Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, historiquement, la France s’est construite autour de son État.
Sous Louis XIV, c’était « l’État, c’est moi ». Sous Napoléon, c’était « l’État d’abord ». Sous Clemenceau, c’était « l’État fait la guerre, je fais la guerre ». En réalité, rien ou presque rien n’existait en dehors de celui-ci. Le jacobinisme était à la mode, et dominait même totalement.
Après la Seconde Guerre mondiale, la haute administration jacobine, sous la contrainte d’un pays détruit, a bien voulu accepter que la France s’engage sur la voie de la déconcentration et de la décentralisation, mais à la condition que les décisions continuent de se prendre à Paris ! La Datar et le Commissariat au Plan, c’était parfait, car cela permettait à la haute administration de conserver la main.
Et puis voilà que, depuis vingt ans, la situation est devenue difficile, parce que l’État n’a plus autant de pouvoir, n’a plus les moyens financiers dont il disposait, ni l’autorité ou le crédit qu’il avait. À cela se sont ajoutés le discrédit de la parole publique dans l’opinion ainsi que la montée des antagonismes, des égoïsmes et des agressions.
Selon les gouvernements, la réaction a été très différente. Certains d’entre eux, comme ce fut le cas récemment, ont considéré que, comme nous n’avions plus rien et que l’État était désargenté, il fallait réduire d’autant les dotations des collectivités pour essayer de redresser les comptes publics. Or cela ne marche pas ! Cela favorise même les crises, comme celle des « gilets jaunes », la contestation générale. Cela crée un pays fracturé, un pays déséquilibré, qui ne se reconnaît plus.
Depuis quelques années, on se dit que, finalement, la démocratie, c’est peut-être bien ces 600 000 élus locaux, ces maires, ces maires adjoints, ces conseillers municipaux, que certains dans l’administration considéraient comme des enfants gâtés, comme des personnes qui, par définition, n’ont pas de compétences et doivent naturellement écouter la parole préfectorale ou la parole administrative qui, elle, est tellement rationnelle.
On se dit aussi que la décentralisation et la déconcentration pourraient peut-être aussi venir de la base. Un gouvernement – pourquoi pas le vôtre, monsieur, madame les ministres ? – devrait peut-être se demander si, en rendant le pouvoir aux maires, en rétablissant leur capacité d’agir aux communes, on ne contribuerait pas à restaurer la démocratie, à restaurer ce lien social tant distendu et presque disparu.
Cela permettrait peut-être à ce pays, au-delà des communes et des élus locaux, de se parler. On ne peut plus accepter cette parole qui vient d’en haut, quand elle peut être – c’est la démocratie ! – contestée et critiquée.
En revanche, tous les citoyens admettent que le maire incarne le pouvoir de proximité, qu’il est à l’écoute et qu’il est responsable : par définition, ils peuvent en changer ou le garder tous les six ans – d’ailleurs, ils le gardent le plus souvent, parce que le maire est extrêmement attentif à leurs besoins.
Alors oui, on a peu à peu décidé au nom de la rationalité de créer des territoires de plus en plus grands : on a créé de grandes régions et des intercommunalités de plus en plus vastes, parce que cela devait soi-disant permettre de rationaliser la dépense. En réalité, on n’a rien rationalisé du tout sinon le discrédit. Et les citoyens se sont sentis complètement écartés de la décision !