Intervention de Xavier de la Gorce

Mission commune d'information sur le sauvetage en mer — Réunion du 10 octobre 2019 à 9h05
Audition de la société nationale de sauvetage en mer snsm

Xavier de la Gorce, président de la SNSM :

Il s'agit d'un dossier éminemment sensible, qui a percuté de plein fouet la station des Sables, la SNSM tout entière, et plus largement le pays, jusqu'au Président de la République lui-même. Nous n'avions pas connu un événement de cette nature depuis le drame de l'Aber-Wrac'h, en 1986.

Ce jour-là, le ministre a été prévenu en fin de matinée ; n'étant pas à Paris, je l'ai rejoint aux Sables, par le train, le soir même ; il y régnait une grande confusion. Il y avait là les rescapés, leurs familles, ceux qui n'avaient pas embarqué, tout l'écosystème de la station, plongés dans une atmosphère de consternation générale. Le lendemain, j'ai rencontré le maire, que je connais de longue date, pour faire le point. Puis ont eu lieu la marche blanche, et la cérémonie. J'ai été très frappé par l'énorme perturbation que le drame a causée aux Sables.

L'exercice du retour d'expérience, nous le pratiquons à chaque accident. En l'espèce, il est en cours. De multiples réunions locales ont été organisées. Nous allons en tirer tous les enseignements. J'espérais pouvoir faire une communication sur ce sujet au conseil d'administration de la semaine prochaine ; mais ce serait prématuré. Un retour d'expérience doit être totalement balisé, sans trou dans la raquette : l'expertise doit être complète. En l'occurrence, il est très avancé, mais pas achevé. Une enquête est menée, en parallèle, par le Bureau d'enquêtes sur les événements de mer (BEAmer), qui a douze mois pour remettre ses conclusions. Nous rendrons les nôtres dans les six mois qui viennent.

Je reviens sur l'humain. L'urgence a été de s'occuper des familles. Nous avons débloqué, dans les quarante-huit heures, un secours d'urgence de 25 000 euros ; nous avons actionné l'assurance du régime de l'ENIM, 150 000 euros par veuve ; nous avons créé une cagnotte nationale, qui a rapporté 130 000 euros - une cagnotte locale a rapporté 300 000 euros. Le versement mensuel, dans le cadre de l'assurance ENIM, s'élève à 1 300 euros par veuve plus 500 euros par enfant à charge. Des aides ont en outre été directement envoyées par les autres stations. C'est Benoist Courchai qui s'est occupé de ce dossier, en relation avec le maire des Sables et avec l'assistante sociale. Il ne fallait pas ajouter des préoccupations matérielles à un drame humain.

Quant au bateau, le SNS 002, il n'était plus opérationnel depuis le mois de janvier. Si les choses ont traîné, c'est qu'il fallait identifier les carences techniques, et que l'architecte aurait dû être un peu plus diligent et le chantier un peu plus rapide. Le siège a pris l'affaire très sérieusement à partir du mois de juin ; les collaborateurs de la direction technique y ont d'ailleurs laissé leurs vacances. Un expert indépendant a été désigné, d'un commun accord avec la station - il est d'ailleurs des Sables. Il a remis ses conclusions, mi-août.

Le bateau a ensuite été acheminé vers Carantec, car il n'y avait pas, aux Sables, d'abri approprié aux travaux de stratification. Le bateau sera au Guilvinec à la fin de la semaine prochaine, et reviendra aux Sables à la fin du mois. Le délégué départemental et l'inspecteur ont été continuellement au chevet de la station des Sables : nous avons veillé à assurer la gestion de ce drame dans les meilleures conditions.

Je voudrais maintenant évoquer l'épisode du canot tous temps (CTT), épisode compliqué s'il en est. La station a réclamé à cor et à cri un CTT de remplacement. Mais la SNSM n'est pas une concession automobile. J'ai fait une demande au nom de la solidarité maritime, sans obtenir de réponse ni en Bretagne ni en Vendée - la période, fin juin, ne s'y prêtait pas. Je me suis finalement résolu à me tourner vers l'île de Sein. Le président de la station locale n'a exprimé aucun enthousiasme ; mais, m'a-t-il dit, « s'il faut y aller, j'irai moi-même avec le bateau jusqu'aux Sables ». Il en a référé à sa base, qui ne l'a pas soutenu. Le maire a procédé de la même manière, et obtenu la même réponse négative.

Pendant ce temps, on continuait de nous mettre la pression pour que nous trouvions un canot tous temps, ce que nous n'avons pas en réserve ; devant la polémique médiatique, j'ai proposé de mettre à disposition de la station une vedette de première classe (V1), de 13,3 mètres de long. Mais le CTT représentait un symbole ; et la station voulait un symbole.

Je comprends très bien la nécessité pour l'équipage de remonter à bord, de repartir en mer pour retrouver la confiance. En l'absence de bateau, néanmoins, c'était compliqué, jusqu'au jour où, début août, un porte-parole de la station a dit : « un CTT ou rien ». Le lendemain matin, la station acceptait une V1. Qu'à cela ne tienne : nous la leur avons livrée, et ils naviguent dessus depuis lors. Ils souhaitaient la conserver après la fin de la saison, mais c'était impossible : c'est la V1 qui sert d'outil d'entraînement au pôle national de formation de Saint-Nazaire.

Nous avons donc fait le maximum.

Le bateau est en état ; il s'apprête à revenir aux Sables. Les défauts observés sur ce bateau étaient-ils acceptables ? D'évidence, non. Payer un bateau 1,5 million d'euros et se retrouver avec de tels défauts, c'est clairement anormal. Certains chantiers posent donc des problèmes de qualité. C'est pourquoi nous avons choisi, pour l'avenir, un maître d'oeuvre et un constructeur uniques : pour améliorer la qualité et la cadence.

Quoi qu'il en soit, notre ambition prioritaire est d'apaiser définitivement, malgré la douleur, la situation aux Sables-d'Olonne. Nous ferons tout pour que les malentendus soient levés et pour que les sauveteurs puissent reprendre leur activité de la manière la plus normale possible.

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