Intervention de Gérard Larcher

Réunion du 8 octobre 2019 à 14h30
Éloge funèbre de philippe madrelle sénateur de la gironde

Photo de Gérard LarcherGérard Larcher, président :

Au Sénat, Philippe Madrelle choisit de siéger à la commission des affaires étrangères et de la défense, dont il fut membre pendant plus de vingt ans avant de rejoindre la commission de la culture en 2011, puis la commission de l’aménagement du territoire en 2014. C’est donc tout naturellement qu’il prenait régulièrement part aux débats sur les questions de politique étrangère ou de défense.

Il avait gardé de sa jeunesse un intérêt particulier pour le milieu sportif et avait à cœur d’intervenir, presque chaque année, sur le budget de la jeunesse et des sports.

Il profitait également, le plus souvent possible, des séances de questions orales pour défendre les intérêts de son cher département de la Gironde sur des questions qui lui tenaient à cœur.

Philippe Madrelle fut un acteur majeur de la décentralisation en Gironde. Décentralisateur acharné, il était, dans tous les sens du terme, un « Girondin ». Dès 1980, il déclarait croire profondément en l’avenir de la décentralisation, « cette réforme essentielle pour l’avenir démocratique de notre pays ». Aussi s’engagea-t-il avec conviction en faveur des lois de décentralisation initiées par le président Mitterrand et Gaston Defferre.

Il fut en même temps, tout au long de sa carrière politique, un défenseur du monde rural et des collectivités territoriales, tout particulièrement du binôme département-communes. Son épouse me disait combien la rencontre avec les maires, jusqu’au dernier instant, était pour lui un moment où il nourrissait son action.

En 1998, il écrivait dans une tribune libre publiée dans Le Figaro : « Comment imaginer de renoncer à l’inestimable atout de proximité que constitue le couple département-communes ? » Il considérait ces collectivités comme des « socles de notre démocratie ».

En 2002, il défendait, cette fois dans le journal Sud-Ouest, l’avenir du département comme « territoire de référence et d’appartenance » et « collectivité de solidarité ».

En 2014, au cours de la campagne pour les élections sénatoriales, il dénonçait, transgressant même le périmètre établi par sa propre formation politique, la réforme territoriale en cours comme portant atteinte à ce binôme département-communes, qui avait permis – je reprends ses mots – de « mettre fin à des siècles de féodalité ».

Philippe Madrelle avait pressenti, avant tout autre, le péril mortel que ferait courir à notre démocratie une fracture territoriale qui ne cesse, depuis des années, de s’élargir. Souvenons-nous de son allocution de président d’âge en 2017 : « nous avons tous conscience qu’il y a urgence à prendre en compte la lassitude et les attentes des élus locaux, qui animent dans la proximité les cellules de base de la République et de notre démocratie représentative ».

Sa carrière de parlementaire et d’élu local l’avait également convaincu, depuis longtemps, de la nécessité d’une seconde chambre, assurant la représentation de la Nation selon une approche fondée sur les territoires, et ce même s’il pensait que le Sénat devait sans cesse s’adapter et se moderniser.

Je reviens une fois de plus à l’allocution qu’il fit, en qualité de doyen d’âge, en 2017. Il avait tenu à se référer, en tant que Girondin, à Montesquieu, pour qui le bicamérisme était une condition essentielle de l’équilibre des pouvoirs. Il avait également rappelé que le bicamérisme était « la marque des régimes démocratiques ». Selon ses propres mots, le Sénat, loin d’être l’assemblée conservatrice parfois décrite par ses détracteurs, était l’assemblée de l’approfondissement du travail législatif, « un lieu de travail serein et sincère, dont la valeur essentielle est le respect : respect des principes de la République, respect du Gouvernement, respect du pluralisme et de la diversité idéologique, et surtout respect des collègues et de leurs expressions ou opinions, en toutes circonstances ». Ces mots, je crois, sont la meilleure présentation du Sénat.

Soucieux de la préservation et de la transmission de la mémoire de l’action des sénateurs, Philippe Madrelle a tenu à déposer au Sénat, au début de cette année, son fonds d’archives privées liées à l’exercice de son mandat sénatorial.

L’hommage que nous lui rendons aujourd’hui n’est pas uniquement solennel ; il est aussi affectif. C’est un hommage à un parlementaire estimé, un humaniste. C’est un hommage à un défenseur inlassable de la ruralité et des collectivités territoriales, un acteur majeur de la décentralisation et de l’aménagement du territoire, un partisan du bicamérisme, et notre doyen – ce qui a un sens pour chacun d’entre nous, quel que soit le groupe dans lequel nous siégeons.

À ses anciens collègues des commissions des affaires étrangères, de la culture et de l’aménagement du territoire, à ses amis du groupe socialiste et républicain, j’exprime toute notre sympathie.

À son épouse, à ses enfants, à toute sa famille et à tous ceux qui ont partagé ses engagements, je souhaite redire la part que le Sénat prend à leur chagrin.

Philippe Madrelle, nous ne l’oublierons pas comme ça, comme le temps qui passe !

La parole est à M. le ministre.

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