Intervention de Sébastien Lecornu

Réunion du 8 octobre 2019 à 14h30
Engagement dans la vie locale et proximité de l'action publique — Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Sébastien Lecornu :

L’engagement local, l’engagement municipal n’échappent pas à cette évolution. Nous devons aborder la question aussi sereinement que possible, et avec beaucoup d’humilité. Face à ce mouvement de décomposition très lent que connaît notre société, il n’y aura peut-être pas de solution miracle. Mais collectivement, avec beaucoup de pragmatisme, nous pouvons redonner envie, en mettant de nouveau en lumière la beauté de l’engagement, du don de soi pour la République, et notamment pour la démocratie locale – nous y reviendrons.

Il s’agit de traduire ces ambitions par des mesures concrètes. D’aucuns parlent de statut de l’élu. Toutefois, sur le terrain, certains n’apprécient pas ce terme. Ils nous disent : « Je ne veux pas un statut, mais un cadre pour m’engager. Je ne veux pas être le salarié, l’agent de ma commune, je veux en être l’élu. »

Je vous propose donc tout simplement une série de mesures pragmatiques et calmes, concernant, notamment, la question des indemnités. Je tiens à saluer sincèrement, madame Gatel et monsieur Darnaud, votre prise de position sur ce point. Je dois vous avouer que j’ai écrit à beaucoup d’associations d’élus à ce propos, et que certaines d’entre elles, pourtant éminentes, n’ont toujours pas pris la peine de répondre au Gouvernement pour se positionner sur la proposition gouvernementale ou sur celle de la commission des lois.

Je salue le Sénat, singulièrement sa commission des lois, qui a pris cette question à bras-le-corps. On sait que la vérité n’est pas évidente à identifier en la matière dans notre pays, mais je crois que nous avançons et je tiens à m’en réjouir.

La question de la formation est évidemment importante. Aujourd’hui, un élu départemental, régional, d’une grande métropole ou d’une grande ville, a facilement accès au budget qui y est consacré, mais nous devons aller plus loin s’agissant de formation des élus ruraux, même si Jacqueline Gourault, lorsqu’elle siégeait parmi vous, a fait avancer les choses avec le DIF, le droit individuel à la formation.

En ce qui concerne les frais d’accompagnement pour celles et ceux qui sont chargés de famille ou de personnes en situation de handicap, nous devons comprendre que nous ne sommes pas égaux : on ne peut pas s’absenter si facilement pour un conseil municipal ou pour une commission municipale lorsque l’on est dans cette situation. Sur ce point également, la solidarité nationale est appelée en soutien, notamment pour toutes les communes jusqu’à 3 500 habitants. Arnaud de Belenet a déposé un amendement, que je salue, visant à leur permettre de voir ces différents frais pris en charge par l’État.

Le pragmatisme, encore, monsieur le sénateur Éric Kerrouche, me conduit à vous indiquer que je vais lever le gage sur un amendement que vous avez déposé concernant l’adaptation des frais spécifiques de déplacement pour les élus en situation de handicap, et qui n’est pas directement recevable au titre de l’article 40. C’est une proposition qui devrait nous rassembler et j’émettrai un avis favorable à son endroit.

Monsieur le président du Sénat, vous étiez vous-même à Signes ; nous ne pouvons pas débuter la discussion de ce texte sans avoir une pensée particulière pour le maire de Signes, qui a fait don de sa vie dans l’exercice de ses fonctions.

Cela a mis un coup de projecteur, dans les médias, sur l’autre casquette des maires dans leur commune : ils sont non seulement patrons de leurs collectivités territoriales, mais ils sont aussi officiers de police judiciaire, agents de l’État dotés de pouvoirs de police depuis maintenant plus de deux siècles. C’est un héritage de la Révolution française.

On a parfois laissé les maires trop seuls dans l’exercice de cette mission, dans une société sans cesse plus violente au sein de laquelle certains de nos concitoyens multiplient, malheureusement, les incivilités et manquent de respect envers nos élus locaux.

Sur ce point également, ce projet de loi prévoit un certain nombre d’outils de protection et, lorsqu’il est malheureusement trop tard, d’accompagnement juridique et psychologique.

Il y a quelques semaines, avec Mme la sénatrice Gatel et quelques autres, nous avions reçu des élus qui avaient été agressés dans le cadre de leurs fonctions. Par pudeur, ceux-ci avaient refusé de présenter à leur conseil municipal une facture de cabinet d’avocats, mais, arrivés au tribunal correctionnel en tant que victime, ils avaient constaté que leurs agresseurs, eux, avaient un avocat.

De cela nous ne voulons plus et nous entendons donc garantir un niveau d’équité entre tous les élus de la République en matière d’accompagnement juridique ; ceux-ci sont en droit d’en bénéficier non seulement lorsqu’ils sont mis en cause, mais également lorsqu’ils sont victimes. C’est une mesure qui va dans le bon sens et qui doit faire honneur à la République.

Il sera également nécessaire d’être plus en confiance : on parle beaucoup de liberté, mais, bien souvent, lorsqu’il s’agit d’attribuer des compétences nouvelles aux élus locaux, tout le monde résiste.

Ces compétences nouvelles relèvent non pas seulement de la décentralisation, mais aussi de la déconcentration, s’agissant de certains pouvoirs de police, notamment administrative, qui sont traditionnellement aux mains des préfets, mais qui, demain, doivent pouvoir revenir aux maires afin de leur garantir l’exécution des décisions qu’ils ont prises.

Sur ce sujet aussi, le projet de loi contient un certain nombre d’éléments. Je tiens à saluer les travaux de la commission des lois, une fois de plus, qui souhaite enrichir les dispositions que nous avons proposées.

En conclusion, monsieur le président du Sénat, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie de cette coproduction, nous la devons aux 600 000 élus locaux de ce pays, je vous remercie également des 1 000 amendements que vous avez déposés et qui traduisent une vitalité démocratique qui me semble de bon ton. §Même si, comme le président du Sénat l’a rappelé, l’urgence a été déclarée sur ce projet de loi.

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