Intervention de Jean-Yves Roux

Réunion du 3 octobre 2019 à 10h30
Adapter la france aux dérèglements climatiques — Débat organisé à la demande de la délégation sénatoriale à la prospective

Photo de Jean-Yves RouxJean-Yves Roux :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’inertie du système climatique mondial fait que l’histoire du climat des trente prochaines années est déjà écrite dans ses grandes lignes.

S’il est indispensable que tous les pays, particulièrement les plus gros émetteurs de gaz à effet de serre, prennent des mesures d’atténuation pour éviter un effondrement climatique dans la deuxième partie du siècle, ces mesures n’auront pas un effet immédiat sur les évolutions climatiques en cours. Toutes les prévisions montrent que nous n’éviterons pas, d’ici à 2050, un réchauffement global de l’ordre de 2 degrés par rapport à la période préindustrielle. La France doit donc se préparer à absorber un choc climatique inévitable.

Le rapport que j’ai réalisé avec Ronan Dantec décrit ce que signifie concrètement un tel réchauffement pour notre pays, nos territoires et nos concitoyens. Nous y dressons la carte de France des dérèglements climatiques à venir et de leurs impacts, notamment en matière de risques naturels, de canicule, de sécheresse des sols ou de tensions sur les ressources hydriques. Nous identifions les défis économiques, sanitaires et sociétaux que la France, dans sa diversité territoriale, devra relever pour faire face à cette situation. Enfin, nous formulons dix-huit propositions pour donner un nouvel élan à nos politiques d’adaptation climatique, notamment au niveau des territoires, car c’est en grande partie à ce niveau que se jouera le succès de l’adaptation.

Je voudrais, pour lancer le débat de notre assemblée autour de ce rapport, évoquer plus particulièrement trois enjeux.

Le premier concerne l’adaptation du bâti et de l’urbanisme.

Dans les outre-mer, le sujet central est l’évolution des normes de construction et des mécanismes d’assurance pour tenir compte d’un risque cyclonique qui va s’intensifier.

Dans les zones soumises à un risque d’inondation ou de submersion, l’évolution des normes et des mécanismes assurantiels constitue également un objectif central.

Mais c’est sur un troisième point que je voudrais surtout insister ici : l’adaptation du bâti à des vagues de chaleur plus intenses, plus longues et plus fréquentes. L’importance de cet enjeu a été soulignée par les deux canicules historiques de cet été. Il est particulièrement marqué en ville en raison du phénomène d’îlot de chaleur urbain. Il va devenir plus aigu à cause du réchauffement, mais aussi du vieillissement de la population. Or, jusqu’à présent, ce sujet est resté assez largement absent des réflexions des professionnels et des pouvoirs publics.

Nous proposons donc d’inscrire la question du confort thermique d’été au centre de la définition de la norme RT 2020. Cela peut être l’occasion d’engager l’évolution des représentations et des pratiques de l’ensemble des acteurs de la chaîne de la construction. Notre réflexion doit également inclure la question des outils et des moyens financiers nécessaires pour soutenir la transformation du bâti, notamment à l’occasion des rénovations.

Un deuxième enjeu majeur de l’adaptation concerne les politiques de l’eau.

Il y a un consensus pour dire qu’elles doivent donner la priorité à une utilisation plus économe de la ressource, ainsi qu’aux solutions fondées sur la nature, telles que la désartificialisation des sols, la restauration des haies ou la préservation des zones humides. Nous n’y parviendrons pas sans faire évoluer les mécanismes de tarification de l’eau. C’est un chantier nécessaire, mais sensible.

Cela ne se fera pas non plus sans préserver les moyens des agences de l’eau et, à ce sujet, j’attire l’attention du Gouvernement sur les dangers des mesures budgétaires de court terme.

Par ailleurs, parce que les politiques de l’eau se définissent concrètement au niveau des bassins hydrographiques, il est indispensable de mobiliser plus activement tous les acteurs concernés localement pour faire émerger, sur cette question, des visions communes et des projets de territoire. Des exercices de prospective, comme Garonne 2050, peuvent aider à enclencher ces dynamiques locales.

Enfin, il faut oser poser la question du stockage. Pourrons-nous faire face partout aux besoins uniquement par des mesures d’économie de la ressource ou d’autres qui s’appuient sur la nature ? Je n’en suis pas sûr. Il ne faut donc pas exclure a priori les solutions de stockage, mais plutôt soumettre chaque projet à une condition : faire la preuve qu’il est nécessaire et que sa réalisation ne se fait pas au détriment de solutions d’adaptation alternatives.

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