Je vous remercie de votre empathie ; je sais que tous les sénateurs et, au-delà, la représentation nationale et l'ensemble des Français s'associent à vos propos. Je vous remercie aussi de vos propos liminaires sur l'encadrement de nos réflexions et de votre démarche. Nous avons échangé dès le week-end dernier sur la nécessité d'organiser cette audition, afin que nous puissions présenter des éléments d'information à la représentation nationale. Nous l'avons déjà fait dans le cadre de la délégation parlementaire au renseignement, dont vous êtes membre, monsieur le président, qui s'est réunie mardi matin, sous la présidence de Christian Cambon, ainsi que devant la commission des lois de l'Assemblée nationale. Il est de notre responsabilité de veiller à la transparence totale des éléments que nous connaissons et dont nous pouvons parler.
Jeudi dernier, un personnel de la direction du renseignement de la préfecture de police de Paris (DR-PP) affecté au service informatique a assassiné quatre de ses collègues et blessé gravement une cinquième personne, dont les jours ne sont heureusement plus en danger. C'est à eux que nous pensons, et je dirais même que c'est à eux que nous devons cet exercice de vérité et d'obligation dans les réformes permanentes que nous devons engager au titre de la lutte contre le terrorisme.
Vous l'avez dit dans votre propos liminaire, il n'y a pas de dispositif efficace en 2013 qui aurait pu ne pas être revu en 2015, en 2017 ou en 2019. J'y insiste, la vérité sur les failles ou les dysfonctionnements qui auraient pu exister auparavant n'est pas celle d'aujourd'hui. Cet état de fait nous appelle à la modestie. En effet, le risque d'alors n'est pas celui que nous connaissons aujourd'hui. De façon générale, il est toujours plus facile d'évaluer des faits lorsqu'on en connaît l'aboutissement qu'au moment de la gestion de ces mêmes faits. Comme vous l'avez indiqué monsieur le président, il ne s'agit pas de chercher des responsables, encore moins des coupables. Seule la justice a cette responsabilité.
Cette attaque est en soi une défaillance grave, et nous devons l'examiner avec le plus grand sérieux pour comprendre comment un homme a pu se radicaliser au sein même des services du renseignement, sans que les bonnes décisions aient été prises. Y a-t-il eu des signes avant-coureurs ? Si oui, ont-ils été signalés ? À quel niveau ? L'ont-ils été de façon idoine ? Enfin, comment empêcher que cela ne se reproduise ? Telle est la synthèse des questions que vous avez posées, monsieur le président. Avec Laurent Nunez, nous aurons à coeur d'y répondre dans la mesure du possible, modestement au regard de ce que nous savons. Nous le devons évidemment à la commission des lois du Sénat, aux familles des fonctionnaires qui ont été emportés, à la préfecture de police elle-même ainsi que, plus largement, aux Français, qui, aujourd'hui, s'interrogent, car la sécurité doit être assurée de manière irréprochable.
Je veux vous dire que, dès la première minute du mandat du Président de la République, la lutte contre le terrorisme a été au coeur de nos priorités. Ainsi, la loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme du 30 octobre 2017 a apporté un dépassement politique en soi, tant il s'agit d'un sujet d'une impérieuse nécessité. Par ailleurs, le Président de la République a pris la décision de confier à la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) le chef de filât dans la lutte contre le terrorisme afin qu'il y ait non pas une main unique, mais un pilote unique, en vue d'éviter un trou dans la raquette au sein des différents services qui travaillent ensemble. En outre, a été créé le Service national des enquêtes administratives de sécurité (Sneas) ; nous aurons l'occasion d'en reparler. Et, surtout, je n'oublie pas le travail acharné de nos services de renseignement. À cet égard, je veux leur redire, au travers de vos propos, monsieur le président, et de ceux du Président de la République, que cet événement dramatique n'ébranle en rien la confiance que nous leur devons. Ils oeuvrent dans l'ombre, face à des enjeux majeurs. Seules les défaites sont visibles, mais 59 attentats ont été déjoués depuis 2013. Toutefois, nous ne pouvons pas ignorer ce drame au motif que le travail a été fait. Nous avons constaté des failles. Cependant, permettez-moi d'y insister encore, il ne se passe pas un jour sans que Laurent Nunez ou moi-même recevions des informations concernant une intervention de nos services de sécurité dans le cadre de la prévention du risque terroriste, afin, justement, que des signalements à risque ne deviennent pas des risques. Mesdames, messieurs les sénateurs, sachez que des interventions ont lieu tous les jours, la menace terroriste demeurant à un niveau élevé en France.
Mardi dernier, nous avons évoqué devant la délégation parlementaire au renseignement l'ensemble des dossiers portés à notre connaissance, y compris ceux qui étaient classifiés, pour répondre de manière exhaustive aux questions des parlementaires qui en sont membres. Vous l'avez relevé vous-même, monsieur le président, aujourd'hui, le contexte est quelque peu différent : nous sommes tenus par le nécessaire respect du secret de la défense nationale, auxquels s'ajoutent les investigations judiciaires en cours ; il nous sera donc impossible d'évoquer un certain nombre de sujets. Nous pourrons vous faire parvenir une communication écrite si des informations que nous ne pouvons pas livrer publiquement relèvent toutefois du champ de compétence de votre commission. Il s'agit non pas de vous opposer des interdictions, mais d'éviter de divulguer des informations, pour éviter toute sanction pénale.
Pour conclure, je veux vous dire que nous avons à coeur de vous donner le plus d'éléments possible afin de pouvoir faire la lumière sur les faits visés et plus encore sur la manière dont ils ont pu survenir, en vue d'envisager les mesures à prendre ensuite, même si l'analyse n'est évidemment pas aboutie à l'heure même où je vous parle. Nous aborderons aussi les mesures qui ont été immédiatement prises au sein de la préfecture de police ou celles qui sont relatives au signalement du risque.