De manière générale, je rappellerai, pour répondre aux questions plus globales du président Philippe Bas, que l'ensemble des forces de sécurité du ministère de l'intérieur fait l'objet d'une attention quant aux risques de radicalisation, mais nous aurons peut-être l'occasion d'en reparler.
Se pose ensuite la question de l'habilitation. Celle-ci a été réformée en 2011 dans un contexte différent. C'est la raison pour laquelle nous travaillons depuis quelques mois déjà à une révision globale du système de l'habilitation et à un référentiel différent pour ce qui concerne à la fois la triple classification et la durée.
Au vu du contexte, qui était, je le répète, totalement différent, il a été décidé en 2011 d'allonger la durée de l'habilitation. Si j'avais été alors aux responsabilités, j'aurais certainement fait la même chose que celui ou celle qui a porté cette prorogation. Je veux le préciser, car il ne s'agit pas là de porter l'accusation sur telle ou telle personne.
Outre cette habilitation, il y a la régularité de la procédure et, à tout moment, des indicateurs peuvent permettre de déclencher une alerte de vérification.
Vous proposez deux vérifications : d'abord, une vérification au travers d'enquêtes aléatoires - pourquoi pas ? Cela peut être de nature à mettre une pression collective sur l'ensemble du dispositif. Vous en proposez une autre par le biais de rendez-vous réguliers. C'est un point fondamental, nous devons pouvoir identifier chez nos agents, au sens large, notamment chez les agents habilités au secret défense, et plus encore chez ceux qui travaillent au sein des services du renseignement, tous les signes d'alerte dont nous pourrions avoir connaissance.
Lorsque j'ai donné, devant les députés membres de la commission des lois, la liste des éléments permettant d'identifier une radicalisation, notamment vers un islam radical, un islam politique et le terrorisme, un certain nombre d'entre eux se sont moqués en les reprenant un par un, en diffusant sur les réseaux sociaux le hashatg #désignetonmusulman. Chacun ici sait que personne ne fait de lien entre la religion musulmane et le terrorisme, ni même entre la religion musulmane, la radicalisation et le terrorisme, mais cela peut arriver. Le nier reviendrait à mentir aux Français. Certains ont glosé sur ces éléments, allant même jusqu'à faire de l'humour : cette attitude est méprisable. En effet, j'appelle - c'est la première mesure que j'ai prise - l'ensemble de nos fonctionnaires de police à être eux-mêmes acteurs du signalement. Dans le cadre de l'attaque, que je ne qualifierai pas autrement, laissant au procureur national antiterroriste le soin de dire le droit sur ce sujet, il nous a été remonté dans un rapport administratif dont j'ai eu connaissance dimanche dernier, qu'il y a eu des signes de radicalisation, qui n'ont pas été interprétés au bon niveau et qui n'ont pas fait l'objet d'un signalement. J'ai donc demandé à l'ensemble de nos forces, comme le préfet de police l'a demandé à l'ensemble des agents de la préfecture de police au moyen d'une circulaire, de relever tous les signes, qui doivent faire l'objet d'un signalement. Les signes ne veulent pas dire qu'il y a radicalisation, mais il reviendra aux personnels formés à la détection de la radicalisation dont c'est la responsabilité de les analyser.
Parmi ces signes figurent le port de la barbe, le refus de serrer la main à des collègues féminines, une hyperkératose au milieu du front - la tabaâ -, le prosélytisme religieux intempestif, la consultation frénétique de sites religieux depuis son poste de travail, la fréquentation notoire de personnes radicalisées, le port d'un voile intégral sur la voie publique pour un fonctionnaire féminin, des éléments qui peuvent, après analyse, caractériser la radicalisation. Pour répondre précisément à votre question, c'est à partir de ces éléments que l'on doit alerter, faire un signalement à tout moment. Dans le cas présent, l'auteur ne présentait aucun signe en 2003, pas plus qu'en 2013 au moment de son habilitation. Nous avons connaissance de signes qui sont apparus en 2015, peut-être y en a-t-il eu d'autres ensuite - l'enquête le dira. Ces signes n'ont pas conduit au bon niveau d'alerte au bon niveau hiérarchique. Il s'agissait non pas de sanctionner l'agent visé, mais de vérifier s'il y avait effectivement radicalisation et, dans l'affirmative, de lui parler. Selon les consignes de l'Inspection générale de la police nationale (IGPN), il faut d'abord prendre le temps d'échanger, de rappeler ce qui doit être au coeur de l'engagement des fonctionnaires, à savoir le principe de laïcité. C'est la feuille de route que nous devons mettre en oeuvre. Si anomalies il y a, je n'hésiterais jamais à sanctionner et, en cas de radicalisation forte, à utiliser toutes les procédures dont nous disposons - et elles sont nombreuses - pour provoquer une éviction de cet agent tout d'abord de son poste de responsabilité, a fortiori s'il travaille dans le renseignement, et, ensuite, de la fonction publique du ministère de l'intérieur s'il est radicalisé.