Merci de nous recevoir. C'est une étape importante pour nous. Vous avez arpenté le littoral à de nombreuses reprises et avez donc une bonne perception de la réalité de la SNSM sur le terrain.
J'ai été secrétaire général de la mer, entre 2004 et 2008, et je n'ai ainsi jamais manqué une assemblée générale ni une manifestation importante de la SNSM. J'ai trouvé une maison tumultueuse. Mon prédécesseur immédiat a duré cent jours - comme Napoléon ! C'était un vice-amiral d'escadre, expérimenté, avec une excellente réputation dans la marine. J'ai pris la présidence à la volée, car je n'ai pas souvenir qu'un vice-président de l'association soit devenu ensuite son président... Un « recrutement interne » a semblé préférable au comité directeur pour éviter les délais et la procédure qu'aurait nécessité un recrutement externe. Nous craignions, après cette démission forcée du président, que cela n'entraîne de nouvelles perturbations au sein de la SNSM ; nous n'avions pas besoin de cela. Le climat m'a surpris, car il y avait des tensions entre les bénévoles et le siège - il n'y a pas de tensions au sein du siège, de taille réduite.
Mon antéprédécesseur, l'amiral Lagane, avait réalisé un travail considérable de modernisation. Il a créé le pôle de formation et le pôle d'entretien de la flotte. Mais les tensions n'avaient pas été apaisées au sein du conseil d'administration, de l'assemblée générale et du comité directeur.
Mon premier objectif était d'apaiser la situation. Les sauveteurs étaient surpris du profil de leur nouveau président : j'ai été le premier civil, non-amiral, à présider l'association. Je souhaitais projeter la SNSM dans l'avenir.
J'ai cherché à me pénétrer profondément de cette organisation complètement atypique, qui puise ses racines dans 150 ans d'histoire, née de « sociétés » fondées sur la solidarité des gens de mer. La SNSM a une mission de service public confiée par l'État, qui la contrôle par le biais des Centres régionaux opérationnels de surveillance et de sauvetage (CROSS). Cinq ministères siègent à notre conseil d'administration. Nous avons une tutelle souple et intelligente. Nous sommes organisés sous le statut d'association, avec des bénévoles, mais nous exerçons une mission de service public. Tout est réuni pour que cela manque de lisibilité, et pourtant, cela fonctionne !
Nous sommes issus de la fusion en 1967 de deux sociétés, fondées sur les valeurs extrêmement fortes des gens de mer, notamment la solidarité des pêcheurs envers les pêcheurs, qui prenaient des risques pour sauver leurs copains. Ces deux sociétés ont fusionné à la demande du Gouvernement, qui souhaitait éviter une balkanisation et renforcer la performance du sauvetage en mer. L'amiral Maurice Amman, ancien préfet maritime, est à l'origine de ce regroupement. La SNSM a conservé, à tort, cette appellation de « société » alors qu'elle est une association, ce qui peut entraîner des confusions. Mais nous n'avons pas cru bon de faire une double révolution culturelle.
Notre vocation, c'est le sauvetage par des bénévoles, marqués par un profond esprit de solidarité. Nous avons une identité très forte, qui est certes variable selon les territoires : elle n'est pas la même en Vendée et en Bretagne, en Corse et dans le Var. Nous sommes un puzzle dont les pièces s'agencent ensemble.
Nous avons un ancrage historique profond, d'abord lié à la pêche, et nous sommes un peu comme un chêne : depuis cinquante ans, nous avons une racine pivotante, descendante, mais avec une canopée chahutée par l'évolution des mentalités, les sollicitations familiales, les mobilités... Nous devons faire attention à ce que le chêne ne penche pas trop à cause de sa canopée, et gérer les problèmes de celle-ci. Nous observons tous les jours la défiance des Français, tentés par le vote protestataire. En cinquante ans, les choses ont beaucoup évolué.
Les sauveteurs en mer sont notre canal historique. Ils ont été rejoints plus récemment par la pépinière des nageurs-sauveteurs, âgés en moyenne de 18 à 24 ans.
Dans nos centres de formation - vous connaissez celui, exemplaire, de Vendée -, nous avons des jeunes très engagés, déterminés. Ils font un sacrifice important, que ce soit sur leur temps personnel, en finançant une part de leur formation - qui coûte 800, 1000 euros - et en s'engageant sur les plages.
J'ai trouvé une jeunesse exemplaire, réconfortante, roborative, de grande qualité, une très belle école de la vie. Nous espérons en récupérer certains dans nos stations de sauveteurs en mer.
Les racines sont donc là : solidarité, courage, esprit d'équipage, désintéressement. Je ne suis pas dans l'angélisme mais dans le constat. J'ai fait 242 déplacements sur le littoral métropolitain et ultramarin, et je connais parfaitement le littoral. Notre édifice a de vraies fondations.
Mais le contexte a changé : le sens des valeurs s'assouplit ; la pêche, comme l'agriculture, est en retrait, tandis que la plaisance et les loisirs nautiques explosent. Cela nous a conduits à faire évoluer nos techniques et nos embarcations. Nous sommes passés de la rame au moteur, et à des bateaux très performants. La semaine prochaine, je vais signer un nouveau contrat de conception et de réalisation d'unités adaptées aux années 2020-2060.
Nos formations ont aussi évolué. Désormais, seuls 30 % des sauveteurs embarqués sont issus des milieux marins professionnels. Nous avons une population très diverse, aimant l'aventure et la noblesse de la mission. Mais on ne transforme pas un boulanger en marin comme cela.