Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale

Réunion du 10 octobre 2019 à 9h00

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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La réunion

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Photo de Philippe Bas

Nous proposerons donc au nom de la commission un sous-amendement en ce sens.

La réunion est close à 00 h 20.

- Présidence de M. Philippe Bas, président -

La réunion est ouverte à 9 heures.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Messieurs les ministres, la commission des lois vous auditionne à la suite de l'attaque survenue à la préfecture de police jeudi dernier.

Mardi, nous étions nombreux dans la cour d'honneur de la préfecture de police pour rendre hommage aux victimes, et, ce matin, nous avons en tête la gravité des visages des familles des victimes - les conjoints, les enfants, les parents -, et de leurs collègues de travail. Cet hommage solennel a été l'occasion d'exprimer la reconnaissance de la Nation ; l'attention personnelle du Président de la République, du Premier ministre, des membres du Gouvernement, dont vous-mêmes, messieurs les ministres, est aussi dans nos mémoires.

Nous devons à la mémoire des victimes de travailler ensemble dans le sens de l'intérêt national, avec pour seule exigence d'assurer de notre mieux, par notre action, par nos propositions, par notre détermination, la sécurité de nos concitoyens - il y va de votre responsabilité au premier chef - face au terrorisme islamiste.

Cette audition, décidée samedi dernier, nous a semblé indispensable, afin que la représentation nationale et les Français eux-mêmes puissent être mieux éclairés sur les circonstances dans lesquelles cette attaque est intervenue ; sur les éventuels dysfonctionnements que vous avez constatés et qui l'ont rendue possible ; ainsi que sur les leçons qui en ont déjà été tirées ou qui doivent l'être, afin d'éviter qu'un tel drame ne se reproduise, par l'examen, l'approfondissement, voire la remise en cause de nos dispositifs, et par le renforcement de nos moyens.

En matière de lutte contre le terrorisme, le pire serait certainement de s'enfermer dans des schémas de pensée et des organisations immuables. Sans cesse, nous devons nous adapter à une menace multiforme et à des formes d'actions qui ne cessent d'évoluer, de changer de cible et de s'individualiser, avec le risque que celles-ci deviennent de plus en plus insaisissables.

Vous avez, monsieur le ministre, identifié des failles - c'est le terme que vous avez utilisé - dans la sécurité interne à la préfecture de police. Vous avez souligné que, en dépit de ce que l'on a pris l'habitude de qualifier de « signaux faibles », la hiérarchie et les collègues de travail de Mickaël Harpon n'ont pas jugé nécessaire de formaliser un signalement qui aurait peut-être pu provoquer une enquête, laquelle aurait peut-être conduit à la mise en oeuvre de mesures préventives. Il en résulte une interrogation fondamentale : un dispositif de sécurité qui dépendrait principalement ou en partie du déclenchement des enquêtes par le supérieur hiérarchique immédiat ou l'entourage de travail d'un fonctionnaire ne serait-il pas intrinsèquement fragile ?

La tragédie de la préfecture de police doit nous inciter à des remises en cause. Ce sont non pas les personnes qui sont ici visées - ce serait hors de propos -, mais nos modes d'organisation, voire nos structures. Nous ne recherchons pas ici des responsabilités personnelles, mais nous voulons poser toutes les questions. Il y va de notre responsabilité et je dirai même de notre devoir.

Permettez-moi de rappeler, à titre liminaire, l'objet de notre audition.

Nous souhaitons, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, dans le temps qui nous est imparti - jusqu'à 10 h 30 environ compte tenu de la séance publique - que vous puissiez présenter votre analyse sur la nature des failles que vous avez identifiées et exposer les conséquences concrètes que vous en tirez, en nous indiquant les orientations que vous avez d'ores et déjà retenues pour modifier nos dispositifs.

Nous souhaitons aussi connaître dans le respect, bien évidemment, de l'enquête judiciaire en cours et avec les limites liées au secret de la défense nationale, les dispositions prises par le Gouvernement, à la lumière des travaux de contrôle parlementaire déjà réalisés, concernant la détection des agents radicalisés dans les administrations et les mesures de protection des services publics contre les risques que représentent ces agents. Je pense, notamment, aux travaux de nos collègues députés Éric Diard et Éric Poulliat, mais également aux travaux du Sénat, comme ceux de la commission d'enquête sur l'organisation et les moyens des services de l'État pour faire face à l'évolution de la menace terroriste, créée en 2018.

La délégation parlementaire au renseignement s'est également saisie. Elle assure un contrôle parlementaire sur les services de renseignement en respectant le secret sans lequel la sécurité de nos agents et l'efficacité des méthodes d'investigation de nos services de renseignement pourraient être compromises du fait de la divulgation d'informations sensibles. Ce qui ne peut se dire ici doit par conséquent l'être devant cette instance pour que la mission de contrôle du Parlement soit intégralement remplie, au nom des Français, et couvre tout le champ de la sécurité intérieure.

La délégation parlementaire au renseignement a entendu les ministres à huis clos, mardi dernier. Il lui appartiendra de mener tous les travaux complémentaires qui lui apparaîtront utiles afin, le cas échéant, d'adresser des recommandations au Gouvernement.

Ces éléments étant précisés, je vous laisse la parole, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, pour un propos liminaire de quelques minutes, à la suite duquel mes collègues pourront vous poser quelques questions.

Debut de section - Permalien
Christophe Castaner , ministre de l'intérieur

Je vous remercie de votre empathie ; je sais que tous les sénateurs et, au-delà, la représentation nationale et l'ensemble des Français s'associent à vos propos. Je vous remercie aussi de vos propos liminaires sur l'encadrement de nos réflexions et de votre démarche. Nous avons échangé dès le week-end dernier sur la nécessité d'organiser cette audition, afin que nous puissions présenter des éléments d'information à la représentation nationale. Nous l'avons déjà fait dans le cadre de la délégation parlementaire au renseignement, dont vous êtes membre, monsieur le président, qui s'est réunie mardi matin, sous la présidence de Christian Cambon, ainsi que devant la commission des lois de l'Assemblée nationale. Il est de notre responsabilité de veiller à la transparence totale des éléments que nous connaissons et dont nous pouvons parler.

Jeudi dernier, un personnel de la direction du renseignement de la préfecture de police de Paris (DR-PP) affecté au service informatique a assassiné quatre de ses collègues et blessé gravement une cinquième personne, dont les jours ne sont heureusement plus en danger. C'est à eux que nous pensons, et je dirais même que c'est à eux que nous devons cet exercice de vérité et d'obligation dans les réformes permanentes que nous devons engager au titre de la lutte contre le terrorisme.

Vous l'avez dit dans votre propos liminaire, il n'y a pas de dispositif efficace en 2013 qui aurait pu ne pas être revu en 2015, en 2017 ou en 2019. J'y insiste, la vérité sur les failles ou les dysfonctionnements qui auraient pu exister auparavant n'est pas celle d'aujourd'hui. Cet état de fait nous appelle à la modestie. En effet, le risque d'alors n'est pas celui que nous connaissons aujourd'hui. De façon générale, il est toujours plus facile d'évaluer des faits lorsqu'on en connaît l'aboutissement qu'au moment de la gestion de ces mêmes faits. Comme vous l'avez indiqué monsieur le président, il ne s'agit pas de chercher des responsables, encore moins des coupables. Seule la justice a cette responsabilité.

Cette attaque est en soi une défaillance grave, et nous devons l'examiner avec le plus grand sérieux pour comprendre comment un homme a pu se radicaliser au sein même des services du renseignement, sans que les bonnes décisions aient été prises. Y a-t-il eu des signes avant-coureurs ? Si oui, ont-ils été signalés ? À quel niveau ? L'ont-ils été de façon idoine ? Enfin, comment empêcher que cela ne se reproduise ? Telle est la synthèse des questions que vous avez posées, monsieur le président. Avec Laurent Nunez, nous aurons à coeur d'y répondre dans la mesure du possible, modestement au regard de ce que nous savons. Nous le devons évidemment à la commission des lois du Sénat, aux familles des fonctionnaires qui ont été emportés, à la préfecture de police elle-même ainsi que, plus largement, aux Français, qui, aujourd'hui, s'interrogent, car la sécurité doit être assurée de manière irréprochable.

Je veux vous dire que, dès la première minute du mandat du Président de la République, la lutte contre le terrorisme a été au coeur de nos priorités. Ainsi, la loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme du 30 octobre 2017 a apporté un dépassement politique en soi, tant il s'agit d'un sujet d'une impérieuse nécessité. Par ailleurs, le Président de la République a pris la décision de confier à la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) le chef de filât dans la lutte contre le terrorisme afin qu'il y ait non pas une main unique, mais un pilote unique, en vue d'éviter un trou dans la raquette au sein des différents services qui travaillent ensemble. En outre, a été créé le Service national des enquêtes administratives de sécurité (Sneas) ; nous aurons l'occasion d'en reparler. Et, surtout, je n'oublie pas le travail acharné de nos services de renseignement. À cet égard, je veux leur redire, au travers de vos propos, monsieur le président, et de ceux du Président de la République, que cet événement dramatique n'ébranle en rien la confiance que nous leur devons. Ils oeuvrent dans l'ombre, face à des enjeux majeurs. Seules les défaites sont visibles, mais 59 attentats ont été déjoués depuis 2013. Toutefois, nous ne pouvons pas ignorer ce drame au motif que le travail a été fait. Nous avons constaté des failles. Cependant, permettez-moi d'y insister encore, il ne se passe pas un jour sans que Laurent Nunez ou moi-même recevions des informations concernant une intervention de nos services de sécurité dans le cadre de la prévention du risque terroriste, afin, justement, que des signalements à risque ne deviennent pas des risques. Mesdames, messieurs les sénateurs, sachez que des interventions ont lieu tous les jours, la menace terroriste demeurant à un niveau élevé en France.

Mardi dernier, nous avons évoqué devant la délégation parlementaire au renseignement l'ensemble des dossiers portés à notre connaissance, y compris ceux qui étaient classifiés, pour répondre de manière exhaustive aux questions des parlementaires qui en sont membres. Vous l'avez relevé vous-même, monsieur le président, aujourd'hui, le contexte est quelque peu différent : nous sommes tenus par le nécessaire respect du secret de la défense nationale, auxquels s'ajoutent les investigations judiciaires en cours ; il nous sera donc impossible d'évoquer un certain nombre de sujets. Nous pourrons vous faire parvenir une communication écrite si des informations que nous ne pouvons pas livrer publiquement relèvent toutefois du champ de compétence de votre commission. Il s'agit non pas de vous opposer des interdictions, mais d'éviter de divulguer des informations, pour éviter toute sanction pénale.

Pour conclure, je veux vous dire que nous avons à coeur de vous donner le plus d'éléments possible afin de pouvoir faire la lumière sur les faits visés et plus encore sur la manière dont ils ont pu survenir, en vue d'envisager les mesures à prendre ensuite, même si l'analyse n'est évidemment pas aboutie à l'heure même où je vous parle. Nous aborderons aussi les mesures qui ont été immédiatement prises au sein de la préfecture de police ou celles qui sont relatives au signalement du risque.

Debut de section - Permalien
Laurent Nunez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur

Permettez-moi au préalable d'exprimer, à mon tour, toute ma solidarité et ma peine après le drame qui vient de se produire. Ce drame touche l'ensemble de la représentation nationale, de nos forces de l'ordre, des services de renseignement et, bien sûr, la Nation tout entière. Comme vous le savez, monsieur le président, j'ai moi-même servi à la préfecture de police de Paris où j'ai été le numéro 2 entre octobre 2012 et mars 2015. C'est vous dire combien ce drame me touche plus encore à titre personnel.

Même si une minorité bruyante a mis en cause ces derniers mois, parfois de manière systématique et gratuite, le travail des forces de l'ordre en matière de lutte contre la délinquance, de protection de nos concitoyens et de gestion de l'ordre public républicain, nous sommes tout particulièrement sensibles aux nombreux témoignages d'émotion et de compassion que nous recevons depuis une semaine.

Je veux aussi dire, pour bien les connaître et pour avoir été le chef de file de la lutte antiterroriste en tant que chef de la DGSI, que nos services de renseignement sont entièrement mobilisés pour traquer celles et ceux qui veulent nous attaquer. Nous sommes mobilisés pour déjouer leurs plans. Cet événement dramatique n'entache vraiment en rien, comme l'a souligné le ministre de l'intérieur, la confiance que nous portons aux services de renseignement et de lutte anti-terroriste, d'une manière générale.

Permettez-moi de revenir très rapidement sur les faits qui sont maintenant connus. Jeudi 3 octobre, un adjoint administratif de la préfecture de police, né le 18 septembre 1974 et atteint de surdité depuis son enfance, qui était affecté depuis 2003 au service informatique de la direction du renseignement de la préfecture de police de Paris, a quitté la préfecture pour se rendre dans une boutique où il a acheté deux couteaux, un couteau long et un couteau à huîtres. Il a ensuite pénétré de nouveau dans les locaux de la préfecture de police de Paris à 12 heures 36 et il est passé à l'acte à 12 heures 53, en tuant deux de ses collègues présents dans son bureau au moment de la pause déjeuner. L'enquête ne nous permet pas encore de décrire précisément le déroulement des faits, mais nous savons d'ores et déjà, au travers de la communication qui a été faite par le procureur national anti-terroriste, que cette attaque était d'une extrême violence. Après avoir tué deux personnes, l'auteur s'est rendu dans un bureau voisin, où il a poignardé à plusieurs reprises un autre fonctionnaire, un adjoint administratif - des coups qui se sont avérés mortels. Il a ensuite tenté de poursuivre son périple dans un autre bureau, qui était fermé et où se trouvaient trois agents ; en se dirigeant vers la cour d'honneur de la préfecture de police, il a croisé dans l'escalier une jeune gardienne de la paix de la direction de la sécurité de proximité de l'agglomération parisienne (DSPAP), qu'il a également tuée avec son couteau, puis il a blessé grièvement un autre agent administratif, une jeune femme qui travaille à la direction des ressources humaines de la préfecture de police. Une fois arrivé dans la cour, il a été abattu grâce au courage, à la détermination et au sang- froid d'un jeune gardien de la paix, qui était en poste depuis six jours et que nous avons rencontré à de nombreuses reprises avec le ministre de l'intérieur. Alerté par d'autres personnels, il est allé au-devant de l'agresseur, lequel est venu dans sa direction en le menaçant un couteau à la main, et l'a abattu. Il était important de revenir très rapidement sur ces faits, sachant que tout s'est déroulé en sept minutes.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Messieurs les ministres, ma question porte principalement sur la thématique de l'habilitation au secret de la défense nationale et les conditions de celle-ci. Cette habilitation a été réformée en 2011. Je le rappelle, la durée des habitations est assez longue : dix ans pour l'habilitation « confidentiel défense », sept ans pour l'habilitation « secret défense » et cinq ans pour l'habilitation « très secret défense ». Or, nous le savons tous, les comportements individuels peuvent évoluer et la radicalisation peut survenir dans un délai extrêmement court.

Cette périodicité des enquêtes d'habilitation est-elle satisfaisante ? Nous pensons, pour notre part, qu'elle est insuffisante, mais nous souhaiterions avoir votre point de vue. Par ailleurs, ne serait-il pas envisageable, voire très souhaitable, de prévoir des enquêtes aléatoires en cours d'habilitation, voire une enquête intermédiaire obligatoire, pour tous les personnels habilités occupant des postes de nature stratégique ? En clair, peut-on intensifier les moyens de contrôle en matière d'habilitation ?

Debut de section - Permalien
Christophe Castaner , ministre

De manière générale, je rappellerai, pour répondre aux questions plus globales du président Philippe Bas, que l'ensemble des forces de sécurité du ministère de l'intérieur fait l'objet d'une attention quant aux risques de radicalisation, mais nous aurons peut-être l'occasion d'en reparler.

Se pose ensuite la question de l'habilitation. Celle-ci a été réformée en 2011 dans un contexte différent. C'est la raison pour laquelle nous travaillons depuis quelques mois déjà à une révision globale du système de l'habilitation et à un référentiel différent pour ce qui concerne à la fois la triple classification et la durée.

Au vu du contexte, qui était, je le répète, totalement différent, il a été décidé en 2011 d'allonger la durée de l'habilitation. Si j'avais été alors aux responsabilités, j'aurais certainement fait la même chose que celui ou celle qui a porté cette prorogation. Je veux le préciser, car il ne s'agit pas là de porter l'accusation sur telle ou telle personne.

Outre cette habilitation, il y a la régularité de la procédure et, à tout moment, des indicateurs peuvent permettre de déclencher une alerte de vérification.

Vous proposez deux vérifications : d'abord, une vérification au travers d'enquêtes aléatoires - pourquoi pas ? Cela peut être de nature à mettre une pression collective sur l'ensemble du dispositif. Vous en proposez une autre par le biais de rendez-vous réguliers. C'est un point fondamental, nous devons pouvoir identifier chez nos agents, au sens large, notamment chez les agents habilités au secret défense, et plus encore chez ceux qui travaillent au sein des services du renseignement, tous les signes d'alerte dont nous pourrions avoir connaissance.

Lorsque j'ai donné, devant les députés membres de la commission des lois, la liste des éléments permettant d'identifier une radicalisation, notamment vers un islam radical, un islam politique et le terrorisme, un certain nombre d'entre eux se sont moqués en les reprenant un par un, en diffusant sur les réseaux sociaux le hashatg #désignetonmusulman. Chacun ici sait que personne ne fait de lien entre la religion musulmane et le terrorisme, ni même entre la religion musulmane, la radicalisation et le terrorisme, mais cela peut arriver. Le nier reviendrait à mentir aux Français. Certains ont glosé sur ces éléments, allant même jusqu'à faire de l'humour : cette attitude est méprisable. En effet, j'appelle - c'est la première mesure que j'ai prise - l'ensemble de nos fonctionnaires de police à être eux-mêmes acteurs du signalement. Dans le cadre de l'attaque, que je ne qualifierai pas autrement, laissant au procureur national antiterroriste le soin de dire le droit sur ce sujet, il nous a été remonté dans un rapport administratif dont j'ai eu connaissance dimanche dernier, qu'il y a eu des signes de radicalisation, qui n'ont pas été interprétés au bon niveau et qui n'ont pas fait l'objet d'un signalement. J'ai donc demandé à l'ensemble de nos forces, comme le préfet de police l'a demandé à l'ensemble des agents de la préfecture de police au moyen d'une circulaire, de relever tous les signes, qui doivent faire l'objet d'un signalement. Les signes ne veulent pas dire qu'il y a radicalisation, mais il reviendra aux personnels formés à la détection de la radicalisation dont c'est la responsabilité de les analyser.

Parmi ces signes figurent le port de la barbe, le refus de serrer la main à des collègues féminines, une hyperkératose au milieu du front - la tabaâ -, le prosélytisme religieux intempestif, la consultation frénétique de sites religieux depuis son poste de travail, la fréquentation notoire de personnes radicalisées, le port d'un voile intégral sur la voie publique pour un fonctionnaire féminin, des éléments qui peuvent, après analyse, caractériser la radicalisation. Pour répondre précisément à votre question, c'est à partir de ces éléments que l'on doit alerter, faire un signalement à tout moment. Dans le cas présent, l'auteur ne présentait aucun signe en 2003, pas plus qu'en 2013 au moment de son habilitation. Nous avons connaissance de signes qui sont apparus en 2015, peut-être y en a-t-il eu d'autres ensuite - l'enquête le dira. Ces signes n'ont pas conduit au bon niveau d'alerte au bon niveau hiérarchique. Il s'agissait non pas de sanctionner l'agent visé, mais de vérifier s'il y avait effectivement radicalisation et, dans l'affirmative, de lui parler. Selon les consignes de l'Inspection générale de la police nationale (IGPN), il faut d'abord prendre le temps d'échanger, de rappeler ce qui doit être au coeur de l'engagement des fonctionnaires, à savoir le principe de laïcité. C'est la feuille de route que nous devons mettre en oeuvre. Si anomalies il y a, je n'hésiterais jamais à sanctionner et, en cas de radicalisation forte, à utiliser toutes les procédures dont nous disposons - et elles sont nombreuses - pour provoquer une éviction de cet agent tout d'abord de son poste de responsabilité, a fortiori s'il travaille dans le renseignement, et, ensuite, de la fonction publique du ministère de l'intérieur s'il est radicalisé.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Monsieur le ministre, on peut admettre ensemble que l'islam est une religion, mais que l'islamisme radical est une idéologie politique extrémiste, qui peut conduire dans certains cas jusqu'à l'action terroriste. Il est donc parfaitement légitime pour la République d'administrer un traitement différent, d'une part, aux religions et, d'autre part, aux doctrines qui sapent les fondements mêmes de notre Constitution ; tout le monde le comprend bien aujourd'hui. L'application du principe de laïcité à l'islamisme radical n'est pas une démarche pertinente. En revanche, il est pertinent d'appliquer à l'islamisme radical les dispositions que l'on pourrait appliquer à tout mouvement politique visant à remettre en cause les droits fondamentaux ou la primauté de la loi de la République sur toute autre règle. Si l'on admet ce principe et que l'on rappelle clairement nos principes et nos valeurs, on aura déjà, me semble-t-il, un peu progressé. Je tenais à faire cette observation, que vous partagez, je crois, même si elle nous éloigne quelque peu du coeur du dispositif de sécurité que nous devons examiner ensemble, mais il importait de rappeler ces principes communs.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

La nuit dernière, plusieurs commissariats de police à Paris ont reçu des enregistrements faisant l'éloge des attentats de 2015. Quelles informations détenez-vous à ce sujet ? Existe-t-il des liens possibles avec ce qui s'est passé la semaine dernière ?

Par ailleurs, une clé USB a été retrouvée dans le tiroir du bureau de l'assassin. Cette clé comportait de la propagande djihadiste violente ainsi que les coordonnées d'un certain nombre de fonctionnaires de la police et des services de renseignement. Il a été dit que cette clé ne posait pas de problème particulier et que son contenu n'avait pas été diffusé. En êtes-vous sûr, monsieur le ministre ? De quels moyens disposez-vous pour le vérifier ?

Enfin, M. le Premier ministre a annoncé deux inspections pour faire en sorte que ce drame ne se renouvelle pas. Au coeur du réacteur de la lutte contre le terrorisme, une personne a pu se radicaliser, préparer et mettre en oeuvre un acte terroriste. Quels moyens concrets allez-vous mettre en place dans les jours et les semaines qui viennent pour vérifier que cela ne puisse pas se reproduire, en procédant aux examens nécessaires dans l'ensemble des services de renseignement ? À cet égard, le service national des enquêtes administratives de sécurité a pour objet de vérifier que le comportement des personnes n'est pas incompatible avec l'exercice des fonctions qu'elles assument, notamment dans le domaine du renseignement. Doté de 23 agents et 5 réservistes, vous avez annoncé que l'effectif serait de 69 agents. Pouvez-vous le confirmer et indiquer à quelle date cela sera effectif ? Quelles mesures très concrètes seront prises pour mettre en place les mesures que vous venez d'annoncer à M. Buffet ? Les signalements obligatoires seront-ils écrits ? Les agents auront-ils l'obligation d'en faire part par écrit à leurs supérieurs ?

Debut de section - Permalien
Christophe Castaner , ministre

Les sujets sont larges, monsieur le président Sueur.

Plusieurs commissariats ont effectivement reçu des enregistrements qui pourraient paraître menaçants - j'emploie le conditionnel quant à l'interprétation des messages. Le préfet de police a immédiatement porté plainte pour que cela donne lieu à une enquête. C'est, hélas, un phénomène que nous connaissons : ce genre d'événement particulier donne à chaque fois lieu à des initiatives totalement abruties. Le centre national d'assistance et de prévention de la radicalisation (CNAPR) travaille sur les signalements de ce type. À chaque fois, cela entraîne une hausse significative du nombre d'appels téléphoniques et d'envois de formulaires. À titre d'exemple, le jeudi 3 octobre, le CNAPR a été appelé à onze reprises ; durant le week-end, il a reçu vingt-trois appels le samedi et le dimanche, et quarante le lundi, que nous instruisons de la même façon.

Cette situation ne suscite pas d'inquiétudes outre mesure, d'autant que rien n'établit au moment où je vous parle qu'il y ait eu une organisation collective autour de l'auteur de l'attaque. Même si je n'ai pas accès aux éléments de l'enquête, aucun indice n'est apparu sur ce sujet. S'il y avait des alertes sur tel ou tel risque, vous le savez, le procureur national antiterroriste nous aurait indiqué qu'il fallait protéger tel ou tel sujet à risques.

Concernant la clé USB, je veux dire que cette question est couverte par le secret de l'enquête ; nous n'y avons donc pas accès. Mais surtout, sur ce point, je veux rappeler la responsabilité morale de ceux qui propagent des rumeurs et qui inquiètent inutilement. Dans ce dossier, on a dit tout et n'importe quoi dès le début, par exemple qu'au moment de la perquisition, l'épouse était en niqab. Toute une série d'informations le concernant qui étaient toutes fausses ont été diffusées, y compris à propos de cette clé USB. Un grand journal national a sorti cette affaire en disant : la clé USB a été trouvée à son domicile, ce qui aurait été effectivement une première anomalie, mais elle a été trouvée à son bureau. Je ne dis pas qu'il ne s'agit pas d'un élément grave, mais, chacun le sait, un informaticien a l'habitude, pour certains types de clés USB, de vider la centrale de l'ordinateur sur lequel il intervient. Je nous invite donc à ne pas porter de rumeurs qui inquiètent inutilement, et j'invite la presse à le faire aussi.

Ce que je puis vous dire, c'est qu'aucune alerte particulière ne tourne autour des dossiers actuellement placés sous l'instruction, mais cela ne signifie pas qu'il n'y a pas de risque. Sur le contenu de la clé USB, tout ce qui est sorti dans la presse me semble éloigné de la vérité, et, de toute façon, cela n'est pas confirmé. Le préfet de police a réuni hier un comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) avec les organisations syndicales pour évoquer cette question. La préfecture de police traverse une crise profonde, nous ne devons pas la mettre en cause, et il nous faut la protéger : nous entendons les inquiétudes légitimes des agents dont les noms pourraient être divulgués. Voilà ce que je voulais dire sur la clé USB ; c'est un élément de l'enquête. Ne nous emballons pas sur ce sujet, mais hélas je ne suis pas en mesure de vous dire si l'attaquant a diffusé des informations vers l'extérieur ou pas. Nous n'avons aujourd'hui pas d'éléments particuliers sur ce sujet qui nous alertent ; je pense être clair.

Quant aux deux enquêtes de l'Inspection des services de renseignement (ISR), je vous le rappelle, elles ont été demandées par le Premier ministre, qui est compétent pour ce qui concerne l'ensemble des services de renseignement, et pas seulement pour le ministère de l'intérieur. Ces enquêtes visent un double niveau.

Premièrement, au sein de la préfecture de police, dans la direction du renseignement, il convient de voir ce qui a fonctionné et ce qui a dysfonctionné ; de constater si tous les process ont été mis en oeuvre et, dans le cas contraire, pourquoi ils ne l'ont pas été. Il a été demandé que nous ayons une vision précise sur ce sujet avant le 12 novembre, en vue d'adapter notre dispositif, même si, comme je vous l'ai dit, le préfet de police a, dès lundi dernier, pris une circulaire interne pour appeler l'attention sur la bonne utilisation du process tel qu'il existe aujourd'hui et appeler à son renforcement.

Deuxièmement, une seconde enquête plus globale sera conduite, avec une double vocation : premièrement, celle de nous aider, avec vos travaux parlementaires, à avoir la photographie globale de la faiblesse possible dans les services de renseignement, et, deuxièmement, une finalité qui n'a peut-être pas été assez perçue, celle de demander aux inspecteurs de descendre à tous les niveaux de la hiérarchie pour faire un travail de sensibilisation en B to B avec les différents niveaux de hiérarchie, car rien ne peut être considéré comme anodin. Même si un élément est anodin, il faut que l'on puisse analyser le caractère anodin ou pas. Cela est très compliqué parce que cela relève de la subjectivité humaine : nos services de renseignement sont composés de femmes et d'hommes, ce qui suppose forcément une part de subjectivité, mais ils sont aussi dotés d'une grande expérience, et c'est sur cette expérience-là qu'il faut construire notre appréciation de savoir si l'on doit déclencher une procédure ou pas. Oui, les signaux faibles à ce niveau de responsabilité - je ne parle pas de la société en général - doivent conduire à des signalements.

Je vais laisser Laurent Nunez vous répondre sur le renforcement du service national des enquêtes administratives de sécurité et sur la dimension du signalement et la forme qu'il doit revêtir.

Debut de section - Permalien
Laurent Nunez, secrétaire d'État

Le Sneas, vous le savez toutes et tous, a créé dans la foulée de la loi Savary, qui avait imposé des criblages avant le recrutement d'un certain nombre d'agents dans le domaine des transports, une mesure étendue aux personnels intervenant dans les grands événements, puis, aujourd'hui, aux policiers, aux gendarmes et à un certain nombre de catégories professionnelles, dont les policiers municipaux, ainsi que certains agents de sécurité privés : son champ d'action n'a cessé de s'étendre. D'ailleurs, ce mouvement devrait se poursuivre puisque, à la suite du rapport Diard-Poulliat, nous travaillons à la mise en oeuvre d'un certain nombre de mesures, dont l'extension éventuelle des criblages. De la même façon, va être mise en oeuvre la loi SILT, notamment l'article L. 114-1 du code de la sécurité intérieure, qui prévoit la possibilité de faire ce que l'on appelle des rétro-criblages, lesquels vaudront bien évidemment pour les policiers et les gendarmes, une fois recrutés, une fois en service : il donne la possibilité de procéder à un nouveau criblage dès lors qu'apparaît un comportement qui n'est plus compatible avec l'exercice de la mission. Le Sneas a accès à l'ensemble des fichiers qui nous permettent de détecter des anomalies - cette consultation des fichiers dans des conditions bien évidemment encadrées était aussi un élément important de la réforme.

Pour répondre clairement à la question du président Sueur, l'objectif est de porter l'effectif du Sneas à 67 agents à la fin de l'année 2020, contre une trentaine actuellement. Ce service va donc monter en puissance.

Concernant la forme du signalement, vous avez raison d'insister sur le signalement lui-même, qui est, comme l'a rappelé Christophe Castaner, fondamental, notamment dans les services de sécurité.

Tout d'abord, il déclenche la saisine des cellules dédiées, qui sont notamment chargées de suivre la radicalisation dans nos services. Nous reviendrons sans doute sur le sujet, mais j'indique que la radicalisation y est très faible, extrêmement faible. La saisine de cette cellule, qui est placée auprès de l'IGPN pour ce qui est de la police nationale et d'un service dédié pour la gendarmerie nationale, est importante.

Ensuite, comme l'a rappelé M. le ministre, ce signalement permettra de ré-examiner, de revisiter l'habilitation en déclenchant de nouvelles enquêtes en cours d'habilitation qui, si la radicalisation est confirmée, se traduisent obligatoirement par le retrait de l'habilitation.

Enfin, en cas de signalement de radicalisation, un service de renseignement entre en jeu et prend en charge l'individu. Ce signalement est donc fondamental.

Le ministre l'a rappelé à l'instant, l'Inspection des services de renseignement aura justement pour objet de vérifier, service par service, la manière dont sont traités ces signalements, en voyant comment ils remontent, et, surtout, de sensibiliser les personnels, notamment la hiérarchie, à la nécessité absolue d'avoir un signalement. Nous n'avons pas encore déterminé si ce signalement doit être écrit ou oral. La seule chose que je puisse dire, c'est qu'un signalement, qu'il soit écrit ou oral, doit impérativement être pris en compte. La forme du signalement n'est pas l'élément le plus déterminant. Nous verrons ce que nous déciderons une fois que l'Inspection des services de renseignement se sera prononcée sur le fait d'imposer ou pas le caractère écrit du signalement. Mais l'essentiel à nos yeux, je le répète, c'est de faire en sorte que l'information circule, qu'elle soit prise en compte au bon niveau.

En résumé, le signalement oral doit être pris en compte, mais a fortiori, un signalement écrit, c'est beaucoup mieux.

Debut de section - Permalien
Christophe Castaner , ministre

Si vous me le permettez, monsieur le président, je donnerai un autre élément d'information aux sénateurs.

Concernant le recrutement des agents du Sneas, je veux évoquer les 1 900 recrutements que nous faisons, au cours du quinquennat, pour renforcer les services de renseignement. Un problème se pose : recruter les bonnes personnes aux bons endroits sur des sujets aussi sensibles. Lorsque nous ouvrons des postes de gardiens de la paix, ce que nous faisons chaque année dans le cadre du plan de recrutement des 10 000 policiers et gendarmes supplémentaires sur le quinquennat, nous recevons la candidature de jeunes Français et Françaises motivés. Concernant le renseignement, le niveau de compétence est différent, et nous rencontrons des difficultés. Nous travaillons sur ce sujet, en particulier avec le directeur général de la sécurité intérieure, afin que nous nous donnions les moyens d'attractivité supplémentaire.

Je dirai un mot sur la forme des signalements. Il y a aussi la question des supports de signalement. Nous avons été interpellés sur l'idée d'une plateforme, ainsi que sur la question de l'anonymisation : ce sont des sujets que nous n'excluons pas, sachant qu'il s'agit non pas de délation, mais d'informations auprès d'une personne spécialement formée pour analyser les signes d'une éventuelle radicalisation.

Debut de section - Permalien
Laurent Nunez, secrétaire d'État

Je dirai un mot supplémentaire sur la nature du signalement. Le signalement, c'est quelque chose que l'on connaît bien puisque nous travaillons depuis 2014 sur les dispositifs qui ont été mis en place sous le quinquennat précédent et que nous avons poursuivis et renforcés. Actuellement, les signalements de radicalisation ailleurs que dans les services régaliens revêtent plusieurs formes. Ce qui est important, c'est qu'il existe un service dédié qui les formalise par écrit, mais, sachez-le, le signalement peut d'ores et déjà prendre plusieurs formes.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Monsieur le secrétaire d'État, le rétrocriblage a été introduit par la loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, adoptée voilà deux ans. Pourquoi est-ce maintenant seulement que l'on travaille à sa mise en oeuvre ?

Debut de section - Permalien
Laurent Nunez, secrétaire d'État

Le rétrocriblage des agents en poste dans les services régaliens vise à détecter une anomalie par l'observation de comportements qui attirent l'attention et éveillent un doute sur leur compatibilité avec l'exercice de missions de souveraineté.

Le principal objet de l'article L. 114-1 du code de la sécurité intérieure est de permettre la mise à l'écart d'un agent de ses missions en dehors du contexte disciplinaire que nous utilisons actuellement. Pour ce faire, un certain nombre de mesures fortes doivent être prises, qui nécessitent la constitution d'une commission, chargée d'émettre un avis. La parution de l'instruction mettant en place cette commission est imminente.

Ne perdez pas de vue que, d'ores et déjà, nous travaillons à la détection des cas de radicalisation dans les services régaliens. Une vingtaine de personnes sont actuellement suivies dans la police nationale, ainsi qu'une dizaine dans la gendarmerie nationale. C'est très peu, mais nous faisons ce travail et, aujourd'hui déjà, nous écartons ces personnes de leurs activités, en utilisant tous les moyens que nous offre le droit disciplinaire, y compris la révocation - nous y avons déjà eu recours.

Le rétrocriblage est très important et très attendu, mais le droit disciplinaire nous offre dès à présent la possibilité d'agir. C'est ce que nous faisons.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Pierre de La Gontrie

Ce qui est très troublant dans les explications qui nous sont données, c'est une forme de décalage entre l'ambition annoncée d'une extrême vigilance sur la situation des agents et la réalité du travail qui est fait. Ainsi, la loi qui prévoit le rétrocriblage date du 30 octobre 2017 ; deux ans plus tard, ce dispositif n'est toujours pas en place - ce n'est pas faute que le Gouvernement ait été interpellé sur le sujet par des parlementaires. Voilà qui est curieux, pour ne pas dire plus.

De même, monsieur le ministre, vous avez signé une circulaire, datée du 13 novembre 2018, qui prévoit un échange avec les maires au sujet des difficultés éventuelles présentées par tel ou tel agent d'une commune. Vous y demandiez aux préfets de rendre compte dans les trois mois de la mise en oeuvre de ces échanges. Or, pour la Ville de Paris, cette démarche n'a jamais été mise en place, malgré la demande de la maire de Paris... D'où le sentiment que je signale d'un décalage entre les intentions, louables, voire les lois votées, et la réalité de ce qui se fait sur le terrain. Du fait de ce décalage, un grand nombre de situations n'ont pas été prises en compte, et c'est ainsi que parfois des drames se produisent.

Debut de section - PermalienPhoto de François Grosdidier

Je souscris pleinement à l'analyse de Philippe Bas.

Voilà des années que la République paraît avoir toujours un temps de retard sur l'ennemi, dans cette guerre qui, je vous l'accorde, est d'un nouveau type. Il y a beaucoup à changer dans tout ce que l'on a toujours fait en matière de détection des comportements individuels. Je n'évoquerai ici que deux réformes nécessaires.

D'abord, il faut pouvoir révoquer un fonctionnaire, a fortiori un policier ou un militaire, islamiste, salafiste et potentiellement djihadiste. Paradoxalement, en retirant son habilitation à un agent de sécurité privée, vous pouvez déjà provoquer son licenciement. Faut-il changer la loi pour que vous puissiez révoquer un fonctionnaire à la lumière des informations des services de renseignement ? Un maire, de même, doit pouvoir révoquer un agent de police municipale. Cela suppose de faire partager au juge administratif les informations des services de renseignement, à la condition, bien sûr, qu'il en garde le secret.

Ensuite, la préfecture de police de Paris est un anachronisme, la survivance d'une époque, jusqu'à Vichy, où les polices urbaines étaient sous l'autorité des maires. Se justifie-t-elle encore en dehors de la direction générale de la police nationale (DGPN), et surtout son service de renseignement, qui est en dehors de la DGSI ? Monsieur le ministre, vous avez pourfendu la réforme Sarkozy du renseignement, mais le seul service à y avoir échappé, celui de la préfecture de police de Paris, fonctionne toujours sur le modèle des vieux Renseignements généraux de papa... N'est-il pas temps de briser les cloisonnements dans nos forces ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Durain

Monsieur le ministre, nous comprenons parfaitement vos obligations en matière de protection de la confidentialité de l'enquête, mais nous revendiquons le droit à l'information la plus exhaustive possible. En particulier, nous voudrions disposer de la fiche de poste de Mickaël Harpon pour comprendre les missions dont il était chargé.

Alors qu'une réflexion globale est nécessaire sur l'organisation de la police et des services de sécurité, vous avez choisi de supprimer l'Institut national des hautes études de la sécurité et de la justice (INHESJ). N'a-t-on pas besoin d'un peu de profondeur, d'une base arrière théorique, pour repenser l'organisation de nos services ? Quelle est l'alternative à l'INHESJ ?

Debut de section - Permalien
Christophe Castaner , ministre

Madame de la Gontrie, je ne veux pas vous laisser penser que le rétrocriblage n'existerait pas depuis deux ans. Je le répète : il existe et il fonctionne.

Une fois l'habilitation accordée, si des vulnérabilités apparaissent, un contrôle est possible à tous les niveaux. Le principe même de l'habilitation, c'est qu'il y a une enquête administrative, dont le contenu, très variable, est à l'appréciation du seul service enquêteur. En cas d'inquiétude, le service, par exemple la DGSI, peut organiser un entretien de sécurité avec le candidat. S'il y a une alerte supplémentaire, en plus de consulter tous les fichiers, on peut utiliser toutes les techniques de renseignement à la disposition de nos services et encadrées par la loi. Nous pouvons parfaitement organiser le rétrocriblage.

L'article L. 114-1 du code de la sécurité intérieure prévoit la possibilité de révoquer un agent en cas de radicalisation. Si nous ne l'avons pas utilisé, c'est parce que, jusqu'à présent, nous n'en avons pas eu besoin.

Le portefeuille de signalements n'a jamais dépassé une trentaine de cas au sein de la police nationale. Quand des éléments caractérisent une radicalisation, il faut engager une procédure. Mais plutôt que de s'enfermer dans une seule disposition, notre administration a fait le choix, depuis 2015, d'utiliser tous les moyens possibles pour écarter l'agent. Aujourd'hui, les personnes suivies sont au nombre de dix-neuf ; comme nous avons reçu en tout une quarantaine de signalements, une vingtaine de personnes nous ont quittés. Leur départ a pu prendre la forme d'une mise en disponibilité pour création d'entreprise, d'une révocation - l'une est actuellement suspendue à un jugement au fond -, du licenciement d'un adjoint de sécurité (ADS), d'une déclaration d'inaptitude professionnelle, du non-renouvellement d'un contrat d'ADS ou d'une fin de stage.

J'insiste : notre administration veille à utiliser tous les moyens possibles. Si, dans un mois, nous avons besoin d'utiliser la procédure prévue à l'article L. 114-1, nous aurons les moyens d'y recourir sans difficulté. Nous rétrocriblons déjà, dans le cadre légal, et nous continuons d'avancer. Ne cherchons donc pas à nous opposer sur ces sujets.

Oui, j'ai voulu que les maires soient au coeur de la prévention et de la lutte contre la radicalisation. C'est pourquoi j'ai signé la circulaire prévoyant leur information. Encore faut-il que les maires - je ne parle pas de la Ville de Paris, mais sur un plan général - demandent cette information et acceptent d'entrer dans cette logique, en signant une charte de confidentialité. Ce n'est hélas pas le cas de certains, ce qui est aussi une fragilité.

Quoi qu'il en soit, nous avons mis en place le dispositif permettant à un maire d'obtenir une information sur une personne radicalisée travaillant dans un service sensible et d'avoir un retour systématique sur les signalements. S'il y a un dysfonctionnement à la mairie de Paris, je propose qu'une réunion spécifique se tienne sur le sujet.

Monsieur Grosdidier, on a un temps de retard sur l'ennemi qui nous frappe, mais nos services, tous les jours, ont un temps d'avance sur l'ennemi. Mais, évidemment, ils ne sont pas à 100 % - on l'a vu jeudi dernier. Il nous faut donc être meilleurs.

S'agissant des possibilités de révocation, il n'est pas nécessaire de changer la loi pour les agents de la police nationale ; pour la gendarmerie nationale, c'est un peu différent, mais il n'y a pas forcément de besoin aujourd'hui. Si, au terme de la revue que nous engageons, nous constatons qu'il est nécessaire d'affiner, d'améliorer ou de changer certaines dispositions, je m'appuierai volontiers sur le Sénat pour avancer sur le terrain législatif.

Je n'ai jamais pourfendu la réforme Sarkozy, et ce n'est pas la question. En ce qui concerne la préfecture de police de Paris, un dispositif touchant aux habilitations au secret défense n'était pas suffisamment encadré ; nous avons amené la DGSI et la préfecture de police à signer un protocole en février dernier, afin de faire appliquer le référentiel national. La directrice du service de renseignement de la préfecture de police a pris les choses en main, et le référentiel qui s'applique est désormais placé sous le contrôle de la DGSI, qui étudie l'ensemble des signalements.

Debut de section - Permalien
Laurent Nunez, secrétaire d'État

La fiche de poste de M. Harpon est nécessairement classifiée, dans la mesure où elle touche à l'organisation des services de renseignement. Nous ne pourrons donc pas vous la communiquer, mais nous pouvons en parler.

Debut de section - Permalien
Christophe Castaner , ministre

Nous la communiquerons à la délégation parlementaire au renseignement, dont le président de votre commission est membre.

La suppression de l'INHESJ n'est vraiment pas le sujet du jour. Si elle faisait peser un risque sur notre capacité d'analyse, nous ne la déciderions pas. À l'inverse, si l'existence de cet organisme garantissait contre le risque terroriste, nous le saurions.

Debut de section - Permalien
Laurent Nunez, secrétaire d'État

À partir de l'élection du président Macron, la coordination nationale en matière de renseignement a été redynamisée.

Par ailleurs, le secrétariat général du comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (CIPDR) a pour objectif de s'ouvrir au monde de la recherche pour enrichir notre réflexion. Le coordonnateur national du renseignement et de la lutte contre le terrorisme travaille également avec de nombreux chercheurs. Au-delà du sort d'un institut, nous sommes parfaitement conscients de l'importance de cette dimension de recherche.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

S'agissant du service national des enquêtes administratives de sécurité (Sneas), vous vous êtes fixé comme objectif d'atteindre 69 agents d'ici à 2020. Cet effectif est bien évidemment insuffisant en regard des 5,5 millions de fonctionnaires que compte notre pays. Monsieur le ministre, prévoyez-vous d'accroître considérablement le personnel et les moyens de ce service ? Le Gouvernement envisagerait-il d'étendre le champ d'action de celui-ci à tous les services publics, étant donné que la radicalisation ne concerne pas seulement le ministère de l'intérieur ?

Par ailleurs, quand on octroie une habilitation au secret défense, on examine l'environnement du candidat, en particulier sa famille et son conjoint. Or l'auteur de la tuerie de la préfecture s'est remarié en 2014 sans que cela déclenche un nouveau contrôle. Comment cela se fait-il ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Eustache-Brinio

Avant-hier, à la préfecture de police, le Président de la République a appelé à lutter contre l'hydre islamiste en bâtissant ensemble une société de vigilance. Seulement, cette hydre, il ne l'a pas définie. Dans son esprit, inclut-elle les Frères musulmans, les salafistes wahhabites, tous les courants extrémistes qui font de l'islam une doctrine politique et religieuse ? Il est essentiel de bien nommer les choses. Par ailleurs, quelles mesures le Gouvernement envisage-t-il de prendre pour traduire rapidement cette volonté présidentielle en actes concrets ?

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Marc

Des informations ont été rapportées dans la presse faisant état d'un fonctionnaire de la préfecture de police affecté à la lutte antiterroriste et ayant accès à des données sensibles comme le fichier judiciaire automatisé des auteurs d'infractions terroristes (Fijait) qui aurait fait l'objet de plusieurs signalements écrits, et d'une enquête administrative, car il présenterait des signes de radicalisation islamiste. En cas de signalement écrit, les services procèdent-ils à des enquêtes systématiques ? Englobent-elles l'entourage très proche du fonctionnaire radicalisé ? Comment peut-on expliquer que ce fonctionnaire ait été maintenu à un poste aussi sensible malgré les signalements et l'enquête ? Est-il toujours en poste ?

Le Président de la République, dans son discours prononcé à la préfecture de police, a opposé la vigilance au soupçon. Comment protégerez-vous les personnes à l'origine de signalements de radicalisation islamiste, qui, souvent, sont dissuadées d'alerter leur hiérarchie par la crainte d'être accusées d'islamophobie ?

Debut de section - Permalien
Laurent Nunez, secrétaire d'État

Madame Benbassa, notre objectif n'est pas à ce stade de cribler l'ensemble des fonctionnaires ; nous nous concentrons sur ceux qui exercent des missions de sécurité et, pour d'autres professions que les fonctionnaires, sur ceux qui touchent à des questions de sécurité - c'était l'objet initial de la loi Savary sur les personnels chargés de missions de sécurité dans les transports. Avec l'effectif de 67 agents à la fin de 2020, nous pourrons procéder, à partir de 2021, à environ 3 millions d'enquêtes par an, ce qui est assez important.

Le rapport Diard-Poulliat propose d'étendre le criblage à un certain nombre de catégories professionnelles, comme les personnes en contact avec la petite enfance. Une série de réunions ministérielles sont prévues pour envisager une extension des compétences du Sneas.

Vous savez qu'il y a plusieurs niveaux d'enquête, du simple criblage jusqu'à l'entretien individuel, voire l'utilisation de techniques de renseignement. Un événement nouveau comme un mariage justifie qu'on examine à nouveau le dossier d'habilitation sans attendre son renouvellement, mais pas nécessairement qu'on entreprenne une enquête de grande intensité.

Debut de section - Permalien
Christophe Castaner , ministre

Il ne s'agit pas aujourd'hui de mettre en place un dispositif de criblage pour l'ensemble de la fonction publique française, à moins d'une décision politique en ce sens, qui relèverait du Parlement. Au reste, madame Benbassa, si je suggérais de passer au crible la totalité des fonctionnaires de France, je crains que vous ne puissiez me le reprocher. Nous devons avoir le bon niveau d'information, mais sans entrer dans une société du contrôle absolu, ce qui n'était pas, je pense, le sens de votre intervention.

Debut de section - Permalien
Christophe Castaner , ministre

Mais la question se posera, parce que le risque peut exister.

La question se pose aussi de la caractérisation de la radicalisation. En ce qui concerne les services de sécurité, je considère que c'est la responsabilité d'un policier ou d'un gendarme d'assumer la dénonciation de phénomènes de radicalisation qu'il constaterait. Pour moi, cela n'est pas négociable : cela fait partie de la mission de protection des Français. Je refuse donc qu'on m'oppose une réserve en la matière.

Nous devons aussi prévoir la possibilité de les protéger, mais la meilleure protection, c'est que ces agents s'adressent à un référent chargé de la radicalisation qui n'a pas besoin d'un signalement écrit pour décider de pousser plus loin les investigations.

Dans le cas qui nous occupe, les signaux ont été considérés comme de faible intensité. Il y a eu des discussions, et, quand le responsable chargé de la radicalisation a demandé s'il y avait signalement, il lui a été répondu, selon les informations dont je dispose : « non, on gère ». Il y a quelques semaines encore, un des responsables de ces sujets est repassé dans le service en question : on lui a répondu que les choses se passaient bien. Il y a quelques semaines encore, quand on organisait un pot dans ce service, tout le monde était invité, et on veillait à ce qu'il n'y ait pas de porc, parce qu'on savait qu'un des membres du service était musulman. Le problème, c'est que les éléments n'ont pas été considérés comme suffisants. Si d'autres informations avaient été transmises, nous aurions peut-être pu éviter ce qui s'est passé.

Madame Eustache-Brinio, je pense qu'il faut appeler un chat un chat : nous devons mener une action déterminée contre toutes les formes de radicalisation, en particulier contre l'islam politique.

Nous disposons pour cela, depuis 2014, de nouveaux outils : le fichier des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste (FSPRT), la loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, le plan d'action contre le terrorisme, la coordination entre services renforcée par la création du CNRLT et le chef de filat de la DGSI, ainsi que le plan national de prévention de la radicalisation.

Il s'agit d'intervenir, territoire par territoire, là où des écosystèmes se créent : une mosquée, une association, une école, des commerces. Dans le cadre de la lutte contre la radicalisation dans les quartiers, depuis février 2018, 129 débits de boissons ont été fermés, de même que 12 lieux de culte, dont 2 seulement dans le cadre de la loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme - preuve que nous avons d'autres moyens de faire fermer des lieux de culte. De même, 9 établissements culturels ou associatifs ont été fermés, ainsi que 4 écoles. Les comités opérationnels départementaux anti-fraude (Codaf) ont réalisé 503 contrôles, tandis que 2,5 millions d'euros ont été redressés par la Caisse d'allocations familiales (CAF) et 12,2 millions d'euros par l'Urssaf.

Nous intervenons ainsi de la manière la plus large possible pour ne pas laisser s'organiser un écosystème porteur de radicalisation politique. Un combat en particulier doit être mené : la lutte contre l'évitement scolaire. Dans certains quartiers que nous suivons sous l'autorité, en particulier, du préfet Frédéric Rose, ici présent, les indicateurs évoluent bien en matière de violence et de chômage, mais pas en matière de déscolarisation. C'est une alerte sur un phénomène de radicalisation dans un quartier.

Nous devons nous armer, y compris moralement. La polémique qu'il y a eu quand j'ai dit qu'il peut y avoir des signes de radicalisation montre bien que c'est aussi dans nos esprits qu'il nous faut nous éveiller au risque que court notre société face au terrorisme, à l'islamisme politique, aux radicalisations. Oui, notre société court un risque : j'assume de le dire politiquement. C'est à ce réarmement que nous a invités le Président de la République.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Une chose m'étonne : on a l'impression que, dans votre arsenal, il n'y a pas d'intervention possible hors d'une procédure disciplinaire. Pour neutraliser un individu manifestant des signes clairs de radicalisation, on ne peut donc pas agir au nom des raisons de service ? Le service dans lequel travaillait l'individu dont nous parlons, qui est un service sensible, n'est pas le seul à avoir besoin d'informaticiens...

Attentat après attentat, nous durcissons le code pénal et autorisons ou généralisons des moyens d'investigation de manière parfois contestable : pendant ce temps, que se passe-t-il au niveau des services centraux ? Ont-ils été réorganisés ? On a l'impression que tout est resté immuable... Mais sans doute les ministres vont-ils me rassurer.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Kanner

Monsieur le ministre, vous avez parlé de failles et de faiblesses. Y a-t-il eu une faute dans les services de la direction du renseignement de la préfecture de police ? Je veux parler de cette forme d'autocensure qui a abouti aux conséquences que nous connaissons. Le faisceau de présomptions ne devait-il pas conduire à agir plus rapidement ? Monsieur le ministre, y a-t-il aujourd'hui d'autres Mickaël Harpon dans cette direction ?

Par ailleurs, quelles mesures comptez-vous prendre pour protéger l'intégrité physique des fonctionnaires fichés dans la clé USB de Mickaël Harpon ?

Debut de section - PermalienPhoto de Brigitte Lherbier

Il semble que, en l'état actuel du droit, nous disposions des moyens d'écarter un fonctionnaire de police de son poste. Mais quid des autres institutions ? Imaginons qu'on signale une personne susceptible d'être dangereuse dans un hôpital ou une université... Les juridictions administratives sont-elles associées à cette réflexion générale ? Une révocation requiert des preuves solides : le droit peut-il être amélioré en la matière ?

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Plusieurs questions ont porté sur la présence éventuelle dans les services de sécurité d'autres agents radicalisés qui n'auraient pas encore été détectés ou même qu'on suspecterait déjà et qui, pour certains, auraient été mutés. M. Marc, en particulier, a fait référence à la mutation d'un fonctionnaire dans un service support - mais un service support dans un service de renseignement est aussi exposé à des risques d'insécurité. Compte tenu de certaines informations diffusées dans la presse, une mise au point me paraît s'imposer. Or la question précise de M. Marc n'a pas encore reçu de réponse de votre part.

Debut de section - Permalien
Laurent Nunez, secrétaire d'État

Monsieur Collombat, nous avons clairement répondu sur la manière dont nous écartons des fonctionnaires des services de sécurité en utilisant la procédure disciplinaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Je vous ai interrogé sur les mesures possibles hors procédure disciplinaire.

Debut de section - Permalien
Laurent Nunez, secrétaire d'État

Quand une radicalisation est détectée, le cas est traité et analysé. Si la radicalisation est avérée, des mesures sont prises en utilisant toutes les possibilités : la procédure disciplinaire, mais aussi, en effet, la mutation dans l'intérêt du service.

Dans l'affaire dont nous parlons, compte tenu des informations en notre possession à ce stade, il y a eu des échanges oraux de fonctionnaires, mais pas de signalement formalisé : c'est bien le drame de ce dossier, car, s'il y avait eu signalement explicite, la cellule de l'IGPN aurait été saisie, une nouvelle enquête d'habilitation diligentée, l'habilitation retirée et un service de renseignement saisi pour suivre cette personne.

Il est totalement faux, monsieur Collombat, d'affirmer que l'organisation des services centraux serait restée immuable en matière de lutte antiterroriste. Le président Macron a obligé les services de renseignement à échanger en permanence des informations ; il a créé au sein de la DGSI un état-major permanent qui réunit tous les services de renseignement et tous les services judiciaires chargés de la lutte antiterroriste. Les guerres entre services, c'est du passé, et c'est fondamental.

Madame Lherbier, vous avez pris l'exemple de la fonction publique hospitalière pour nous interroger sur le signalement. Notre dispositif revêt plusieurs formes : par exemple, on peut appeler un numéro vert pour contacter un référent de l'unité de coordination de la lutte antiterroriste (UCLAT). Chaque structure dispose de référents radicalisation, et les personnels sont informés qu'ils doivent s'adresser à eux quand ils constatent des signaux de radicalisation chez un collègue. Dans les hôpitaux, ce sont les ARS qui diffusent cette information. Les signalements sont portés à la connaissance des préfectures, et des analyses sont menées par les services du renseignement territorial pour confirmer ou infirmer la radicalisation. Quand elle est confirmée, l'individu est pris en charge par les services de renseignement, qui utilisent leurs techniques habituelles de suivi.

En cas de radicalisation avérée, il y a deux types de mesures : celles prises en interne sur le plan de la gestion et celles prises par les services de renseignement. Vous imaginez bien qu'un individu qui tombe dans la radicalisation violente est pris en compte, y compris, d'ailleurs, au plan judiciaire.

Nous nous assurons du bon fonctionnement de ce système de signalement sur l'ensemble du territoire national.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Je ne voudrais pas me montrer inutilement insistant, mais une question précise a été posée. Selon des informations de presse, un commandant de police radicalisé serait affecté dans un service s'occupant de fichiers de la délinquance, de la criminalité et du terrorisme. Est-ce le cas, et cela vous paraît-il acceptable ?

Debut de section - Permalien
Christophe Castaner , ministre

C'est un dossier qui n'est pas connu, sur lequel nous avons demandé une enquête immédiate. Si ces faits étaient avérés, évidemment, la réponse à votre dernière question serait négative. Je pourrai peut-être vous communiquer, au moins à vous, monsieur le président, les éléments d'information que l'enquête permettra d'établir.

Monsieur Kanner, je pensais avoir répondu à la question de la clé USB. Vous affirmez des faits dont j'ai dit que, aujourd'hui, je n'avais pas connaissance. Je ne dirai rien de plus, pour ne pas relayer l'idée qu'il y aurait une liste de fonctionnaires menacés. Au moment où je vous parle, ce n'est pas établi - mais ce n'est pas non plus exclu.

De la même façon, monsieur Collombat, pensez-vous une seconde que quiconque, dans la hiérarchie de cet individu, ayant eu connaissance de ces faits ne se serait pas dit : il faut le changer de service ?

Le jour même du drame, j'ai tenu des propos de vérité : la vérité des collègues de bureau, avec lesquels j'ai pu discuter l'après-midi, la vérité du dossier administratif de cet agent, la vérité de nos divers fichiers, la vérité de la DGSI, que nous avons consultée. Au moment où j'ai parlé, aucun signe de radicalisation de cet individu n'était connu.

Debut de section - Permalien
Christophe Castaner , ministre

Pour prendre une décision administrative de mutation, dans notre État de droit, il faut des éléments, des éléments qui, en l'espèce, ne sont pas remontés. C'est pourquoi j'ai parlé de failles. Je n'ai pas parlé de faute, monsieur Kanner, parce que c'est aux enquêtes, à la justice, de déterminer s'il y en a eu ou pas ; ce n'est ni au ministre ni, je pense, au Sénat, de désigner des fautes individuelles. Si l'enquête conclut à des fautes, elles devront être corrigées au plan global et, le cas échéant, sanctionnées au plan individuel.

D'autres agents correspondent-ils à ce type ? Personne, monsieur Bas, ne peut vous certifier que non. Au moment où je vous parle, une quarantaine de cas ont été signalés dans la police nationale. Différents moyens ont été employés pour les écarter, dont, monsieur Collombat, la mutation, et même la révocation, à laquelle nous avons recouru six fois - un cas est en suspens devant le juge des référés. Il en reste 19, selon les chiffres qui m'ont été communiqués, dont les autorités ont considéré que le signalement n'était pas caractéristique d'une radicalisation. J'assume cela aussi : ce n'est pas parce qu'une personne se convertit, par exemple, qu'elle est forcément radicalisée. Mais si elle est sur un poste sensible, je pense qu'il ne faut pas hésiter. D'ailleurs, sur les 19 cas dont je parle, nous avons procédé à des mutations, parfois même hors périmètre police.

Quand il y a le bon niveau d'alerte, aujourd'hui, une enquête est menée de façon systématique. Cette enquête se fonde sur une appréciation humaine, et une erreur peut toujours être commise. C'est la vérité de notre société, qu'il faut assumer. Je ne connais pas de logiciel qui pourrait passer au crible 5 millions de fonctionnaires. C'est une forme de société qui techniquement n'existe pas et qui politiquement ne me convient pas. Mais, chaque fois qu'il y a une forme de radicalisation au sein de nos services, comme dans notre société, nous devons impérativement les combattre et les neutraliser.

Debut de section - Permalien
Christophe Castaner , ministre

Et nommer les choses.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Fichet

Un rapport sénatorial de 2016 et un autre de l'Assemblée nationale paru en 2019, portant tous deux sur les services publics face à la radicalisation, soulignent que cette notion n'est pas suffisamment définie. Avez-vous une définition précise de la radicalisation ?

Les signes de radicalisation ont fait l'objet uniquement de discussions entre les membres du service, mais pas de rapports écrits, ni d'une inscription au dossier administratif. Aujourd'hui, les syndicats de police se disent prêts à s'engager dans cette procédure de signalement, mais souhaitent être couverts juridiquement. Êtes-vous prêts à engager une procédure législative pour couvrir les signalements ?

Debut de section - PermalienPhoto de Muriel Jourda

La loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme permet, d'une part, de réaliser des enquêtes administratives, dont j'ai compris qu'elles étaient réalisées, et, d'autre part, d'éloigner une personne présentant des signes de radicalisation, une procédure dont j'ai compris qu'elle n'avait pas été mise en oeuvre, avec la même surprise que M. Bas et Mme de la Gontrie.

Vous nous avez indiqué que le droit commun permettait néanmoins d'écarter, éventuellement même en dehors de l'administration, une personne présentant des signes de radicalisation. Ces personnes font-elles l'objet d'un suivi, et, si oui, lequel ?

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

L'expérience indique que la perspective de prendre une décision de sanction ou de mutation d'office, même légale, conduit bien des dirigeants hiérarchiques à hésiter. Vous savez bien que l'éventualité de voir cette décision finalement annulée, après quatre ou cinq ans, et trois degrés de juridiction s'étant prononcés, est un frein très puissant.

Deux rapports d'inspection vont être établis sur ces faits et sur les situations rencontrées dans les services. Il serait judicieux qu'un de ces rapports analyse les facteurs constatés de réticence ou d'hésitation à prendre des décisions en considération de la personne, et qu'un guide juridique clair soit suggéré, qui permette aux personnes situées aux premiers niveaux de préparation d'une décision de sanction de se sentir plus assurées.

Debut de section - PermalienPhoto de Dany Wattebled

Il faut prendre le mal à la source. Or la propagande de l'islamisme radical passe soit par les réseaux sociaux, soit par certains prêches. À cet égard, on apprend que l'assassin de nos quatre agents était en contact avec un imam radicalisé, fiché et qui devait être expulsé du territoire. Pourquoi cet imam n'a-t-il pas été expulsé ? Plus généralement, qu'en est-il du contrôle des imams radicaux en place et du recrutement des nouveaux imams ?

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Delattre

En effet, nous ne sommes pas là pour faire prospérer des rumeurs, mais nous avons besoin d'éléments complémentaires pour mieux comprendre. Pouvons-nous savoir à quel type de données cet agent avait accès ? A-t-il pu effacer des données sur des personnes pour les protéger ? Sans vouloir alimenter la rumeur de la clé USB, je rappelle qu'il avait accès à des noms. Ces personnes font-elles l'objet d'une protection particulière ?

Nous avons appris par les journaux que sa veuve avait échangé des SMS avec lui. Avez-vous eu un contact avec elle ? Une surveillance particulière de cette personne est-elle prévue ? Nous savons aussi que l'individu côtoyait des salafistes. Était-il fiché S ? Ses fréquentations sont-elles aujourd'hui étroitement surveillées ?

Debut de section - Permalien
Laurent Nunez, secrétaire d'État

La radicalisation peut être violente, sous la forme, par exemple, de l'apologie du terrorisme, d'un soutien à des actions terroristes ou de contacts avec des djihadistes. Ceux qui s'y livrent sont immédiatement pris en compte par les services de renseignement.

Sont pris en compte aussi ceux qui, sans forcément prôner l'action violente de manière explicite ni être en contact avec des individus eux-mêmes suivis au titre du djihad ou de l'adhésion à ce terreau, ont une pratique rigoriste de l'islam. Nous considérons qu'il y a radicalisation chaque fois qu'on considère que la loi de Dieu peut être supérieure aux lois de la République.

Ces deux branches sont bien distinctes : d'un côté, adhésion, soutien, voire participation aux actions violentes ; de l'autre, islam politique et communautarisme. Nous prenons en compte les deux. C'est ainsi que nous suivons un certain nombre de lieux de culte, de lieux de rassemblement ou de clubs sportifs et que nous contrôlons certaines écoles privées hors contrat, avec à la clé des mesures administratives. Nous utilisons tous les moyens à notre disposition, comme les contrôles fiscaux ou sociaux, pour déstabiliser cet islam radical.

Je ne crois pas que les policiers et les gendarmes craignent de procéder à des signalements de collègues radicalisés ; leur responsabilité est très grande. En tout état de cause, les signalements peuvent parfaitement être anonymes.

Debut de section - Permalien
Christophe Castaner , ministre

J'ajoute que je n'invite pas les fonctionnaires de police qui constatent des signes de radicalisation à passer par les syndicats pour les signaler. Ce n'est pas le rôle des syndicats, et mieux vaut un signalement direct aux personnes compétentes. Notre système est organisé pour qu'il y ait des responsables du suivi de la radicalisation partout.

Madame Jourda, je répète une fois de plus que nous avons révoqué des agents - six révocations ont été engagées dans la police depuis 2015 ; nous n'avons pas utilisé l'article L. 114-1 du code de la sécurité intérieure, parce que nous n'en avons pas eu besoin ; si nous avons besoin d'y recourir, nous le ferons. Ne cherchons pas à polémiquer sur ce sujet !

Debut de section - Permalien
Laurent Nunez, secrétaire d'État

Bien évidemment, le fonctionnaire qui fait l'objet d'une telle mesure est pris en compte par les services de renseignement - peut-être même inscrit au FSPRT.

Debut de section - Permalien
Christophe Castaner , ministre

Je répète aussi que, au 1er juin dernier, 19 personnes étaient particulièrement suivies ; elles le savent, et il est bon qu'elles le sachent.

La radicalisation pourrait-elle constituer, pour l'ensemble des fonctionnaires, un motif de révocation ? Je ne trouverais pas ce débat illégitime. La fonction publique doit incarner une forme d'exemplarité sur le respect de la laïcité et des autres valeurs de la République.

Monsieur Richard, la lutte contre la radicalisation doit conduire à écarter les fonctionnaires concernés d'une façon ou d'une autre. Je viens d'évoquer un élargissement de la révocation, mais c'est une décision politique ; je ne vous annonce pas une mesure gouvernementale.

La radicalisation est une dérive violente, et l'objectif est bien de la contenir et de la combattre, avec des mesures de surveillance individuelle, mais aussi la judiciarisation, sur laquelle nous voulons également avancer.

La question de l'imam est compliquée, monsieur Wattebled, parce qu'on se focalise sur une personne désignée par la presse, mais dont je ne sais pas, au moment où je vous parle, si elle a un quelconque rapport avec l'enquête dont on parle. J'ai demandé des informations sur le parcours de cette personne, entrée en France en 2011 avec un visa de long séjour valable jusqu'au 22 septembre 2012. Cet imam s'est marié et a reçu un titre de séjour valable dans ce cadre, le 3 juin 2011. Ce titre a été renouvelé du 23 octobre 2012 au 22 octobre 2013. À la suite d'une rupture de vie commune, cette personne n'assumant plus ses responsabilités vis-à-vis d'un enfant, il y a eu une obligation de quitter le territoire français (OQTF), abrogée le 24 août 2015. Il y a eu un renouvellement de titre, puis cette personne s'est retrouvée sans titre ; enfin, une nouvelle carte de séjour en qualité de parent français a été délivrée, valable jusqu'en décembre 2017. Cette personne s'est remariée, a eu un nouvel enfant et a obtenu un nouveau titre de séjour en 2018, après audition par la commission départementale compétente.

Debut de section - Permalien
Christophe Castaner , ministre

Pour avoir lu le compte rendu de cette audition, je puis vous dire que les questions étaient certainement plus difficiles que celles auxquelles Laurent Nunez et moi avons été soumis ce matin...

Debut de section - Permalien
Christophe Castaner , ministre

Je le confirme.

Cette commission a émis un avis favorable à l'octroi du titre de séjour le 14 juin 2019. Sur la base de cet avis, un titre d'un an a été accordé.

Cette procédure a été chaotique, mais régulière à tous les moments où des autorités ont eu à se prononcer en 2011, en 2014, en 2015 et en 2018.

Madame Delattre, je le redis, toutes vos questions entrent dans le champ de l'enquête judiciaire. Nous n'avons pas accès aux éléments dont on parle, y compris les SMS. La seule chose que je sache, c'est que, au terme de l'examen des SMS et de la garde à vue de l'épouse, celle-ci n'a pas été mise en examen, ce qui ne préjuge de rien - il est important de le dire.

La seule réponse que je puisse apporter concerne votre question de savoir s'il était fiché S : non, il n'était dans aucun fichier parce qu'il n'avait été à aucun moment identifié comme présentant un risque de radicalisation. On en revient là à la première question : que s'est-il passé pour qu'un certain nombre de signaux, peut-être faibles - je ne veux même pas les qualifier - n'aient pas fait l'objet de la procédure et n'aient pas conduit à déclencher la procédure, c'est ce que nous devons comprendre, et nous devons faire en sorte de changer cela.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Merci, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, de ces explications. Toutefois, c'est précisément le problème auquel nous sommes confrontés : savoir qu'il y a dans notre société et jusqu'au coeur de nos administrations, qui plus est, dans un service de renseignement, des individus qui, peut-être, ont émis des signaux, mais qui ont été jugés plus faibles que des signaux faibles et n'ont donc pas entraîné de signalement. Depuis ce massacre de la préfecture de police, notre réflexion doit porter sur la manière dont nous pouvons relever ce genre de défi entièrement nouveau, avec des individus qui, à l'arme blanche, mènent des actions individuelles - même si l'enquête pourra éventuellement établir des liens avec des personnes associées à des mouvances islamistes radicales, voire liées à des acteurs du terrorisme. Nous sommes confrontés à un phénomène entièrement nouveau, et nos schémas de pensée ne peuvent pas s'y appliquer. Quels moyens pouvons-nous imaginer pour détecter une partie au moins de ces individus, selon des méthodes qui relèvent non pas du signalement, mais plutôt d'une démarche aléatoire ou d'autres méthodes encore qu'il appartiendra au service de définir sous votre autorité ?

Avant de mettre fin à cette audition, permettez-moi de donner la parole à Mme Eustache-Brinio pour répondre à vos propos.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Eustache-Brinio

Je me rappelle très bien l'échange que j'ai eu avec cet imam. D'ailleurs, si vous lisez bien le rapport - et vous l'avez fait, monsieur le ministre -, nous n'avions pas d'autre solution que de lui délivrer un titre de séjour puisqu'il était père d'enfants français. Il pouvait l'avoir de droit. Il a été entendu par la commission du titre de séjour parce que le secrétaire général de préfecture s'interrogeait sur la personnalité de cet imam, comme je l'ai fait moi-même. Sans trahir les secrets de cette commission, j'ai été extrêmement interpellée par ses propos. D'ailleurs, à la fin de l'audition, j'avais demandé à ce qu'il soit signalé, un fait rare, car ses propos étaient tout à fait étonnants. Quoi qu'il en soit, il avait un titre de séjour de droit, car père d'enfants français. Le parcours chaotique consistant à trouver une femme puis une deuxième pour justifier d'être père d'enfants français pour rester en France est classique. Vous l'avez dit vous-même, monsieur le ministre, mes questions sont allées très loin avec ce personnage. Que pouvions-nous faire d'autre ? C'est toute la limite du système.

Debut de section - Permalien
Christophe Castaner , ministre

Je confirme la fermeté des questionnements et l'analyse juridique qui vous a conduit à émettre un avis favorable. Cette commission n'est pas saisie dans tous les cas. Le secrétaire général souhaitait bloquer ce dossier au regard de l'incohérence du parcours. On l'a vu, cette personne vient avec son avocat et sait parfaitement utiliser les règles de droit pour les contourner - je ne me prononcerai pas au-delà.

Plus globalement, merci de cette audition, monsieur le président. Nous nous sommes engagés à vous transmettre quelques éléments complémentaires et, si vous avez des questions supplémentaires, nous n'hésiterons pas à vous apporter tous les éclaircissements possibles, au travers soit de votre commission, soit de la délégation parlementaire au renseignement pour ce qui concerne les sujets qui ne peuvent pas être rendus publics. Je veux vous dire qu'il y a à la fois une réponse administrative et une réponse politique, on l'a bien vu. Cette société de la vigilance que nous devons construire doit s'adapter au fait que nous avons en face de nous des individus qui portent une parole de haine. Aujourd'hui, nous ne pouvons pas nous contenter de penser que c'est une libre expression. Non, c'est condamnable, et cela implique de prendre un risque.

Pour conclure, j'évoquerai l'appel à la manifestation de cet après-midi. Un arbitrage - le mien - a été rendu dans ce dossier, qui comportait une dimension juridique et une dimension politique. La dimension juridique consiste à analyser la déclaration faite. En aucun cas, la déclaration de l'individu ne portait sur une manifestation visant à soutenir l'auteur de l'attaque. Sa déclaration était très administrative, très habile. L'analyse juridique pourrait conduire à dire qu'il y a un risque d'annulation, même si la notion d'ordre public doit nous en protéger. Ensuite, il y a eu une décision politique, celle que j'ai prise. J'ai considéré que les propos, au-delà même de la déclaration de l'organisateur de cette manifestation, étaient indignes, insupportables. Il était donc nécessaire de prendre cette décision-là. On le voit bien ici au Sénat, nous sommes au fond toujours partagés entre la dimension juridique, qui est protectrice des Français, et la dimension politique, et il nous faut nous armer par le droit et par cette vigilance collective. Nous nous devons d'être acteurs - ce n'est pas de la délation, c'est de la responsabilité.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, je vous remercie au nom de tous les membres de la commission. Nous attendons en effet les éléments d'information complémentaires que vous avez annoncés, en particulier ceux qui seront destinés à la délégation parlementaire au renseignement.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

La séance est close à 10 h 55.