Notre collègue socialiste m’a rassuré sur ce point : il y a malgré tout sur ce texte qui nous fédère quelques polémiques, quelques querelles partisanes. C’est sans doute la nécessité du débat démocratique !
À ce propos, permettez-moi de dire un mot de la démocratie. Nos démocraties connaissent depuis plus de vingt ans des transformations d’ampleur. Elles touchent aux clivages politiques, aux systèmes partisans, aux affiliations des électeurs et même à l’attachement aux libertés publiques.
Tout semble bouger, dans une accélération du temps qui donne le sentiment d’une grande incertitude quant à la marche du monde, et favorise une forme de populisme par nature liberticide.
L’horizon de l’idéal démocratique s’éloigne. Plus de 36 % des Français estiment qu’un autre système pourrait être aussi bon que celui de la démocratie. Les plus jeunes sont particulièrement favorables à une alternative à la démocratie.
Nos concitoyens consentent à se départir des libertés publiques parce qu’ils sont inquiets, sans doute, face aux mutations climatiques, économiques, mais plus profondément, parce qu’ils se pensent moins comme citoyens que comme individus, prêts à ce que la liberté de tous s’efface pour peu que la leur soit garantie sous une forme de droit à jouir d’objets variés, de temps de loisirs, d’informations digestes. Pierre Rosanvallon appelle cela « l’individualisme de singularité ».
Si la démocratie représentative est interrogée, je crois profondément en la démocratie territoriale, au plus près des besoins et des aspirations populaires, comme un moyen pertinent de convaincre nos compatriotes de se penser et d’agir en citoyens, comme un gage et un facteur de cohésion. Je voudrais remercier le Gouvernement de mettre la démocratie territoriale à l’honneur dans ce texte Engagement et proximité.
Dans le droit-fil de cette réflexion, les élus locaux sont et seront plus encore le rempart face à ce mouvement indicible que j’évoquais. Ils renouent et renoueront avec le collectif face à l’individu. Nous avons plus que jamais besoin d’eux.
Après avoir mis un terme à la baisse des dotations, stabilisé les moyens d’agir et stoppé les évolutions institutionnelles, le Gouvernement a souhaité les conforter dans leur rôle, consolider leur statut, clarifier leur environnement institutionnel.
Ce texte comporte des mesures concrètes pour redonner aux élus, en particulier aux maires, la capacité d’agir plus librement, plus efficacement, plus simplement au quotidien : meilleure gouvernance et information dans les intercommunalités, clarification des compétences dans le couple communes-intercommunalité, renforcement des pouvoirs de police du maire. Il comporte également des mesures pour lever les freins à l’engagement ou au réengagement : il s’agit des sujets d’indemnités, de formation, de prise en charge des frais de garde ou de protection fonctionnelle.
Le projet de loi que nous examinons aujourd’hui procède en grande partie des travaux issus de notre assemblée, que ce soient des propositions de loi de nos collègues, de rapports issus de la commission des lois ou de rapports faits au nom de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation. Je pense notamment au rapport, trop rarement cité en commission ou à cette tribune, de nos collègues Patricia Schillinger et Antoine Lefèvre, intitulé Mieux associer les élus municipaux à la gouvernance des intercommunalités : valoriser les bonnes pratiques. Ce rapport a été une source d’inspiration.
Je salue le Gouvernement qui nourrit sa réflexion des travaux du Parlement. Notre assemblée a été invitée à renforcer et à enrichir ce projet de loi, et la commission des lois a pu apporter des modifications substantielles.
Les points de consensus sont nombreux. C’est le cas par exemple pour le renforcement des pouvoirs de police du maire.
Je me réjouis que notre amendement de suppression de l’article 42 de la loi NOTRe ait été adopté par la commission – il fallait qu’il le soit avant le 1er janvier puisque cet article supprimait les indemnités d’un certain nombre d’élus dans les syndicats.
Je me réjouis également que l’amendement visant à rehausser de 1 000 à 3 500 habitants le seuil de prise en charge par l’État des frais de garde ait été adopté par notre commission, dont je salue le président ainsi que les rapporteurs.
Quelques points restent toutefois à discuter dans les deux semaines qui viennent, et certainement dans la navette. Ainsi, le curseur de la relation communes-intercommunalité trouvera certainement un positionnement plus abouti au cours de nos travaux.
Je n’évoque pas les questions de l’eau et de l’assainissement, ni la problématique du transfert obligatoire, sur lesquelles nous reviendrons certainement.
Je m’étonne du recours très important à l’article 40 dans le cadre de l’examen de ce texte, notamment sur le sujet des indemnités, pour un amendement qui prévoyait un seuil plancher sur lequel le conseil municipal pouvait revenir.
À titre illustratif, je suis un peu plus circonspect quant à l’adoption d’un amendement, qui me semble de circonstance, visant à autoriser les élus locaux à poursuivre l’exercice de leurs fonctions pendant leur arrêt maladie sauf avis contraire de leur médecin. Pour paraître anecdotique, cela illustre une problématique à laquelle nous sommes confrontés. Ce faisant, la logique est inversée : faciliter l’exercice d’un mandat, oui, mais trouver des dispositifs dont la décence n’est pas immédiatement caractérisée me semble un risque à éviter.
En ce qui concerne la formation et l’aide à la reconversion des élus, la commission a accepté d’habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnance tout en apportant des dispositions qui vont dans le bon sens, telles que la validation des acquis de l’expérience ou la possibilité pour le CNFPT de dispenser des formations aux élus.
J’espère que nous évoquerons également le principe d’une formation socle qui pourrait être similaire à celle des agents publics, et pas seulement en matière de police judiciaire, mais aussi la possibilité d’être accompagné dans la perspective d’une fin de mandat pour une nouvelle carrière, voire une reconversion en valorisant les expériences acquises, ou encore les congés de formation.
Enfin, s’agissant de la protection des élus, la commission a enrichi le texte initial tout en approuvant les mesures gouvernementales proposées. Je ne reviens pas dans le détail sur les dispositifs.
Pour conclure, je dirai que nous avons assisté jusqu’à maintenant à un travail collectif et constructif au sein de la commission des lois ; je ne doute pas que cet état d’esprit présidera à nos débats, dans l’intérêt des élus locaux dont nous sommes les représentants et, à travers eux, dans l’intérêt de notre démocratie, des libertés publiques et de l’efficacité de l’action publique.