En effet, depuis une quinzaine d’années, notre pays vit à l’heure de la mondialisation, qui accélère la recomposition géographique de la création des richesses. On considère que les trente-huit métropoles principales de l’Union européenne s’étendent sur moins de 1 % de son territoire, mais accueillent plus du quart de ses emplois et produisent environ un tiers de son PIB.
Près de 80 % des 64 millions de Français vivaient en ville en 2008, contre un sur deux en 1936. Pourtant, les métropoles françaises restent modestes à l’échelle européenne. Il faut le dire clairement, les interactions entre les métropoles et leurs régions ne sont pas suffisamment développées. Notre politique d’aménagement des territoires demeure trop teintée de méfiance à l’égard du « fait métropolitain ». Le scénario repoussoir de « Paris et le désert français » continue de marquer certains esprits.
Il est essentiel que les métropoles se fassent non pas contre le reste du territoire, et évidemment pas contre le monde rural, mais au bénéfice de tous.
L’objectif ainsi défini et partagé, il reste à définir les voies et les moyens. C’est ce que propose le Gouvernement en vous soumettant deux statuts : les métropoles et les pôles métropolitains.
Devait-on, comme cela avait été envisagé initialement et je l’ai dit devant la commission des lois, dresser la liste limitative des métropoles dans la loi, à l’instar de ce qui fut fait pour les premières communautés urbaines en 1966 ? Je ne le crois pas, car je suis convaincu que la dynamique doit venir des territoires eux-mêmes. Des métropoles imposées par l’État, depuis Paris, ce serait à l’évidence l’assurance de polémiques et la certitude de l’échec.
Faisons confiance aux territoires, à « l’intelligence territoriale » pour reprendre le titre du rapport de votre mission, présidée par Claude Belot. Fixons un cap, ambitieux mais réaliste, qui soit la première étape de l’émergence institutionnelle des métropoles dans notre pays. Faisons confiance aux élus pour se saisir de ce nouvel outil, le faire évoluer dans le bons sens.
Ce sont toutes ces raisons, mesdames et messieurs les sénateurs, qui ont conduit le Gouvernement à retenir le statut d’EPCI pour la métropole, et non celui de collectivité territoriale à part entière, comme cela fut envisagé. C’est aussi pour cela que le Gouvernement a écarté le modèle de la métropole dite « métropole-département ». Je n’ai jamais été convaincu par cette hypothèse, que j’ai trouvée à mon arrivée place Beauvau. À mon sens, les métropoles doivent se construire non pas en opposition aux départements et aux régions, mais bien dans une logique de complémentarité. Je n’adhère pas, en particulier, à l’idée de transférer automatiquement aux métropoles l’ensemble des compétences sociales des départements. Cela ne m’apparaît ni réaliste ni véritablement pertinent.
Au-delà d’un socle obligatoire de compétences renforcées, notamment dans l’urbanisme, les transports, le logement ou en matière économique, il faut que les départements, les régions et les métropoles puissent déterminer, par voie conventionnelle, la meilleure répartition possible des compétences, en tenant compte des spécificités de chaque territoire. Le projet de loi cherche à amorcer, à provoquer ce dialogue institutionnel plus qu’à imposer une solution toute faite venue d’en haut.
Après en avoir discuté avec un certain nombre d’associations et en tenant compte du souhait du président et du bureau de l’Association des maires de grandes villes, le Gouvernement propose de fixer le seuil des métropoles à 450 000 habitants. Bien sûr, nous en débattrons ensemble, mais il nous semble que ce seuil constitue un équilibre, la diversité des amendements déposés en étant d’ailleurs un bon indice.
Parallèlement, le projet de loi prévoit une formule plus souple que la métropole stricto sensu, celle du pôle métropolitain, afin de permettre à plusieurs agglomérations de porter un projet de métropole en développant des coopérations renforcées dans des domaines jugés stratégiques et d’intérêt commun.
J’insiste sur ce point, ces deux formules reposent sur le volontariat. Ce sont des outils au service des projets des élus.
J’en viens au quatrième pilier de la réforme : engager, dans la concertation, la réflexion sur la clarification des compétences et des cofinancements.
Nous proposons une méthode en deux étapes pour un chantier qui, à l’évidence, nécessite de prendre le temps de la réflexion et de la concertation, tant il est difficile et complexe.
Première étape, l’article 35 du projet de loi suggère la définition d’un socle de principes clairs et simples, qui sont inspirés par le bon sens. Il s’agit de s’engager dans la voie de la spécialisation des compétences des départements et des régions, tout en sauvegardant leur capacité d’initiative. La loi viendrait ainsi préciser les compétences propres à chaque catégorie de collectivités. Lorsque les compétences demeureront partagées, le législateur pourrait désigner, ou laisser aux collectivités le choix de désigner par convention, une collectivité « chef de file ».
Dans le même temps, la pratique des financements croisés entre les collectivités territoriales serait mieux encadrée, non pour diminuer les financements ou les supprimer, mais pour clarifier les rôles respectifs, en recherchant plus d’efficacité et, comme je l’ai déjà indiqué, de rapidité dans le montage des projets. Nous devons continuer à soutenir les communes les plus modestes dont la capacité contributive est faible : le rôle des départements dans le soutien aux communes rurales doit, en particulier, être réaffirmé.