Sur la conjoncture, il ne s'agit pas d'être pessimiste ou optimiste, mais lucide. Or il y a au moins trois éléments nouveaux qui font que le ralentissement de la croissance mondiale risque de se poursuivre dans les mois qui viennent. Il y a d'abord une crise commerciale ouverte entre la Chine et les États-Unis, dont je rappelle depuis deux ans qu'elle ne fera que des perdants. En début d'année, 50 milliards d'euros de biens chinois importés aux États-Unis étaient taxés. Nous en serons, à la fin de l'année, à 520 milliards d'euros d'importations chinoises victimes de tarifs américains à 10 % ou à 25 %. Bien sûr, l'impact sur la circulation de ces biens et du commerce mondial est considérable. Et je ne vois pas l'administration américaine dans de très bonnes dispositions sur ces sanctions, y compris dans le cadre du conflit entre Boeing et Airbus, qui a fait l'objet d'un jugement de l'OMC, en première instance, favorable à Boeing, ce qui permet aux États-Unis d'infliger des sanctions à l'Europe. Nous pourrons prendre des mesures de réaction dans huit mois, mais cela fait plusieurs mois que nous expliquons aux États-Unis qu'il vaudrait mieux chercher un accord à l'amiable. Nous avons plaidé à tous les niveaux de l'État pour cela. Il y a fort à parier que, malgré cela, les États-Unis s'engageront dans une politique de sanctions. Ce serait une erreur économique, mais aussi une erreur politique, puisque cela nous amènerait nécessairement à réagir, ce qui ne favoriserait pas le niveau de la croissance mondiale, ni celle de la zone euro.
Deuxième élément : la croissance allemande a fortement fléchi, l'industrie automobile allemande étant la première victime de ce ralentissement du commerce mondial.
Troisième élément : le Brexit va coûter environ 0,2 point de PIB à la zone euro d'ici l'année prochaine.
La seule bonne nouvelle, c'est que la croissance française résiste, justement parce que notre politique de l'offre commence à donner des résultats et parce que le pouvoir d'achat des ménages français a augmenté de près de 2 points en 2019, ce qui a fait fortement augmenter leur consommation, notamment au deuxième trimestre. C'est la preuve que notre politique économique est sur la bonne voie.
J'en viens à la dette publique. Elle s'élevait à 60 % du PIB avant la crise ; pour en compenser les effets, nous avons massivement dépensé, mais comme on n'a pas, en même temps, mené de politique de réduction des dépenses publiques, nous n'avons pas retrouvé ensuite des niveaux d'endettement satisfaisants. Nous avons aussi repris la dette de la SNCF, pour un montant de 35 milliards d'euros. Si nous voulons faire baisser la dette publique, je ne connais que deux leviers efficaces : la croissance - nous l'avons -, et la baisse structurelle de la dépense publique - nous avons lancé le mouvement et il faut aller plus loin. Nous devons poursuivre cette baisse de la dépense publique dans les années qui viennent, sinon nous le paierons par la suite. Vous avez évoqué l'Allemagne. Merci d'avoir rappelé qu'en 2007, à la fin du quinquennat de Jacques Chirac, au moment où Dominique de Villepin était Premier ministre, la dette s'établissait à 60 % du PIB, la croissance était là et le chômage était à un niveau extrêmement bas, preuve que la politique économique avait été efficace. Si l'Allemagne a des comptes publics bien tenus, sa croissance est inquiétante. Dans cette situation, le mieux à faire est, comme nous l'expliquons à nos amis allemands, d'investir pour éviter que la situation ne se dégrade davantage. Cela aurait des effets bénéfiques pour les Allemands et pour toute la zone euro.