Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, le mandat municipal qui s’achève aura été, à plus d’un titre, à nul autre pareil.
Jamais, depuis tant d’années, les communes n’avaient connu des changements aussi profonds dans une période aussi courte. Rappelons-en les principaux : la réforme territoriale et ses conséquences sur la réorganisation des territoires ; des nouveaux transferts de compétences que cette même réforme a entraînés ; la baisse des dotations de l’État et ses répercussions sur les budgets locaux ; enfin, la suppression progressive, partielle et bientôt presque totale de la taxe d’habitation, dont on ne sait toujours pas, de manière précise, par quoi et comment elle sera remplacée.
Sans doute ces épisodes qui ont laissé un goût amer à nombre d’élus locaux ont-ils contribué à nourrir leur découragement, au point que l’on estime aujourd’hui que près d’un maire sur deux ne se représentera pas dans moins de six mois maintenant.
Le projet de loi que nous nous apprêtons à examiner est-il de nature à réparer ce passé récent ?
Pas vraiment. En effet, il ne revient pas sur les principaux griefs formulés à l’encontre des dernières réformes, qu’il s’agisse de la baisse des dotations ou des transferts de compétences imposés par la loi.
Ce texte est-il annonciateur d’une ère nouvelle dans laquelle les relations entre l’État et les communes seraient empreintes de plus de respect et de confiance mutuels ?
Peut-être. En tout cas, il s’agit d’un premier pas en ce sens, d’un pas que nous apprécions, même si le chemin est encore long.
Ce projet de loi est-il de nature à mettre un peu de baume au cœur des élus ?
À l’évidence, oui, car toutes les propositions qu’il comporte vont dans la bonne direction. Celles-ci manquent quelque peu de souffle et d’envergure, mais elles apportent un petit plus pour les libertés locales, après les années de régression qu’ont imposées des lois venues de l’enfer.
On sent comme un parfum de liberté dans ce texte, mais ce n’est qu’un parfum !
D’autres textes permettront au Gouvernement de montrer plus clairement ses véritables intentions. Je pense bien sûr au prochain projet de loi de finances qui, pour les collectivités, sera centré sur la question primordiale de la compensation de la suppression intégrale de la taxe d’habitation afférente à l’habitation principale, mais aussi au nouvel acte de la décentralisation qui devrait intervenir au premier semestre de l’année 2020.
En attendant, ce projet de loi conforte le rôle du maire et de la commune. Il s’agit de l’une des réponses pour lutter contre la fracture territoriale dénoncée par les mouvements sociaux de ces derniers mois.
Nous le savons, les Français aiment leur maire et leur commune plus que tous les autres responsables ou institutions politiques. Toutes les études le montrent, y compris celle qui a été réalisée par l’IFOP le mois dernier pour le compte de notre groupe, dans la perspective du colloque sur le droit à la différenciation que nous avons organisé ici même le 23 septembre dernier.
À la question de savoir auquel des trois niveaux de collectivité, auxquels a été joint l’EPCI, elles souhaiteraient attribuer davantage de pouvoir, les personnes interrogées ont sans surprise placé la commune en tête. C’est d’ailleurs la seule collectivité qui recueille plus de 50 % des votes.
Il est donc bienvenu de renforcer le rôle et la place des maires dans la gouvernance des EPCI à fiscalité propre. Le conseil ou la conférence des maires n’est pas une nouveauté et donne satisfaction partout où il a été mis en place. Je crois à l’expertise, mais je crois plus encore à l’expérience. Voilà pourquoi je me réjouis que la commission des lois l’ait conforté.
Mais je souhaite que nous puissions aller plus loin. C’est pourquoi nous vous proposerons un amendement visant à le rendre obligatoire dans tous les EPCI. Cela peut paraître contradictoire avec l’esprit du texte, qui en laisse l’initiative aux maires eux-mêmes, le cas échéant, mais je considère qu’il ne faut pas hésiter à généraliser une instance qui a fait ses preuves et à l’installer partout.
De même, faire en sorte que le maire soit systématiquement le représentant de sa commune dans l’EPCI, dès lors qu’il en est d’accord, contribuera à un meilleur fonctionnement de la coopération intercommunale et, donc, à une plus grande efficacité de son action.
Pareillement, faciliter la représentation des communes au sein des commissions de l’EPCI ou encore élargir la transmission des informations tenant aux réunions des conseils communautaires à l’ensemble des élus municipaux du territoire permettront de mieux les associer aux affaires communautaires et concourront à l’appropriation progressive du fait intercommunal.
L’attribution des compétences eau et assainissement a suivi un parcours assez chaotique ces nombreux mois. Il est difficile d’expliquer aux maires que leur transfert a été imposé par la loi pour une plus grande efficacité, puis d’expliquer que cette efficacité passe par un retour à l’échelon communal. L’efficacité maximale eût donc été de ne rien faire !
Votre gouvernement n’est pas à l’origine de ce parcours, mais il avait la possibilité, l’année dernière, de sortir de cet imbroglio par le haut. Tel n’a pas été son choix et je le regrette. C’était avant, avant les mouvements sociaux qui l’ont amené à porter un regard nouveau sur les communes. Il n’est jamais trop tard, mais s’agissant de ces compétences, je pense que la commission des lois a adopté une position pertinente et cohérente, dans la droite ligne de ce qu’a toujours défendu le Sénat sur ce sujet.