Intervention de Elisabeth Borne

Réunion du 3 octobre 2019 à 10h30
Adapter la france aux dérèglements climatiques — Débat organisé à la demande de la délégation sénatoriale à la prospective

Elisabeth Borne :

Monsieur le président, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens à saluer la qualité de ce rapport qui dresse un constat sans appel, mais lucide, des impacts déjà observés en France et de ceux à venir. Ces constats sont cohérents avec les bilans que le GIEC, le groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, a dressés dans ses trois derniers rapports spéciaux parus en octobre 2018 et en août et septembre 2019.

On peut les résumer ainsi : nous devons poursuivre avec acharnement la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre et atteindre la neutralité carbone au milieu du siècle, mais nous devons également nous préparer aux impacts que nos émissions passées rendent désormais inéluctables.

Je souhaite vous présenter l’action conduite par le Gouvernement et l’accélération que j’ai l’intention de lui donner.

La France est l’un des pays les plus avancés en matière de planification de l’adaptation : après une stratégie nationale en 2006, elle s’est dotée d’un premier plan d’action en 2011.

En décembre 2018, le Gouvernement a publié le deuxième plan national d’adaptation au changement climatique, le Pnacc 2. Axe 19 du plan climat, il a pour objectif général de mettre en œuvre les actions nécessaires pour adapter la France dès 2050 à une hausse de la température moyenne de la Terre de 2 degrés par rapport à l’ère préindustrielle, en cohérence avec les objectifs de l’accord de Paris, mais à un horizon temporel plus proche de façon à ne pas exclure des scénarios de changement climatique plus pessimistes.

Le Pnacc 2 comporte quatre priorités : la territorialisation de la politique d’adaptation, l’implication des filières économiques, le recours aux solutions fondées sur la nature et les outre-mer. Il comprend cinquante-huit actions réparties en six domaines : gouvernance ; prévention et résilience ; nature et milieux ; filières économiques ; connaissance et information ; international.

Les douze ministères concernés prévoient de consacrer 1, 5 milliard d’euros sur cinq ans pour engager les actions de ce plan contre 171 millions d’euros pour le précédent, enveloppe à laquelle s’ajoutent les 500 millions d’euros par an que les agences de l’eau et leurs comités de bassin ont prévu d’investir à travers leur onzième programme d’intervention 2019-2024 dans des actions d’adaptation au changement climatique.

Les leçons tirées du premier plan national d’adaptation au changement climatique nous ont montré qu’un suivi régulier du plan était nécessaire pour s’assurer de sa bonne mise en œuvre par les nombreux acteurs impliqués. C’est pourquoi il fait l’objet d’une déclinaison opérationnelle avec un programme de travail annuel présenté à la commission spécialisée du Conseil national de la transition écologique, le CNTE, chargée de son suivi – elle est présidée par M. le sénateur Ronan Dantec.

Le bilan d’avancement du plan sera également présenté chaque année à la commission spécialisée et fera l’objet d’un avis du CNTE. Une série d’indicateurs de suivi est en cours en définition avec la commission spécialisée et une application informatique de suivi des actions a été développée par mes services et mise à la disposition des pilotes ministériels.

Depuis décembre dernier, de nombreuses actions ont d’ores et déjà été lancées. On peut ainsi citer : le développement avec le Cérema – Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement –, l’Ademe et Météo France d’un centre de ressources sur l’adaptation au changement climatique qui sera prêt en novembre prochain ; l’intégration du climat futur dans les modélisations de la stratégie nationale bas carbone ; le suivi de l’élaboration de trois normes internationales ISO sur l’adaptation au changement climatique ; le lancement avec l’Ademe et le Commissariat général à l’égalité des territoires, le CGET, de plusieurs études ; et le renforcement des actions de prévention des risques naturels, tant en métropole qu’outre-mer.

L’élaboration du Pnacc 2 ayant fait l’objet d’une concertation de deux ans avec près de trois cents représentants de la société civile, experts, représentants des collectivités territoriales et des ministères concernés, il est cohérent avec les dix-huit propositions de la délégation à la prospective du Sénat.

On y retrouve notamment des actions relatives à l’éducation et la formation, ce qui rejoint la proposition 2 du Sénat, la volonté de synergie entre les actions d’atténuation et d’adaptation – proposition 3 –, le portage de cette problématique au niveau européen – proposition 4 –, la formation des élus – proposition 12 –, l’intégration du confort d’été dans les travaux sur la prochaine réglementation des bâtiments neufs – proposition 16 – et la question de la ressource en eau.

Il me semble cependant que nous devons accélérer nos efforts. Les épisodes récents de canicule et de sécheresse ont rappelé que la France est d’ores et déjà exposée aux conséquences du changement climatique et que notre niveau de préparation à ces impacts doit encore être amélioré.

Les territoires d’outre-mer sont particulièrement concernés par le changement climatique et l’élévation du niveau de la mer. La submersion marine peut y être aggravée par les cyclones. Le cyclone Irma a également mis en lumière les risques auxquels ces territoires sont exposés.

C’est pourquoi je souhaite que le Pnacc 2 soit renforcé et que sa mise en œuvre soit accélérée. Plusieurs actions nouvelles ou anticipées seront donc lancées.

Je souhaite tout d’abord qu’un retour d’expérience exhaustif des deux épisodes de canicule de 2019 soit réalisé. Il permettra de vérifier si le contexte législatif et réglementaire actuel est suffisant pour anticiper les impacts présents et à venir du changement climatique. Il permettra également d’analyser la façon dont le plan national canicule pourrait être étendu aux impacts autres que sanitaires selon les niveaux de vigilance de Météo France.

La question du confort d’été devra également être intégrée dans le champ des réflexions en cours sur la rénovation des bâtiments publics. Un kit d’information ainsi qu’un parcours de formation seront proposés aux nouveaux élus communaux et intercommunaux en 2020 dans le cadre de leur droit à la formation.

La prévention des risques naturels est évidemment un enjeu crucial. Bientôt dix ans après la tempête Xynthia, nous ferons un point des nombreuses actions conduites et de ce qui doit être renforcé dans un contexte de hausse accrue du niveau des mers que le récent rapport du GIEC a bien mis en valeur la semaine dernière. Je veillerai à ce que les moyens requis, qui bénéficient en premier lieu aux collectivités locales, acteurs majeurs de la prévention des risques, soient préservés, accrus si besoin, et utilisés le plus efficacement possible au travers du Fonds de prévention des risques naturels majeurs, le FPRNM.

Enfin, pour les territoires de montagnes, nous allons finaliser un plan de prévention des risques d’origine glaciaire et périglaciaire.

Les suites du Livre bleu des outre-mer mettent en avant la question de l’encadrement des constructions pour diminuer la vulnérabilité aux cyclones.

Je souhaite aussi que la résilience de nos systèmes de transports, déjà dotés de plans de continuité, entre autres, à la SNCF et à la RATP, soit renforcée au niveau des infrastructures, des matériels et de la gestion des pics de chaleur.

Des actions sont conduites sur les réseaux électriques, tant pour les situations de forte chaleur que pour celles liées à des inondations. Un bilan sera utilement conduit pour voir si des accélérations sont nécessaires.

Et nous avons bien d’autres idées ; je ne les citerai pas maintenant, mais je pourrai le faire durant notre débat.

Je tiens à saluer la qualité du rapport présenté par MM. les sénateurs Dantec et Roux. C’est un sujet transversal qui concerne l’ensemble des ministères ; ils doivent naturellement être mobilisés, mais le Gouvernement ne pourra pas à lui seul réussir l’adaptation de la France au changement climatique. Je souhaite une mobilisation de tous les acteurs. Le rôle des collectivités territoriales, que ce soit à travers les schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires ou les plans climat-air-énergie territoriaux, doit être rappelé et soutenu.

Il pourrait être utile de faire un point régulier sur ces aspects, par exemple en organisant un séminaire annuel à destination des collectivités locales et de leurs associations, ainsi que des parlementaires intéressés.

Vous le voyez, le Gouvernement est pleinement mobilisé pour réussir l’adaptation de notre pays au changement climatique.

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