Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi qui est examinée aujourd’hui a fait l’objet d’une procédure de législation en commission, la LEC. Dans le cas de cette proposition de loi, la LEC a montré qu’elle avait toute son utilité, non seulement pour traiter de sujets techniques, mais aussi pour permettre d’accélérer l’examen de textes très attendus.
En effet, si ce texte peut, à première vue, sembler de l’ordre de l’ajustement technique, il est, en réalité, tout le contraire : il porte sur un sujet qui touche au quotidien des élus locaux, sur une difficulté à laquelle il est urgent d’apporter une solution. Ce sujet, c’est celui du poids administratif et financier de l’élaboration des documents locaux de planification. Nous connaissons bien les contraintes qui s’appliquent aux élus locaux.
La proposition de loi de notre collègue Serge Babary traite du cas particulier des règlements locaux de publicité, les RLP : ce document de planification locale, similaire au plan local d’urbanisme, le PLU, vise à réglementer les affichages publicitaires des villes, en durcissant ou assouplissant le droit commun national. Ce n’est pas la première fois que ce sujet des règlements locaux de publicité intercommunaux arrive devant notre assemblée. Il s’agit d’une demande exprimée de longue date par les communes et les intercommunalités.
En effet, les élus locaux pâtissent des lourdes conséquences d’une articulation manquée entre trois lois successives : la loi portant engagement national pour l’environnement de juillet 2010 ; la loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, dite loi ALUR, de mars 2014 ; et la loi relative à l’égalité et à la citoyenneté de janvier 2017. Ces trois lois, adoptées en moins de sept ans, témoignent de l’instabilité juridique qui touche les compétences locales et les documents de planification. Les communes et les EPCI, les établissements publics de coopération intercommunale, doivent s’adapter très vite aux évolutions successives, au prix de délais d’élaboration allongés et de dépenses supplémentaires.
Depuis la création des RLP, c’étaient principalement les communes qui étaient compétentes pour les élaborer. Mais depuis la loi ALUR, qui a organisé le transfert de la compétence de PLU et donc de RLP aux intercommunalités, les EPCI ont dû se saisir de cette nouvelle compétence. Or il faut en moyenne deux à trois ans pour élaborer un RLP intercommunal, alors que certains EPCI ont acquis cette compétence il y a à peine un an.
En conséquence de ces évolutions rapides, il existe aujourd’hui non moins de quatre types de règlements locaux de publicité sur le territoire. À peine 5 % des RLP existants en France sont des RLP intercommunaux conformes aux lois les plus récentes ; 1 211 RLP, soit 72 %, sont des RLP « ancien modèle ».
Une contrainte supplémentaire vient encore compliquer la tâche des intercommunalités : pour inciter à l’élaboration de RLP conformes, la loi a prévu la caducité de tous les RLP de première génération au 14 juillet 2020. C’est demain ! Dans moins de dix mois, ce sont donc 1 211 documents locaux qui pourraient tout bonnement disparaître. Imaginez l’ampleur des conséquences pour les communes concernées ! Je vous en donnerai trois exemples.
Premièrement, le règlement national de base s’appliquera au lieu des réglementations locales. Les maires risquent de voir fleurir des milliers d’affichages publicitaires sauvages, sans moyen de s’y opposer.
Deuxièmement, le pouvoir de police de la publicité sera transféré au préfet, alors qu’il est dans les mains du maire sous le régime du RLP. Ce serait un dessaisissement des communes.
Troisièmement, enfin, les collectivités perdraient les recettes liées au mobilier urbain et à la publicité dans les villes. Pour la seule métropole d’Aix-Marseille-Provence, cela représenterait une perte de 11 millions d’euros par an.
L’autre problème auquel s’attaque la proposition de loi est le manque d’articulation entre les procédures applicables aux PLU et aux RLP. Alors que dans la plupart des cas, ce sont bien les mêmes EPCI qui élaborent ces deux documents, parfois simultanément, les procédures applicables n’ont pas été harmonisées. Par exemple, les grands EPCI tels que les métropoles peuvent élaborer des PLU dits « infracommunautaires » à l’échelle de territoires. Ces possibilités ne sont pas expressément prévues dans le cas des RLP. Or de nombreuses collectivités ont déjà entrepris d’élaborer ou de réviser leurs documents selon ces nouvelles procédures.
Vous mesurez bien, mes chers collègues, que les communes et intercommunalités font face à une double urgence : il faut, d’une part, sécuriser les documents de planification déjà élaborés ou en cours d’élaboration, et, d’autre part, permettre à ces procédures d’être menées à leur terme avant que la caducité généralisée ne les frappe.
Attentif aux demandes des territoires, le Parlement avait trouvé une solution. Les deux mesures de la présente proposition de loi avaient en effet déjà été adoptées dans la loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, dite loi ÉLAN, que j’ai eu l’honneur de rapporter ici. Néanmoins, malgré un consensus, les deux articles relatifs aux RLP ont été censurés par le Conseil constitutionnel en novembre 2018, qui les a considérés comme des « cavaliers législatifs ».
La présente proposition de loi offre une nouvelle chance de prévoir les assouplissements nécessaires. Elle apporte deux solutions.
D’abord, le texte reporte de deux ans l’échéance de caducité des RLP, mais uniquement dans le cas où l’EPCI s’est déjà engagé dans l’élaboration d’un RLP intercommunal conforme.
Ensuite, le texte valide les RLP des intercommunalités qui ont appliqué de bonne foi des procédures non prévues par la loi, et précise que les assouplissements de procédure valables pour les PLU intercommunaux sont aussi valables pour les RLP intercommunaux.
La commission des affaires économiques soutient pleinement les mesures proposées par le texte. Ce sont là deux mesures de bon sens, très attendues par les intercommunalités et les communes qui se trouvent aujourd’hui dos au mur. Lors de l’examen dans le cadre de la LEC, la commission a enrichi la proposition de loi sur trois volets.