Au cours des quinze dernières années, les outils financiers en faveur du secteur rural se sont peu à peu étiolés : le fonds national d'aménagement et de développement du territoire (FNADT), qui a fusionné six fonds précédents a fondu comme neige au soleil, alors qu'il aurait dû être le principal outil d'aménagement du territoire. Les pôles d'excellence rurale et le fonds d'intervention pour la sauvegarde de l'artisanat et du commerce (Fisac) ont disparu, et les contrats de ruralité, mis en place en 2017 n'ont déjà plus de crédits dédiés. Et désormais, ce sont les ZRR qui sont menacées ! Pendant ce temps, faute d'une réelle politique d'aménagement du territoire, les fractures territoriales continuent à se creuser sous l'effet du processus de métropolisation. Il aura fallu une crise sociale majeure déclenchée en octobre 2018 et le Grand débat qui a suivi pour que la ruralité trouve enfin sa place au coeur du débat national. Pour qu'une prise de conscience émerge, les territoires ruraux ne sont pas un handicap pour le pays, mais ils détiennent des atouts pour répondre aux défis que notre société doit relever. Il faut miser sur ces territoires.
Dans ce contexte, il serait incohérent, incompréhensible et à contre-courant de laisser disparaître les ZRR sans trouver une solution globale, efficace et durable de soutien au développement rural.
Je remercie Mme Frédérique Espagnac et M. Rémy Pointereau d'avoir mené avec moi une vingtaine d'auditions et fait deux déplacements.
Les ZRR, auxquelles les élus locaux sont très attachés, présentent plusieurs intérêts pour la ruralité : exonérations fiscales et de cotisations patronales, majoration de la DGF, exonérations pour les aides à domicile, aides pour les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), bonification des subventions d'investissement ou de la dotation aux agences postales communales... Au total, 17 mesures fiscales et une série d'autres dispositifs apportent un réel soutien aux territoires ruraux.
Pourquoi les ZRR sont-elles menacées, et pourquoi y-a-t-il urgence à agir dès le PLF pour 2020 ? Première menace, dès le 1er juillet 2020, 4 074 communes, soit un quart des collectivités classées en ZRR, vont sortir du dispositif, souvent victimes de l'élargissement des périmètres des intercommunalités depuis la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (Loi NOTRe) en 2017. Nous avons tous des exemples de ces communes n'ayant pas réussi leur reconquête démographique et qui seront exclues du dispositif.
Deuxième menace, les dispositifs d'exonération d'impôt sur les bénéfices et de fiscalité locale arrivent à échéance au 31 décembre 2020. Sans un acte législatif, c'est un levier essentiel pour l'attractivité des territoires ruraux qui disparaîtra.
Troisième menace, le rapport de la mission flash de la délégation aux collectivités territoriales de l'Assemblée nationale, rédigé par les députées Anne Blanc et Véronique Louwagie, remet en cause des ZRR. Elles préconisent la fin des exonérations fiscales et patronales, au profit d'une hausse compensatoire de la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR). Cette proposition n'est pas recevable : la DETR soutient l'investissement des collectivités locales, alors que les ZRR soutiennent l'activité économique et les services en milieu rural.
De plus, il serait prématuré et hasardeux d'exclure tout ou partie des communes classées en ZRR avant que le Gouvernement ne remette les deux rapports - prévus pour juillet et septembre prochains - et qu'ils soient débattus. Lors de la présentation de son agenda rural, le Premier ministre a fait des annonces qui vont dans le bon sens, mais le maintien des ZRR n'est pas inscrit dans le PLF 2020.
Nous proposons un plan d'action en deux temps : dès le PLF 2020, il faudra proroger les ZRR jusqu'au 31 décembre 2021 pour les communes sortantes à l'été 2020 et proroger d'un an les dispositifs d'exonération fiscale arrivant à échéance au 31 décembre 2020. Ensuite, nous proposons une réforme des ZRR fondée sur de nouveaux critères d'éligibilité et un panel de mesures différenciées, mieux adaptées à la diversité des territoires et proportionnées au niveau de fragilité des communes.
Les ZRR sont à la croisée des chemins, avec deux échéances majeures. Nous devons les réformer en profondeur pour disposer d'une politique globale plus efficace en faveur du développement rural. Mais dans cette attente, le report au 31 décembre 2021 des ZRR actuelles est un préalable, notamment pour garantir la réussite de la nouvelle cartographie des zones prioritaires demandée par le Premier ministre. Cela nécessitera de disposer de simulations précises sur le chiffrage et la déclinaison concrète de ces mesures sur le terrain.