Intervention de Christophe Castaner

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 10 octobre 2019 à 9h00
Audition de M. Christophe Castaner ministre de l'intérieur et de M. Laurent Nunez secrétaire d'état auprès du ministre de l'intérieur à la suite de l'attaque survenue à la préfecture de police le 3 octobre 2019

Christophe Castaner , ministre :

Les sujets sont larges, monsieur le président Sueur.

Plusieurs commissariats ont effectivement reçu des enregistrements qui pourraient paraître menaçants - j'emploie le conditionnel quant à l'interprétation des messages. Le préfet de police a immédiatement porté plainte pour que cela donne lieu à une enquête. C'est, hélas, un phénomène que nous connaissons : ce genre d'événement particulier donne à chaque fois lieu à des initiatives totalement abruties. Le centre national d'assistance et de prévention de la radicalisation (CNAPR) travaille sur les signalements de ce type. À chaque fois, cela entraîne une hausse significative du nombre d'appels téléphoniques et d'envois de formulaires. À titre d'exemple, le jeudi 3 octobre, le CNAPR a été appelé à onze reprises ; durant le week-end, il a reçu vingt-trois appels le samedi et le dimanche, et quarante le lundi, que nous instruisons de la même façon.

Cette situation ne suscite pas d'inquiétudes outre mesure, d'autant que rien n'établit au moment où je vous parle qu'il y ait eu une organisation collective autour de l'auteur de l'attaque. Même si je n'ai pas accès aux éléments de l'enquête, aucun indice n'est apparu sur ce sujet. S'il y avait des alertes sur tel ou tel risque, vous le savez, le procureur national antiterroriste nous aurait indiqué qu'il fallait protéger tel ou tel sujet à risques.

Concernant la clé USB, je veux dire que cette question est couverte par le secret de l'enquête ; nous n'y avons donc pas accès. Mais surtout, sur ce point, je veux rappeler la responsabilité morale de ceux qui propagent des rumeurs et qui inquiètent inutilement. Dans ce dossier, on a dit tout et n'importe quoi dès le début, par exemple qu'au moment de la perquisition, l'épouse était en niqab. Toute une série d'informations le concernant qui étaient toutes fausses ont été diffusées, y compris à propos de cette clé USB. Un grand journal national a sorti cette affaire en disant : la clé USB a été trouvée à son domicile, ce qui aurait été effectivement une première anomalie, mais elle a été trouvée à son bureau. Je ne dis pas qu'il ne s'agit pas d'un élément grave, mais, chacun le sait, un informaticien a l'habitude, pour certains types de clés USB, de vider la centrale de l'ordinateur sur lequel il intervient. Je nous invite donc à ne pas porter de rumeurs qui inquiètent inutilement, et j'invite la presse à le faire aussi.

Ce que je puis vous dire, c'est qu'aucune alerte particulière ne tourne autour des dossiers actuellement placés sous l'instruction, mais cela ne signifie pas qu'il n'y a pas de risque. Sur le contenu de la clé USB, tout ce qui est sorti dans la presse me semble éloigné de la vérité, et, de toute façon, cela n'est pas confirmé. Le préfet de police a réuni hier un comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) avec les organisations syndicales pour évoquer cette question. La préfecture de police traverse une crise profonde, nous ne devons pas la mettre en cause, et il nous faut la protéger : nous entendons les inquiétudes légitimes des agents dont les noms pourraient être divulgués. Voilà ce que je voulais dire sur la clé USB ; c'est un élément de l'enquête. Ne nous emballons pas sur ce sujet, mais hélas je ne suis pas en mesure de vous dire si l'attaquant a diffusé des informations vers l'extérieur ou pas. Nous n'avons aujourd'hui pas d'éléments particuliers sur ce sujet qui nous alertent ; je pense être clair.

Quant aux deux enquêtes de l'Inspection des services de renseignement (ISR), je vous le rappelle, elles ont été demandées par le Premier ministre, qui est compétent pour ce qui concerne l'ensemble des services de renseignement, et pas seulement pour le ministère de l'intérieur. Ces enquêtes visent un double niveau.

Premièrement, au sein de la préfecture de police, dans la direction du renseignement, il convient de voir ce qui a fonctionné et ce qui a dysfonctionné ; de constater si tous les process ont été mis en oeuvre et, dans le cas contraire, pourquoi ils ne l'ont pas été. Il a été demandé que nous ayons une vision précise sur ce sujet avant le 12 novembre, en vue d'adapter notre dispositif, même si, comme je vous l'ai dit, le préfet de police a, dès lundi dernier, pris une circulaire interne pour appeler l'attention sur la bonne utilisation du process tel qu'il existe aujourd'hui et appeler à son renforcement.

Deuxièmement, une seconde enquête plus globale sera conduite, avec une double vocation : premièrement, celle de nous aider, avec vos travaux parlementaires, à avoir la photographie globale de la faiblesse possible dans les services de renseignement, et, deuxièmement, une finalité qui n'a peut-être pas été assez perçue, celle de demander aux inspecteurs de descendre à tous les niveaux de la hiérarchie pour faire un travail de sensibilisation en B to B avec les différents niveaux de hiérarchie, car rien ne peut être considéré comme anodin. Même si un élément est anodin, il faut que l'on puisse analyser le caractère anodin ou pas. Cela est très compliqué parce que cela relève de la subjectivité humaine : nos services de renseignement sont composés de femmes et d'hommes, ce qui suppose forcément une part de subjectivité, mais ils sont aussi dotés d'une grande expérience, et c'est sur cette expérience-là qu'il faut construire notre appréciation de savoir si l'on doit déclencher une procédure ou pas. Oui, les signaux faibles à ce niveau de responsabilité - je ne parle pas de la société en général - doivent conduire à des signalements.

Je vais laisser Laurent Nunez vous répondre sur le renforcement du service national des enquêtes administratives de sécurité et sur la dimension du signalement et la forme qu'il doit revêtir.

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