Intervention de Christophe Castaner

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 10 octobre 2019 à 9h00
Audition de M. Christophe Castaner ministre de l'intérieur et de M. Laurent Nunez secrétaire d'état auprès du ministre de l'intérieur à la suite de l'attaque survenue à la préfecture de police le 3 octobre 2019

Christophe Castaner , ministre :

Mais la question se posera, parce que le risque peut exister.

La question se pose aussi de la caractérisation de la radicalisation. En ce qui concerne les services de sécurité, je considère que c'est la responsabilité d'un policier ou d'un gendarme d'assumer la dénonciation de phénomènes de radicalisation qu'il constaterait. Pour moi, cela n'est pas négociable : cela fait partie de la mission de protection des Français. Je refuse donc qu'on m'oppose une réserve en la matière.

Nous devons aussi prévoir la possibilité de les protéger, mais la meilleure protection, c'est que ces agents s'adressent à un référent chargé de la radicalisation qui n'a pas besoin d'un signalement écrit pour décider de pousser plus loin les investigations.

Dans le cas qui nous occupe, les signaux ont été considérés comme de faible intensité. Il y a eu des discussions, et, quand le responsable chargé de la radicalisation a demandé s'il y avait signalement, il lui a été répondu, selon les informations dont je dispose : « non, on gère ». Il y a quelques semaines encore, un des responsables de ces sujets est repassé dans le service en question : on lui a répondu que les choses se passaient bien. Il y a quelques semaines encore, quand on organisait un pot dans ce service, tout le monde était invité, et on veillait à ce qu'il n'y ait pas de porc, parce qu'on savait qu'un des membres du service était musulman. Le problème, c'est que les éléments n'ont pas été considérés comme suffisants. Si d'autres informations avaient été transmises, nous aurions peut-être pu éviter ce qui s'est passé.

Madame Eustache-Brinio, je pense qu'il faut appeler un chat un chat : nous devons mener une action déterminée contre toutes les formes de radicalisation, en particulier contre l'islam politique.

Nous disposons pour cela, depuis 2014, de nouveaux outils : le fichier des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste (FSPRT), la loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, le plan d'action contre le terrorisme, la coordination entre services renforcée par la création du CNRLT et le chef de filat de la DGSI, ainsi que le plan national de prévention de la radicalisation.

Il s'agit d'intervenir, territoire par territoire, là où des écosystèmes se créent : une mosquée, une association, une école, des commerces. Dans le cadre de la lutte contre la radicalisation dans les quartiers, depuis février 2018, 129 débits de boissons ont été fermés, de même que 12 lieux de culte, dont 2 seulement dans le cadre de la loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme - preuve que nous avons d'autres moyens de faire fermer des lieux de culte. De même, 9 établissements culturels ou associatifs ont été fermés, ainsi que 4 écoles. Les comités opérationnels départementaux anti-fraude (Codaf) ont réalisé 503 contrôles, tandis que 2,5 millions d'euros ont été redressés par la Caisse d'allocations familiales (CAF) et 12,2 millions d'euros par l'Urssaf.

Nous intervenons ainsi de la manière la plus large possible pour ne pas laisser s'organiser un écosystème porteur de radicalisation politique. Un combat en particulier doit être mené : la lutte contre l'évitement scolaire. Dans certains quartiers que nous suivons sous l'autorité, en particulier, du préfet Frédéric Rose, ici présent, les indicateurs évoluent bien en matière de violence et de chômage, mais pas en matière de déscolarisation. C'est une alerte sur un phénomène de radicalisation dans un quartier.

Nous devons nous armer, y compris moralement. La polémique qu'il y a eu quand j'ai dit qu'il peut y avoir des signes de radicalisation montre bien que c'est aussi dans nos esprits qu'il nous faut nous éveiller au risque que court notre société face au terrorisme, à l'islamisme politique, aux radicalisations. Oui, notre société court un risque : j'assume de le dire politiquement. C'est à ce réarmement que nous a invités le Président de la République.

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