Intervention de Françoise Gatel

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 2 octobre 2019 à 8h35
Projet de loi relatif à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Françoise GatelFrançoise Gatel, rapporteur :

À la suite de la crise des « gilets jaunes » et du Grand débat, le Gouvernement reconnaît enfin la nécessité de s'appuyer sur les collectivités territoriales, leurs élus et, tout particulièrement les maires, véritables sentinelles de la République sur notre territoire. Le Sénat, représentant constitutionnel des collectivités territoriales, ne peut que s'en féliciter.

Alors qu'un vaste projet de loi relatif à la décentralisation, à la différenciation territoriale et à la déconcentration de l'État, dit « 3D », est annoncé pour le second semestre 2020, le Gouvernement nous présente un projet de loi relatif à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique, à la portée plus limitée.

Il s'agit, selon les termes du Premier ministre, de faire disparaître les « irritants » de la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe). Les mesures proposées visent en effet à apporter divers assouplissements aux règles excessivement rigides imposées par les dernières réformes territoriales, mais aussi à consolider les pouvoirs des communes et des maires et à apporter plusieurs améliorations attendues aux conditions d'exercice des mandats locaux.

Ces diverses mesures, souvent directement inspirées de propositions de loi ou de travaux d'information du Sénat, sont pour la plupart bienvenues. Nous avons néanmoins souhaité donner à ce texte une ambition plus vaste.

La coopération intercommunale constitue l'un des principaux volets de ce projet de loi. Les dernières réformes territoriales ont, sur ce sujet, suscité beaucoup d'incompréhension et de difficultés pratiques, voire de blocages, sur le terrain. Le texte du Gouvernement, qui traite à la fois de la gouvernance, des compétences et du périmètre des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre, tente d'apporter des remèdes à ces dysfonctionnements.

Nous vous proposerons de renforcer sensiblement les mesures proposées. L'objectif est de consolider la place des communes et des maires dans le fonctionnement de l'intercommunalité, qui doit rester un espace de coopération et, surtout, d'assouplir la répartition des compétences entre les échelons communal et intercommunal afin d'adapter l'organisation aux réalités du territoire. Il n'est pas question de détricoter l'intercommunalité. La coopération intercommunale représente une chance et une force pour notre pays, y compris pour les territoires ruraux, à condition que ses formes soient adaptées aux besoins de chaque territoire et qu'elle n'éloigne pas inutilement la prise de décision du terrain.

Les mesures relatives à la gouvernance de l'EPCI ont pour objet de remettre le maire au coeur du village. Dans l'ensemble, elles vont dans le bon sens. Elles encouragent à la conclusion d'un pacte de gouvernance et à la création d'une conférence des maires, tout en conservant aux élus locaux les latitudes nécessaires pour adapter la gouvernance de leur EPCI aux spécificités de leur territoire. Nous vous proposerons, pour plus de souplesse, d'autoriser les EPCI, dans le cadre du pacte de gouvernance, à confier la création ou la gestion de certains équipements ou services intercommunaux à leurs communes membres. Nous vous proposerons également, afin de renforcer l'association de l'ensemble des élus municipaux, de consacrer leur droit à l'information sur les affaires intercommunales.

Les ajustements proposés par le Gouvernement en matière de répartition des compétences au sein du bloc communal sont bienvenus, mais limités. Nous proposerons de les enrichir. S'agissant de la distribution d'eau et de l'assainissement des eaux usées, le Gouvernement a pris conscience des dysfonctionnements provoqués par le transfert obligatoire de ces compétences à l'intercommunalité. Toutefois, nous estimons que le mécanisme de délégation de compétence prévu par le projet de loi est inutilement complexe. Il nous semble préférable que ce transfert redevienne facultatif, conformément à la position constante du Sénat.

En matière de tourisme, à la suite des nombreuses difficultés issues de la loi NOTRe, le texte du Gouvernement permettrait aux communes classées stations de tourisme, au nombre de 400 environ, de reprendre la maîtrise de la compétence « promotion du tourisme » et la gestion de leur office de tourisme. Nous vous proposerons d'étendre cette possibilité aux communes membres de communautés urbaines ou de métropoles. Il nous semble également nécessaire d'organiser la coopération entre ces communes et leur EPCI.

Au-delà de ces mesures sectorielles, il nous paraît souhaitable d'aller plus loin, afin de faire prévaloir le principe de subsidiarité. Nous vous proposerons donc d'adopter plusieurs articles additionnels. Le premier vise à supprimer la catégorie des compétences optionnelles des communautés de communes et d'agglomération. Cette catégorie n'a plus lieu d'être aujourd'hui, à présent que les compétences obligatoires des EPCI à fiscalité propre se sont largement développées. Les compétences exercées à titre optionnel le seraient désormais à titre facultatif. Le deuxième article additionnel ouvrirait la voie à des transferts « à la carte » de compétences facultatives aux EPCI à fiscalité propre, sur le modèle de ce qui existe dans les syndicats de communes. Le troisième article additionnel permettrait d'inscrire dans la loi la procédure de restitution de compétences d'un EPCI à fiscalité propre à ses communes membres, et le quatrième d'assurer la neutralité financière de ces restitutions. Enfin, le cinquième article additionnel permettrait de limiter le transfert de la compétence voirie aux seules voies d'intérêt communautaire ou métropolitain.

Troisième thématique liée à l'intercommunalité : le périmètre des EPCI et la carte intercommunale. Le projet de loi comprend quelques dispositions pour remédier aux égarements les plus criants de la dernière refonte de la carte intercommunale, qui n'a pas toujours tenu compte des réalités territoriales - mariages forcés, périmètres très vastes ... Serait ainsi créée une procédure de scission d'une communauté de communes ou d'agglomération, afin de simplifier les conditions d'un « divorce à l'amiable ». De même, le projet de loi propose de créer, au bénéfice des communes membres d'une communauté d'agglomération, une procédure dérogatoire de retrait de la communauté en vue d'une adhésion à un autre EPCI à fiscalité propre. Une telle procédure existe déjà dans les communautés de communes. Ces mesures sur l'intercommunalité nous semblent aller dans le bon sens. Nous vous proposons de les adopter, telles que complétées par les dispositions que je viens de vous présenter.

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