Madame la ministre, j’ai eu l’occasion, lors d’une réunion de la commission de l’économie, de m’adresser à M. le ministre de l’agriculture le jour même et quasiment à l’heure exacte où une manifestation mobilisait à Montpellier environ 8 000 personnes qui voulaient crier la détresse d’une région face à une crise viticole sans précédent à la fois par son ampleur et par sa durée.
Ces 8 000 personnes, rassemblées « dans un silence de cathédrale », pour reprendre l’expression de l’un des leaders du monde viticole, entendaient attirer une fois encore l’attention des pouvoirs publics sur la situation dans laquelle l’effondrement des prix et la hausse des coûts de production ont placé les vignerons.
Ces derniers, dont une très large proportion, je le précise, dispose de ressources inférieures au seuil de pauvreté, manifestaient – de manière d’ailleurs très digne – pour rappeler que leur revenu, qui, entre 2004 et 2007, avait chuté de 13 % en moyenne, avec une diminution de 22 % pour le département de l’Aude, s’est encore dégradé entre 2007 et 2008 puisque la baisse a atteint 60 % en moyenne pour l’ensemble de la région Languedoc-Roussillon : 88 % pour l’Aude, 85 % pour l’Hérault, 76 % pour le Gard et 36 % pour les Pyrénées-Orientales. Mes collègues Marcel Rainaud et Robert Navarro, ici présents, pourraient, si nécessaire, confirmer ces chiffres.
Enfin, les manifestants souhaitaient indiquer aux pouvoirs publics que, en dépit de leurs immenses efforts de qualité, des pans entiers de l’économie de ces régions méridionales étaient en train de s’effondrer et que, l’arrachage aidant, les terres en friche se multipliant, la désolation était partout présente dans nos campagnes.
Bref, ils espéraient que les justes demandes qu’ils expriment feraient l’objet de la mise en œuvre en urgence d’un plan de soutien spécifique à la viticulture méridionale.
Peut-être me répondra-t-on une fois encore qu’un plan de soutien à l’agriculture en général a bien été mis en place et que les viticulteurs pourront bénéficier de certaines de ses mesures. Je ne sous-estime pas ce plan de soutien, qui peut certainement être utile à quelques secteurs de l’agriculture en crise, mais il n’est malheureusement pas adapté à la situation catastrophique dans laquelle sont plongés les vignerons méridionaux.
Je viens de vous citer les chiffres ; comment pourrais-je vous faire mieux comprendre la réalité qu’ils recouvrent ?
Ceux dont aujourd’hui je veux faire entendre la voix ici, au Sénat, sont ruinés, endettés, confrontés à des situations terribles. Et pour cause : les prix de leurs produits sont à leur niveau de 1988 ou de 1992, et cela dure depuis des années. Certains sont au RMI ou au RSA ; d’autres fréquentent les Restaurants du cœur ; la plupart croulent sous les dettes. Dès lors, comprenez qu’il faut plus que ce plan de soutien à l’agriculture pour les aider véritablement !
En fait, que demandent-ils ? Je résumerai en trois points.
Premièrement, ils souhaitent que l’on mette un peu d’ordre dans les pratiques de la grande distribution, qui réalise des marges énormes sur leur dos. En la matière, des mesures urgentes s’imposent.
Deuxièmement, ils demandent, pour pouvoir passer ce cap difficile, la mise en place d’une aide à l’hectare comparable à celle dont bénéficient avec les droits à paiement unique, les DPU, certains autres secteurs de l’agriculture. Eux-mêmes en sont privés faute de solidarité vraie, ce qui constitue une injustice. Au moins espèrent-ils que, au nom de l’équité, une solution sera trouvée dans le cadre de l’organisation commune du marché vitivinicole pour l’année 2011 à travers une aide à l’hectare, de 300 euros par exemple, qui serait accordée en fonction du niveau de revenu de chacun.
Enfin, troisièmement, en attendant 2011 et l’inscription de cette ligne budgétaire, une aide exceptionnelle est demandée pour 2010 sous la forme d’une aide directe spécifique à l’exploitation. Je souhaite que M. le ministre de l’agriculture sache que le conseil régional est prêt – son président, Georges Frêche, s’y est engagé – à apporter sa part de financements à cette aide à l’exploitation pour 2010, pour peu que l’État en fasse autant.
Bref, la clef du déblocage de la situation est entre les mains de M. le ministre de l’agriculture.
Je n’ai plus rien à ajouter, monsieur le président, si ce n’est qu’il s’agit de sauver des pans entiers de l’économie du Midi, de nombreuses exploitations, c’est-à-dire des familles, des hommes et des femmes qui aujourd’hui, en travaillant, perdent jusqu’à 1 000 euros par hectare.
J’espère, madame la ministre, que vous aurez compris la situation tout à fait particulière d’un grand nombre de nos vignerons, qui pourtant ne demandent qu’à vivre dignement du fruit de leur travail, ce que les prix terriblement bas actuellement pratiqués ne leur permettent pas de faire. D’où cet appel à la solidarité, auquel a déjà répondu le conseil régional du Languedoc-Roussillon.
Avec les sénateurs du Languedoc-Roussillon, en particulier Marcel Rainaud et Robert Navarro, je veux espérer que le Gouvernement n’y restera pas sourd.