profession attendait, devrait – nous l’espérons sincèrement – permettre un sursaut et un surcroît d’attractivité pour cette profession, et donc pour nos territoires.

J’ajoute que, sur l’initiative de Michel Laugier, un avis du maire sera maintenant requis pour l’ouverture d’un point de presse. Cette disposition me semble de nature à permettre une meilleure association des maires au développement de ces commerces de proximité si particuliers.

Enfin, je dirai un mot d’un sujet qui me tient singulièrement à cœur : il s’agit du numérique.

Ce projet de loi pose une nouvelle pierre de ce qui constituera bientôt une régulation globale. La proposition de loi visant à lutter contre les contenus haineux sur internet, que nous examinerons prochainement, va également dans ce sens.

Ce sujet exige une réelle stratégie d’ensemble, déployée, bien sûr, à l’échelle européenne ; elle appelle une unité de vues et d’action de tous les régulateurs. À ce titre, les dispositions législatives se succèdent : elles sont toutes bonnes en tant que telles, mais l’on aimerait une plus grande cohérence générale, une plus grande logique. Surtout, il faut fixer clairement les moyens à accorder d’urgence aux régulateurs : jusqu’à présent, ils ne sont pas toujours bien définis – on l’a encore constaté en examinant le dernier projet de loi de finances.

Évidemment, l’annonce pleine de mépris que Google a faite hier au sujet des droits voisins ne peut que conforter ma conviction acquise de très longue date : il n’est vraiment pas possible de travailler en confiance avec les géants du numérique. Ils foulent au pied nos institutions démocratiques : on l’a vu avec l’affaire Cambridge Analytica. Ils ne se privent pas de piller nos données personnelles pour des usages douteux. Ils font de l’optimisation fiscale, mais refusent de payer pour l’information : quel paradoxe !

Monsieur le ministre, l’annonce d’hier n’est pas une péripétie : c’est même, en quelque sorte, une déclaration de guerre ! Nous devons défendre nos modèles économiques, sociaux et culturels face aux géants du numérique.

À ce propos, vous le savez – nous en parlons souvent –, vous pouvez vous appuyer sur les travaux du Sénat, et en particulier sur ceux que mène notre commission, pour avancer rapidement à l’échelle européenne.

Ce matin même, ici, au Sénat, nous recevions avec le Mouvement européen l’ambassadeur de Finlande : le 1er juillet dernier, son pays a pris la tête de l’Union européenne, et il va la garder dans les mois à venir. Je lui ai une nouvelle fois demandé ce que la Finlande comptait faire pour mettre d’accord l’ensemble des États membres au sujet de la souveraineté numérique, qui implique notre souveraineté culturelle. Vous l’avez dit, vous souhaitez rencontrer vos homologues pour évoquer ce dossier avec eux.

Monsieur le ministre, dans cette affaire, vous pouvez compter sur notre entier soutien. Nous espérons pouvoir travailler avec vous à l’élaboration d’une stratégie globale et définitivement offensive !

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion