Intervention de Françoise Gatel

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 25 septembre 2019 à 10h05
Projet de loi relatif à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique — Audition de Mme Jacqueline Gourault ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales et de M. Sébastien Lecornu ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales

Photo de Françoise GatelFrançoise Gatel, rapporteure :

Vous avez salué la fonction inspirante du Sénat sur le présent texte et vous nous avez encouragés à poursuivre dans cette voie. Nous répondrons bien entendu à votre appel. Le projet de loi engage un processus utile d'évaluation et de correction des dispositions législatives qu'il conviendra de poursuivre, comme devront être développées les études d'impact. Vous avez également affirmé, avec justesse, que la commune se trouvait au coeur de la République. Il y a longtemps que nos concitoyens ont inventé le guichet unique : lorsqu'ils ont une question de quelque nature que ce soit, ils s'adressent au maire, jugé responsable, car il est élu. Il doit, en conséquence, participer à la décision au sein de l'intercommunalité. Il ne s'agit pas d'un texte contre l'intercommunalité. Mathieu Darnaud et moi-même ne cultivons aucune allergie, aucun sentiment irritant à son égard. Sa création était nécessaire, bien qu'elle soit quelque peu sortie de son dessein initial en devenant trop intégratrice et trop systématique. Elle a alors pu être vécue comme une tutelle et a donné le sentiment aux élus municipaux d'être éloignés de la décision. Nous devons lui redonner sa valeur d'outil de coopération.

La France est une République une et indivisible, mais aussi une mosaïque. Nous avons le devoir d'assurer l'égalité des citoyens dans l'accès aux services, mais les moyens pour accéder à cet objectif peuvent différer. Faisons preuve de souplesse et laissons aux élus une liberté d'adaptation !

Le projet de loi prend acte des dysfonctionnements provoqués sur les territoires par les dernières réformes, notamment s'agissant de l'intercommunalité. Il faut admettre sans considération politicienne que, parfois, les périmètres intercommunaux ont été agrandis de manière inconsidérée, au prix de créations intercommunales quelque peu contre nature. Par ailleurs, le transfert de compétences obligatoires toujours plus nombreuses aux EPCI à fiscalité propre conduit certains d'entre eux à exercer des compétences qu'ils jugent parfois encombrantes. Vous proposez une innovation législative : la sub-délégation de compétence aux communes volontaires pour l'eau et l'assainissement. N'est-il pas envisageable de l'étendre à d'autres compétences intercommunales, afin de prendre en compte la diversité des territoires ?

Ma deuxième question concerne les conséquences financières des délégations de compétences. Concernant l'eau et l'assainissement, l'exposé des motifs de l'article 5 du projet de loi indique que « si la mise en oeuvre de la délégation provoque la rétrocession de ressources financières aux communes, le coefficient d'intégration fiscal sera modifié en conséquence (...) si besoin, les ajustements nécessaires à cet effet seront effectués en lois de finances ». Toutefois, vos services nous ont annoncé que le Gouvernement renoncerait à cette idée. C'est essentiel ! En effet, si l'EPCI à fiscalité propre devait attribuer des ressources à ses communes membres pour l'exercice des compétences déléguées, elles seraient librement déterminées par convention et ne relèveraient pas des mécanismes habituels de redistribution de produits fiscaux au sein des ensembles intercommunaux.

Par ailleurs, que penseriez-vous d'un mécanisme visant à neutraliser les conséquences financières, pour un ensemble intercommunal, des restitutions de compétences aux communes membres ? À titre d'illustration, la communauté d'agglomération d'Annecy, après son extension en 2017, a souhaité restituer à ses communes membres des compétences de proximité comme la gestion des crèches ou de certains équipements sportifs et culturels, ainsi que les ressources financières correspondantes. Il en est résulté une baisse de son coefficient d'intégration fiscale (CIF) et, partant, de sa dotation d'intercommunalité, alors que les communes n'ont perçu, en compensation, aucun concours financier supplémentaire de l'État.

Approuveriez-vous l'idée qu'un EPCI à fiscalité propre puisse, comme un syndicat « à la carte », se voir transférer des compétences facultatives par une partie seulement de ses communes membres ? Il s'agit de ma troisième question.

Ma dernière question porte sur les communes nouvelles. Plusieurs d'entre elles ont vu leur création annulée au motif que les comités techniques compétents, qui doivent émettre un avis avant la délibération définitive du conseil municipal sur la création de la commune nouvelle, n'avaient pas été consultés ou avaient rendu leur avis tardivement. Pour une création au 1er janvier, les étapes administratives doivent être réalisées en octobre ou en novembre, afin que le préfet puisse prendre son arrêté. Il s'agit donc d'un motif d'annulation fort contrariant. Qu'entend faire le Gouvernement pour remédier à cette situation qui met à mal la stabilité des institutions communales ?

Par ailleurs, nous avons eu l'occasion, lors du débat sur les communes nouvelles, d'aborder le sujet de la création de communes nouvelles établies sur deux départements, qui nécessite l'accord des conseils départementaux ou du législateur. Il existe déjà des EPCI appartenant à plusieurs départements, car ils correspondent à un bassin de vie. Ne pourrions-nous pas faire évoluer la législation vers davantage de souplesse ?

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