Intervention de Jérôme Fournel

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 2 octobre 2019 à 9h30
Audition de M. Jérôme Fournel directeur général des finances publiques

Jérôme Fournel, directeur général des finances publiques :

La DGFiP connaît en effet des transformations importantes, qui sont au coeur de sujets de relation avec la fiscalité et avec les territoires. C'est la deuxième administration civile de l'État et elle est extrêmement structurante pour le fonctionnement de nos services publics et pour l'ensemble des fonctions financières, foncières et de propriété de l'État. Elle est à l'origine de quelque 600 milliards d'euros de collecte de ressources, depuis l'établissement de l'assiette jusqu'au recouvrement et aux contrôles. Elle enregistre, comptabilise et suit la totalité des dépenses publiques de l'État et des collectivités territoriales, et une partie des dépenses sociales à travers les hôpitaux et les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad). Elle assure la vision sur la totalité du cadastre du pays et sur l'ensemble des transactions foncières immobilières via la publicité foncière. Elle gère les pensions de l'ensemble des fonctionnaires de l'État. Et bien d'autres choses... C'est dire l'importance de l'administration des finances publiques !

Sur tous ces sujets, elle subit de plein fouet l'évolution numérique, avec la dématérialisation et l'émergence de la donnée comme sujet fondamental de gestion d'un certain nombre de processus - sans parler de la fracture numérique. En quelques années, nous sommes passés de 0 à 70 % de déclarants en ligne. La suppression de la TH aura aussi un impact majeur : en Mayenne, par exemple, 40 % des visites aux services des impôts des particuliers sont liées à la TH, principalement sur la résidence principale. Quant au prélèvement à la source, il modifie la façon dont l'impôt est collecté. Comme on améliore le taux de recouvrement spontané et immédiat, il y aura moins de relances, moins de recouvrements forcés et moins de contrôles à faire. La contemporanéisation des crédits d'impôt et le passage à des logiques de déclaration tacite auront le même effet, en évitant le traitement de millions de documents.

Le passage au numérique ne touche pas seulement la fonction de gestion de l'impôt. Elle concerne aussi la question du contrôle fiscal et de sa programmation, avec l'émergence d'outils de data mining, gérés par la mission « Requêtes et valorisation ». Autre question : comment assurer avec des outils numériques une meilleure pertinence des outils de recouvrement ? Dans des chaînes de la dépense où l'intervention humaine est plus limitée, comment repérer des défaillances ou des erreurs dans le traitement des mandats et des ordonnances ? Nous avons aussi des projets sur le foncier innovant pour améliorer la façon dont on traite les données foncières.

Nous n'en sommes pas moins très vigilants sur l'implantation physique de nos services. La DGFiP a près de 5 000 implantations sur le territoire, dans quelque 2 000 communes, y compris au titre de la gestion des impôts, de la trésorerie et de la comptabilité des collectivités territoriales. Au Canada, par exemple, tout est dématérialisé, et il n'y a presqu'aucun contact humain. Ce n'est pas le choix qu'a fait la France. Nous souhaitons maintenir une proximité, ne fût-ce que pour la partie de la population qui ne déclare pas en ligne. Nous cherchons donc à réformer notre organisation tout en améliorant le service public fourni à la population et aux élus locaux. C'est toute la logique du nouveau réseau de proximité que nous développons. Jusqu'à présent, une trésorerie avait trois fonctions : traitement de mandat - fonction qui peut gagner en productivité - conseil aux collectivités territoriales et accueil de proximité. Nous avons décidé de protéger les fonctions de conseil et de proximité, et de les développer - d'où l'augmentation de 30 à 40 % du nombre de points de proximité et l'identification d'une personne chargée du conseil aux collectivités territoriales, avec en parallèle une massification du service sur les fonctions de back office et de traitement des mandats en recettes et en dépenses. Nous prenons le temps pour faire ces transformations, et nous pourrons revenir sur la concertation qui est en cours.

Le numérique, ce ne sont pas uniquement des opportunités, mais aussi des fragilités. Il peut servir à des hackers pour entrer dans nos systèmes. Cet été, environ 2 000 contribuables ont été victimes d'une opération de piratage, via leurs boîtes mail. Il est vrai que, pour des pirates, accéder à un compte fiscal n'a qu'un intérêt relatif - je doute qu'ils aient envie de payer des impôts à la place des contribuables ! Nous devons toutefois veiller à la sécurité du système, ne serait-ce que pour protéger le secret fiscal. Il peut aussi y avoir des tentatives de substitution d'identité bancaire pour se faire recréditer des montants... En Bulgarie, il y a eu cet été une fuite majeure qui a touché 5 millions de comptes, dont les informations ont été largement diffusées, à telle enseigne que la Commission européenne nous a demandé d'interrompre les transmissions automatiques d'informations avec ce pays. Je travaille régulièrement avec le haut fonctionnaire de défense et de sécurité du ministère sur ces questions.

En tous cas, dans la quasi-totalité des champs d'intervention de la DGFiP, les mouvements et les transformations sont extrêmement importants. Cela crée des inquiétudes, et le mouvement social que vous avez évoqué a reçu une adhésion significative, avec 36 % de grévistes. Nous essayons de privilégier la concertation, notamment pour la mise en oeuvre du nouveau réseau, pour laquelle on se projette jusqu'à 2023, ce qui laisse du temps. Nous nous efforçons aussi de rassurer les agents sur les conditions de travail qui seront les leurs avec ces mutations. Nous développons des outils de télétravail et de travail à distance, pour leur permettre de ne pas avoir à bouger s'ils ne le souhaitent pas. Enfin, nous accompagnerons les mutations et les transformations par un certain nombre de mesures de ressources humaines, que nous sommes en train de de finaliser. Nous avons une feuille de route budgétaire et de moyens pour les trois ans à venir.

Il reste à dessiner une feuille de route stratégique à plus long terme pour la DGFiP, pour que chaque agent puisse se projeter à l'horizon 2025. Les sujets de formation sont également très importants, et nous allons devoir y investir massivement au cours des prochaines années, d'autant plus que nous aurons un taux de départ en retraite important à tous les niveaux de la hiérarchie. Nous demandons aussi une mobilisation de chaque instant de l'encadrement, du directeur général comme des cadres intermédiaires, de mon comité directeur comme de l'ensemble des directeurs, pour aller sur le terrain, expliquer, faire de la pédagogie, rassurer. Nous veillons naturellement à ce que chacun puisse progressivement comprendre les évolutions et mesurer leur sens pour notre métier.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion