Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, en 1789, Mirabeau déclarait à l’Assemblée nationale qu’il fallait rapprocher l’administration des hommes et des choses ; en 2019, soit 230 ans plus tard, le mouvement des « gilets jaunes » et le grand débat national expriment, à leur manière, la même vérité.
Mirabeau se serait-il donc fracassé sur l’atavisme jacobin de la quête du Graal d’un idéal égalitaire uniformisant ? Pour parodier Georges Brassens, « le temps ne fait rien à l’affaire » ! Qu’avons-nous donc fait de la valeur unique et si précieuse de l’engagement des 600 000 élus locaux, ce long cortège de sentinelles de la République, et de ses valeurs ?
Désenchantés, fatigués de réorganisations à marche forcée et de baisses des dotations, trop de maires réclament un cessez-le-feu en matière de big-bang territorial ; en même temps, tenus d’inventer des possibles pour leurs concitoyens et leur territoire, ils nous demandent d’effacer les irritants et de desserrer l’étau.
Telle est votre volonté, monsieur le ministre, et je la salue d’autant plus sincèrement que le Sénat a quelque peu inspiré votre projet de loi. C’est avec cette même volonté de redonner aux élus une véritable capacité à agir, de retisser, au sein du bloc communal, des relations apaisées et positives, que la commission des lois s’est engagée dans la voie de la souplesse et du sur-mesure.
Tout d’abord, comme vous le proposez, il s’agit de replacer le maire et les élus municipaux au cœur des décisions, car, aux yeux de nos concitoyens, le maire est celui qui porte la responsabilité et qui en rend compte, celui qui est « à portée d’engueulade », comme aime à dire notre président. Le pacte de gouvernance, la conférence des maires, l’association des élus municipaux à la vie de l’intercommunalité sont de bonnes mesures, que nous saluons.
Un second axe vise à donner à chaque territoire la possibilité de choisir le niveau le plus pertinent de l’action publique en sortant de cette rigidité normative parfois bloquante. N’est-ce pas là, monsieur le ministre, l’origine et la raison de votre projet de loi ?
Mon collègue Mathieu Darnaud a indiqué que l’intercommunalité était un fait, une nécessité incontournable qui renforce la capacité du bloc local. Pourquoi, toutefois, l’étouffer en lui attribuant des compétences qu’elle ne peut parfois exercer que difficilement parce que son territoire est trop vaste ou trop hétérogène ou que sa ville-centre est trop faible pour entraîner ses territoires ?
L’intercommunalité a une vocation : la subsidiarité, qui consiste à faire ensemble ce que l’on ne peut faire tout seul. Tel est le sens de nos propositions. La réussite des territoires repose sur la coopération intelligente entre les communes et les intercommunalités. Aussi le Sénat propose-t-il davantage de souplesse et d’agilité en supprimant la catégorie des compétences optionnelles, en ouvrant la voie à des transferts à la carte de compétences facultatives aux EPCI, en permettant d’inscrire dans la loi la procédure de restitution de compétences d’un EPCI à fiscalité propre.
Il s’agit d’assouplir, de faciliter et de différencier pour permettre d’agir.
Madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, lors du grand débat, le Président de la République a déclaré : « Il ne doit pas y avoir de tabou. » Il ne saurait donc y avoir de pré carré dogmatique intouchable ! Il y a juste, pour nous tous, une urgente et ardente obligation d’efficience de l’action publique dès lors que la République veut reconquérir le cœur de ses concitoyens.
Votre texte est ambitieux, monsieur le ministre, vous entendez redonner confiance et envie aux élus locaux. Ici, dans cette chambre des territoires, en pensée avec le maire de Signes et avec tous les élus locaux, cette armée des faiseurs de la République du quotidien, nous vous disons, comme Mirabeau et sous le regard de Portalis, que les lois sont faites pour les hommes et non les hommes pour les lois.
Alors, madame la ministre, monsieur le ministre, faites encore un effort pour nous rejoindre un pont plus loin : celui de la libre administration et de la responsabilité, celui de la confiance dans la République des territoires qui font la France !