Intervention de Didier Migaud

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 2 octobre 2019 à 9h30
Projet de loi de finances pour 2020 — Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 - Audition de M. Didier Migaud président du haut conseil des finances publiques sur l'avis du haut conseil

Didier Migaud, président du Haut Conseil des finances publiques :

Parmi les organismes et personnalités que nous avons consultés, aucun n'a fait du Brexit sans accord son scenario central. Les conséquences sur 2019 seront de toute façon faibles. Pour atteindre 1,3 % ou 1,4 % de croissance, il faut faire 0,35 % à chaque trimestre. Cela sera surtout une question d'arrondi... Nous avons donc considéré que l'hypothèse de croissance pour 2019 était atteignable. Pour 2020, cela va dépendre de la conjoncture internationale mais, en l'état des informations et des prévisions, nous sommes dans la fourchette. Il est vrai que certains pays se montrent plus prudents dans leurs prévisions. C'est qu'ils ont des pratiques différentes. Ainsi, aux Pays-Bas, le Gouvernement travaille à partir des hypothèses arrêtées par une institution indépendante mais, systématiquement, il diminue le scénario central de 0,25 point. Chez nous, la présence du Haut conseil des finances publiques a contribué à rendre les hypothèses des gouvernements beaucoup plus raisonnables, puisqu'ils s'exposent à un avis réservé de cette instance.

Sur les missions du Haut Conseil des finances publiques, la France a fait une interprétation minimaliste des textes européens. La révision à venir de lois organiques serait peut-être l'occasion d'étendre ses pouvoirs, notamment à l'analyse des risques dans les scénarios de finances publiques.

Nous avons constaté que le délai de réaction de la consommation à la hausse du pouvoir d'achat est supérieur à ce qu'on observait auparavant. Le Gouvernement prévoit que la consommation gagnera en vigueur au deuxième semestre 2019 et sur l'année 2020 : c'est vraisemblable. Il annonce une hausse de 1,2 % de la consommation des ménages, après 0,9 % en 2018. Sa prévision reste prudente, puisqu'elle reste en deçà de l'augmentation du pouvoir d'achat. Il prévoit une légère diminution du taux d'épargne, mais pas vraiment significative, les ménages conservant ainsi une partie des gains de pouvoir d'achat. Les dernières indications sur le moral des ménages sont plutôt positives, ce qui conforte encore le scenario du Gouvernement sur la consommation.

L'impact de la réforme des retraites se fera à long terme. Bien sûr, les tensions sociales peuvent avoir des conséquences sur l'activité mais, pour l'instant, les dernières enquêtes sur le moral des Français vont plutôt dans le bon sens, et s'améliorent depuis six mois. Certes, il suffit parfois de peu de choses pour que cela parte en sens inverse.

Les cotisations augmentent effectivement moins que la masse salariale en 2019, en partie à cause de la prime exceptionnelle, qui n'est pas soumise à cotisations. Cela explique le décalage entre les prévisions en termes de recettes et le niveau de la masse salariale, légèrement plus élevé.

Les marges de manoeuvre ne sont jamais nulles, puisque l'effort structurel peut consister soit à baisser la dépense, soit à augmenter la recette - soit à faire les deux. Il est donc toujours possible, pour un Gouvernement, d'augmenter les marges de manoeuvre à travers une augmentation des prélèvements obligatoires.

Les banques, enfin, sont dans une situation plus solide qu'en 2009, compte tenu d'un certain nombre de règles qui ont été établies depuis, d'ailleurs plus rigoureuses au sein de l'Union européenne qu'aux États-Unis. Pour autant, les taux négatifs sont un facteur de fragilisation à moyen et long terme, ce qui pourra les contraindre à prendre un certain nombre de mesures - tout dépendra de la longévité de ces taux négatifs. On peut les comprendre sur du très court terme, plus difficilement sur dix ans.

Compte tenu de la gestion intelligente de notre dette, le choc d'une remontée des taux d'intérêt peut ne pas être brutal, mais l'impact sera lourd. La charge de la dette sera l'an prochain de 33 ou 34 milliards d'euros, quand elle était de 40 milliards d'euros il y a peu. La proportion de la charge de la dette par rapport au PIB a sensiblement diminué, alors même que notre dette a explosé ! Il faut rester prudent, car cette situation peut ne pas durer.

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