La séance, suspendue à douze heures dix, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de M. Gérard Larcher.
La séance est reprise.
(Texte de la commission)
J’informe le Sénat qu’en application de l’article 11 de la Constitution et de l’article 67 du règlement M. Jean-Pierre Bel, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et plusieurs de leurs collègues présentent une motion tendant à proposer au Président de la République de soumettre au référendum le projet de loi de réforme des collectivités territoriales.
En application de l’article 67, alinéa 1, du règlement, cette motion doit être signée par au moins trente sénateurs dont la présence est constatée par appel nominal.
Il va donc être procédé à l’appel nominal des signataires.
Huissier, veuillez procéder à l’appel nominal.
L’appel nominal a lieu.
Acte est donné du dépôt de cette motion.
Ont déposé cette motion : M. Jean-Pierre Bel, Mmes Nicole Borvo Cohen-Seat et Michèle André, M. Jean-Etienne Antoinette, Mme Éliane Assassi, MM. David Assouline, Bertrand Auban et Jean-Michel Baylet, Mme Marie-France Beaufils, MM. Claude Bérit-Débat, Jacques Berthou et Jean Besson, Mme Maryvonne Blondin, M. Yannick Bodin, Mme Nicole Bonnefoy, M. Yannick Botrel, Mme Alima Boumediene-Thiery, M. Martial Bourquin, Mme Bernadette Bourzai, M. Michel Boutant, Mme Nicole Bricq, M. Jean-Pierre Caffet, Mme Claire-Lise Campion, M. Jean-Louis Carrère, Mmes Françoise Cartron et Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Yves Chastan, Gérard Collomb, Yves Daudigny et Marc Daunis, Mmes Annie David, Michelle Demessine et Christiane Demontès, M. Claude Domeizel, Mme Josette Durrieu, MM. Jean-Luc Fichet, Guy Fischer, François Fortassin, Thierry Foucaud, Bernard Frimat et Jean-Pierre Godefroy, Mme Brigitte Gonthier-Maurin, MM. Claude Haut et Edmond Hervé, Mme Odette Herviaux, M. Robert Hue, Mme Annie Jarraud-Vergnolle, M. Claude Jeannerot, Mmes Bariza Khiari et Marie-Agnès Labarre, MM. Serge Lagauche, Jacky Le Menn, Jean-Jacques Lozach et François Marc, Mme Josiane Mathon-Poinat, MM. Rachel Mazuir, Jean-Pierre Michel, Gérard Miquel et Jean-Jacques Mirassou, Mme Renée Nicoux, MM. Jean-Marc Pastor, François Patriat, Jean-Claude Peyronnet, Bernard Piras, Roland Povinelli, Daniel Raoul, Marcel Rainaud, François Rebsamen et Daniel Reiner, Mme Patricia Schillinger, MM. Michel Sergent et Jean-Pierre Sueur, Mme Odette Terrade, MM. René Teulade, Bernard Vera et Richard Yung.
Je vous indique que cette motion sera envoyée à la commission des lois.
La discussion de cette motion aura lieu, conformément à l’article 67, alinéa 2, du règlement, « dès la première séance publique suivant son dépôt », c’est-à-dire demain mercredi 20 janvier, à quatorze heures trente.
Conformément au droit commun défini à l’article 29 ter du règlement, la discussion générale sera organisée sur deux heures, les inscriptions de parole devant être faites au service de la séance avant demain, onze heures.
Nous passons à la discussion générale du projet de loi de réforme des collectivités territoriales.
La parole est à M. le ministre.
Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.
Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, monsieur le rapporteur pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, alors que nous nous apprêtons à entamer nos travaux sur le projet de loi de réforme des collectivités territoriales, je souhaiterais partager avec vous le double sentiment qui m’anime au moment de prendre la parole devant vous.
J’éprouve un sentiment de solennité, tout d’abord, car, une nouvelle fois, notre pays a rendez-vous avec son histoire institutionnelle. L’organisation territoriale de la France puise ses racines dans une histoire forgée au cours des siècles.
Au fil du temps, notre pays a su dégager un modèle original d’administration locale. Rester fidèles à cet héritage tout en adaptant notre organisation territoriale aux défis de notre temps : telle est aujourd’hui notre responsabilité.
Un sentiment de fierté m’anime également. Nous engageons ce débat au Sénat, dans cet hémicycle où bat le cœur de la République des territoires. L’histoire de la Haute Assemblée, son mode d’élection comme la qualité de ses travaux, …
… tout concourt à faire du Sénat le premier représentant des collectivités territoriales au sein de nos institutions républicaines, ainsi que l’affirme notre Constitution.
Vos travaux, j’en suis sûr, en porteront une nouvelle fois témoignage.
Je suis donc heureux de vous exposer, aux côtés du ministre de l’espace rural et de l’aménagement du territoire, Michel Mercier, l’ambition renouvelée que le Gouvernement vous propose de partager pour notre République décentralisée.
Notre ambition est en effet d’engager avec vous une profonde réforme territoriale, près de trente après les premières lois de décentralisation.
Longtemps, la centralisation a dominé l’histoire politique et administrative de notre pays.
M. Brice Hortefeux, ministre. Ce fut d’abord le lent et patient effort de la monarchie pour réduire les féodalités et installer un État fort, indépendant et centralisé.
Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
De la Révolution, nous avons hérité les institutions qui allaient dessiner pour plusieurs siècles l’administration locale. C’est aussi à ce moment charnière que sont apparues les lignes de partage qui ont longtemps marqué la vie politique : Jacobins contre Girondins, partisans de départements aux contours géométriques contre défenseurs des réalités géographiques, Mirabeau contre Sieyès.
Du Consulat et de l’Empire, et de la volonté d’ordre, de rapidité et d’efficacité dans l’action, nous avons hérité le corps préfectoral, l’une de ces « masses de granit jetées sur le sol de France », selon la formule du Premier consul, …
… qui constitue encore aujourd’hui, après bien des évolutions, un pilier de l’organisation institutionnelle de notre pays.
Tout au long du xixe siècle et durant une bonne partie du xxe siècle, la France resta marquée du sceau de la centralisation et même de l’uniformité, toutes deux vécues comme des garanties pour l’unité de la nation.
Peu à peu, pourtant, il y eut la lente progression des libertés locales, qui cependant ne se fit jamais de manière linéaire. Je pense à la monarchie de Juillet, je pense aux deux grandes lois du début de la IIIe République, celle de 1871 sur les départements et celle de 1884 sur les communes.
Il fallut donc attendre 1946 pour que les collectivités territoriales se trouvent consacrées dans la Constitution, tant et si bien qu’à la naissance de la Ve République les collectivités locales étaient encore très proches de celles qui furent créées à la mort de l’Ancien Régime. En deux siècles, notre organisation territoriale n’avait finalement que peu évolué.
Le général de Gaulle le premier eut la conviction qu’il fallait moderniser l’action territoriale. Chacun garde en mémoire la formule du discours de Lyon du 24 mars 1968 sur la réforme régionale : « L’effort multiséculaire de centralisation, qui fut longtemps nécessaire pour maintenir son unité malgré les divergences des provinces qui lui étaient successivement rattachées, ne s’impose plus désormais. » Sans doute avait-il eu raison trop tôt !
Le septennat du président Valéry Giscard d’Estaing prépara l’évolution des esprits. Pourtant, l’histoire retient que c’est le président Mitterrand qui, en 1982, enclencha de manière décisive le mouvement de décentralisation de notre pays avec les lois Defferre.
M. Brice Hortefeux, ministre. Le Président Nicolas Sarkozy l’a d’ailleurs rappelé dans son discours de Saint-Dizier, le 20 octobre 2009 : « Il y a trente ans, beaucoup d’élus de l’opposition de l’époque ont regretté de ne pas avoir voté les lois historiques de 1982. » Je le cite devant le Premier ministre Pierre Mauroy.
Exclamations véhémentes sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
C’est néanmoins la droite qui, quelques années plus tard, s’efforça avec la loi d’orientation de 1995 de tirer les conséquences de la décentralisation sur l’aménagement du territoire, Charles Pasqua s’en souvient.
C’est la gauche qui, en 1999, contribuera effectivement à amplifier le mouvement de l’intercommunalité, véritable « révolution silencieuse » et complément pragmatique à l’émiettement communal qui est une caractéristique de notre pays. Encore doit-on à la vérité de reconnaître que tout le monde n’y était pas favorable à l’époque. Je le dis devant le ministre d’État Jean-Pierre Chevènement.
Mais ce sont la droite et le centre qui, en 2003, ont modifié l’article 1er de la Constitution pour proclamer solennellement : « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. […] Son organisation est décentralisée. »
Ce sont la droite et le centre, encore, qui ont inscrit la région dans la Constitution. Ce sont la droite et le centre, enfin, qui ont affirmé dans notre loi fondamentale les principes de subsidiarité et d’autonomie financière, avec Jean-Pierre Raffarin.
M. Brice Hortefeux, ministre. La vérité, c’est que, au terme de ces trois décennies, la décentralisation n’est plus de droite, n’est plus de gauche, n’est plus du centre : c’est le patrimoine commun des républicains.
Très bien ! sur les travées de l’UMP.
Cela va devenir un patrimoine historique, puisque vous allez y mettre un terme !
M. Brice Hortefeux, ministre. La décentralisation était absolument nécessaire. Elle a contribué à la vitalité démocratique de notre pays, renforcé les libertés locales, libéré les énergies et consacré une nouvelle forme de gestion publique, plus proche des citoyens. Chacun mesure combien la France a changé depuis une trentaine d’années. Personne aujourd’hui ne songe à revenir sur cet acquis fondamental.
Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Pour autant, doit-on s’interdire d’en relever certaines faiblesses ? La décentralisation serait-elle à ce point fragile, ou le débat politique à ce point appauvri que toute tentative pour en dresser un bilan honnête et lucide soit condamnée à être caricaturée comme une tentative de recentralisation ?
Je crois au contraire que la force d’une institution se mesure précisément à sa capacité d’adaptation.
M. Brice Hortefeux, ministre. Nous vous avons vu et entendu, monsieur Carrère, je vous remercie !
Vives protestations sur les travées du groupe socialiste.
Mesdames, messieurs les sénateurs, depuis plusieurs années déjà, les travaux se sont multipliés pour attirer l’attention des décideurs publics et des citoyens sur la nécessité d’engager une réforme de notre organisation territoriale. Dois-je rappeler dans cet hémicycle l’impressionnante liste des rapports publics sur le sujet ? Outre le rapport du comité pour la réforme des collectivités locales présidé par M. Balladur, …
… je pense aux rapports Mauroy, Pébereau, Richard, Fouquet, Valletoux, Lambert, Attali, Warsmann, Belot ou Saint-Étienne, sans oublier les publications de la Cour des comptes sous la présidence de Philippe Séguin.
Certes, je le reconnais volontiers, tous n’ont pas proposé les mêmes remèdes, …
… mais tous ont convergé de manière saisissante sur le diagnostic. Tous, sans exception, ont souligné la fragmentation de notre paysage institutionnel, qui a vu s’empiler au fil du temps un grand nombre de structures sans que l’on cherche vraiment à réorganiser.
Tous, sans exception, ont souligné l’enchevêtrement des compétences : l’ambition initiale d’une répartition par blocs a progressivement cédé le pas à un partage de la plupart des compétences entre plusieurs niveaux de collectivités territoriales, ou entre elles et l’État.
Tous, enfin, ont relevé l’obsolescence de la fiscalité locale, les insuffisances du système de péréquation, les excès de la pratique des financements croisés.
Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Bref, tous ces rapports ont dessiné le portrait d’une décentralisation vivante et féconde, mais pénalisée par une trop grande complexité qui ne facilite pas l’accès des citoyens à la démocratie locale et décourage les bonnes volontés. Un seul mandat, vous le savez bien, ne suffit parfois plus à un maire pour faire aboutir les projets qui ont pourtant contribué à le faire élire.
Marques d’approbation sur les travées de l’UMP.
Mesdames, messieurs les sénateurs, chacun sait bien que toute réforme territoriale est difficile. Mais le pire service que nous pourrions rendre aujourd’hui à la décentralisation, ce serait d’ignorer ces travaux et de ne rien entreprendre. C’est en réformant notre organisation territoriale que nous conforterons la décentralisation et les libertés locales. C’est en ne faisant rien que nous les affaiblirons.
Après beaucoup d’études, de rapports, de débats, le moment est venu d’agir. Le Président de la République en est convaincu.
Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Que proposons-nous ?
Il y a d’abord les solutions que le Gouvernement a souhaité écarter.
Toute préparation d’une réforme charrie son cortège d’idées tranchées, voire définitives, qui tiennent pour peu les réalités humaines, géographiques et culturelles forgées par l’histoire.
« Supprimez les départements », nous ont conseillé les uns, jugeant qu’ils seraient « trop petits, trop uniformes ». « Fusionnez d’autorité les régions », nous ont incités les autres, estimant qu’elles seraient « trop exiguës, pas assez compétitives vis-à-vis de leurs homologues européennes ». « Réduisez drastiquement le nombre des communes », ont suggéré d’autres encore, prétendant que « plus de 36 000 communes, ce serait le mal français par excellence ». Ces idées fausses ont été écartées.
Il n’est pas question de supprimer les départements.
M. Brice Hortefeux, ministre. Il n’est pas question de regrouper d’autorité les régions. Il n’est pas question non plus que l’État impose des fusions de communes. Car on ne gouverne pas un pays par la contrainte, on ne peut imposer d’en haut des systèmes conçus à Paris.
Applaudissementssur les travées de l’UMP.
Mesdames, messieurs les sénateurs, parce que « l’histoire de France n’est pas une page blanche sur laquelle on tire aveuglément un trait », comme l’a dit le Premier ministre dans son allocution au congrès des maires de France, le Gouvernement a souhaité se tenir à l’écart des solutions à l’emporte-pièce. Le Gouvernement, ne vous y trompez pas, ne propose pas de big bang territorial, mais il refuse tout autant le statu quo.
La voie que nous vous proposons d’emprunter est tout à la fois ambitieuse et pragmatique.
Vous avez déjà voté, à la fin de l’année dernière, le projet de loi organisant la concomitance des renouvellements des conseils généraux et des conseils régionaux, …
… que le secrétaire d’État Alain Marleix présente aujourd’hui même à l’Assemblée nationale.
Ce projet de loi constitue le volet institutionnel de la réforme. Le Gouvernement y développe une vision pour notre organisation territoriale.
Nous proposons que, demain, notre organisation territoriale s’articule autour de deux pôles complémentaires, un pôle départements-région et un pôle communes-intercommunalité, comme l’avaient d’ailleurs proposé le comité pour la réforme des collectivités territoriales et la Cour des comptes.
Le premier pilier de la réforme, c’est donc l’émergence d’un pôle départements-région.
Parmi les débats dont notre pays a le secret, il en est un qui revient périodiquement : faut-il privilégier la région ou le département ?
D’un côté, le département, institution plus que biséculaire. Ses compétences n’ont cessé de croître au fil du temps, en particulier dans le domaine social. Il reste en outre un appui indispensable aux communes rurales. Qui peut nier qu’il dispose aujourd’hui d’une forte légitimité et que nos concitoyens lui marquent légitimement leur attachement ?
Absolument ! sur les travées de l’UMP.
De l’autre côté, la région, la plus jeune de nos collectivités territoriales et, partant, sans doute la plus prometteuse. Dans un pays de tradition unitaire et centralisatrice, la reconnaissance du fait régional, longtemps défendue par des courants minoritaires, ne s’imposait pas comme une évidence. La consécration de la région fut donc tardive. Ce n’est qu’en 2003 que son existence fut gravée dans la Constitution.
Chacun s’accorde à considérer que la région a vocation à conduire des politiques structurantes, notamment dans le domaine économique, à mi-chemin entre l’État et l’échelon de proximité. Il faut continuer à conforter cette vocation, notamment sur le plan des compétences, mais il faut parallèlement refuser les chimères. Nous en sommes, je crois, tous convaincus, notre République n’empruntera jamais la voie du fédéralisme, une région française ne sera jamais un Land allemand ou une « communauté autonome » espagnole. L’observation attentive des évolutions en cours dans plusieurs pays européens devrait d’ailleurs nous inciter à une certaine circonscription… Excusez-moi, je voulais bien sûr dire circonspection !
Sourires
Quel lapsus ! Il est obsédé par les circonscriptions, on dirait Marleix !
Alors, mesdames, messieurs les sénateurs, faut-il choisir ? Département ou région ? Région ou département ? Sommes-nous condamnés à un choix binaire ?
M. Brice Hortefeux, ministre. Merci de le reconnaître, monsieur Assouline, j’y suis très sensible !
Sourires
Faut-il choisir, disais-je ? Telle n’est pas la conviction du Gouvernement.
Nous vous proposons, tout d’abord, de laisser la liberté aux régions et aux départements qui le souhaiteraient de procéder à des regroupements sur une base volontaire. Certains projets sont parfois évoqués. Mais rien ne serait pire que de freiner ces initiatives locales en croyant les accélérer. Car ce n’est pas depuis Paris que l’on peut engager ces évolutions ! C’est pourquoi nous vous proposons de créer une procédure de regroupement volontaire des départements et d’aligner sur cette dernière celle du regroupement des régions. J’y insiste, ce serait une procédure volontaire.
Surtout, le Gouvernement vous propose une réforme simple, pragmatique et ambitieuse à travers l’institution d’un nouvel élu local, le conseiller territorial, qui siégerait demain à la fois au sein du conseil régional et au sein du conseil général de son département d’élection.
C’est l’article 1er du projet de loi de réforme des collectivités territoriales qui fixe le principe de la création du conseiller territorial. C’est une innovation qui, j’en ai bien conscience, mérite à elle seule un vrai débat de principe.
L’ambition de cette réforme, c’est de faire confiance à un élu local, le conseiller territorial, pour engager le chantier de la clarification et de la simplification que, collectivement, nous n’avons pas su faire aboutir en près de trente ans.
Demain, le conseiller territorial sera porteur d’une double vision, à la fois territoriale et régionale. Sa connaissance du mode de fonctionnement des départements et de la région, de leurs compétences respectives et des modalités de leurs interventions techniques et financières lui permettra de favoriser la complémentarité des interventions respectives des deux collectivités. Il évitera les actions concurrentes ou redondantes sur un même territoire. Il sera l’interlocuteur unique des différents acteurs territoriaux, ce qui contribuera à la réactivité, à la cohérence dans le choix des financements alloués, et permettra, j’en suis convaincu, d’accélérer le montage des projets.
Ainsi, nous proposons une rationalisation qui vienne non pas d’en haut, …
… mais du terrain et du bon sens d’élus locaux certes moins nombreux, mais beaucoup plus puissants, au mandat enrichi.
Créer le conseiller territorial, c’est faire le pari de l’intelligence des territoires. Les régions comme les départements y gagneront, j’en suis certain.
Quelle dialectique ! M. le ministre ne connaît pas les territoires, lui !
Je suis convaincu que la région peut y trouver un surcroît de légitimité. Je suis ainsi en clair désaccord avec ceux qui présentent la création de ce nouvel élu comme un facteur d’affaiblissement de l’intérêt régional.
Je ne pense pas que le conseiller territorial, élu local ancré territorialement, ne soit pas capable de développer une vision régionale. Au contraire, je pense que le niveau régional souffre aujourd’hui auprès de nos concitoyens d’un manque de visibilité, et donc de légitimité. On connaît son maire, on connaît son conseiller général, en tout cas en milieu rural, mais on connaît rarement son conseiller régional, même si des exceptions viennent parfois confirmer la règle. Et ce n’est faire insulte à personne que de le dire ! Avec le conseiller territorial, la région trouvera un relais de proximité auprès de nos concitoyens.
Le département, quant à lui, pourra trouver matière à élargir utilement son horizon.
Ainsi, la création de ce nouveau mandat constituera un profond facteur de renouvellement de l’action publique locale, en renforçant l’assise des politiques régionales et en faisant accéder l’élu territorial à des enjeux plus larges.
Mme Annie David s’exclame.
Chacun voit bien enfin combien une meilleure complémentarité entre l’action des départements et des régions peut servir la performance de nos territoires. Les domaines des aides économiques, de l’enseignement, des transports, du tourisme, de la culture – et la liste pourrait être complétée – offrent un formidable potentiel pour mieux servir nos concitoyens.
Mesdames, messieurs les sénateurs, avec ce projet de loi, le Gouvernement vous propose donc d’approuver le principe de la création du conseiller territorial.
Tout autre est la question du mode de scrutin, que nous aborderons dans un second temps, lors de l’examen du projet de loi relatif à l’élection des conseillers territoriaux et au renforcement de la démocratie locale.
M. Brice Hortefeux, ministre. Monsieur Sueur, vous approuvez certainement notre démarche puisque c’est exactement celle qui avait été retenue en 1982 lors de la création des conseillers régionaux, dont le mode d’élection n’a été défini qu’en 1985. Je ne vois pas pourquoi une méthode qui était considérée comme bonne en 1982 serait mauvaise aujourd'hui !
Applaudissementssur les travées de l’UMP. – M. Jean-Jacques Pignard applaudit également. – Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Un mode de scrutin mixte est proposé dans ce projet de loi. C’est une option. Il peut évidemment y en avoir d’autres.
Ah ! sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Mesdames, messieurs les sénateurs, soyez-en certains, le Gouvernement abordera ce débat, lorsqu’il aura lieu, dans un esprit d’ouverture, en cherchant à définir avec les parlementaires le mode de scrutin répondant le mieux aux exigences qui doivent nous guider : la représentation de l’ensemble des territoires, la prise en compte des réalités démographiques, le respect du pluralisme et l’objectif de parité.
M. Pierre-Yves Collombat s’exclame.
J’en viens au deuxième pilier de la réforme : le renforcement du pôle communes-intercommunalité.
L’intercommunalité a connu dans l’ensemble un véritable succès. Elle est désormais parvenue à maturité. Il faut sans doute franchir une nouvelle étape en achevant la couverture du pays, en renforçant sa gouvernance et en démocratisant son fonctionnement, tout en préservant la légitimité du maire. Aujourd’hui comme hier, il ne faut pas opposer communes et intercommunalités : c’est le couple qu’elles constituent qui renforce nos territoires.
L’article 2 du projet de loi tend ainsi à instituer l’élection au suffrage universel direct des délégués des communes siégeant au sein des conseils communautaires.
Comment ? En organisant une élection dans le cadre des élections municipales par le système du « fléchage ». Le Gouvernement a fait ce choix – il y avait, là aussi, d’autres possibilités envisageables – car il ne souhaite pas porter atteinte à la légitimité du maire, laquelle aurait été concurrencée si l’on avait retenu la désignation des conseillers communautaires par un scrutin autonome. Cette solution était d’ailleurs celle qui figurait dans le rapport Mauroy, dans sa proposition n°7, voilà déjà dix ans.
Cette réforme répond à un premier enjeu : l’exigence démocratique, compte tenu des compétences exercées par les structures intercommunales – qui touchent très directement à la vie quotidienne des habitants – et de l’importance des budgets qu’elles gèrent. Ainsi, en 2008, les dépenses des groupements à fiscalité propre se sont élevées à 24, 9 milliards d’euros, soit quasiment le même montant que celui des régions.
Avec cette élection, les citoyens vont s’approprier les débats communautaires. L’intercommunalité ne sera plus une structure éloignée, presque désincarnée, pour l’électeur.
Cette avancée aura pour corollaire l’encadrement – celui-ci constitue, je le sais, une préoccupation – de la répartition des sièges au sein des conseils communautaires qui est rendu nécessaire par l’introduction de l’élection au suffrage universel direct. Il faut concilier l’exigence de la représentation de tous les territoires – toutes les communes disposeront au moins d’un siège – et celle de la prise en compte des réalités démographiques.
Le deuxième enjeu de la réforme de l’intercommunalité est l’achèvement de la couverture intercommunale intégrale du pays. Aujourd’hui, moins de 10 % du territoire national reste encore à l’écart : sur plus de 36 000 communes, environ 2 500 demeurent isolées. Ce sont souvent les cas les plus compliqués, qui renvoient à des postures de principe. L’objectif de couverture intégrale doit aller de pair avec la rationalisation des périmètres et des structures.
Ce chantier doit être mené – j’y insiste – dans la concertation, au plus près du terrain, en respectant les communes. Mais il faut se fixer un calendrier et des objectifs raisonnables pour donner une impulsion. C’est pourquoi le Gouvernement propose, à ce stade, la fin de l’année 2013 comme horizon. Les préfets devront élaborer des schémas départementaux de coopération intercommunale d’ici à la fin de l’année 2011. De nouveaux pouvoirs seront confiés aux CDCI, les commissions départementales de coopération intercommunale, dont la composition sera renouvelée, afin qu’elles puissent imposer des amendements aux schémas et aux projets du préfet, pour peu qu’elles réunissent en leur sein une majorité qualifiée des élus qui les composent. Nous souhaitons que la production des schémas comme leur déclinaison soient bien le résultat d’un véritable travail conjoint entre le préfet et la CDCI.
Enfin, troisième défi de l’intercommunalité, il faut encourager les mutualisations de services au sein des intercommunalités, objectif que vous partagez certainement, mesdames, messieurs les sénateurs.
Doit-on considérer que l’intercommunalité est le seul horizon des communes ? Je ne suis pas de cet avis. Je suis même convaincu que certains élus, rassurés par leur expérience d’une intercommunalité réussie, considèrent aujourd’hui qu’ils peuvent aller plus loin dans l’intégration et se transformer en « commune nouvelle ». De même, certaines petites communes, bien sûr plutôt en milieu rural, peuvent trouver avantage à une fusion. Au nom de quoi le leur refuser ? Le dispositif des « communes nouvelles » souhaite répondre à ces enjeux. Le Gouvernement a cherché à bâtir un dispositif plus souple, plus simple et plus incitatif que l’ancien dispositif Marcellin. Nous débattrons de l’équilibre à trouver.
Troisième pilier de la réforme, il s’agit de faire apparaître dans notre pays un réseau de métropoles pour faciliter l’émergence de projets.
Je le dis en présence du ministre de l’espace rural et de l’aménagement du territoire, Michel Mercier : le Gouvernement ne vous propose évidemment pas de faire le choix des métropoles urbaines contre les territoires ruraux
Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG
Mais il s’agit de prendre acte d’un « fait métropolitain » et de l’organiser au mieux, au bénéfice de l’ensemble du territoire national. Cette préoccupation a d’ailleurs été exprimée ce matin même dans la presse par le président Longuet.
En effet, depuis une quinzaine d’années, notre pays vit à l’heure de la mondialisation, qui accélère la recomposition géographique de la création des richesses. On considère que les trente-huit métropoles principales de l’Union européenne s’étendent sur moins de 1 % de son territoire, mais accueillent plus du quart de ses emplois et produisent environ un tiers de son PIB.
Près de 80 % des 64 millions de Français vivaient en ville en 2008, contre un sur deux en 1936. Pourtant, les métropoles françaises restent modestes à l’échelle européenne. Il faut le dire clairement, les interactions entre les métropoles et leurs régions ne sont pas suffisamment développées. Notre politique d’aménagement des territoires demeure trop teintée de méfiance à l’égard du « fait métropolitain ». Le scénario repoussoir de « Paris et le désert français » continue de marquer certains esprits.
Il est essentiel que les métropoles se fassent non pas contre le reste du territoire, et évidemment pas contre le monde rural, mais au bénéfice de tous.
L’objectif ainsi défini et partagé, il reste à définir les voies et les moyens. C’est ce que propose le Gouvernement en vous soumettant deux statuts : les métropoles et les pôles métropolitains.
Devait-on, comme cela avait été envisagé initialement et je l’ai dit devant la commission des lois, dresser la liste limitative des métropoles dans la loi, à l’instar de ce qui fut fait pour les premières communautés urbaines en 1966 ? Je ne le crois pas, car je suis convaincu que la dynamique doit venir des territoires eux-mêmes. Des métropoles imposées par l’État, depuis Paris, ce serait à l’évidence l’assurance de polémiques et la certitude de l’échec.
Faisons confiance aux territoires, à « l’intelligence territoriale » pour reprendre le titre du rapport de votre mission, présidée par Claude Belot. Fixons un cap, ambitieux mais réaliste, qui soit la première étape de l’émergence institutionnelle des métropoles dans notre pays. Faisons confiance aux élus pour se saisir de ce nouvel outil, le faire évoluer dans le bons sens.
Ce sont toutes ces raisons, mesdames et messieurs les sénateurs, qui ont conduit le Gouvernement à retenir le statut d’EPCI pour la métropole, et non celui de collectivité territoriale à part entière, comme cela fut envisagé. C’est aussi pour cela que le Gouvernement a écarté le modèle de la métropole dite « métropole-département ». Je n’ai jamais été convaincu par cette hypothèse, que j’ai trouvée à mon arrivée place Beauvau. À mon sens, les métropoles doivent se construire non pas en opposition aux départements et aux régions, mais bien dans une logique de complémentarité. Je n’adhère pas, en particulier, à l’idée de transférer automatiquement aux métropoles l’ensemble des compétences sociales des départements. Cela ne m’apparaît ni réaliste ni véritablement pertinent.
Au-delà d’un socle obligatoire de compétences renforcées, notamment dans l’urbanisme, les transports, le logement ou en matière économique, il faut que les départements, les régions et les métropoles puissent déterminer, par voie conventionnelle, la meilleure répartition possible des compétences, en tenant compte des spécificités de chaque territoire. Le projet de loi cherche à amorcer, à provoquer ce dialogue institutionnel plus qu’à imposer une solution toute faite venue d’en haut.
Après en avoir discuté avec un certain nombre d’associations et en tenant compte du souhait du président et du bureau de l’Association des maires de grandes villes, le Gouvernement propose de fixer le seuil des métropoles à 450 000 habitants. Bien sûr, nous en débattrons ensemble, mais il nous semble que ce seuil constitue un équilibre, la diversité des amendements déposés en étant d’ailleurs un bon indice.
Parallèlement, le projet de loi prévoit une formule plus souple que la métropole stricto sensu, celle du pôle métropolitain, afin de permettre à plusieurs agglomérations de porter un projet de métropole en développant des coopérations renforcées dans des domaines jugés stratégiques et d’intérêt commun.
J’insiste sur ce point, ces deux formules reposent sur le volontariat. Ce sont des outils au service des projets des élus.
J’en viens au quatrième pilier de la réforme : engager, dans la concertation, la réflexion sur la clarification des compétences et des cofinancements.
Nous proposons une méthode en deux étapes pour un chantier qui, à l’évidence, nécessite de prendre le temps de la réflexion et de la concertation, tant il est difficile et complexe.
Première étape, l’article 35 du projet de loi suggère la définition d’un socle de principes clairs et simples, qui sont inspirés par le bon sens. Il s’agit de s’engager dans la voie de la spécialisation des compétences des départements et des régions, tout en sauvegardant leur capacité d’initiative. La loi viendrait ainsi préciser les compétences propres à chaque catégorie de collectivités. Lorsque les compétences demeureront partagées, le législateur pourrait désigner, ou laisser aux collectivités le choix de désigner par convention, une collectivité « chef de file ».
Dans le même temps, la pratique des financements croisés entre les collectivités territoriales serait mieux encadrée, non pour diminuer les financements ou les supprimer, mais pour clarifier les rôles respectifs, en recherchant plus d’efficacité et, comme je l’ai déjà indiqué, de rapidité dans le montage des projets. Nous devons continuer à soutenir les communes les plus modestes dont la capacité contributive est faible : le rôle des départements dans le soutien aux communes rurales doit, en particulier, être réaffirmé.
Exclamations sur les travées du groupe socialiste.
Seconde étape, en application des principes ainsi définis, un autre projet de loi viendra préciser la répartition des compétences. Pour préparer ce texte, le Gouvernement entend engager une concertation approfondie, en créant, dans les semaines qui viennent, plusieurs groupes de travail associant des représentants des parlementaires, les administrations de l’État et les associations nationales d’élus, afin de préparer un avant-projet de loi d’ici à l’été.
Mme Nicole Bricq s’exclame.
Mesdames, messieurs les sénateurs, nous nous apprêtons à entamer nos débats sur la base du texte issu des travaux de la commission des lois.
Je souhaite tout d’abord rendre hommage à l’excellent travail réalisé par la commission des lois, sous la présidence de Jean-Jacques Hyest, et particulièrement par le rapporteur Jean-Patrick Courtois.
Celle-ci a adopté cent cinquante et un amendements au projet de loi du Gouvernement, sur les deux cent quarante et un déposés. Sur ces cent cinquante et un amendements, cent vingt-huit le furent sur l’initiative de M. le rapporteur, dix sur l’initiative de Mme Jacqueline Gourault et de plusieurs de ses collègues, sept sur l’initiative de M. Gérard Collomb, quatre sur l’initiative de membres du groupe de l’UMP et deux sur l’initiative de membres du groupe du RDSE.
Le travail de la commission, utile et exigeant, a été guidé par quatre principes qui sont rappelés dans le rapport de M. Courtois : le souci du pragmatisme, le respect des libertés locales, la souplesse et la simplification.
Qu’il me soit permis de saluer, en particulier, le travail de la commission pour rapprocher les points de vue afin d’adopter une rédaction consensuelle de l’article 3, qui traite de la composition des conseils communautaires.
Je pense aussi au souci de réalisme qui l’a animée en reconnaissant le rôle de la commune-centre dans les procédures de rationalisation de la carte intercommunale.
Elle a également eu à cœur de trouver le meilleur équilibre entre les pouvoirs du préfet et ceux des élus réunis au sein de la commission départementale de coopération intercommunale, afin de faire en réalité de cet exercice une véritable « coproduction », pour employer un mot à la mode.
De même, je me réjouis qu’elle ait été très attentive à conserver aux maires des compétences qui constituent le cœur de leur mandat de proximité, en précisant particulièrement les pouvoirs de police définis à l’article 32.
Je pense en outre aux garanties qu’elle a introduites pour les procédures de regroupements de régions et de départements ou à l’introduction d’une nouvelle procédure en ce qui concerne la création d’une collectivité unique se substituant à la région et aux départements qui la composent.
Je salue enfin l’amélioration qu’elle a apportée à l’article 35, article-cadre qui fixe le socle du travail de clarification des compétences et des cofinancements.
Bien sûr, l’économie du texte issu des travaux de la commission des lois en ce qui concerne les métropoles et les communes nouvelles n’est pas exactement celle que le Gouvernement avait proposée. Il est vrai que l’équilibre qu’il nous faut trouver entre, d’une part, le respect des communes, cellule de base de notre organisation territoriale et, d’autre part, l’ambition de bâtir des structures plus intégrées n’est pas facile. Plusieurs sensibilités peuvent s’exprimer. À cet égard, je salue le travail réalisé par le rapporteur pour avis de la commission des finances, Charles Guené.
Voilà pourquoi, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement, je vous le dis d’emblée à l’entame de vos travaux, ne cherchera pas à rétablir coûte que coûte son texte initial.
Il ne s’interdira pas non plus d’exprimer son point de vue. Je suis sûr que M. Adnot le comprendra.
S’agissant d’une réforme profonde de notre organisation territoriale, il est normal que le débat puisse s’installer au sein de la représentation nationale entre le Sénat et l’Assemblée nationale. Le calendrier le permet, puisque le Gouvernement, rejoignant en cela les souhaits exprimés par le président Larcher, n’a pas voulu recourir à la procédure accélérée. Nous avons donc tout le temps pour débattre sereinement et de manière approfondie de ce texte, d’ici à l’été.
Mesdames, messieurs les sénateurs, si je n’avais qu’un vœu à formuler au moment de conclure mon propos, ce serait que nos débats évitent les fausses querelles et que, sur toutes les travées, nous sachions saisir l’occasion qui nous est offerte de débattre de l’organisation territoriale de notre pays.
Plus que tout, je souhaite que nos débats se tiennent éloignés des facilités, des caricatures ou des postures. Ne tombons pas dans le piège d’oppositions artificielles. N’opposons pas, d’un côté, les décentralisateurs et, de l’autre, de prétendus recentralisateurs alors que personne en réalité ne soutient la thèse de la recentralisation.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste.
Tenter de corriger les défauts de la décentralisation, ce n’est pas faire son procès ; c’est au contraire lui donner un nouveau souffle !
Nouvelles exclamations sur les travées du groupe socialiste.
N’opposons pas les pro-régions et les pro-départements, alors que, davantage que la victoire des uns sur les autres ou inversement, il nous faut trouver le meilleur moyen d’assurer leur complémentarité.
N’opposons pas l’intercommunalité et les communes, alors précisément que la progression de la première peut conforter les secondes.
N’opposons pas les territoires urbains et les territoires ruraux, alors que nous pouvons à la fois faciliter l’émergence de métropoles et renforcer le monde rural.
N’opposons pas, enfin, l’État et les collectivités territoriales, alors que nous devons les réformer ensemble au bénéfice du pays tout entier.
N’essayons pas de faire jouer aux collectivités territoriales un rôle de contrepoids à l’action de l’État. Les collectivités territoriales ne se pensent pas comme des contre-pouvoirs et ne sont pas des contre-pouvoirs politiques.
Exclamations sur les travées du groupe socialiste.
Ce serait contraire à l’idéal et à l’originalité de notre modèle républicain.
Je vous le dis solennellement, le Gouvernement a souhaité se tenir éloigné de ces travers durant l’élaboration des projets de lois.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP. – Protestations et marques d’ironie sur les travées du groupe socialiste.
Il n’y a rien dans cette réforme qui ne serve l’équilibre et l’unité de notre pays.
M. Brice Hortefeux, ministre. Je suis certain que la Haute Assemblée partagera l’ambition du Gouvernement, à savoir rénover la décentralisation pour renforcer notre pays.
Bravo ! et applaudissementssur les travées de l’UMP et sur plusieurs travées de l’Union centriste.
M. le président. Mes chers collègues, avant de donner la parole à M. le rapporteur, je voudrais saluer le retour de M. Claude Belot dans notre hémicycle.
Applaudissements.
M. Jean-Louis Carrère. Il va mieux parce qu’il est venu dans les Landes !
Sourires.
Nos travaux d’aujourd’hui lui doivent beaucoup.
La parole est à M. le rapporteur.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, la République décentralisée a aujourd’hui atteint l’âge de la maturité et celui d’un nouveau bilan.
Annoncée de longue date, la réforme qui nous est proposée constitue une véritable nécessité.
Depuis le lancement du processus de décentralisation avec les lois de 1982, les structures territoriales de notre pays ont connu de nombreuses adaptations et se sont considérablement développées. Or force est de constater que toutes les conséquences n’ont pas été tirées de ces bouleversements. La décentralisation a souffert tout à la fois de son application à un paysage territorial figé et des difficultés de l’État à accepter la nouvelle donne.
D’une part, ni l’empilement pyramidal des trois niveaux de collectivités territoriales ni le format de chacun d’eux n’ont été remis en cause. S’y sont en outre intercalés les regroupements communaux.
D’autre part, la logique de la décentralisation aurait dû conduire l’État à ne plus intervenir dans les secteurs transférés aux institutions territoriales et à renoncer au pouvoir de pilotage et de gestion dont il était le seul détenteur dans la tradition jacobine. Force est de constater qu’il a très tardivement réagi ; c’est le Gouvernement qui a lancé, en 2007, la refonte de ses services déconcentrés dans le cadre de la révision générale des politiques publiques. Il conviendra cependant d’en évaluer la pertinence et l’adéquation.
En tout état de cause, l’architecture territoriale actuelle n’est plus lisible pour les citoyens ni satisfaisante pour les acteurs locaux. L’enchevêtrement des structures et des compétences, auquel répond celui des financements, en est la preuve la plus évidente. Il est donc indispensable, afin de garantir la bonne marche de la décentralisation dans les années à venir, de renforcer l’efficience et la clarté de l’action locale.
Conscient de cette nécessité, le Sénat, représentant constitutionnel des collectivités territoriales, a anticipé le processus législatif en conduisant sa propre réflexion. Pendant huit mois, la mission temporaire présidée par Claude Belot a ainsi élaboré, sur le rapport de nos collègues Jacqueline Gourault et Yves Krattinger, des propositions constructives, sur lesquelles l’ensemble du Sénat a eu l’occasion de prendre position lors de deux débats dédiés à l’organisation territoriale.
La Haute Assemblée a ensuite été saisie, le 21 octobre dernier, des quatre projets déposés par le Gouvernement visant à rationaliser les structures territoriales, à moderniser les conditions d’exercice de la démocratie locale, à clarifier la répartition des compétences entre les différents niveaux de collectivités et à donner aux élus locaux des outils plus efficaces.
En tant que rapporteur, je me suis attaché à conduire de larges consultations afin de dépasser ma propre expérience d’élu local et d’avoir une vision globale de l’évolution de nos territoires et des problèmes qui leur sont spécifiques. Pour prendre toute la mesure des blocages, des préoccupations et des espoirs des acteurs locaux sur le terrain, j’ai ainsi effectué plus de trente déplacements sur l’ensemble du territoire, participant notamment à plusieurs assemblées générales de maires.
Parallèlement, la commission des lois a organisé deux débats réunissant les ministres et l’ensemble des sénateurs et une table ronde avec les trois principales associations d’élus locaux, à savoir l’Association des maires de France, l’Assemblée des départements de France et l’Association des régions de France.
La réforme des collectivités territoriales, sous peine d’être vouée à l’échec, doit s’élaborer en recueillant la plus large adhésion des acteurs qui la feront vivre. Elle doit offrir les simplifications, les ajustements nécessaires pour faciliter l’action des élus, trop souvent alourdie par la multiplication des normes et rendue plus difficile par les exigences accrues des usagers.
Fort de cette conviction, j’ai axé mon travail autour de quatre principes : le pragmatisme, le respect des libertés locales, la souplesse et la simplification.
La commission des lois a adhéré à ces principes pour modifier le projet du Gouvernement. Elle a globalement respecté sa logique, mais elle y a introduit de nombreuses modifications afin de mettre davantage l’accent sur la liberté des collectivités territoriales et d’accroître leur capacité à exercer leurs compétences.
Ses travaux ont également été enrichis par les amendements déposés par plusieurs de nos collègues.
La création des conseillers territoriaux est l’une des mesures les plus controversées de la réforme et suscite de nombreuses craintes : les élus départementaux y voient le prélude à une suppression des départements, …
… tandis que les élus régionaux craignent à l’inverse une « cantonalisation » de la région, sans vision stratégique et sans capacité à se projeter dans l’avenir.
En premier lieu, la mise en place des conseillers territoriaux, qui siégeront à la fois à la région et au département, est avant tout un moyen d’améliorer la coordination entre les départements et les régions, sans remettre en cause les spécificités de chacune de ces collectivités, qui resteront administrées par des assemblées délibérantes distinctes.
En second lieu, la mise en place des conseillers territoriaux doit être interprétée comme un acte de confiance dans la démocratie locale : les conseillers territoriaux bénéficieront de missions plus étendues et de responsabilités plus larges que leurs prédécesseurs.
Les conseillers territoriaux répondent à une véritable attente de nos concitoyens et de nos entreprises, qui verront leur démarche simplifiée en ayant désormais plus qu’un interlocuteur pour ces deux collectivités. Mes chers collègues, il s’agit là de la clef de voûte de cette réforme.
C’est en clarifiant les compétences et en simplifiant la gouvernance que nous pourrons faire des économies et améliorer l’efficacité des politiques publiques, tout en permettant aux régions et aux départements de mener plus d’initiatives communes et, surtout, de mutualiser leurs services.
Tel est le sens de la création des conseillers territoriaux.
Pour ces différentes raisons, la commission a adopté la mise en place des conseillers territoriaux.
La commission des lois s’est également attachée à préserver la liberté des communes et à améliorer le fonctionnement de l’intercommunalité.
Premièrement, elle a tout d’abord privilégié la négociation pour la fixation du nombre de sièges et leur répartition au sein des conseils communautaires.
Le système proposé par le Gouvernement, qui ne laissait aucune marge de manœuvre aux communes et qui leur imposait des règles de représentation contraignantes, nous a paru excessivement rigide. En effet, dans la mesure où l’intercommunalité reste une libre collaboration de communes ayant décidé de gérer certaines compétences collectivement, il semble essentiel de préserver cette liberté des communes membres en leur permettant de fixer le nombre de sièges et leur répartition au sein des organes délibérants des EPCI.
Il convient là aussi d’être pragmatique : le système en vigueur a fait ses preuves, en permettant d’aboutir à des équilibres subtils, parfois atteints par tâtonnement après plusieurs années de pratique. Il semble donc inutilement risqué de remettre en cause les règles consensuelles pour en imposer de plus autoritaires.
La commission des lois a donc réservé aux communes membres la possibilité de se dispenser d’appliquer le tableau de répartition des sièges, à condition de parvenir à un accord à la majorité qualifiée et de respecter certaines règles fondamentales telles que la répartition en fonction de la population, chaque commune devant se voir attribuer au moins un siège et aucune commune ne pouvant disposer de plus de 50 % des sièges.
La position ainsi adoptée par la commission n’avait cependant qu’une vocation conservatoire, dans l’attente d’un meilleur dispositif.
En effet, un certain nombre d’amendements ont proposé une formule alternative qui pouvait se révéler plus pertinente. Cependant, lorsqu’elle a examiné le projet du Gouvernement, la commission des lois n’a pu se prononcer sur ce point, faute de simulations fiables et concordantes, qui ne lui ont été communiquées qu’ensuite. C’est pourquoi, après les avoir étudiées, elle examinera demain les amendements déposés par nos collègues Pierre Hérisson et Gérard Collomb, qui visent à proposer des améliorations permettant de répondre aux inquiétudes s’étant manifestées ici et là, et qui ont recueilli l’accord des associations d’élus. Je formule le souhait que la commission adopte ces deux amendements.
La commission a également prévu, par pragmatisme, que ces dispositions n’entreraient en vigueur qu’en 2014, c’est-à-dire après le prochain renouvellement des conseils municipaux, sauf, naturellement, pour les établissements formés après la promulgation du présent texte.
Deuxièmement, la commission des lois a encadré davantage les pouvoirs du représentant de l’État pour modifier la carte intercommunale. Elle a notamment supprimé le pouvoir d’appréciation du préfet pour mettre en œuvre le schéma départemental de la coopération intercommunale dans le cadre des procédures d’achèvement et de rationalisation de la carte des EPCI à fiscalité propre et des syndicats. Elle a par ailleurs requis l’accord de l’organe délibérant pour le rattachement d’une commune à un établissement public de coopération intercommunale par le préfet. Elle a prévu, enfin, que les modifications adoptées par la commission départementale de coopération intercommunale à la majorité des deux tiers s’imposent à lui.
Pour la commission des lois, la commune-centre doit consentir aux procédures de création, de modification du périmètre, de fusion et de dissolution des EPCI ou des syndicats mixtes.
Parmi les orientations fixées pour l’élaboration du schéma départemental, le seuil de 5 000 habitants pour la création d’une communauté de communes ne lui a pas paru pertinent, compte tenu de la diversité des territoires, et, en conséquence, elle l’a supprimé.
En revanche, sur l’initiative de notre collègue Jacqueline Gourault, elle a souhaité réactiver les pouvoirs spéciaux bénéficiant aux préfets, en 2012, en matière de fusion d’EPCI et d’extension de périmètre, et ce à chaque révision du schéma départemental de la coopération intercommunale.
Pour faciliter la recomposition des structures syndicales, la commission a retenu la faculté de recourir plus largement, pour les syndicats intercommunaux et les syndicats mixtes, ouverts ou fermés, aux mécanismes de fusion, de dissolution ou de substitution.
Enfin, la commission a créé un collège spécifique pour représenter les syndicats mixtes et les syndicats de communes au sein de la commission départementale de coopération intercommunale : il s’agit en fait de prendre en compte l’élargissement des interventions de la CDCI dans la vie des syndicats.
Troisièmement, la commission des lois a souhaité garantir le caractère consensuel du fonctionnement de l’intercommunalité. Elle a choisi de préserver les compétences de l’échelon communal tout en améliorant le fonctionnement du couple commune-EPCI, qui constitue l’axe de proximité de l’organisation territoriale.
La commission a donc rétabli la majorité qualifiée en vigueur pour les transferts de compétences après la création d’un EPCI et pour la détermination de l’intérêt communautaire, à la place des dispositions du projet de loi prévoyant des majorités simples.
La commission est également revenue sur le caractère obligatoire du transfert du pouvoir de police au président de l’EPCI dans certains domaines, ce pouvoir faisant, mes chers collègues, entièrement partie du noyau dur des compétences du maire.
Par ailleurs, la commission a préservé l’autonomie des communes au sein des nouvelles métropoles en supprimant, sur proposition de nos collègues Jacqueline Gourault et Gérard Collomb, le transfert de l’ensemble de la fiscalité des communes à la métropole et en rendant facultatif le transfert de la DGF communale à celle-ci.
La commission partage l’objectif de souplesse et d’économie de fonctionnement des EPCI promu par le texte du Gouvernement. C’est pourquoi elle a souhaité faciliter davantage les mises à disposition de services, notamment entre la métropole et le département ou la région, de manière à adapter le plus efficacement possible les moyens disponibles aux compétences transférées.
Quatrièmement, la commission des lois a précisé le régime des métropoles.
Les métropoles doivent se distinguer des autres formes de coopération intercommunale par une intégration supérieure et par une capacité à rayonner à l’échelon européen. Cependant, il faut également préserver la proximité, facteur clé de l’efficience de l’action locale. C’est pourquoi, sur l’initiative de Mme Jacqueline Gourault, de M. Gérard Collomb et de votre rapporteur, la commission a conservé aux maires leurs pouvoirs en matière d’autorisation d’utilisation du sol et elle a introduit la notion d’intérêt communautaire pour le transfert des équipements culturels et sportifs.
La commission a souhaité préciser que le périmètre d’une métropole peut être étendu à une commune appartenant à une communauté de communes à DGF bonifiée. Puis, pour conserver une cohérence à la déclinaison des EPCI au regard de leur degré d’intégration, la commission a abaissé le seuil démographique de création des communautés urbaines.
La commission des lois a approuvé le nouveau dispositif des pôles métropolitains, qu’elle a précisé : le pôle constitue une souplesse supplémentaire à la disposition des collectivités les plus dynamiques pour conduire leurs projets. Celles-ci disposeront désormais d’une structure « labellisée ».
Même si elle ne nourrit pas d’espoirs excessifs sur ses chances de succès, la commission des lois a retenu le système renouvelé des fusions de communes en l’assortissant toutefois de plusieurs garanties. Elle a notamment étendu la consultation des électeurs à la demande émanant de l’ensemble des communes concernées, sur l’initiative de notre collègue Jean-René Lecerf, et elle a prévu, dans tous les cas, l’appréciation des résultats au niveau de chaque commune. La commission a attribué les qualités d’officier d’état civil et d’officier de police judiciaire au maire délégué comme c’est actuellement le cas dans les communes associées. Ces prérogatives complètent logiquement leur statut puisque, d’une part, les actes d’état civil seront établis dans l’annexe de la mairie et, d’autre part, le maire délégué pourra se voir confier l’exécution des lois et règlements de police.
La commission a recherché les voies pour mieux garantir les procédures de regroupement des départements et des régions.
Elle a prévu l’accord de la population dans chacun des territoires concernés, de manière à éviter qu’un territoire plus peuplé ne puisse forcer un autre à se regrouper avec lui, en dépit de l’opposition commune de son conseil et de sa population.
Par ailleurs, elle a introduit une nouvelle procédure permettant aux conseils généraux et au conseil régional qui le souhaitent de solliciter du législateur, avec l’accord de la population, la création d’une collectivité se substituant à la région et aux départements qui la composent.
La commission souhaite également que soit mis un terme aux subventions conditionnelles. L’octroi d’une subvention est souvent conditionné, mes chers collègues, à l’adhésion par la collectivité qui souhaite en bénéficier à une structure de coopération ou d’organisation intercommunale, notamment un pays. La commission a souhaité ajouter aux exclusions prévues par le projet de loi pour mettre fin à ce phénomène le cas des associations de collectivités territoriales, derrière lesquelles pourraient se recréer les pays supprimés par l’article 25 du projet de loi.
La commission a également souhaité clarifier les principes devant encadrer la répartition des compétences.
Puisque la réforme vise à simplifier et à rendre plus lisibles les structures et l’action territoriales, la commission a précisé la nature de l’encadrement futur des cofinancements et elle a supprimé l’évocation de la « part significative » du financement par le maître d’ouvrage, qui était d’interprétation trop aléatoire. Elle a également ajouté, sur une suggestion de MM. Jean-Pierre Chevènement et Jacques Mézard, que les initiatives des départements et des régions dans les domaines non prévus par la législation devraient être motivées par des délibérations des assemblées locales concernées.
Mes chers collègues, notre responsabilité est immense.
Le succès de la réforme qui nous est soumise dépendra de notre capacité à faire face aux enjeux liés à l’avenir de la décentralisation, pour la relancer et la faire vivre pleinement. Notre vote doit permettre de dépasser les blocages et les dysfonctionnements – que, tous, nous pouvons constater ici et là sur le terrain – afin de conforter la vitalité de la démocratie locale, cheville ouvrière de la cohésion et de la solidité de notre société.
Sous le bénéfice de ces observations, la commission des lois soumet à la délibération du Sénat le texte qu’elle a établi.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et sur plusieurs travées de l ’ Union centriste.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, M. le rapporteur de la commission des lois vient de vous présenter dans sa globalité la réforme des collectivités territoriales, qui est l’objet du projet de loi dont nous entamons la discussion. Il a notamment replacé ce projet dans l’ensemble législatif proposé par le Gouvernement, qui porte à la fois sur l’architecture territoriale, la démocratie locale et la redéfinition des compétences des différents niveaux de collectivités.
En tant que rapporteur pour avis de la commission des finances, je me limiterai à évoquer les éléments qui ont justifié la saisine de la commission, particulièrement le lien entre la réforme institutionnelle et la réforme des finances locales, laquelle a été engagée, du fait de la suppression de la taxe professionnelle, dans la loi de finances pour 2010, adoptée définitivement par le Sénat le 18 décembre 2009 et promulguée le 30 décembre 2009.
Le lien entre ces deux réformes est double.
Ce lien est d’abord technique. De ce point de vue, il convenait de rétablir une cohérence entre deux parcours législatifs. En effet, les deux textes ont été, par nécessité et par choix politique, élaborés par des administrations différentes : le ministère des finances et la direction de la législation fiscale pour la réforme de la taxe professionnelle incluse dans la loi de finances pour 2010, le ministère de l’intérieur et la direction générale des collectivités locales pour le projet de réforme dont nous débattons. Ils ont également connu des calendriers d’examen parallèles, par les deux commissions saisies et en séance publique.
Le présent projet de loi a donc été examiné par la commission des lois avant que le Parlement ait statué sur la réforme de la taxe professionnelle. En conséquence, il n’a pu prendre en compte les évolutions importantes apportées lors de l’examen de la loi de finances. À cet égard, il faut se réjouir que la discussion n’ait pas eu lieu le 15 décembre, comme elle était initialement programmée, mais bien après la publication au Journal officiel de la loi de finances pour 2010.
Le lien entre les deux réformes est aussi un lien de fond. Il convient de garantir la cohérence entre les regroupements institutionnels, les compétences des divers niveaux de collectivités et les moyens accordés pour assurer ces compétences. De ce point de vue, il est vrai que nous avons un peu commencé par la fin
Dénégations amusées sur les travées du groupe socialiste
Toutefois, d’une part, cette situation était due à la nécessité de redonner rapidement des marges de compétitivité à nos entreprises, surtout dans le domaine industriel, et, d’autre part, grâce au Sénat, des clauses de rendez-vous ont été introduites dans le dispositif initial de suppression de la taxe professionnelle, qui permettront l’ajustement des différents volets de la réforme, y compris lorsqu’on aura traité de la nouvelle répartition des compétences.
C’est bien dans l’esprit de mettre son expérience particulière de la loi de finances au service d’une coordination entre les différents volets de la réforme des collectivités territoriales que la commission des finances s’est saisie de ce texte.
Aussi, elle a strictement limité sa saisine aux seuls articles ayant une incidence directe ou indirecte sur les finances des collectivités territoriales et des nouvelles structures institutionnelles prévues par le projet de loi. Il s’agit de l’article 5, relatif à l’organisation de la métropole, des articles 8, 9 et 10, relatifs à la création d’une commune nouvelle, à l’intégration fiscale des communes nouvelles et à l’adaptation du code général des collectivités territoriales à la création des communes nouvelles et, enfin, de l’article 35, qui porte sur la clarification des compétences des collectivités territoriales, car il aborde la question des financements croisés.
En ce qui concerne les métropoles, la commission des finances a considéré que nombre des amendements adoptés par la commission des lois ont nettement amélioré la rédaction du texte du Gouvernement. Il en est ainsi notamment des modifications apportées à la définition des compétences, à la réintroduction, sur un périmètre bien défini, de la condition de l’intérêt communautaire et à la souplesse introduite pour le partage des services entre la métropole et les collectivités départementales et régionales.
Toutefois, dans le domaine de la définition des recettes budgétaires et fiscales et du partage de ces recettes entre les communes membres et la métropole, la commission des finances n’a pas eu la même évaluation des enjeux de cette nouvelle structure intercommunale. Elle vous proposera donc sur plusieurs points, et au-delà des simples ajustements par rapport aux votes intervenus dans le cadre de l’examen de la loi de finances pour 2010, de modifier le texte adopté par la commission des lois.
Le texte de la commission des lois est revenu très nettement sur les points les plus innovants du régime financier des métropoles : tout d’abord, en réaffirmant le principe de la perception des impôts par les communes membres des métropoles, alors que le texte du Gouvernement proposait de les affecter de droit et dans leur totalité aux métropoles ; ensuite, en supprimant le principe d’une dotation de reversement de la métropole vers les communes membres ; enfin, en prévoyant que le transfert de la dotation globale de fonctionnement des communes membres à la métropole s’effectue sur délibération concordante de l’organe délibérant de la métropole et des conseils municipaux.
La commission des finances est, pour sa part, persuadée de la nécessité de doter les métropoles d’un dispositif fiscal et budgétaire très intégré.
D’ailleurs, cette intégration poussée va dans le sens des dispositions votées dans la loi de finances pour 2010, qui créent le régime nouveau des établissements publics de coopération intercommunale, les EPCI, anciennement à taxe professionnelle unique.
Pour compenser la disparition de la taxe professionnelle, ces EPCI se voient affecter des ressources fiscales nouvelles sur les entreprises, que ce soit l’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux ou la contribution économique territoriale, mais également sur les ménages, par le biais de la taxe d’habitation en provenance des départements. Ce régime s’appliquera aux communautés urbaines, auxquelles le texte en discussion assimile les métropoles. Cette évolution interpellera sans aucun doute.
Il est donc nécessaire d’aller encore plus loin vers l’intégration si l’on souhaite donner du sens à la nouvelle structure intercommunale que seront les métropoles. C’est ce qui justifie le transfert global de la fiscalité au niveau métropolitain, même si l’on peut comprendre le souhait d’acter ce transfert par une délibération des communes. Cela justifie également la mise en place d’une première expérimentation de la DGF territorialisée, qu’appelait de ses vœux la mission d’information présidée par notre collègue Claude Belot.
En effet, la métropole bénéficie d’une dotation globale de fonctionnement composée d’une dotation forfaitaire, d’une dotation de compensation et d’une dotation communale, somme des dotations dues aux communes membres de la métropole au titre de la dotation globale de fonctionnement.
En parallèle, la compensation financière des transferts de compétences est organisée, dans le respect du principe de neutralité budgétaire, sous le contrôle d’une commission consultative d’évaluation des charges et par le moyen d’une dotation de compensation versée par la région et le département, ainsi que d’une dotation de reversement à la charge de la métropole et à destination des communes.
Même si certains aspects du statut de la métropole mériteraient sans doute d’être justifiés ou précisés – je pense notamment à l’absence de notion de « ville-centre » –, celle-ci ne représente pas, aux yeux de la commission des finances, un « danger » pour l’équilibre institutionnel du territoire.
À cet égard, il convient de souligner que la métropole est créée sur la base du volontariat et que, compte tenu des critères exigés, un tel statut est accessible à seulement huit agglomérations, Lyon, Lille, Marseille, Bordeaux, Toulouse, Nantes, Nice et Strasbourg, elles-mêmes déjà constituées en communautés urbaines.
Dans ces conditions, la création de métropoles par transformation de communautés urbaines existantes ne pèsera pas sur l’ensemble de la DGF des communes. En effet, la dotation métropoles, qui s’imputera sur la part intercommunalité de la DGF, est calée sur la dotation de type « communautés urbaines », qui a un caractère forfaitaire et ne varie pas en fonction du coefficient d’intégration fiscale.
De notre point de vue, si l’intercommunalité a effectivement un coût pour l’ensemble des collectivités, en raison de la ponction sur la DGF, il serait profondément injuste et inexact de laisser croire que ce coût serait lié aux métropoles.
Le deuxième sujet dont s’est saisie la commission des finances, au sein du présent projet de loi, est celui de la création des « communes nouvelles ».
La volonté du Gouvernement est de donner un nouveau dynamisme au processus de fusions de communes. En effet, chacun le sait, le paysage communal français est particulièrement morcelé, avec 36 686 communes, auxquelles s’ajoutent les structures intercommunales. Un tel émiettement est, dans de nombreux cas, préjudiciable à l’efficacité de l’action publique. Notamment, les plus petites communes n’ont souvent ni les moyens humains ni les moyens financiers de faire face aux charges qui leur incombent.
La loi du 16 juillet 1971 sur les fusions et regroupements de communes, dite « loi Marcellin », principale initiative prise pour remédier à l’émiettement communal, s’est soldée par un échec incontestable. En effet, depuis cette date, le nombre net de communes effectivement supprimées par application de la loi s’élève à 1 100, soit moins de 3 % du nombre actuel de communes.
Pour répondre à un impératif de rationalisation, les articles 8 à 11 du projet de loi prévoient la possibilité de créer des « communes nouvelles », qui se substitueront à plusieurs communes et auront seules le rang de collectivités territoriales.
Le dispositif d’incitation financière proposé par le Gouvernement créait un « bonus » de DGF pour les communes nouvelles. Comme l’a relevé la commission des lois, un tel « bonus » aurait eu pour effet d’amputer la DGF des autres communes, même si l’on peut penser que l’ampleur des regroupements de communes n’aurait pas été suffisante pour réduire sensiblement la DGF perçue par l’ensemble des autres communes. Le « bonus » a donc été supprimé.
Cette suppression a un effet pervers : le texte auquel on aboutit est, sur le plan procédural comme sur le plan financier, autant, voire plus strict que celui de la loi Marcellin. Cela a d’ailleurs fait dire, je crois, à M. le rapporteur qu’il faudrait l’inviter à la première inauguration, de peur qu’il n’y en ait pas de seconde…
Sourires.
Si nous ne voulons pas, trente-neuf ans plus tard, voter un dispositif qui connaîtrait le même sort que la précédente loi, nous devons, me semble-t-il, trouver de nouvelles incitations financières et, à tout le moins, éviter de pénaliser les regroupements de communes, que nous appelons parallèlement de nos vœux.
Dans cet esprit, la commission des finances vous proposera un amendement visant à garantir aux communes qui se regroupent un montant de dotation de solidarité rurale, ou DSR, égal à celui qu’elles perçoivent actuellement. En effet, il serait absurde que des communes souhaitant se regrouper en soient dissuadées parce qu’elles n’atteindraient plus les seuils démographiques nécessaires pour bénéficier de certains avantages. Si c’était le cas, les communes qui se regroupent seraient pénalisées par une perte de dotations et les regroupements bénéficieraient à l’ensemble des autres communes.
Outre cet amendement, votre commission des finances a prévu, d’une part, les coordinations nécessaires avec la suppression de la taxe professionnelle et, d’autre part, des amendements de simplification du dispositif, concernant notamment l’indexation des dotations de l’État aux collectivités territoriales, qui sont aujourd’hui d’une complexité déjà très regrettable.
Enfin, votre commission des finances s’est saisie de l’article 35, car il aborde la question des cofinancements de projets par plusieurs collectivités territoriales.
Dans la perspective du futur projet de loi précisant la répartition des compétences entre les différentes catégories de collectivités territoriales, l’article 35 propose d’établir dès maintenant certaines orientations de principe.
Après avoir été profondément modifié par la commission des lois, cet article prévoit désormais, en matière de cofinancements, d’une part, d’encadrer la pratique des financements croisés entre les collectivités territoriales afin de répartir l’intervention publique en fonction de l’envergure des projets ou de la capacité du maître d’ouvrage à y participer et, d’autre part, de confirmer le rôle du département dans le soutien aux communes rurales.
La commission des finances considère – ce point a d’ailleurs été relevé par notre excellent collègue et rapporteur Jean-Patrick Courtois – qu’il s’agit d’une simple déclaration de principe, dépourvue de valeur normative. Elle a manifesté son intérêt pour un dispositif qui permettrait d’envisager, en fonction de l’envergure des projets et de la capacité du maître d’ouvrage à y participer, une intervention alternative de la région ou du département dans le financement d’un projet. Cette proposition paraît d’autant plus intéressante que les compétences des départements et des régions pourraient être strictement délimitées par le futur projet de loi, auquel cas le cumul de leurs participations financières n’aurait plus de justification.
Toutefois, il paraît difficile de s’engager aujourd’hui dans une déclaration de principe comme celle qui est proposée à l’article 35 sans connaître le contenu de ce futur projet de loi sur les compétences. Les principes que nous poserons aujourd’hui en matière de répartition de compétences pourront toujours être modifiés par le texte qui traitera précisément de ce sujet.
C’est la raison pour laquelle votre commission n’a pas jugé utile de proposer d’amendements sur cette partie du texte.
Sous le bénéfice de ces observations et des amendements qu’elle vous présentera, votre commission des finances a donné un avis favorable à l’adoption des dispositions du projet de loi dont elle a été saisie.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.
M. le président. La parole est à M. le président de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation.
M. Bruno Sido applaudit.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, voilà déjà sept ans que le Constituant – nombre d’entre vous en faisaient alors partie – a promu la décentralisation comme oxygène de notre République indivisible. Pourtant, disons-le franchement, la vitalité démocratique de ce grand dessein se heurte encore et toujours au carcan administratif, voire au centralisme bureaucratique.
L’organisation territoriale de l’État n’a pas suivi la vision moderne d’une action publique plus proche du citoyen, les transferts de compétences n’ont pas été accompagnés des traductions financières appropriées et la clarification des financements et des compétences n’a pas répondu aux impératifs d’une démocratie locale efficiente et responsable.
Or, mes chers collègues, il n’y a pas, selon moi, de démocratie vraie sans responsabilité claire ! Et que devient la responsabilité quand le citoyen se perd dans un labyrinthe de compétences, de guichets, d’imprimés parallèles, de décisions enchevêtrées et de financements croisés ?
Le constat a été partagé par tous. L’organisation décentralisée de notre République souffre non pas d’un manque de diagnostics, mais d’une absence de traitement. Comme cela a été souligné par une voix beaucoup plus autorisée que la mienne, il est temps de décider.
Alors décidons ! Décidons en allant, le plus loin possible, dans la voie du consensus.
M. Bruno Sido applaudit.
Mais le pragmatisme n’interdit pas l’audace, et c’est le mérite du Président de la République et du Gouvernement d’avoir pris l’initiative d’une réforme ambitieuse. À nous, qui sommes le Parlement, de saisir l’occasion qui nous est offerte !
Votre délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation a pour rôle non pas de se substituer aux commissions, mais au contraire de leur apporter son appui et notamment de rechercher les plus vastes espaces de consensus supra-partisan, afin de parvenir à une réforme territoriale répondant aux besoins et aux attentes.
Dans ce cadre, elle a bien l’intention d’apporter sa contribution sur les questions fondamentales qu’une telle réforme soulèvera, comme elle a d’ailleurs commencé à le faire sur les valeurs locatives, sujet dont vous connaissez l’importance pour les budgets de vos collectivités. Elle le fera aussi en amont que possible, afin que le Sénat dispose déjà, lors du dépôt d’un texte, de l’analyse de l’une de ses composantes représentative de sa configuration politique.
Cependant, c’est à titre personnel que je m’exprimerai aujourd’hui, car l’installation récente de votre délégation ne lui a pas permis de discuter en amont des sujets qui sont en débat dans le cadre du présent projet de loi.
Mes observations seront formulées à l’aune des principes qui doivent, selon moi, constituer l’impératif catégorique de la décentralisation, c'est-à-dire la légitimité et l’efficacité. Ces principes sont au cœur des dispositions qui nous sont proposées et je me limiterai à quatre illustrations.
Premièrement, je note la recherche d’une meilleure assise démocratique des autorités locales, à commencer par l’élection au suffrage universel direct des délégués des communes dans les EPCI à fiscalité propre, mesure qu’avait déjà proposée la mission présidée par Claude Belot. C’était devenu une nécessité eu égard à l’importance prise par l’intercommunalité ces dernières années et à l’ambition affichée, et souhaitable, de la renforcer. Pour le reste, veillons à faire en sorte que la question controversée des conseillers territoriaux n’affecte pas la qualité de nos discussions et travaux. Le texte sur le mode d’élection nous offrira un large espace de débat.
Votre délégation entend bien y contribuer en préparant techniquement le travail.
Deuxièmement, et toujours au nom des principes d’efficacité et de légitimité, je salue l’approche pragmatique du projet de loi en matière d’intercommunalité et de regroupement de communes. Je pense par exemple à la création de communes déléguées au sein des communes nouvelles issues de fusion d’EPCI, solution habile pour concilier développement de l’intercommunalité et proximité de l’action publique. Cependant, même si je comprends l’objectif de la commission des lois, je m’interroge sur la réduction d’un tiers du nombre de représentants du conseil général à la commission départementale de coopération intercommunale, la CDCI. Dans les départements ruraux, quelle est la tête de réseau des intercommunalités, sinon le conseil général ?
Troisièmement, je veux évoquer la mutualisation des services. C’est un sujet capital. Nous pouvons avoir de grands points de vue généraux sur la démocratie, mais encore faut-il que cette dernière rende au citoyen ce qu’il attend. La mutualisation des services est un enjeu considérable.
Le projet de loi va dans le bon sens, mais il reste encore, à mes yeux, monsieur le ministre, un peu timide, d’autant que les contraintes du droit communautaire se sont allégées. Prenons un exemple : faut-il maintenir l’obligation de passer par un syndicat mixte pour des initiatives de simple bon sens telles que la création d’une cantine commune à un collège et à un lycée ou une école primaire ? Ces sujets doivent absolument être traités.
Quatrièmement, il me semble que la légitimité et l’efficacité sortiront renforcées si des principes clairs sont posés pour la clarification des compétences.
Dès lors que les initiatives resteront possibles lorsqu’elles seront justifiées par l’intérêt local bien compris, je crois utile d’encadrer les financements croisés, qui brouillent la vision du citoyen sur les responsabilités de chaque échelon public. Je note, au passage, pour l’approuver totalement, le souhait de la commission des lois de confirmer le rôle du département dans le soutien aux communes rurales ; nous pourrions utilement y ajouter, monsieur le rapporteur, les intercommunalités.
S’agissant du rôle de l’État, monsieur le ministre, vous avez dit tout à l’heure qu’il ne fallait pas opposer l’État aux collectivités territoriales, et je souscris totalement à votre affirmation. Il est cependant urgent de redéfinir son rôle. Il lui faut enfin choisir entre le rôle d’arbitre, qui est naturellement le sien, et celui d’acteur, lequel n’a plus lieu d’être dans les compétences transférées. Disant cela, je ne pense pas au ministère de l’intérieur.
Quant aux compétences des collectivités, travaillons dans la concorde pour, l’année prochaine, adopter les modalités d’une clarification idéale. Le Sénat en est capable.
Le citoyen devra pouvoir identifier qui fait quoi, savoir qui finance et à quelle hauteur.
Est-il possible, par exemple, de poser la règle élémentaire du décideur-payeur ? La séparation du maître d’œuvre et du maître d’ouvrage doit être à la décentralisation ce que la séparation de l’ordonnateur et du comptable est aux finances publiques, c'est-à-dire un principe clé !
Comment conclure sans évoquer ce qui ne figure pas formellement dans les textes, mais qui reste présent à l’esprit de chacun, à savoir la place de l’État, dont j’ai parlé à l’instant ?
La légitimité comme l’efficacité commandent que l’État joue le jeu de la décentralisation. L’organisation décentralisée de la République a besoin d’un État fair-play et sincère.
L’État fair-play – je vous prie de me pardonner cet anglicisme, mais j’ai cherché en vain un vocable convenable et élégant –, c’est celui qui accepte de tirer les conséquences d’un transfert de compétences en laissant aux autorités locales la responsabilité des décisions à prendre. L’État fair-play, c’est celui qui sait opter entre le rôle de contrôleur et celui de prescripteur. L’État fair-play, ce n’est donc pas celui qui confère une compétence pour imposer ensuite ses propres objectifs par voie réglementaire.
L’État sincère, c’est celui qui prend des engagements et qui les tient. C’est celui qui applique le principe de la compensation intégrale des dépenses qu’il engage par collectivité interposée et qui réalise les transferts de personnels correspondant aux compétences transférées. C’est celui qui garantit aux collectivités le respect d’un cadre financier pluriannuel. L’État sincère, ce n’est donc pas celui qui invente, par exemple, une allocation personnalisée d’autonomie dont il n’assure qu’un tiers du financement, laissant aux conseils généraux une facture de 3 milliards d’euros. Ce n’est pas non plus celui qui crée des maisons départementales du handicap en conservant ses agents qui assuraient la gestion des COTOREP. La rétention des personnels par l’État oblige ce dernier à s’acquitter à la fois de la rémunération des agents qu’il conserve et de la compensation financière des dépenses des collectivités territoriales pour les agents que celles-ci doivent recruter !
En conclusion, mes chers collègues, c’est ensemble, en ayant l’audace et la générosité de dépasser nos clivages, que nous moderniserons l’organisation territoriale de la République pour le plus grand bien de la démocratie, qui est elle-même sans doute le plus grand bien que nous ayons en commun. Je veux y croire, car la légitimité et l’efficacité nous rassemblent et transcendent tous les courants représentés dans cette assemblée. Héritiers de Tocqueville ou chantres du jacobinisme, nous avons tous un même devoir à l’égard de la nation : nous devons être crédibles pour rassurer nos concitoyens et responsables pour mériter le mandat que nous avons reçu !
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, malgré les multiples critiques de tous horizons, de la commune au Parlement, qui se sont exprimées depuis un an, le Président de la République nous a informés, le 31 décembre dernier, qu’il était déterminé à mettre en œuvre sa réforme des collectivités locales, laquelle ne se heurterait, selon lui, qu’à des conservatismes.
Le Président de la République avait d’ailleurs tracé au comité Balladur une feuille de route très claire : casser l’autonomie des collectivités territoriales. Il avait indiqué deux axes : la reprise en main des collectivités territoriales par l’État et une réduction drastique des dépenses publiques.
Les justifications les plus fallacieuses ont été utilisées pour convaincre.
Il a été dit que nos concitoyens attendaient cette réforme. Outre le fait que nos concitoyens ont déjà bien du mal à faire face à leur quotidien dégradé, ils se sont exprimés dans le cadre d’une enquête commandée par l’Assemblée des départements de France : 76 % d’entre eux estiment que la réforme est « plutôt confuse et incompréhensible » tandis que 73 % refusent la suppression du département et le transfert de ses compétences à d’autres échelons, parce qu’ils jugent le département pertinent.
Il a également été dit que la France allait à contre-courant de l’Europe. Cette allégation est difficile à prouver. La plupart des pays européens disposent de trois niveaux de collectivités. La France a, il est vrai, un nombre très important et une grande diversité de communes. Elles sont le fruit de l’histoire, et nos concitoyens les plébiscitent.
Cet argument est d’autant plus spécieux que vous inventez de nouvelles configurations : métropoles, pôles métropolitains, et même une collectivité devant se substituer à la région et aux départements qui la composent !
Vous tentez – c’est un jeu dangereux – d’opposer nos concitoyens à leurs élus en affirmant que ces derniers coûtent cher. Ce point aussi est difficile à établir. Ils sont, pour l’essentiel, des bénévoles qui contribuent dans leur mission à répondre aux attentes du public. L’argument est, là encore, spécieux : vous ne nous informez pas clairement du coût des nouveaux conseillers territoriaux et de celui de leurs remplaçants. Il est à parier qu’ils coûteront plus cher que les actuels conseillers généraux et régionaux.
Vous affirmez que les financements croisés rendent la gestion inextricable et la font paraître confuse à nos concitoyens. Il faut néanmoins ajouter que sans ces financements de nombreux projets utiles à notre pays ne verraient pas le jour. Une étude d’impact s’imposerait en la matière.
Ce qui est vrai, en revanche, c’est que les dernières lois de décentralisation de 2003-2004 ont conduit à une confusion des rôles en transférant des responsabilités de l’État sans justification, si ce n’est le transfert des charges.
D’ailleurs, vous dénoncez un accroissement des dépenses locales et des impôts locaux. Le Gouvernement l’a lui-même programmé au travers d’une politique sociale et économique désastreuse, du désengagement de l’État, des transferts de compétences mal compensés – ce qu’a confirmé récemment la Cour des comptes –, de la réduction des dotations nationales aux collectivités, de la fin du pacte de stabilité et de croissance, de la révision générale des politiques publiques ou RGPP, et maintenant de la suppression de la taxe professionnelle !
Ces arguments trouvent aussi leurs limites, car les citoyens savent que les collectivités territoriales ont un bilan. Elles contribuent, ô combien ! à la richesse nationale, leurs investissements représentant 73 % des investissements publics. Nos concitoyens voient bien les réalisations qu’ils leur doivent.
En réalité, monsieur le ministre, vous savez tout cela et votre discours d’aujourd'hui sert surtout à rassurer vos amis.
Hélas, la présentation de votre réforme n’est pas sincère ! Déjà, le cadre des financements n’est pas défini, après la suppression de la taxe professionnelle. Par ailleurs, vous souhaitez un bouleversement du paysage institutionnel, avec en ligne de mire la disparition des départements et des communes ; mais vous ne pouvez pas le dire aussi clairement ni engager la nouvelle réforme constitutionnelle nécessaire à la suppression de ces deux niveaux de collectivité.
Vous supprimez donc la compétence générale des départements et la spécificité de leurs élus. Vous voulez que les communes rejoignent une intercommunalité et lui transfèrent leurs compétences. Vous désirez mettre fin à l’autonomie des communes existant aujourd'hui en créant des communes nouvelles.
Vous avez une vision globale, à savoir réorganiser le territoire autour des métropoles – votre innovation phare – qui cumulent l’essentiel des compétences et sans doute des moyens.
Dans le même temps, vous supprimez sans le dire ce qui fonctionne aujourd'hui en matière de coopération volontaire.
Certes, une réforme des collectivités territoriales est nécessaire, mais celle que vous proposez va à contresens.
La réforme devrait commencer par une réflexion sur la pertinence des différents niveaux de compétences. Elle amènerait à considérer que l’État a opéré des transferts abusifs et doit reprendre en charge, en termes de pouvoir et de finances, les grands services publics nationaux sur tout le territoire pour l’égalité des citoyens.
Elle permettrait également de rappeler que tout regroupement de collectivités doit être volontaire et fondé sur leurs choix démocratiques et sur ceux des citoyens, ce que vous refusez.
Elle permettrait aussi de réaffirmer la commune comme l’échelon premier de proximité, les décisions devant être prises selon un principe de subsidiarité allant du bas vers le haut – c’est le contraire de ce que vous proposez –, tout ce qui peut être réalisé au plus près de nos concitoyens devant l’être par la commune.
Votre réforme contredit l’aspiration de nos concitoyens à plus de démocratie. Jamais, jusqu’à présent, la libre administration des collectivités locales, leur droit à décider de leur politique, n’avait été mise en cause, même si les lois de décentralisation de 2003-2004 lui ont porté des coups. Les lois de 1982 s’inspiraient d’un esprit de démocratisation et de proximité, soit l’inverse de ce que vous proposez aujourd'hui.
Vous voulez supprimer la compétence générale des départements et des régions alors qu’elle est précisément consubstantielle à cette libre administration des collectivités locales, et vous le savez très bien. C’est la raison pour laquelle vous essayez de tourner autour de cette question sans l’aborder frontalement, contrairement à votre texte.
Cette réforme signe la fin de trente années de décentralisation et de démocratie locale.
Elle organise une recentralisation des décisions, mais à la différence d’avant 1982 l’État a abandonné pour partie les grands services publics nationaux. Les collectivités seront, de fait, sous sa tutelle. Il pilotera tout, mais paiera de moins en moins.
Vous avez d’ailleurs réorganisé les services de l’État dans cette optique. La région est devenue le premier échelon décentralisé de l’administration de l’État, en lieu et place du département. Les décisions sont concentrées autour de « super-préfets », à l’image des directeurs des agences régionales de l’hospitalisation.
La démocratie, c’est la reconnaissance concrète des droits des citoyens, des personnels et des élus. Ce projet de loi est à mille lieues des budgets participatifs, de l’initiative législative des citoyens et des collectivités locales, du référendum d’initiative citoyenne ! Vous préférez casser des lieux de souveraineté populaire et éloigner les populations des lieux de prise de décision, alors qu’elles revendiquent la proximité, comme le confirme le récent sondage réalisé pour le Centre de recherches politiques de Sciences Po, le CEVIPOF : parmi tous les élus, c’est le maire qui inspire la plus grande confiance à nos concitoyens. La liberté des collectivités territoriales vous gêne.
La création des conseillers territoriaux est une caricature : ces élus seront hybrides, puisqu’ils auront à la fois des pouvoirs dans les départements et dans les régions, et leur création annonce sans doute la disparition des départements ; ils seront élus dans des cantons dont nul ne connaît les configurations et dont on peut craindre un découpage « sur mesure ».
Le mode de scrutin que vous envisagez est critiqué de toutes parts. En tout état de cause, il pousse à la bipolarisation et à la suppression de la parité, chèrement acquise. Ces « super-élus » professionnalisés, cumulant deux mandats, sont la négation de la démocratie locale.
Vous énoncez clairement l’objectif de réduction des dépenses publiques locales, c’est-à-dire – il faut appeler les choses par leur nom ! – la mise en cause des services publics locaux. Pourtant, le Président de la République déclare à qui veut l’entendre – il l’a fait à nouveau lors de ses vœux à nos concitoyens – que notre pays a été moins éprouvé que beaucoup d’autres grâce à son modèle social. Or c’est précisément contre ce modèle social que s’acharne la politique du Gouvernement !
Votre obstination à diminuer les dépenses publiques vous a conduits à réduire la capacité d’intervention de l’État dans sa mission de garant de la solidarité nationale : nous voyons ce qu’il en est ! Avec cette réforme, faisant fi des besoins des habitants, vous voulez réduire également la capacité d’intervention des collectivités locales, au moment où nos concitoyens rencontrent des difficultés et éprouvent donc des besoins croissants. Vous cassez, par la même occasion, les possibilités de relance que constituent les investissements des collectivités.
Le privé est le grand absent de vos propos, mais il se tient en embuscade. De votre point de vue, une anomalie s’avère insupportable : les investissements publics et de nombreux services publics locaux échappent en grande partie aux appétits des grands groupes privés, à la logique de compétitivité, de rentabilité et de concurrence. Vous voulez y mettre fin !
Quant aux fonctionnaires territoriaux, ils seront des « pions » déplacés au gré des regroupements et réorganisations. Ce projet de loi ne prévoit pas de les consulter, de même qu’il ne dit rien des conséquences de cette réforme sur leur statut.
Dans sa conférence de presse sur le grand emprunt, en décembre, le Président de la République s’est vanté que l’État ait supprimé en un an 35 000 fonctionnaires et a déploré, une nouvelle fois, que les collectivités locales aient, à l’inverse, recruté. Or la seule question qui vaille est la suivante : nos collectivités disposent-elles de trop de moyens ? Les 1 750 000 agents publics territoriaux assurent au quotidien le service public au plus près de nos concitoyens.
Sont-ils trop nombreux, ces agents publics qui ont travaillé ces dernières semaines des heures et des heures dans des conditions très difficiles pour que le pays puisse continuer à fonctionner malgré les conditions atmosphériques ? Sont-ils trop nombreux, les personnels des crèches, alors que les familles ont besoin de plus de crèches publiques près de chez elles ? Sont-ils trop nombreux, les personnels techniciens, ouvriers et de service, les TOS, que vous avez décentralisés et qui sont indispensables à la vie quotidienne des collèges et des lycées ? Excusez-moi, la liste serait longue, mais je vous l’épargnerai.
Oui, il faut maintenir, moderniser et développer la fonction publique territoriale nationale dont le statut, depuis 1983, garantit la pérennité du service public dans notre pays, à l’inverse d’autres dispositifs qui ne favorisent pas le maintien des services publics.
En réalité, derrière ce projet de loi qui traite, pour l’essentiel, de l’intercommunalité et de divers regroupements, se cachent des mesures extrêmement graves et beaucoup de non-dits. Ce projet est tout simplement redoutable, car l’enjeu est énorme. Ne nous y trompons pas : le texte qui nous est soumis est le vecteur d’un projet structurant, le projet de société de l’UMP. Cette réforme dessine une organisation territoriale rompant avec notre histoire singulière d’autonomie communale et de démocratie locale.
Vous nous demandez un chèque en blanc pour l’avenir, puisque ce projet de loi induit des conséquences qui ne seront dévoilées que plus tard, à savoir les compétences des collectivités, les modes de scrutin et les découpages électoraux. Ce procédé est tout à fait inacceptable !
Pour toutes ces raisons, nous nous opposons à cette réforme et nous défendrons dans le débat une tout autre vision de l’organisation territoriale, sans accepter aucun compromis !
Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et sur plusieurs travées du groupe socialiste.
Mme Monique Papon remplace M. Gérard Larcher au fauteuil de la présidence.
Madame la présidente, messieurs les ministres, monsieur le président de la commission des lois, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, le moment est venu d’aborder réellement une réforme essentielle de ce quinquennat : la réforme des collectivités locales, qualifiée la semaine dernière par le Président de la République de « réforme ambitieuse qui renforcera les communes dans leur rôle ». J’espère qu’il en sera vraiment ainsi, car je fais partie de ceux, nombreux ici, qui pensent que cette réforme est indispensable.
Le nombre de strates territoriales est en effet beaucoup trop élevé : commune, communauté de communes, pays, département et région auxquels s’ajoutent l’État et l’Europe ; il y a quarante ans, je le rappelle, n’existaient, au niveau local, que la commune et le département. L’enchevêtrement de compétences qui en résulte est tout à fait invraisemblable et fait que plus personne ne s’y retrouve, pas même les élus que nous sommes.
C’est pour cela qu’il faut réformer la « sacro-sainte » clause générale de compétence, chère à certains d’entre vous, mes chers collègues. Que tout le monde s’occupe de tout n’est certainement pas un gage d’efficacité, de rationalité ni de maîtrise des coûts ! Est-il normal, à titre d’exemple, que la commune, la communauté de communes et le département, sans oublier la région, interviennent en matière économique et qu’à tous ces niveaux des services administratifs soient saisis ?
La réforme est donc nécessaire et elle est même indispensable. Je regrette donc que certains tentent d’exploiter sur le terrain, à quelques semaines des élections régionales, la peur du changement.
Exclamations sur les travées du groupe socialiste.
… et, par là même, la fin des investissements communaux. Bref, on nous annonce le grand soir de la décentralisation ! Fort heureusement, il n’en est rien et les élus ont tout à gagner d’une réforme qui doit simplifier et rationnaliser les processus décisionnels. Il est vrai qu’il reste à les en convaincre !
Mais cette réforme est nécessaire, si et seulement si elle permet réellement d’assurer une meilleure lisibilité de l’action publique, une clarification des compétences, une simplification des processus décisionnels et une gestion plus rationnelle et plus économe de l’argent public. Il faut donc veiller à la concrétisation de ces objectifs et je ne suis pas certain que la création d’un nouvel échelon, « la métropole », y réponde pleinement.
Concernant la méthode choisie par le Gouvernement, je regrette qu’une réforme d’une telle ampleur fasse l’objet de quatre textes distincts : la loi sur la concomitance des élections que nous avons déjà examinée, celle dont nous commençons l’examen, celle qui portera sur les modes de scrutin et, enfin, celle qui définira les compétences. Pourquoi ne pas avoir abordé globalement la question
Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste
, ce qui aurait permis d’avoir une vision de l’ensemble de la réforme ? Certains mauvais esprits, dont je ne suis pas, pensent que c’est précisément pour que nous n’ayons pas une vision globale que le Gouvernement procède ainsi. Je ne peux naturellement l’imaginer !
Sourires sur les mêmes travées.
Le Gouvernement nous propose aujourd’hui de créer, avec ce projet de loi, le conseiller territorial. Cette création est la mesure phare de ce projet de loi, la clef de voûte de la réforme, puisqu’elle doit permettre de rapprocher le département et la région sans supprimer aucun de ces deux niveaux.
Je ne suis pas, loin s’en faut, opposé à cette mesure, mais comment se prononcer sur la création du conseiller territorial quand on ne connaît ni son mode d’élection, ni la taille de sa circonscription, ni les conditions dans lesquelles il exercera ce lourd mandat – qui fera vraisemblablement de lui un élu à temps plein, et nécessitera donc un véritable statut de l’élu local –, ni comment sera réglée l’importante question de la parité ?
Les élus du groupe de l’Union centriste ont d’ores et déjà fait savoir que le mode de scrutin actuellement envisagé par le Gouvernement, c’est-à-dire le scrutin uninominal à un tour avec une « dosette » de proportionnelle, n’était pas acceptable. Ce mode de scrutin est contraire à toute la tradition électorale et démocratique française, il n’est qu’une machine à broyer le pluralisme politique pour tenter d’imposer le bipartisme à marche forcée : notre groupe ne l’acceptera donc pas ! Pour cette raison, il a déposé un amendement posant le principe d’un mode de scrutin juste et efficace, …
… c’est-à-dire un scrutin mixte, conciliant le scrutin uninominal, pour la représentation des territoires, et le scrutin proportionnel, afin d’assurer le pluralisme politique, la représentation démographique et la parité. Cette dose réelle de proportionnelle que nous appelons de nos vœux permettra de créer des cantons à taille humaine, élaborés sur la base des territoires et des bassins de vie, dont les disparités démographiques seront corrigées par le scrutin proportionnel, qui corrigera également les effets négatifs du scrutin uninominal quant à la parité et au pluralisme politique.
Il va sans dire, messieurs les ministres, que le sort réservé à cet amendement déterminera notre vote sur la création du conseiller territorial. Nous ne pouvons pas, vous le comprendrez, voter cette création sur la seule base de l’article 1er du projet de loi qui précise simplement que le conseiller territorial est créé et qu’il siégera au conseil général et au conseil régional. Vous conviendrez tous que cette définition est un peu courte ! J’ajoute, pour dédramatiser le débat, que le conseiller territorial pourrait très bien ne pas être créé dans ce projet de loi, mais dans un texte ultérieur, puisqu’on nous en annonce un certain nombre.
De même, il me semble regrettable que nous n’abordions pas les conditions de désignation des conseillers communautaires et, par là même, le mode de scrutin des conseillers municipaux. J’en profite pour rappeler l’hostilité – je dis bien « l’hostilité » – des élus de terrain quant à l’abaissement à 500 habitants du mode de scrutin actuellement applicable dans les communes de 3 500 habitants et plus.
Contrairement à ce qui nous est dit, je n’ai pas rencontré un seul maire – or je rencontre chaque semaine les associations cantonales de maires de mon département – qui souhaite ce changement de mode de scrutin. Tous craignent, à juste titre, la politisation des élections et, par là même, de la vie municipale. Il faudra donc au minimum relever ce seuil, le moment venu.
Enfin, pourquoi attendre plus d’un an pour se pencher sur la très complexe question de la répartition des compétences et se limiter, dans ce projet de loi, à proclamer des principes dont beaucoup d’entre nous ont déjà souligné le caractère purement incantatoire : le principe de « compétences exclusives » est affirmé, tout en posant celui des « compétences partagées » à titre exceptionnel, ainsi que « la capacité d’initiative » dès lors qu’elle est justifiée par un intérêt local. Il ne faudrait pas que cette double exception nous ramène, peu ou prou, à la clause générale de compétence ! Pour ma part, je le répète, je souhaite que les blocs de compétences soient bien définis, et que l’on ne puisse s’en affranchir qu’à titre réellement exceptionnel.
Un autre sujet me paraît tout à fait essentiel et je m’étonne de son absence totale de ce débat : il s’agit du cumul des mandats.
Mme Maryvonne Blondin opine.
Alors que les structures intercommunales jouent un rôle de plus en plus important et que l’objet de la réforme est de renforcer leur rôle, il n’est plus possible de ne pas prendre en compte les fonctions exercées au sein de ces structures au titre du cumul des mandats. Il n’est plus possible que l’on puisse être parlementaire et maire, ou président de conseil général, et en plus président d’une intercommunalité, parfois très importante, et de divers syndicats.
A contrario, le mandat du conseiller municipal, dès lors qu’il ne s’accompagne d’aucune responsabilité exécutive, doit être exclu de cette prise en compte.
Cette question du cumul des mandats est, je le répète, extrêmement importante. Aussi, elle fait l’objet d’un amendement déposé par notre groupe.
Messieurs les ministres, mes chers collègues, telles sont les quelques réflexions que je voulais vous livrer au début de l’examen de cette réforme.
Nous sommes, je le crois sincèrement, à un moment décisif. En effet, il est indispensable d’entendre les attentes et les aspirations des élus et, en même temps, il ne faut pas, pour apaiser chaque inquiétude susceptible de se manifester, que ce texte soit vidé de sa substance et qu’une fois de plus une réforme se transforme en « réformette ». Ce serait la pire des choses qui puisse arriver pour notre démocratie, notre République et pour nos collectivités territoriales.
La voie est donc étroite et le chemin difficile, mais je pense, messieurs les ministres, que nous pouvons ensemble…
M. Hervé Maurey. … parvenir à réaliser la réforme ambitieuse dont notre pays et nos collectivités ont besoin. Nous sommes prêts à vous y aider, pour peu que vous acceptiez de nous entendre.
Applaudissements sur les travées de l ’ Union centriste et sur plusieurs travées de l ’ UMP.
D’ailleurs, certains élus de l’actuelle majorité se gardent bien de brandir les discours qu’ils ont tenus à l’époque ! Telle est la vérité !
Non seulement nous avons défendu la décentralisation à ses débuts. Mais nous l’avons également défendue lors de sa deuxième étape, avec les lois de 1992 et de 1999 sur l’intercommunalité. Désormais…
… nous estimons qu’il faut entamer la troisième étape, car elle est nécessaire.
Le texte qui nous est présenté constitue-t-il cette troisième étape ?
Non ! sur plusieurs travées du groupe socialiste.
… pour les intercommunalités, pour les communes nouvelles, pour les fusions de départements, pour les fusions de régions.
Qui a l’initiative de ces évolutions ? Qui tranche ? Le préfet, toujours et encore lui !
François Mitterrand avait dit en 1981 : « Ils veulent garder le pouvoir ; nous, nous voulons le rendre ». Aujourd’hui, messieurs les ministres, vous voulez le reprendre ! C’est la vérité !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et sur quelques travées du groupe CRC-SPG.
Parce qu’un certain nombre d’évolutions dans les collectivités locales, dans les régions, les départements et les agglomérations ne vous plaisent pas, vous voulez y porter un coup d’arrêt. C’est pourquoi vous nous proposez un texte confus, que vous avez beaucoup de mal à défendre.
Comme vous le savez, la confusion principale tient au conseiller territorial. Il n’y a pas une association d’élus qui ait demandé, une seule fois, la création d’un conseiller territorial !
M. le ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire s’exclame.
Nous ne savons pas si la tutelle s’exerce par le département sur la région ou par la région sur le département. En revanche, nous savons que cette réforme revient à institutionnaliser le cumul des mandats.
À l’occasion des cérémonies de vœux, chaque fois que nous entendons certains élus de droite défendre la réforme, nous assistons, au sujet du conseiller territorial – si toutefois celui-ci est évoqué –, à des chefs-d’œuvre d’euphémismes. Chers collègues de la majorité, vous êtes les champions de la litote ! Vous avez la science du non-dit ! Il est vrai que le sujet est difficile à défendre…
Relisez, par exemple, l’interview de M. Gérard Longuet dans le journal Les Échos : alors que notre collègue s’exprime souvent très clairement, ses propos sont, dans cet article, tout à fait confus.
Exclamations sur les travées de l ’ UMP. – M. Josselin de Rohan s’esclaffe.
Il ne serait pas question de supprimer les départements… Pourtant M. Jean-François Copé précise, à la radio, que cette réforme des collectivités territoriales n’est qu’une première étape, qui sera suivie par la fusion des administrations régionales et départementales.
Si la majorité entend supprimer les départements, qu’elle le dise !
Cela vous arrangerait peut-être qu’on le dise, mais ce n’est pas le cas !
Il y a là quelque chose qui est absolument impossible à défendre !
Pour notre part, nous sommes favorables à la réforme et, par conséquent, opposés au statu quo.
Nos amendements, que nous défendrons dans les jours et les semaines qui viennent, ne viseront pas uniquement à nous opposer au texte. Ils nous permettront également de proposer, …
M. Jean-Pierre Sueur. … de dessiner ce que pourrait être – et nous espérons qu’il en sera ainsi un jour – la nécessaire troisième étape de la décentralisation.
Mme Maryvonne Blondin et M. Yves Chastan opinent.
Ainsi, au sujet des métropoles, nous reprenons l’intuition forte de Pierre Mauroy : nous pensons que ces métropoles doivent être fortes et nous proposons un scrutin universel direct. En effet, le degré d’intégration est tel qu’il faut aller plus loin que ce que vous proposez.
Parallèlement, nous défendrons bec et ongles l’existence des communes à l’intérieur des métropoles, car nous n’accepterons jamais que l’activité des maires et de ces communes soit réduite à la célébration du 14 juillet, aux vœux du nouvel an et à la gestion de l’état civil.
S’agissant des scrutins départementaux, nous pensons qu’il faut désormais prendre en compte la réalité montante des communautés, espaces de solidarité qui sont inscrits dans le paysage. C’est avec les communautés et dans le respect des communes que nous allons continuer d’avancer !
Par ailleurs, la parité, qui nous est chère, doit être instaurée dans les quelque 36 700 communes de notre pays. Nous présenterons des amendements en ce sens et, si certains s’y opposent, nous écouterons avec attention leurs explications.
Nous considérons également que le seuil de création des communautés urbaines doit être abaissé à 300 000 habitants. Nous voulons des territoires urbains structurés !
Mais nous voulons aussi des territoires ruraux structurés et c’est le sens des communautés de communes. Ces ensembles nouveaux sont le fruit d’une formidable révolution tranquille, qui s’est opérée en une dizaine d’années, grâce aux lois que la gauche a fait voter !
Mes chers collègues, nous pourrions aborder bien d’autres points, mais je voudrais m’arrêter un instant sur la notion de justice, totalement absente du projet de loi. Pourtant la péréquation est tellement nécessaire ! S’il y a bien un domaine dans lequel le statu quo n’est plus possible, c’est celui-là !
Il faut effectivement plus de solidarité, un autre mot qui n’apparaît jamais dans le texte proposé !
En conclusion, à la confusion, à l’ambiguïté, au nouveau jacobinisme, au retour de l’étatisme, nous préférons l’émergence d’ambitions fortes pour les territoires urbains et ruraux, …
M. Jean-Pierre Sueur. … les solidarités locales, et le respect des libertés locales républicaines, auxquelles nous tenons comme à la prunelle de nos yeux !
Bravo ! et a pplaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, le comité pour la réforme des collectivités locales et la mission temporaire sur l’organisation et l’évolution des collectivités territoriales ont dressé le bilan de la décentralisation, que nous avons initiée en 1982, non sans mal et contre l’actuelle majorité – cela a été rappelé. Jean-Pierre Sueur a d’ailleurs eu raison de souligner que certaines des déclarations faites à cette époque mériteraient aujourd’hui d’être retrouvées et publiées.
La décentralisation a été ensuite approfondie par deux lois : la loi constitutionnelle du 28 mars 2003 relative à l’organisation décentralisée de la République, que nous avons votée même si elle était proposée par la droite, et la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales.
S’appuyant davantage, hélas ! sur les recommandations du rapport Balladur que sur celles de la mission de notre collègue Claude Belot, que je salue à mon tour, le Gouvernement nous a soumis, depuis le début de la session, une série de textes destinés à bouleverser le paysage institutionnel local. Malheureusement, ce bouleversement ne va pas dans le bon sens !
J’ai déjà eu l’occasion de dire ici qu’il était nécessaire de progresser sur la question de la clarification des compétences, ainsi que sur un certain nombre de problèmes liés à la fiscalité locale. J’ai également rappelé qu’il fallait s’interroger sur le renforcement de la démocratie de proximité.
Toutefois, mes chers collègues, était-il bien opportun d’engager un si vaste chantier dans un contexte de graves difficultés économiques, sachant que les collectivités locales jouent le rôle d’amortisseur social et qu’elles sont le premier investisseur national ?
Est-ce bien raisonnable de nous proposer, de surcroît à trois mois des élections régionales, messieurs les ministres, un texte qui touche fondamentalement à la représentativité des élus locaux ? Comme cela a été répété depuis le début des discussions sur l’ensemble des textes relatifs à la réforme des collectivités territoriales, ne pouviez-vous pas au moins nous proposer un calendrier d’examen cohérent ?
Toute cette entreprise, parce qu’elle est guidée par des impératifs politiques et politiciens, est menée en dépit du bon sens. La logique commandait bien entendu que soit d’abord posée la question des rôles : qui fait quoi ? De la clarification des compétences aurait pu découler une vraie réforme menée dans le consensus.
Au lieu de cela, nous avons dû nous prononcer à la hâte sur le sort de l’un des principaux leviers des finances locales, la taxe professionnelle, que vous avez exécutée, et c’est seulement en 2011 que nous nous pencherons sur le volet fondamental de la clarification des compétences, qui aurait dû être le volet initial de cette réforme.
À ce stade des débats, l’article 35 du projet de loi tend juste à poser des principes, qui encourent d’ailleurs le risque d’une censure du Conseil constitutionnel parce qu’ils sont dénués de portée normative.
Mais une fois encore, malgré les réserves, voire souvent les vives oppositions formulées par l’ensemble des associations d’élus et de nombreux représentants de la majorité, le Gouvernement met les parlementaires au pied du mur avec un texte bouleversant l’équilibre institutionnel local sans pour autant apporter les bonnes réponses.
L’idée d’évaporation des départements et des communes, revendiquée par certains esprits, est clairement mise en œuvre dans ce projet de loi, avec la création des deux couples que constituent, d’une part, les communes et l’intercommunalité et, d’autre part, le département et la région.
Si l’achèvement de la carte intercommunale est une bonne chose, elle ne doit pas consister à diluer les communes. Les débats en commission ont démontré, si besoin était, la difficulté à trouver un bon équilibre quant à la représentation des communes au sein des conseils communautaires. Il faudra être très vigilant, d’autant que la métropole va, de son côté, absorber des communes dans la mesure où celles-ci perdront une partie de leurs compétences et de leur autonomie financière.
Par ailleurs, les pouvoirs exorbitants – et ce n’est pas ça non plus, la décentralisation ! – donnés au préfet dans le processus de création des communes nouvelles, par exemple, ou, pire encore, au niveau du schéma départemental de coopération intercommunale sont le signe d’une tentative de recentralisation. Or, la concertation avec les élus doit être au centre de la réorganisation territoriale, sans quoi il serait vain de parler de démocratisation des institutions locales.
Les articles 12 et 13, qui favorisent le regroupement des départements et des régions, ajoutés au dispositif de captation des compétences départementales par la métropole, menacent l’existence même des départements.
Certes, messieurs les ministres, vous vous retranchez derrière l’argument fallacieux du fameux « mille-feuilles ». Outre le fait que ce constat est faux, puisque sept autres pays européens au moins ont autant d’échelons locaux que la France, la création des métropoles et des pôles métropolitains ne permet pas de simplifier l’organisation administrative territoriale. C’est une véritable pièce montée que vous nous proposez !
Vous nous présentez cette fusion comme un moyen de rationaliser la dépense publique : les élus coûteraient trop cher, ils seraient trop dépensiers.
Messieurs les ministres, l’Assemblée des départements de France, l’ADF, s’est naturellement penchée sur cette question et a conclu que la rationalisation de la dépense publique reposait avant tout sur une bonne répartition des compétences. C’est donc bel et bien par ce débat que nous aurions dû commencer !
Par ailleurs, l’étude que l’ADF a fait réaliser rappelle aussi que les surcoûts sont pour une part liés à l’existence de financements croisés, nombre d’entre eux étant, je vous le rappelle, messieurs les ministres, amorcés sur l’initiative de l’État. Et, naturellement, je vous reparlerai de la ligne à grande vitesse, la LGV en Poitou-Charentes, Aquitaine et Midi-Pyrénées, que vous nous demandez de cofinancer à 50 %, ce qui correspond à plusieurs milliards d’euros, au moment même où vous montrez du doigt les financements croisés. En d’autres temps, l’État avait pourtant assumé la ligne Paris-Lyon-Marseille.
Pour autant, au risque de vous étonner, je ne veux pas pointer du doigt ces financements croisés, dans la mesure où ils sont souvent indispensables pour la réalisation de grands équipements structurants. La commission des lois, et elle a raison, souhaite les voir encadrés plutôt que supprimés.
Enfin, je terminerai sur le corollaire de la volonté affichée de fusionner les départements et les régions : les conseillers territoriaux.
Avec l’adoption récente du projet de loi organisant la concomitance des renouvellements des conseils généraux et des conseils régionaux, le premier chèque en blanc destiné à instituer ces super-élus off-shore a été signé par la majorité, et pas dans les meilleures conditions. Car l’éclatement en trois textes pour la création des conseillers territoriaux nous prive d’un vrai débat démocratique.
En effet, bien que nous soyons à la deuxième étape de cette réforme, nous ne connaissons ni le nombre des conseillers territoriaux, ni leur mode d’élection.
J’ai bien entendu le marchandage auquel vient de se livrer le groupe de l’Union centriste ; un procédé rare en séance publique ! Celui-ci serait prêt à voter la création des conseillers territoriaux à condition que vous acceptiez d’introduire une belle dose de proportionnelle dans le mode de scrutin choisi, messieurs les ministres, car cela pourrait lui permettre d’obtenir un grand nombre d’élus. Vous allez bien sûr accepter cet arrangement, car vous n’étiez pas assurés de réunir une majorité pour faire adopter cette disposition ; vous pouvez donc remercier le groupe de l’Union centriste. Mais, vous en conviendrez, c’est tout de même une méthode de gouvernement originale et c’est singulier au regard du respect de la démocratie parlementaire !
En outre, vous organisez une extraordinaire confusion institutionnelle en inventant un élu censé à la fois représenter la proximité, ce qui est la vocation du département, et assurer une mission stratégique, ce qui est du ressort des régions. Cela fait beaucoup pour un seul homme
Mme Christiane Hummel s’exclame.
Enfin, et cet élément constituera peut-être une issue de secours, le dispositif de création de cet élu représentant deux collectivités nous interpelle sur le plan constitutionnel.
Mes chers collègues, la France est riche de ses quelque 500 000 élus locaux qui œuvrent tous les jours au service de nos concitoyens. Les maires, les conseillers généraux et les conseillers régionaux sont les ressorts du développement de notre territoire, et leur existence fonde la démocratie locale.
Messieurs les ministres, depuis ses débuts, la réforme des collectivités que vous envisagez porte atteinte aux fondements de la République. Hier, la réforme de la taxe professionnelle faisait peu de cas du principe d’autonomie fiscale. Aujourd’hui, ce projet de loi portant réforme des collectivités territoriales introduit de nombreux risques, y compris des risques quant aux équilibres républicains. Le conseiller territorial ajoutera une incertitude « constitutionnelle » du fait de sa représentativité écartelée.
Pour toutes ces raisons, les radicaux de gauche n’approuveront pas ce texte visant à démanteler la décentralisation.
Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, les propositions faites par le comité Balladur me semblent globalement pertinentes.
Concernant les rapports entre les départements et les régions, elles sont même innovantes. En particulier, la suppression de la clause de compétence générale devrait éviter toute concurrence stérile entre départements et régions.
M. Jean-Jacques Mirassou s’exclame.
En fait, il était urgent de faire évoluer l’organisation actuelle car la décentralisation a multiplié les féodalités locales. Ainsi, beaucoup de présidents de conseil régional ou de conseil général se comportent en petits seigneurs
Exclamations sur les travées du groupe socialiste
M. Jean Louis Masson. L’intérêt général est trop souvent sacrifié au profit de l’intérêt particulier de leur collectivité, ou parfois au profit de leur vanité personnelle.
Exclamations sur plusieurs travées du groupe socialiste.
J’approuve donc sans réserve les conclusions du rapport Balladur dans ce domaine.
En revanche, je tiens à exprimer mon opposition très ferme au mode de scrutin que le Gouvernement et le Président de la République voudraient imposer pour les conseillers territoriaux. Il ne faut pas que cette excellente réforme soit dévoyée par des manipulations politiciennes.
Ah ! sur les travées du groupe socialiste.
Enfin, je regrette que tout cumul entre un mandat parlementaire et une fonction exécutive locale n’ait pas été interdit. La fonction de maire de grande ville, de président de communauté d’agglomération, de président de conseil général ou de président de conseil régional est une activité à plein temps. Un mandat de parlementaire est aussi une activité à plein temps. Nul ne peut assumer correctement deux activités correspondant chacune à un temps plein !
Mes chers collègues, avant d’aborder le point suivant de l’ordre du jour, les questions cribles thématiques, nous allons interrompre nos travaux quelques instants. Nous reprendrons la discussion générale du présent projet de loi à dix-huit heures.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à seize heures cinquante, est reprise à dix-sept heures, sous la présidence de M. Gérard Larcher.
L’ordre du jour appelle les questions cribles thématiques sur le plan de relance et l’emploi.
L’auteur de la question et le ministre, pour sa réponse, disposent chacun de deux minutes. Une réplique d’une durée d’une minute au maximum peut être présentée soit par l’auteur de la question, soit par l’un des membres de son groupe politique.
Chacun des orateurs aura à cœur de respecter son temps de parole. À cet effet, des afficheurs de chronomètres ont été récemment installés à la vue de tous.
La parole est à M. François Zocchetto.
Lors d’une séance de questions d’actualité au Gouvernement qui s’est tenue à l’Assemblée nationale en novembre dernier, vous avez indiqué, monsieur le ministre, que 400 000 emplois avaient été créés ou sauvegardés par le plan de relance. Si ces chiffres sont exacts, ce résultat, certes insuffisant pour enrayer la progression du chômage, est néanmoins tout à fait significatif et le plan a joué son rôle d’amortisseur social.
Après avoir détaillé la méthodologie employée pour établir ce chiffrage, vous aviez indiqué que celui-ci était « solide, prudent et transparent ».
De fait, les ratios utilisés par certaines professions permettent d’expliquer clairement comment a été obtenu ce chiffrage. Par exemple, dans le domaine des travaux publics, l’investissement de 1 million d’euros permet de créer 8 emplois sur une année. La construction d’un logement, quant à elle, permet de créer 1, 2 emploi, tandis que la rénovation d’un logement, grâce aux 55 000 euros de dépenses qu’elle entraîne en moyenne, permet de créer 1 emploi.
Si l’on prend en considération les investissements réalisés par les pouvoirs publics, nous pouvons expliquer la création ou la sauvegarde d’environ 250 000 emplois, chiffre qui peut être porté à 280 000 en y ajoutant les investissements réalisés par les entreprises publiques au cours de la période 2009-2010.
En revanche, je m’interroge sur la différence entre le chiffre de 400 000 emplois que vous avez annoncé et ce chiffre de 280 000 emplois, qui, lui, me paraît totalement avéré. Monsieur le ministre, pourriez-vous nous indiquer quels ont été les effets, en termes de création ou de sauvegarde d’emplois, des mesures plus spécifiques telles que, par exemple, la participation supplémentaire de l’État à la couverture du chômage partiel ou les contrats aidés ? En effet, vous n’avez donné aucun détail sur l’effet de ces mesures, lesquelles figuraient dans le plan de relance.
Monsieur le sénateur, vous avez parfaitement expliqué comment nous sommes parvenus à établir ce chiffre de 280 000 emplois créés ou sauvegardés. Par conséquent, si j’ai bien écouté votre question, je vous « dois » donc 120 000 emplois.
Comment parvient-on à ce chiffre ? D’abord, les mesures en faveur de la trésorerie des entreprises ou en faveur du secteur automobile ont contribué également à sauver des emplois. Ainsi, 18 000 à 25 000 emplois ont pu être sauvés grâce à des mesures fiscales telles que la mensualisation du remboursement de la TVA ou le remboursement anticipé du crédit d’impôt recherche.
Au moins 30 000 emplois peuvent être portés au crédit des mesures Oséo du plan de relance et entre 24 000 et 33 000 emplois au crédit de la prime à la casse.
En revanche, je conviens que nombre des mesures en faveur de la politique de l’emploi qui ont été mises en œuvre dans le cadre du FISO, le fonds d’investissement social, ne se prêtent guère à une estimation. Mais, en considérant le nombre d’heures d’activité partielle et la durée de travail d’un salarié, on peut fixer un ordre de grandeur et estimer que 70 000 équivalents temps plein ont été sauvegardés grâce au développement de l’activité partielle. En outre, les 80 000 contrats aidés supplémentaires mis en place au second semestre de 2009, à savoir les CIE jeune, les contrats initiative emploi, et les CAE passerelle, les contrats d’accompagnement dans l’emploi, réservés aux jeunes sans expérience, ont permis la création nette de 25 000 à 30 000 emplois en 2009, déduction faite des effets d’aubaine. Le plan de relance a ainsi contribué à la création nette de 45 000 emplois.
Je pourrais aussi citer les mesures en faveur de l’alternance. En revanche, compte tenu des effets d’aubaine, le bénéfice des mesures « zéro charge » est difficile à évaluer.
Monsieur le ministre, je vous remercie de ces précisions. Nous espérons tous, ici, que ces mesures auront un effet pérenne et qu’elles ne produiront aucun contre-effet dans les mois qui viennent. En tout cas, c’est le vœu que je forme.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, voilà un an, dans un contexte de crise financière et de récession économique tendues, le Parlement votait le plan de relance proposé par le Gouvernement. Il s’agissait alors de redonner un nouveau souffle aux investissements, en berne depuis l’automne 2008, afin que les emplois liés à certains secteurs industriels ne soient pas sacrifiés sur l’autel de l’éclatement de la bulle financière et des excès de la spéculation internationale.
Alors que les banques ne remplissaient plus leur rôle à l’égard des entreprises et des ménages, il était urgent de ne pas laisser sombrer dans le chaos les fleurons de l’industrie française, notamment l’ensemble des sous-traitants des secteurs de l’automobile et de l’aéronautique.
Pour ce faire, un certain nombre de mesures avaient été votées, mesures au demeurant parfois plus symboliques que pratiques, comme les prêts exceptionnels consentis aux constructeurs ou la mise en place d’un accompagnement social des ménages les plus fragilisés par la crise.
Aujourd’hui, en dépit des efforts de la nation pour maintenir sur notre territoire les entreprises et leurs emplois, un constructeur automobile, qui produit 25 % de ses voitures en France et dont l’État est actionnaire à hauteur de 15 %, annonçait récemment son intention de délocaliser certains sites de production en Turquie.
Bien que ce constructeur soit revenu sur sa décision après moult négociations, la première posture nous rappelle néanmoins la nécessité d’assortir toute aide financière d’une exigence de réciprocité.
En outre, la sous-traitance automobile est soumise aux pires vicissitudes et est confrontée à une situation désastreuse. Pour les sous-traitants, l’année 2009 a été une année de production sinusoïdale. Les conséquences pour l’emploi ont été parfois catastrophiques.
Monsieur le ministre, ma question est donc la suivante : entendez-vous utiliser le plan de relance comme un levier pour empêcher certaines industries de continuer à mettre en danger nos emplois par leurs stratégies incessantes de délocalisation d’activités ?
Madame le sénateur, vous avez évoqué quelques-unes des nombreuses mesures spécifiques dont a bénéficié le secteur automobile. Aussi, je n’y reviendrai pas, me contentant simplement de signaler que, parmi celles-ci, la prime à la casse, la plus visible et la plus emblématique, a produit de réels résultats.
Comment peut-on se prémunir contre les délocalisations ? Cela passe par l’exigence de contreparties. Vous observerez que, en 2009, le secteur automobile n’a connu aucun plan social et que les activités de recherche et développement ont été maintenues. Pendant la durée du prêt participatif, nous n’avons enregistré aucune fermeture de sites d’assemblage.
Mme Annie David s’exclame.
Les équipementiers et les sous-traitants, quant à eux, ont largement bénéficié du plan de relance avec la prime à la casse, les prêts consentis aux constructeurs
Mme Annie David s’exclame de nouveau.
Le Gouvernement, en sa qualité d’actionnaire de l’entreprise que vous avez évoquée a obtenu que Renault soit prioritaire pour la production de la future Clio IV et, en particulier, que le site de Flins soit affecté en priorité à l’approvisionnement du marché français.
Au final, d’une part, le Gouvernement a mis en place toute une série de mesures qui répondent directement au souci que vous avez exprimé, d’autre part, l’État joue pleinement son rôle d’actionnaire.
Je voudrais aussi rappeler la situation des entreprises Molex et Freescale, bien connues en Haute-Garonne. Les sous-traitants, en particulier ceux de l’automobile, mais bien d’autres encore, sont très touchés. Enfin, comment ne pas évoquer les difficultés rencontrées notamment par les pôles pharmaceutiques, singulièrement Sanofi-Aventis ?
Les milliards d’euros du plan de relance doivent servir à créer des emplois et non pas seulement à en sauver !
Monsieur le ministre, je ne reviendrai pas sur ce qu’a dit à l’instant ma collègue sur Renault. Avant de poser mes questions, je tiens à saluer ce plan de relance, qui me paraît bien construit, cohérent et anticipateur par rapport à ce qu’ont fait d’autres pays.
Sourires.
Aussi, il convient de féliciter le Président de la République et le Gouvernement.
Quels moyens de coercition avez-vous prévus pour que les industriels de l’aéronautique, en particulier, mais aussi ceux l’automobile tiennent leurs engagements ?
Les constructeurs automobiles se sont-ils engagés, contractuellement, à maintenir leurs emplois en France en échange des fonds qui leur ont été avancés, prêtés ou donnés ?
Le secteur de l’aéronautique, quant à lui, traverse aujourd’hui une grave crise, qui nécessite une intervention de l’État, à l’instar de ce que s’apprête à faire l’État allemand. On ne sait plus trop si l’on est dans une logique financière ou dans une logique industrielle. La réalisation de l’A400 M rencontre de grandes difficultés qui nécessitent des décisions dans les semaines à venir. À cet égard, j’espère que le Gouvernement ne restera pas inactif.
Je voudrais maintenant évoquer la situation des PME, dont la trésorerie souffre actuellement. Le Gouvernement a distribué d’importantes aides aux banques, aides qu’elles ont remboursées pour moitié à ce jour. Même si ces avances sont productives d’intérêts, nous souhaiterions que nos PME et nos TPE puissent en profiter. Or cela ne semble pas être toujours le cas et je ne souhaite pas que le Gouvernement aille jusqu’à prononcer des arbitrages. Oséo a réalisé un travail considérable, mais il faut donner une impulsion, il faut organiser des réunions de concertation avec les banques et leur demander véritablement de donner les moyens à nos PME, notamment les entreprises de sous-traitance, et singulièrement en Haute-Garonne, de sortir de la crise.
Les PME ont été confrontées à la crise un an après que celle-ci a éclaté. Aussi, monsieur le ministre, après ce grand choc, comment entendez-vous les aider dans le cadre du plan de relance ?
Monsieur le sénateur, il m’est difficile, dans les deux minutes qui me sont imparties, de répondre à l’ensemble de vos préoccupations. Je traiterai donc principalement des PME.
Je vous rappelle que, s’agissant d’Oséo, 16 600 entreprises, des PME en majorité, ont été aidées, ce qui représente 3, 75 milliards d’euros d’encours de prêts garantis, et que 50 % des entreprises aidées ont été sauvées de la faillite. Ce sont donc 30 000 emplois qui ont ainsi pu être sauvegardés dans les PME.
Pour l’année 2010, le dispositif est prorogé. Grâce à Oséo, l’encours des prêts devrait atteindre 2, 4 milliards d’euros.
Vous affirmez, à juste raison, que les banques ont été finalement assez timides dans le soutien aux PME. C’est tout à fait exact, et ce en dépit des engagements qu’elles avaient pris et malgré le soutien de l’État. Toutefois, il faut aussi considérer une contradiction que, bien souvent, l’on ne voit pas.
Selon les régulateurs internationaux, la crise est née parce que les banques avaient été trop laxistes dans la distribution de crédits. On leur a donc enjoint de respecter rigoureusement le rapport entre capitaux propres et volume de crédits consentis.
Or la crise a également détruit des actifs financiers et le volume des capitaux propres des établissements financiers a diminué en conséquence. Il en est malheureusement résulté une réduction du volume des encours de prêts distribués par les banques, à la demande aussi des régulateurs.
Nous sommes pris dans cette contradiction : nous demandons tout à la fois davantage de crédits pour les entreprises et le respect d’un rapport strict entre capitaux propres et volume de crédits.
Il est vrai que l’on a demandé aux banques de remonter à 8 % leur taux de fonds propres, mais encore faut-il qu’elles en aient les moyens.
Monsieur le ministre, je ne pense pas que les difficultés du secteur bancaire soient dues aux PME. Il faut, me semble-t-il, en chercher l’origine dans les emplois que je qualifierai de « toxiques ».
L’État doit aujourd’hui inciter fortement les banquiers à faire un effort particulier en faveur des PME. Selon les statistiques officielles, le gap, l’écart dans les marges d’autofinancement est aujourd’hui de 120 milliards d’euros entre les entreprises françaises et allemandes, soit 44 % sur le PIB des entreprises en France, contre 36 % en Allemagne. Les disparités malheureusement constatées, en termes d’efficacité, notamment dans la conquête des marchés étrangers, résultent essentiellement des charges sociales et fiscales, question qu’il faudra trancher un jour.
Veillons donc sur nos PME, car ce sont elles, et non les grandes entreprises, qui créent des emplois.
Monsieur le ministre, notre pays n’avait pas connu un tel record d’immatriculations depuis 1983.
Le Gouvernement a accordé un prêt de 6 milliards d’euros à nos deux principaux constructeurs automobiles, mais la situation est très contrastée : les grands constructeurs se portent à peu près bien mais, dans le même temps, les plans de départs volontaires se multiplient. Comme le soulignait Mme Laborde, on constate une tendance lourde à la désindustrialisation du pays, qui a été encouragée par la vente de véhicules produits majoritairement à l’étranger.
En effet, les deux grands constructeurs ont implanté, notamment en Europe de l’Est, des usines surdimensionnées. Or des voitures comme la 106 ou la 107, qui appartiennent à la catégorie de modèles que les Français achètent en cette période de crise, sont fabriquées dans ces pays. Et, aujourd’hui, nous sommes confrontés au déficit abyssal de notre commerce extérieur.
En octobre dernier, je dénonçais ici même l’engagement du Fonds stratégique d’investissement, le FSI, dans l’équipementier automobile Trèves, qui poursuit la délocalisation de ses activités au Maroc.
La semaine dernière, nous avons assisté à tout un débat entre M. Carlos Ghosn et le Gouvernement pour savoir si la construction de la nouvelle Clio serait effectivement délocalisée en Turquie. Monsieur le ministre, mes chers collègues, quand une multinationale comme Renault décide de délocaliser, elle le fait : elle va jusqu’au bout.
On le voit, en matière d’aides aux constructeurs automobiles, qu’il s’agisse d’avantages de TVA ou de prêts, la difficulté tient à l’absence de réel pacte automobile et au fait que la relocalisation ne figure pas dans le projet industriel. On prête à guichet ouvert, mais, à l’heure des comptes, on constate que les emplois ne sont pas là et que les délocalisations continuent.
On nous affirme que la voiture électrique de Renault, la Zoé, sera fabriquée en France, mais la construction de la Clio sera délocalisée.
M. Martial Bourquin. Monsieur le ministre, je vous le demande, il faut dorénavant que tout euro prêté aux entreprises fasse l’objet de contreparties réelles. Aujourd’hui, ce n’est que du vent, les entreprises font ce qu’elles veulent, elles vous dictent votre politique industrielle.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Le problème est tout de même un peu plus compliqué, monsieur le sénateur !
D’abord, je veux rappeler que la prime à la casse a rencontré un très grand succès : elle a concerné 600 000 véhicules, les deux tiers au profit des constructeurs français.
Ce que vous dites sur les délocalisations est exact, mais, sans le plan du Gouvernement, l’industrie automobile française se serait totalement effondrée, faute d’acheteurs.
Comme je l’ai indiqué tout à l’heure en réponse à M. Zocchetto, le plan du Gouvernement a permis la sauvegarde de 24 000 à 33 000 emplois. Vous me rétorquerez sans doute que ce nombre est insuffisant. Certes, mais il est déjà important.
J’ajoute qu’un constructeur qui veut vendre sur un marché étranger doit souvent s’installer dans le pays considéré. Je mets donc un petit bémol aux propos habituels sur les délocalisations.
En outre, lorsqu’un constructeur français est installé à l’étranger, il fait souvent appel - dans une mesure moindre que si l’usine était en France, je le concède -, à la fourniture de pièces, d’éléments d’assemblages produits en France. Ainsi, une voiture française assemblée en Slovénie ou en Roumanie intègre de l’ordre de 20 % de pièces ou d’éléments de construction fabriqués en France.
Les choses ne sont donc pas aussi simples qu’elles le paraissent, monsieur le sénateur.
En tout état de cause, le choix qui se présentait au Gouvernement n’était pas d’exiger pour tout euro prêté une contrepartie : c’est l’industrie française qui était menacée dans sa survie ; il fallait la sauvegarder, et c’est ce que nous avons fait.
Monsieur le ministre, j’ai parlé de la délocalisation de la construction de la nouvelle Clio en Turquie.
Plus généralement, les contreparties constituent un aspect fondamental du problème. Lorsque l’État accorde un prêt, il le fait avec l’argent des contribuables, avec le produit de la TVA.
Il fallait, je ne le conteste pas, aider l’industrie automobile. Mais, lorsque l’argent des contribuables est dépensé aussi massivement, il est impératif d’exiger des contreparties, notamment pour ce qui est des délocalisations.
Or, monsieur le ministre, je sens gonfler un vent de délocalisations. Lors des états généraux de l’industrie automobile, M. Carlos Ghosn a déclaré que, si la taxe professionnelle était supprimée, il n’y aurait plus de délocalisations. Or la taxe professionnelle a été supprimée cette année, et les délocalisations continuent !
Certaines personnes ne se conduisent pas comme elles le devraient dans notre société.
Dans le bassin d’emploi où je vis, le chômage touche 13 % de la population. Pourtant, l’année dernière, les ventes automobiles ont explosé. Il y a là un paradoxe sur lequel il faudra se pencher pour changer en profondeur nos façons de faire et de nous comporter envers les groupes automobiles.
Monsieur le ministre, en apprenant que Renault envisageait de produire sa nouvelle Clio non pas à Flins, mais en Turquie, le Président de la République et le Gouvernement ont multiplié les déclarations indignées. La suite fut une opération de communication, ou plutôt d’esbroufe. Si en effet le Président de la République a convoqué le président-directeur général de Renault c’est, dans les faits, pour lui donner l’autorisation de délocaliser en Turquie une partie de la production de la nouvelle Clio, qui devait démarrer en 2013 dans les usines de Flins.
Pourtant, comme vient de le rappeler M. Bourquin, l’État a engagé 6, 65 milliards d’euros pour sauver l’industrie automobile, dont la moitié pour Renault, et l’on dénombrait 550 000 primes à la casse en décembre.
Monsieur le ministre, vous n’avez rien entrepris pour éviter la délocalisation, que ce soit en Espagne, en Slovénie ou en Turquie, de la construction des trois principaux modèles actuels, soit 400 000 véhicules en 2009. Même si, comme vous l’avez indiqué, 20 % des pièces composant les véhicules assemblés à l’étranger sont fabriquées en France, on peut considérer que 320 000 véhicules sont construits à l’étranger. Et Renault détient un record en matière de délocalisations puisque seulement 25 % de ses voitures sont produites en France.
Ce sont les politiques menées par le gouvernement auquel vous appartenez qui rendent possibles ces délocalisations. L’absence de contreparties contraignantes en échange des aides accordées au secteur automobile entraîne des dérives similaires à celles que l’on a connues dans le secteur bancaire.
Les acteurs économiques ne respectent pas leurs engagements.
Monsieur le ministre, allez-vous enfin conditionner les aides publiques aux entreprises à l’obligation de ne pas licencier et demander le remboursement des aides en cas de non-respect des engagements pris ? Quelles mesures entendez-vous prendre pour lutter contre les délocalisations, qui pèsent lourdement sur l’industrie française ?
Monsieur le sénateur, d’abord, il est injuste de prétendre que les délocalisations sont le fait du présent gouvernement. Il s’agit d’un phénomène mondial. Les délocalisations existaient déjà sous les gouvernements de gauche, qui ne les a pas plus empêchées que le gouvernement actuel.
En revanche, et, sur ce point, votre raisonnement peut avoir une certaine consistance, dès lors que l’on aide les entrepreneurs, il faut exiger un effet de retour.
C’est d’ailleurs la raison pour laquelle les prêts qui ont été consentis aux constructeurs automobiles étaient assortis de l’obligation – le Gouvernement veille à son respect - de maintenir l’emploi sur le territoire national.
Renault n’a pas attendu ce gouvernement pour aller construire des usines en Turquie ni, d’ailleurs, pour installer sa holding aux Pays-Bas, et je vous invite à vérifier à quelle date et sous quel Président de la République s’est faite l’opération…
Nous vivons dans un monde économique de libre circulation des biens et des marchandises. On ne peut pas empêcher une entreprise de s’installer à l’étranger.
Si nous voulions le faire, si nous prenions des mesures coercitives, comme on nous en réclame parfois, nous risquerions de voir les entreprises se développer à l’étranger et laisser dépérir leurs activités sur le territoire national.
M. Patrick Devedjian, ministre. La vraie solution est de rendre notre territoire plus attractif. Il faut, dans un monde de compétition, une parité européenne en matière de charges fiscales et sociales.
Applaudissementssur les travées de l’UMP et de l’Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
M. Thierry Foucaud. Il est facile de parler du passé pour éviter de construire l’avenir !
Sourires sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste. - Exclamations sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.
L’année dernière, le Président de la République avait déclaré qu’il n’y aurait pas de chèque en blanc et que le Gouvernement attendait des contreparties sur le maintien en France de l’activité, des emplois et des commandes.
Force est de constater que les mesures prises n’ont pas atteint leur but.
Monsieur le ministre, aujourd’hui comme hier, votre discours se veut rassurant, mais il ne nous satisfait pas. L’argent qui a été octroyé à Renault et à Peugeot, qui fabrique également les deux tiers de sa production à l’étranger, c’est l’argent des contribuables, et il sert surtout les actionnaires !
Ainsi, l’an dernier, 1 % seulement du dividende distribué aux actionnaires aurait permis de payer les salariés qui ont été mis au chômage technique. Cet exemple vaut plus que toute une démonstration !
Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.
M. François-Noël Buffet. L’emploi a été inscrit au cœur du plan de relance, monsieur le ministre
Exclamations ironiques sur les travées du groupe CRC-SPG
Le choix qui a été fait de privilégier, dans le plan de relance, l’investissement plutôt que la consommation donne aujourd’hui des résultats positifs.
En 2009, nos entreprises ont subi le ralentissement du crédit. Nombre d’entre elles ont connu des difficultés de trésorerie, comme j’ai pu le constater dans les régions Rhône-Alpes ou Bourgogne, au cours de la mission que vous m’aviez confiée, monsieur le ministre.
Dès le début de la crise, le Gouvernement a pris les mesures qui s’imposaient, en augmentant les avances sur marchés publics, en adoptant des dispositions fiscales favorables, comme la mensualisation du remboursement de la TVA ou le remboursement anticipé du crédit d’impôt recherche, ou encore en renforçant substantiellement les moyens d’Oséo.
Oséo, en 2009, a joué un rôle essentiel, notamment grâce au dispositif de garantie des prêts bancaires à court terme et à moyen terme, qui a permis à notre tissu économique de faire face aux difficultés rencontrées en termes tant de carnet de commandes que de trésorerie.
Si nous n’en sommes pas encore à l’heure du bilan, monsieur le ministre, puisque votre action va bien évidemment se poursuivre, pouvez-vous d’ores et déjà dresser un état des lieux des mesures mises en œuvre par Oséo en 2009, notamment les effets positifs qu’elles ont eus sur l’emploi, et tracer des perspectives pour 2010 ?
Si aucun crédit nouveau n’a été inscrit en loi de finances pour 2010 au titre de la mission « Plan de relance de l’économie », la prolongation de ces actions a en revanche été annoncée, ce qui semble évidemment opportun. Pouvez-vous, sur ces points, nous donner des précisions, monsieur le ministre ?
Tout d’abord, en ce qui concerne le plan de relance, je voudrais simplement rappeler quelques chiffres, monsieur le sénateur, pour remettre en quelque sorte les pendules à l’heure.
En effet, le Président de la République a fait le choix de l’investissement, et les résultats sont au rendez-vous.
En 2009, alors que la récession touchait le monde entier, la France a plutôt mieux résisté que ses voisins, avec moins 2, 2 %, contre moins 5 % en Allemagne, moins 4, 6 % en Grande-Bretagne – alors même que ce pays avait fait le choix d’un soutien à la consommation, solution prônée ici par l’opposition – et une moyenne européenne de moins 4 %.
Ces chiffres illustrent l’efficacité de la politique choisie.
Au sein du dispositif, Oséo a joué un rôle capital, en aidant près de 17 000 entreprises et en garantissant 3, 75 milliards d'euros d’encours de prêts. L’intervention d’Oséo a eu un impact sur l’emploi dans 80 % des entreprises aidées et, couplée à l’action du médiateur du crédit et des commissions préfectorales qui ont été instituées, sans oublier les mesures tendant à soulager les trésoreries, elle a notamment permis de sauvegarder 30 000 emplois dans les PME.
On attend de 500 000 à un million de chômeurs supplémentaires en 2010 !
Le dispositif Oséo est maintenu en 2010, avec 2, 4 milliards d'euros d’encours de crédits, ce qui permettra de prolonger le soutien aux PME.
Je partage en la matière l’avis de M. Chatillon : les emplois sont d’abord créés par les PME, d’où le ciblage du dispositif gouvernemental sur ces entreprises.
M. François-Noël Buffet. Les résultats obtenus aujourd'hui montrent à l’évidence la pertinence des choix effectués. Je peux témoigner que, sur le terrain, le monde de l’entreprise, notamment celui des PME-PMI, a tenu, à l’occasion des vœux, à souligner la qualité du travail accompli par Oséo, par le médiateur du crédit et par ses représentants dans les départements, ainsi que le rôle des préfets.
M. Alain Gournac marque son approbation.
La grande qualité des différentes mesures contenues dans ce plan explique sans doute le moindre niveau de notre récession. En effet, aux 26 milliards d'euros initialement investis, il faut ajouter l’ensemble des moyens financiers et sociaux, ainsi que les aides, notamment celles qui sont destinées au secteur automobile français, ce qui porte l’effort consolidé à 80 milliards d'euros.
Je voudrais donc, aujourd’hui, saluer l’action du Gouvernement, et singulièrement la vôtre, monsieur le ministre.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Vous présentez, monsieur le ministre, un premier bilan intermédiaire du plan de relance. Naturellement, je ne conteste pas les chiffres que vous avancez. Mais ne faut-il pas, comme premier juge de paix, se référer aux indicateurs économiques ? Or ces indicateurs ne sont pas bons.
La situation sur le front de l’emploi continue, vous le savez, de se dégrader. L’INSEE nous annonce un taux de chômage à deux chiffres pour le deuxième semestre 2010, et je voudrais attirer votre attention sur deux éléments qualitatifs de cette situation de l’emploi.
Le premier, c’est la forte poussée du chômage des moins de vingt-cinq ans, qui constitue, dans notre pays, un problème spécifique. Le second, c’est le million de chômeurs de longue durée qui, selon Pôle emploi, arrivent en fin de droits. Près de 600 000 d’entre eux n’auront en principe droit à aucune indemnité, ce qui pose, vous l’imaginez, un problème social d’une particulière gravité.
Monsieur le ministre, dans ce contexte de crise qui persiste, ne pensez-vous pas qu’il est encore temps de renforcer et de diversifier les ambitions de ce plan de relance ?
Je vous propose à cet égard trois pistes d’action.
Premièrement, ne conviendrait-il pas d’élaborer de nouveaux projets, qui prendraient en compte la situation spécifique des régions ? Ma région, la Franche-Comté, a ainsi connu une dégradation de plus de 40 % du nombre de ses demandeurs d’emploi, alors qu’elle accuse déjà un fort retard en termes d’équipements publics. Dans mon département, le plan de modernisation des itinéraires est loin de répondre aux besoins.
Veuillez conclure, mon cher collègue, il ne vous reste que quinze secondes.
Deuxièmement, pourquoi ne pas mettre en place un plan d’action spécifique en direction des jeunes ?
Troisièmement, quelles mesures comptez-vous prendre en direction de ces chômeurs en fin de droits, qu’il faudrait naturellement intégrer dans un plan de relance ?
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.
En effet, monsieur le sénateur, le monde entier est en crise, et il serait évidemment inimaginable que notre pays n’en subisse pas également les conséquences.
En proposant des pistes supplémentaires pour améliorer encore la situation, vous faites preuve d’un esprit positif que je salue.
Je voudrais rappeler tout d’abord que le plan de relance a représenté, en 2009, un très gros effort de l’État, mais aussi des collectivités locales, qui ont déjà investi 54 milliards d'euros, et les dépenses vont s’étendre naturellement tout au long de l’année 2010. En effet, seule la moitié des paiements a été réalisée et, de surcroît, nous avons, si j’ose dire, rouvert le guichet, en permettant aux collectivités qui n’avaient pas, pour des raisons souvent légitimes, participé au plan de relance en 2009, de le faire en 2010.
C’est pour cela que vous vous apprêtez à tordre le cou aux collectivités locales !
Permettez-moi de vous dire que, localement, il s’agit d’un puissant adjuvant à l’action engagée par l’État.
Dans le même temps, les 1 200 chantiers du plan de relance de l’État continuent de produire leurs effets, et ce de manière équitable entre les régions. Le plan de relance est donc tout à fait équilibré à cet égard.
Quant aux mesures sociales à l’égard des jeunes, le FISO, le Fonds d’investissement social, produira 75 % de ses effets sur l’année 2010. Alors que nous avions fait le choix de concentrer 75 % des investissements sur l’année 2009, nous avons fait le choix inverse pour le plan social.
Enfin, en ce qui concerne les 600 000 demandeurs d’emploi en fin de droits, le Gouvernement a fixé un rendez-vous lors du sommet social qui doit se tenir, en présence du Président de la République, à la mi-février, et au cours duquel des mesures seront prises.
Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre.
J’aimerais néanmoins vous inviter à procéder à un examen de la situation économique et sociale région par région, pour mieux calibrer un certain nombre de mesures.
En raison de son retard considérable en matière d’équipements publics, le département du Doubs que je préside est l’un de ceux qui, dans la même strate, ont le plus investi au cours des dernières années. De plus, du fait de la situation du chômage de longue durée, nous allons devoir augmenter de 8 millions d’euros notre budget pour 2010, afin d’abonder les crédits destinés au financement du RSA. §Ces millions d’euros, nous les prendrons exclusivement dans la poche des contribuables de mon département.
C’est pourquoi je sollicite, sur la base d’une véritable étude de la situation, territoire par territoire, un réexamen des mesures qu’il conviendrait de prendre, dans le cadre d’un partenariat bien compris avec l’État.
Je constate qu’il nous reste du temps pour une huitième et dernière question.
La parole est à M. Philippe Darniche.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je m’appuierai sur la situation économique préoccupante de mon département, la Vendée, pour vous alerter sur certains sujets.
En 2009, les indicateurs sont parlants, comme partout : 5 000 emplois perdus, un recul de 10 % du chiffre d’affaires global des entreprises, alors qu’il augmentait auparavant de 8 % par an.
Comme partout aussi, les secteurs économiques ont tous été touchés avec, en particulier, une nette décrue pour les entreprises industrielles, dont le chiffre d’affaires a diminué de 20 %, le chiffre d’affaires de l’industrie nautique chutant de 50 % et celui du secteur des machines agricoles de 30 %. Seule l’industrie alimentaire limite les dégâts.
Le plan de relance a été globalement bénéfique pour nos entreprises et les enquêtes de conjoncture réalisées récemment par la Chambre de commerce et d’industrie de la Vendée démontrent un léger regain d’optimisme, à l’exception toutefois de la métallurgie, dont les carnets de commandes, qui ne se remplissent plus, me poussent à vous demander quelles nouvelles mesures vous comptez prendre pour sauver ce secteur en grand danger.
Se pose, malgré Oséo, une autre difficulté majeure pour les entreprises : l’accès au crédit dont elles ont besoin pour investir et qui leur est souvent refusé par les organismes bancaires. Comment le leur faciliter ?
Un dernier problème évident a été tout récemment illustré par l’affaire Renault : comment maintenir la sous-traitance industrielle, notamment dans le domaine de l’automobile, dans une conjoncture économique où la tentation de délocaliser est très forte ?
Enfin, permettez-moi de faire allusion au secteur particulier de la pêche, primordial pour la Vendée : les quotas et les interdictions détruisent des centaines d’emplois dans ce secteur.
Cerise sur le gâteau, dans ce contexte économique difficile, le Gouvernement, pressé par Bruxelles, demande le remboursement avec intérêts des aides du Fonds de prévention des aléas de la pêche, mis en œuvre entre 2004 et 2006 : pour un petit chalutier, cela fait 100 000 euros à rembourser ! Quelles mesures proposez-vous, monsieur le ministre, pour sauver ce secteur économique très menacé ?
Monsieur le sénateur, d’abord, s’agissant de l’emploi, si la situation de la France, bien sûr, n’est pas satisfaisante, je me permets de relever que nous résistons tout de même beaucoup mieux que la plupart des autres pays.
De janvier 2008 à octobre 2009, si le nombre de chômeurs a crû, hélas ! de 35 % en France, il a augmenté de 48 % en Suède, de 106 % aux États-Unis, de 116 % au Danemark et de 120 % en Espagne.
Il faut croire que nous résistons mieux que les autres !
Ensuite, je voudrais rappeler les mesures structurelles pérennes pour tous les secteurs, mesures qui ont un effet important : le crédit d’impôt recherche, la suppression de la taxe professionnelle, la réduction des délais de paiement et les mesures de trésorerie.
Par ailleurs, les mesures du plan de relance sont prolongées en 2010 : le remboursement anticipé du crédit d’impôt recherche, les mesures en faveur de la trésorerie des entreprises et les mesures en faveur de l’emploi, notamment le dispositif « zéro charges » pour les très petites entreprises, l’aide à l’embauche en alternance et toutes les mesures du FISO.
Pour le secteur de l’automobile, je citerai les prêts participatifs et les prêts aux filiales bancaires, qui sont toujours en cours, le plan de recherche et de soutien aux véhicules décarbonés, la prime à la casse, qui est également prolongée en 2010 et dont tout le monde reconnaît qu’elle a eu un effet très positif, les constructeurs français en ayant bénéficié bien plus fortement que les autres.
En ce qui concerne la pêche, je ne veux pas éluder le problème dans les quelques secondes qui me restent. Bruno Le Maire s’est emparé du dossier, qui comporte deux volets. Il s’agit, d’une part, du problème du gazole, pour lequel nous devons mettre en place une aide aux économies d’énergie et, d’autre part, du problème de la valeur ajoutée, qui nécessite une véritable restructuration de la filière.
C’est un chantier que le Gouvernement a ouvert avec Bruno Le Maire ; il ne sera pas aisé de l’achever, mais, au moins, nous l’avons ouvert !
Monsieur le ministre, mes chers collègues, je vous remercie de la qualité de ces échanges.
Nous en avons terminé avec les questions cribles thématiques.
Avant d’aborder la suite de l’ordre du jour, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à dix-sept heures quarante-cinq, est reprise à dix-huit heures cinq, sous la présidence de Mme Monique Papon.
(Texte de la commission)
Nous reprenons la discussion du projet de loi de réforme des collectivités territoriales.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Gérard Longuet.
Sourires
Tout au contraire, mon cher collègue !
Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je vais mettre fin à un suspense insoutenable…
Oui, monsieur le ministre, m’exprimant au nom du groupe de l’Union pour un mouvement populaire, je puis vous dire que nous soutenons votre projet de loi !
Ah ! sur les travées du groupe socialiste et de l ’ Union centriste.
Nous soutenons votre projet de loi dans la rédaction retenue par la commission des lois qui était chargée de l’examiner.
Tout d’abord, je tiens à dire que nous vivons collectivement – je souhaite que l’immense majorité d’entre nous partagent ce sentiment ! – un vrai moment de bonheur.
Exclamations sur les travées du groupe socialiste.
Lorsque l’on est sénateur, on a la passion des collectivités locales. Or nous sommes face à une nouvelle étape importante de la reconstruction des collectivités, que le Gouvernement a, très sagement, proposé d’étaler dans le temps, sans pour autant disperser la cohérence de ses éléments fondateurs.
En effet, et je le crois ! Je vais d’ailleurs vous démontrer qu’il en est bien ainsi.
Le Sénat a déjà adopté le projet de loi organisant la concomitance des renouvellements des conseils généraux et des conseils régionaux, qui est l’expression même d’une volonté de réforme. En effet, il n’était pas nécessaire de voter cette concomitance si le Parlement n’avait pas la volonté de réformer. Mais une majorité en son sein s’est dégagée en ce sens.
Aujourd'hui, nous est présenté ce texte de structure, qui répond aux légitimes demandes de clarification et de remise en ordre que l’immense majorité de ceux qui ont la passion des collectivités locales adressaient au législateur.
Nous aurons ensuite à examiner un texte sur le mode de scrutin. J’aurai à cœur de répondre à certaines interrogations, notamment à celles de mon collègue Hervé Maurey, pour lequel j’ai la plus grande sympathie, mais dont je ne partage pas les conclusions en la matière.
M. Nicolas About sourit.
Je terminerai ma présentation en évoquant un futur texte visant à clarifier les compétences des collectivités, dont le principe est ouvert par l’article 35 de ce projet de loi. Cet article met fin à un malentendu qu’il fallait dissiper au début de ce débat.
Nous vivons donc un vrai moment de bonheur tranquille, et avançons lentement, en disposant, surtout, de deux informations, l’une gouvernementale et l’autre politique, qui permettront à ce débat, dont nous savons qu’il sera long, d’être fructueux.
Le Gouvernement n’a pas déclaré la procédure accélérée sur ce texte, et il faut s’en réjouir.
L’UMP, qui souhaitait qu’il en soit ainsi, avait exprimé cette demande lors de ses journées parlementaires et l’avait réitérée à la veille de ce débat.
Les quatre lectures que nous aurons permettront au Sénat et à l'Assemblée nationale d’évaluer la situation, d’examiner précisément les dispositions pour, peut-être, à un moment ou à un autre, corriger celles dont nous n’aurions pas apprécié complètement la portée.
Mais le plus important encore fut l’intervention de M. le ministre, qui a fait preuve d’un esprit d’ouverture sur un certain nombre d’amendements, ce qui nous a permis d’engager un dialogue.
Je tiens, en cet instant, à exprimer le point de vue du groupe UMP, qui est animé du même esprit d’ouverture. Il n’est d’ailleurs pas certain qu’une unanimité se dégage nécessairement sur l’ensemble des dispositions, certains d’entre nous ayant des appréciations différentes. En notre qualité de parlementaires et avec l’expérience qui est la nôtre, nous avons bien l’intention de faire valoir nos différents points de vue, non pas au prix d’un désordre, mais parce que nous voulons réunir toutes les conditions du succès de la réforme des collectivités locales.
À propos des quatre objectifs évoqués par M. le ministre, j’aborderai ces débats politiques dont nous avons la responsabilité.
C’est notre honneur que de débattre entre nous, entre l’opposition et la majorité, naturellement, mais aussi entre le Sénat et le Gouvernement, et, parfois même, au sein de la majorité, ou au sein des groupes qui la composent ! Le débat est au cœur de la vie parlementaire. Pour ma part, je ne l’appréhende point ; au contraire, je m’en réjouis.
Permettez-moi maintenant d’exposer les positions majoritaires du groupe.
Tout d’abord, nous sommes favorables à la clarification des structures, avec la mise en œuvre d’un bloc communes-intercommunalité scellé par l’unité des élus communaux et d’un bloc départements-région consolidé par le futur élu commun, le conseiller territorial.
À cet égard, je rappelle que nombre de nos collègues, essentiellement, je dois le reconnaître, de l’opposition, préconisaient, il y a peu encore, …
… l’élection directe au suffrage universel des exécutifs intercommunaux, …
M. Gérard Longuet. … ce qui aurait été la manière radicale de sacrifier absolument la vie communale de base.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
On ne peut pas avoir un double discours et défendre les communes de base tout en proposant, pour l’intercommunalité, l’élection au suffrage universel direct, par voie séparée, des exécutifs intercommunaux.
Le fléchage que vous proposez, monsieur le ministre, permet aux électeurs de choisir les élus intercommunaux, mais ne court-circuite pas les conseils municipaux, plaçant les élus de base que sont les maires dans une situation de responsabilité.
Le conseiller territorial est, je le pense profondément, la forte valeur ajoutée de ce texte.
Nous allons mettre fin à ce hiatus, à cette division, voire, parfois, à cette schizophrénie, qui aboutissait à ce que l’élu de proximité tout à fait estimable qu’était, depuis deux siècles, le conseiller général méconnaissait ce que faisait le conseiller régional, dont il faut bien reconnaître que l’assise et l’enracinement étaient insuffisants, du fait de la liste proportionnelle départementale.
Nous assistions à une compétition de niveaux entre les collectivités locales, chacune d’entre elles cherchant à donner à son élu des possibilités d’enracinement. Le conseiller territorial mettra fin à cette situation.
Notre collègue Hervé Maurey, ainsi que d’autres qui se sont exprimés en ce sens, aurait préféré que nous traitions à la fois de la création du conseiller territorial et de son mode de scrutin.
Pour ma part, j’estime que nous devons d’abord réfléchir à ce que doit être le conseiller territorial ; les très nombreux amendements relatifs à son futur rôle nous éclaireront et nous permettront d’avoir ce débat.
Pour ce qui est, à partir de là, du mode de scrutin, les préoccupations que vous avez évoquées – efficacité, justice – sont parfaitement légitimes. Nous souhaitons tous des modes de scrutin justes et de nature à construire des majorités, afin que les territoires soient mieux représentés. Mais reconnaissons, cher collègue, que le sujet est d’une grande complexité. Bien prétentieux serait celui qui dirait, en cet instant, détenir la solution absolue !
Le Gouvernement nous proposera, non pas dans ce texte, mais au printemps, lors de l’examen d’un autre projet de loi, un mode de scrutin innovant qui présente des avantages, mais comporte aussi des inconvénients. Le groupe que j’ai l’honneur de présider souhaite approfondir cette question et se réjouit de ce que le Gouvernement nous en donne le temps, en ne fermant pas le débat dès aujourd'hui.
Je suggère d’ailleurs que l’ensemble des groupes attachés à la vie des collectivités locales mettent à profit ce laps de temps pour travailler dans l’esprit demandé par Hervé Maurey : justice, efficacité, représentativité des territoires et des convictions, parité.
Reconnaissons-le, concilier l’ensemble de ces exigences s’apparente à la quadrature du cercle. Voilà une raison supplémentaire de se donner du temps pour réfléchir à l’architecture principale du texte, en apportant des éclairages sur ce que doit être le conseiller territorial et en approfondissant la question du mode de scrutin.
Voilà pourquoi ne pas traiter ces questions en même temps, c’est tout simplement faire preuve de sagesse et permettre à la réforme d’ensemble des collectivités locales dont nous avons la vision globale d’atteindre sa pleine maturation.
Plus techniquement, concernant l’intercommunalité, le conflit se situe traditionnellement entre les préfets et les élus. Vous nous proposez, monsieur le ministre, une modification de la commission départementale de coopération intercommunale. Le groupe UMP se réjouit des amendements de la commission des lois visant à modifier la composition de la CDCI, pour faire en sorte que le rapport des forces avec les préfets soit mieux équilibré. Aussi soutiendrons-nous, monsieur le rapporteur, vos amendements.
Certes, je le rappelle, la loi Marcellin est, en apparence, quantitativement, un échec, mais elle n’a été mise en œuvre que pendant deux années, …
Dans la Meuse également, mes chers collègues. Ainsi, plus de 10 % des communes ont été regroupées alors, et la plupart de ces fusions ont perduré. Mais sans doute cette loi a-t-elle manqué de suivi !
Faut-il le rappeler, l’initiative revenait aux préfets. S’il y a donc un coupable ici, ce sont non pas les élus locaux, mais bel et bien les préfets et leurs ministres successifs, qui ont sans doute oublié de les inciter à mettre en œuvre cette loi ! Mais je ne pousserai pas plus loin la malice…
Sourires
Quoi qu’il en soit, s’agissant du rapport des forces que j’évoquais, le groupe UMP soutient massivement les dispositions retenues par la commission des lois, afin d’aboutir rapidement à une carte complète et de faire en sorte que les rattachements ne soient pas autoritaires.
Concernant la constitution des exécutifs intercommunautaires, nous aurons un débat approfondi. J’ai cru percevoir, au sein de mon groupe, des points de vue différents, qui pourront sans doute se rapprocher lorsque nous examinerons plus en détail les différents amendements sur le sujet.
Pour l’heure, cependant, il faut bien reconnaître que la conjugaison des trois principes - représentation d’un élu au moins par commune, impossibilité pour une commune de disposer, à elle seule, de la majorité, proportionnalité pour les communes intermédiaires -, constitue un exercice redoutable !
M. Pierre Mauroy, qui a participé aux travaux du comité Balladur, nous a parlé des écarts de population existants dans la communauté urbaine de Lille. Il est évident que la stricte proportionnalité des communes intermédiaires n’est pas simple à organiser.
Après tout, il n’est pas déshonorant de remettre sur le métier ce difficile ouvrage, alors autant mettre à profit les longues heures que nous aurons à passer ensemble, puisque c’est bien ce qui nous attend, pour affiner ce dispositif.
Très bien ! et applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Merci de ces applaudissements, mes chers collègues, mais attendez : nous ne savons pas ce que nous voterons !
Sourires
Sur le troisième sujet, la métropole, j’exprimerai un point de vue qui n’est pas majoritaire au sein du groupe UMP et que je qualifierai même de dissident.
En effet, et je me tourne ici vers son président, je regrette le choix de la commission des lois. Mais, après tout, c’est sans doute le choix du réalisme !
Nous avons eu ce débat au sein du comité Balladur : tout le monde imagine que la France, qui est un pays centralisé, pourrait être polycéphale, et souhaite que des métropoles équilibrent l’Île-de-France. Mais, quand il faut accepter la discipline qui découle de la création d’un organe unitaire, chacun mesure combien le principe de l’autonomie communale s’y oppose !
Le baron Haussmann et Napoléon III appartiennent au passé. On ne fusionnera pas les communautés urbaines comme ils avaient annexé les communes de Vaugirard, d’Auteuil ou encore de Passy, par exemple. Par conséquent, monsieur le président de la commission des lois, il faudra adopter votre amendement, même si, à juste titre, M. Charles Guené, au nom de la commission des finances, s’est efforcé de défendre le Gouvernement, qui, en la matière, avait plus d’ambition.
Mais qu’est-ce qui est préférable ? Avoir de l’ambition et aucun engagement d’agir ou avoir des engagements d’agir permettant de cheminer, longuement peut-être, vers l’ambition affichée au départ par le Gouvernement ?
Je terminerai par une réflexion sur l’article 35, qui est votre quatrième objectif, monsieur le ministre, et qui annonce la loi à venir sur la compétence.
À cet égard, je citerai certains de mes collègues, passionnés par leurs responsabilités, qui appartiennent, pour les uns, à mon groupe, je pense à M. Éric Doligé ou à M. Bruno Sido, et, pour d’autres, à la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe, comme M. Bruno Retailleau ou encore M. Philippe Adnot.
À la vérité, il est impossible d’avoir des clauses de compétence générale réparties, fût-ce sur deux blocs, communaux et intercommunaux, d’une part, territorial avec départements et régions, d’autre part.
Mais l’expérience prouve - M. Philippe Adnot l’avait démontré avec talent, et d’autres auraient pu faire avec la même conviction -, que, souvent, les départements ont été des pionniers en matière de réponses à apporter aux questions qui se posaient à nos compatriotes et qui n’avaient pas été traitées par la loi ou l’exécutif national.
Il serait injuste de se priver de cette capacité d’initiatives d’expérimentations, et, à partir d’initiatives et d’expérimentations concluantes, d’une déclinaison nationale. La rédaction de l’article 35 montre très clairement que vous avez compris cela, monsieur le ministre, puisque vous prévoyez que les collectivités départementales et régionales exerceront les compétences que la loi leur donne. Cela me paraît être un minimum ! Au cas où, si rien n’est prévu, cela restera une possibilité. Je pense aux exemples qui ont été cités, en particulier le câblage, l’action économique, initiatives nouvelles qui pourront rester de la responsabilité des collectivités régionales ou départementales.
Dans l’immense majorité des cas, la clause de compétence générale pour les communes et les intercommunalités est – pardonnez-moi ! – une forme de vœu pieu, car elle ne peut fonctionner que grâce à la très grande solidarité des deux blocs que nous créons dans ce projet de loi.
C’est particulièrement vrai si, comme la commission des lois nous le propose, nous ne retenons aucun plancher, position que je soutiens totalement, car la diversité du territoire national exige une certaine flexibilité dans les règles.
Mes chers collègues, voilà les raisons pour lesquelles, dans son ensemble, le groupe UMP votera naturellement cette proposition, dans un esprit de dialogue, d’ouverture et d’écoute.
Sur certains amendements, mes chers collègues, vous me pardonnerez par avance de proposer des suspensions de séance, afin de nous permettre de réfléchir et de nous adapter à des réalités que des membres de notre groupe, de la majorité et, sans doute, de l’opposition nous offriraient comme autant de chances d’améliorer ce texte.
Je pense, en particulier, à l’observation très pertinente sur le cumul des mandats. Ce n’est pas au cœur du sujet, mais, après tout, si nous pouvions régler cette question, nous serions fous de rater une telle occasion !
Tel est l’état d’esprit du groupe UMP, heureux de soutenir votre initiative, monsieur le ministre, heureux d’exercer pleinement des responsabilités libres.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Gouvernement est face à une question délicate : comment faire la promotion d’une réforme quand on ne peut dire les réelles intentions qui la motivent ?
Le Gouvernement a choisi une solution « publicitaire », au sens où, pour promouvoir la création des conseillers territoriaux, il fait valoir que cette réforme sera « moderne », « économique » ou encore « simplificatrice »... Autant d’arguments qu’un conseil en marketing aurait pu tout à fait suggérer !
Reste que l’habillage est grossier, et le sujet trop grave et trop inquiétant pour que nous puissions nous en satisfaire.
Une telle réforme de notre système démocratique, qui entraîne des transformations institutionnelles et pulvérise l’actuelle gestion des territoires, ne peut être abordée par ce biais fallacieux.
Qu’y a-t-il donc de « moderne » dans l’instauration des conseillers territoriaux ? Voilà une réforme qui va donner pouvoir à des conseillers généraux, apparemment au détriment des conseillers régionaux. De surcroît, même si le débat n’a pas été tranché, l’élection pourrait être organisée au scrutin uninominal à un tour, un mode de scrutin archaïque, un curieux parangon de démocratie qui permettrait la victoire de représentants minoritaires…
Qu’est-ce que cela a de « moderne » ?
Or l’installation de ces nouveaux élus, rebaptisés conseillers territoriaux, en lieu et place des conseillers régionaux, repose sur un paradoxe, puisque la disparition très probable des départements apparaît en filigrane dans ce texte. Il est en effet clairement précisé dans l’exposé des motifs, « sur l’opportunité de la suppression des départements et de leur fusion avec les régions », que « cette perspective divise profondément. ». Aussi la démarche du Gouvernement, pour lequel il s’agit de « rapprocher ces deux collectivités territoriales à travers un élu commun », se veut-elle différente.
Est-ce ainsi que la majorité actuelle espère reprendre en main la gestion des régions à l’horizon de 2014 ?
En 2010 !
Selon le texte du Gouvernement, c’est bien 2014 !
La modernité semble, selon le Gouvernement, naître du recul de la démocratie.
Par ailleurs, en quoi cette réforme sera-t-elle « économique » ? En diminuant le nombre de représentants par deux, le Gouvernement prétend vouloir diminuer la dépense publique, mais y a-t-il un réel besoin de réaliser des économies sur les indemnités des élus locaux ? Ne faut-il pas, au contraire, renforcer leurs moyens et instaurer un véritable statut de l’élu ?
Par ailleurs, nous aimerions bien savoir quel serait le montant de ces économies. Le projet de loi précise que les départements et les régions continueraient d’être administrés par deux assemblées séparées, dont l’appellation et le fonctionnement ne seraient pas modifiés.
Les élus territoriaux auraient donc à gérer les actuelles compétences départementales, plus les compétences régionales, et cumuleraient les indemnités. Cela serait logique dans le principe, puisque cela représenterait une activité plus grande. Mais les nouveaux élus territoriaux devraient s’entourer d’un secrétariat à même de gérer les deux niveaux de compétence, donc plus important.
En somme, cette réforme ne permettrait aucune économie ; en revanche, elle contribuerait à une plus grande professionnalisation de ces élus et donc à un plus grand éloignement du terrain, du monde « réel ». Le statut de l’élu, tant attendu pour lutter, entre autres, contre ce risque, passerait aux oubliettes.
Enfin, en quoi cette réforme est-elle « simplificatrice » ?
Les deux niveaux départemental et régional, avant de fusionner dans un avenir proche, seraient administrés par une seule et même personne dont on ne sait quel échelon elle serait censée représenter. Agirait-t-elle pour le canton, qu’il faudrait délimiter à nouveau, ou pour la région ? Et cette personne serait désignée de façon arbitraire, selon un mode de scrutin ubuesque permettant l’élection de candidats minoritaires, donc non représentatifs de la volonté populaire.
En termes de simplicité, on a vu mieux !
Finalement, les motivations de cette réforme, c’est le chef de la majorité à l’Assemblée nationale, M. Copé, qui en parle le mieux. Face à la fronde d’une partie des élus UMP, ce dernier a expliqué, lors de ses vœux à la presse, que « différents scénarii » étaient encore à l’étude quant au mode de désignation des conseillers territoriaux et que l’idée d’un scrutin majoritaire à deux tours n’était pas totalement écartée tant qu’il n’y aurait pas de « possibilité de triangulaire ».
Voici donc la réelle feuille de route du Gouvernement, la question qu’il lui faut régler : comment faire pour que ces futurs élus gagnent les élections en étant minoritaires, sachant qu’une alliance de fait avec le Front national au second tour serait impopulaire ?
Autrement dit, réformons le système pour gagner dès le premier tour !
La « modernité », les « économies » et la « simplification » paraissent désormais bien loin, et le prix à payer de cette soif de pouvoir est très lourd pour la démocratie. En effet, le mode de scrutin pressenti conduit à une véritable régression en termes de représentativité.
Avec un scrutin uninominal à un tour pour 80 % des sièges, l’assemblée territoriale serait très majoritairement composée d’élus qui auraient rassemblé contre eux plus de la moitié des suffrages.
De plus, l’assemblée régionale serait constituée non plus d’élus émanant des vastes circonscriptions que sont les départements, mais d’élus représentants « leur » canton, renforçant ainsi le clientélisme, en dépit de l’intérêt général des régions et départements.
Quant à la parité, l’instauration des conseillers territoriaux signerait l’arrêt de mort de la seule assemblée qui était presque paritaire, puisque, avec la suppression du scrutin de liste, disparaîtrait du même coup l’alternance homme/femme, sans aucune autre disposition pour la remplacer.
Enfin, cette réforme consacrerait un véritable recul en matière de lutte contre le cumul des mandats. Avec le système actuel, les parlementaires ne peuvent être à la fois conseiller général et conseiller régional. Or la réforme instaure la fusion de ces mandats. Elle enfermerait donc un peu plus le pouvoir politique entre les mains de quelques-uns. Apparaîtrait ainsi le potentat local, siégeant dans tous les exécutifs locaux
Approbations sur les travées du groupe CRC-SPG
, commune et EPCI, département et région, un élu omnipotent, certes, omniscient, peut-être, mais omniprésent… difficilement !
Sourires sur les travées du groupe CRC-SPG.
Vous l’aurez compris, nous dénonçons avec vigueur le recul démocratique engagé par la création des conseillers territoriaux. Une plus grande concentration des pouvoirs dans les mains de quelques-uns, le recul de la représentativité et l’exclusion des femmes du champ politique local ne sont pas des concepts qui relèvent de la « modernité », contrairement à ce que vous prétendez !
Les habitants de nos communes, de nos départements et de nos régions n’ont rien à attendre de positif de vos projets.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis le début de l’après-midi, nous entendons dire que nous entamons l’examen de la réforme des collectivités territoriales. J’avoue que, pour ma part, je n’ai nullement l’impression de commencer le débat !
En effet, nous planchons sur ce sujet depuis des mois maintenant !
J’ai apprécié, à cette occasion, d’avoir pu travailler dans le groupe présidé par M. Belot, que nous sommes tous très heureux de retrouver.
Beaucoup a également été fait au sein des associations d’élus, des groupes parlementaires, de nos formations politiques respectives. Nous avons, chacune et chacun, fourni un très gros travail.
Je ne veux pas non plus passer sous silence toutes les discussions qui ont eu lieu au plus haut niveau, c’est-à-dire avec le Premier ministre et même avec le Président de la République, puisque ce dernier a souhaité rencontrer, voilà quelques mois, les principaux responsables politiques pour leur parler de la réforme.
Dès cette époque, un certain nombre de responsables politiques ont, sinon posé des conditions, car ce n’est pas ainsi que l’on en use avec le Président de la République, du moins exprimé leurs préoccupations quant à la réforme et au projet de loi.
Tout cela pour rappeler que la discussion de ce texte est inscrite dans la durée et que nous ne découvrons pas aujourd’hui le projet de loi que nous nous apprêtons aujourd’hui à examiner.
En fait, la réforme territoriale a débuté dès le vote de la suppression de la taxe professionnelle, car que sont les collectivités territoriales sans le nerf de la guerre ? La création de la contribution économique territoriale ainsi que la nouvelle répartition des différents impôts entre collectivités auront naturellement des conséquences sur nos collectivités.
Je suis d’ailleurs assez d’accord avec notre collègueHervé Maurey : on entend dire un peu n’importe quoi sur le terrain ! Certains élus de l’opposition crient en effet à la disparition des communes, mais c’est à tort, car elle ne figure pas dans le projet de loi. Pour ma part, je désapprouve également ceux des élus de la majorité qui prétendent que les collectivités territoriales auront plus d’argent à la suite de la suppression de la taxe professionnelle.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’esclaffe.
Chacun doit, sur le terrain, être raisonnable et mesurer ses propos. Le nouvel impôt économique est différent ; il ne pourra apporter aux collectivités locales la dynamique que permettait la taxe professionnelle. Peut-être une telle évolution était-elle nécessaire pour l’économie française, mais, quoi qu’il en soit, il faut avoir le courage de le dire, celle-ci affecte les ressources des collectivités territoriales et constitue l’une des étapes de la réforme qui les concerne.
Je regrette, comme la plupart des élus, d’ailleurs, que la question de la clarification des compétences ait été renvoyée à plus tard. M. Gérard Longuet vient d’évoquer ce point à l’instant. Pour ma part, je souhaite que les compétences des collectivités territoriales soient précisées, ce qui ne nuit pas, bien entendu, à la « capacité d’initiative » que nous avons défendue dans le rapport Belot, inventant par là même l’expression !
Selon moi, la clause de compétence générale est un faux débat. Une fois les différentes compétences clarifiées et la capacité d’initiative établie, tout sera bien en place.
Comme Jean Arthuis, qui ne cesse de le répéter, j’estime que la raréfaction des finances publiques régulera d’office les compétences des collectivités territoriales. Mon collègue pense donc certainement la même chose que moi de la suppression de la taxe professionnelle et du nouvel impôt !
J’évoquerai également ce qu’il est convenu d’appeler le « saucissonnage » de la réforme territoriale, lequel, je le dis depuis le début, me semble particulièrement gênant.
Je prendrai l’exemple du conseiller territorial, puisque j’appartiens à une famille politique – cela a été rappelé – qui avait proposé le rapprochement du département et de la région. Le fait de devoir voter séparément la loi électorale relative aux conseillers territoriaux, qui ne me satisfait d’ailleurs pas du tout, …
… me gêne vraiment. Il est en effet particulièrement ennuyeux de devoir en quelque sorte signer un chèque en blanc
D’autant plus que, si la discussion de la réforme territoriale prise dans son ensemble commence avant les élections régionales, elle s’achèvera après.
Certes, mais, cher Gérard Longuet, permettez-moi de rappeler ce qui s’est passé, en 2004 – vous siégiez ici, moi aussi – lors du vote sur la compétence économique : à l’époque, seul de votre groupe, vous aviez été fidèle à vos convictions après les élections.
Je vous sais homme de convictions, et vous serez donc fidèle, après les prochaines élections régionales, à votre opposition au scrutin proportionnel. En ce qui me concerne, étant très attachée à l’introduction d’une part de proportionnelle, …
… je m’inquiète de devoir voter d’abord le principe de la création du conseiller territorial et ensuite seulement une loi électorale qui ne correspondra peut-être pas à ce que j’attends.
Le « saucissonnage » pose donc un vrai problème.
Partageant les positions qui ont été défendues sur l’intercommunalité, je n’y reviens donc pas. Je souligne toutefois que la situation, là aussi, est un peu compliquée, puisque le tableau du nombre de délégués communautaires au sein des intercommunalités figure dans la loi que nous commençons d’examiner aujourd’hui, alors que leur mode d’élection sera précisé ultérieurement !
Il faut l’avouer, ce double saucissonnage est doublement gênant !
Concernant les métropoles, j’ai entendu Charles Guené, Gérard Longuet et Jean-Pierre Sueur regretter, chacun à leur manière, la décision de la commission des lois de modifier ce qui avait été initialement prévu par le Gouvernement.
À cet égard, je souhaite simplement rappeler que l’on a multiplié le nombre de métropoles. Quand leur seuil démographique était le million d’habitants, on pouvait imaginer de nouvelles collectivités territoriales, très intégrées, dont les représentants auraient été élus au suffrage universel direct, comme vient de le proposer Jean-Pierre Sueur.
Le problème vient de ce que l’on a ensuite abaissé ce seuil, multipliant ainsi le nombre de métropoles, qui n’en sont plus vraiment à mes yeux. C’est pour cette raison que la commission s’est tournée vers la solution qu’elle propose aujourd’hui, dont la logique, tout à fait évidente, tient à la multiplication du nombre de ces métropoles.
L’un de mes collègues a même déposé un amendement visant à relever le seuil démographique. Pour ma part, j’ai déjà essayé : cher collègue, vous pouvez vous attendre à recevoir de multiples appels téléphoniques des villes concernées !
Pour conclure, si je regrette l’absence de vision globale, je veillerai toutefois à défendre un certain nombre de principes : les libertés locales, le pluralisme politique, la parité, ainsi que l’équilibre territorial entre les parties les plus peuplées de notre territoire et les zones rurales, ce qui est très important.
Je m’adresserai enfin au président du groupe UMP. Cher Gérard Longuet, je suis incapable, au début d’une discussion générale, de dire dans quel sens je voterai sur l’ensemble. Vous l’avez vous-même magnifiquement dit, prenons le temps de la discussion, car nous ne sommes pas tous d’accord, et n’oublions pas la navette parlementaire.
Je voterai donc selon que le texte issu de nos travaux respectera, ou non, ce à quoi je suis attachée.
Applaudissements sur les travées de l ’ Union centriste et sur certaines travées du RDSE et de l ’ UMP.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi de réforme des collectivités territoriales dont nous débattons aujourd’hui traite de l’une des questions sur lesquelles j’ai le plus réfléchi sans doute et, surtout, agi dans toutes les fonctions que j’ai occupées, notamment quand j’étais Premier ministre. Je m’adresse donc à vous pour vous faire part de ma profonde conviction sur ce sujet.
En mars 2003, sous le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin, alors Premier ministre, la Constitution a été modifiée pour préciser que la France est non seulement une « République indivisible, laïque, démocratique et sociale », mais aussi que son « organisation est décentralisée ». Pour simplifier, on a parlé de « République décentralisée ». J’ai vu dans cette réforme l’aboutissement d’un long processus engagé sous mon gouvernement par les lois de décentralisation de 1982 et 1983, avec l’assentiment du Président de la République de l’époque, François Mitterrand, et la complicité efficace de Gaston Defferre, alors ministre de l’intérieur.
Rompant avec une longue tradition jacobine, ces lois ont rendu leur liberté aux collectivités territoriales et aux élus locaux. Elles ont en outre rapproché les citoyens des décisions qui les concernent dans leur vie quotidienne. Les Français ne s’y sont pas trompés, qui ont à plusieurs reprises largement approuvé cette démarche décentralisatrice.
Tous les gouvernements qui ont succédé aux miens ont poursuivi cette réforme, beaucoup d’opposants s’y étant finalement ralliés. Je pense notamment aux lois Joxe, Chevènement et Vaillant, qui ont permis la montée en puissance de l’intercommunalité et de la démocratie de proximité.
Personne ne nie la nécessité de faire évoluer un dispositif vieux de presque trente ans. Déjà, en 2000, Lionel Jospin, alors Premier ministre, m’avait confié la présidence d’une commission sur l’avenir de l’action publique, qui avait avancé 154 propositions. L’an dernier, plusieurs missions et comités ont travaillé sur cette question. J’ai moi-même accepté de participer au comité Balladur pour la réforme des collectivités locales, avec la perspective de faire progresser la décentralisation et la régionalisation dans notre pays.
Mais je dois dire, mes chers collègues, que, au beau milieu des travaux de ce comité, qui avaient très bien commencé, puisque j’avais approuvé une dizaine de propositions, certaines idées sont apparues, auxquelles je me suis opposé, qui devaient préparer la contre-réforme confuse et rétrograde que le Gouvernement nous présente aujourd’hui. (
Je vous le dis non sans regret, monsieur le ministre, avec le groupe socialiste, dont la position vient d’être défendue de belle manière à cette tribune par mon collègue Jean-Pierre Sueur, je refuse cette réforme.
Je la refuse pour bien des raisons, essentielles à mes yeux, et en premier lieu parce qu’elle opère un renversement d’orientation par rapport à l’action conduite en ce domaine depuis 1982, non seulement par les socialistes, mais aussi par d’autres, et parce qu’elle s’inscrit en contradiction avec l’esprit du texte de la Constitution.
J’ajoute, monsieur le ministre, mais ce n’est qu’une critique parmi bien d’autres, que votre réforme manque d’ambition face au défi de l’indispensable « métropolisation » de la France.
Qui ne voit pas, tout d’abord, que le texte du Gouvernement, en affaiblissant les assemblées départementales et régionales face au pouvoir de l’État, procède à une recentralisation qui n’ose pas dire son nom ?
Marques de désapprobation sur les travées de l ’ UMP.
Qui peut croire que le futur corps hybride des « conseillers territoriaux », appelés à remplacer les conseillers départementaux et les conseillers régionaux, pourra faire vivre, dans une perspective de mouvement et de modernité, ces deux assemblées aux compétences et à l’esprit si différents ?
N’en doutons pas, mes chers collègues : aucune des deux assemblées n’en sortira indemne, et moins encore l’essence même de la décentralisation. Tout cela se terminera par une recentralisation, à laquelle vous procédez en donnant aux préfets, pour lesquels j’ai d’ailleurs un très grand respect, un rôle plus important encore.
Or l’esprit de la loi de 1981, c’était la suppression des tutelles ! C’est cela qui a été accepté et par la population et par les élus !
Qui plus est, le mode de scrutin que l’on réserve au corps des conseillers territoriaux est une nouveauté surprenante dans notre système politique, qui porte, entre autres, un coup d’arrêt à la parité. Nous y reviendrons, bien entendu, lors de la discussion du texte, c'est-à-dire dans plusieurs semaines.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’esclaffe.
Après la suppression de la taxe professionnelle – j’y reviens toujours, car cela a été un véritable hold-up –, …
… suppression qui va asphyxier financièrement les collectivités territoriales et qui constitue véritablement l’une des plus mauvaises façons que pouvaient leur faire ceux qui nous gouvernent, le texte dont nous débattons aujourd’hui s’inscrit dans la même volonté de reprise en main.
Les plus hauts personnages de la République ont d’ailleurs dénoncé à plusieurs reprises le caractère dispendieux des collectivités territoriales, alors même qu’elles représentent 75 % de l’investissement public et qu’elles ne contribuent qu’à hauteur de 10 % à la dette publique.
Très franchement, nos communes, nos départements et nos régions n’ont pas à rougir de leur gestion – on n’a d'ailleurs pas cessé de dire le plus grand bien de celle-ci –, compte tenu des énormes progrès réalisés au cours des dernières années. Il suffit de sillonner la France pour constater le formidable mouvement des villes, des plus petites aux plus grandes ! Cette évolution, sans précédent, s’est faite sur quinze, vingt ans à peine.
M. le ministre acquiesce.
Si nos collectivités territoriales sont prêtes, bien sûr, à accepter un certain nombre de transformations, il ne peut s’agir que de changements mineurs et en tout cas sans rapport avec le flot d’imprécations dont elles sont l’objet.
Alors, non, nos collectivités n’ont pas du tout à rougir de leur gestion, et surtout pas au regard du mauvais exemple donné par l’État !
De quel droit l’État peut-il ainsi s’insurger contre ces collectivités territoriales et prendre des mesures à son profit et à leur détriment ? Voilà ce que nous n’acceptons pas, ce que les élus, ce corps valeureux qui sert les communes, qui sert la France, n’accepteront pas. Et, sur ce plan, la mobilisation n’est pas terminée.
Monsieur le ministre, face à l’acharnement déployé pour mettre en difficulté ces assemblées qui ont fait leurs preuves, je ne peux m’empêcher de penser – je suis sans doute dans le vrai, car j’y vois la seule justification à toutes les mesures qui nous sont présentées et qui, manifestement, ne sont pas suffisamment pensées – que cette réforme est aussi inspirée par la volonté de prendre une revanche, à terme, sur la victoire de la gauche aux dernières élections départementales et régionales.
Exclamations sur plusieurs travées de l ’ UMP.
Nous verrons, mais une telle pensée est en tout cas mauvaise conseillère.
Un autre motif d’opposition au projet du Gouvernement porte sur la question des métropoles.
Comme vous le savez, je suis l’un des initiateurs de cette idée. J’approuve donc dans son principe votre proposition de créer des métropoles.
Mais, sur ce point, force est de constater, monsieur le ministre, que vous vous arrêtez en chemin, car le nombre prévu est finalement bien modeste. Au sein du comité Balladur, nous étions partis de dix-sept, pour passer ensuite à quinze, à douze, à onze, avant d’arriver à huit. Cela me paraît largement insuffisant pour répondre aux exigences du développement urbain dans les prochaines années. En matière d’aménagement du territoire, il ne s’agit pas de répondre uniquement à des problèmes d’actualité. Il faut envisager les questions sur le long terme, les mettre en perspective.
Depuis longtemps, je considère que notre pays souffre de ne pas disposer de villes suffisamment puissantes, capables de concurrencer les grandes cités européennes. C’est pourquoi j’ai soutenu la proposition du comité Balladur de créer, par la loi, onze métropoles, tout en considérant qu’il fallait aller beaucoup plus loin et étendre la perspective.
La population française s’accroît, l’aménagement du territoire doit donc tenir compte de cette réalité.
Chaque région devrait pouvoir, avec le temps, se développer autour d’une ville métropole et, inversement, une métropole devrait pouvoir compter sur une région plus puissante pour se développer. La puissance de ce double mouvement pourra donner d’autres perspectives à notre pays, à la République.
Avec huit métropoles, on est loin du compte, d’autant qu’elles seront créées sur la base du volontariat - soit ! - et dotées d’un statut d’établissement public de coopération intercommunale, ce qui est un comble quand on veut tendre à l’universalité et affirmer l’attrait de notre pays. Alors que ces métropoles se verront attribuer de larges compétences, un tel statut tourne le dos à la réalité qui s’affirmera sur le terrain et à l’avenir.
Si l’on veut donner leur force aux métropoles, il faut en faire des collectivités territoriales de plein exercice. Nous reviendrons sur ce point, le temps dont je dispose ne me permettant pas d’en dire davantage.
Ce projet replonge notre pays dans un passé révolu et prépare mal l’avenir. Surtout, il porte un coup à cette belle idée de la décentralisation qui a permis à notre pays de se moderniser et d’être plus démocratique.
J’espère que les Français, le moment venu, rejetteront cette contre-réforme anti-démocratique et rétrograde, très attachés qu’ils sont à la démarche décentralisatrice dont ils ont pu mesurer depuis près de trente ans les effets positifs sur leur vie quotidienne, notamment en termes de qualité des services publics et de proximité. Si la France est bien cette République à l’organisation décentralisée qu’a votée une large majorité de notre assemblée en mars 2003, elle se doit d’aller de l’avant et non de reculer.
Quant à nous, nous participerons au débat avec la conviction et l’ardeur qui nous animaient dès 1981. Nous voulons poursuivre la réforme, et non cautionner une contre-réforme !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du groupe CRC-SPG.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, Il est temps de décider ! Le titre du rapport rendu par le comité pour la réforme des collectivités locales présidé par Édouard Balladur donnait le ton et soulignait la volonté de poursuivre la grande réforme de la décentralisation.
En effet, il est temps de décider : soit nous choisissons de demeurer dans une organisation territoriale que nous reconnaissons tous comme étant complexe, coûteuse, désolidarisant les territoires et mal adaptée aujourd’hui aux besoins des populations ; soit nous choisissons la voie de la rationalisation administrative et financière, en prenant de front l’ensemble de l’organisation décentralisée pour l’amener vers son objectif premier, c’est-à-dire la vitalité et le dynamisme de nos collectivités au service de nos concitoyens.
Telle est, en résumé, l’alternative qui se présente à nous aujourd’hui.
L’évolution historique de notre organisation territoriale a engendré un monstre administratif où l’Europe, l’État, la région, le département, le pays, l’intercommunalité et la commune peinent à agir de concert.
On nous propose aujourd’hui non pas une table rase, mais une mutation profonde qui s’inscrit, à mon sens, dans l’évolution logique de la décentralisation initiée en 1982 par vous-même, monsieur Mauroy, alors que vous étiez Premier ministre, et revitalisée en 2003 par Jean-Pierre Raffarin.
Ce texte est le fruit d’une longue réflexion qui a associé l’ensemble des acteurs de la démocratie locale, au premier rang desquels le Sénat, au travers de la mission présidée par notre collègue Claude Belot. Si le consensus n’a malheureusement pas pu se faire, nous devons néanmoins retenir les avancées proposées.
Le conseiller territorial symbolise la mutation que j’évoquais à l’instant. Sans remettre en cause l’existence et le champ d’action propre des conseils régionaux et des conseils généraux, ce nouvel élu, qui siégera dans les deux institutions, pourra réaliser l’indispensable coordination entre les deux collectivités. Il jouira en effet d’une vision à la fois locale, ancrée dans son territoire d’origine, et stratégique, par la perspective qu’offre la région.
Nous devons attendre du conseiller territorial qu’il évite, par une vision globale, les actions concurrentes ou redondantes sur un même territoire que nous constatons aujourd’hui. Il deviendra un interlocuteur mieux identifié par les électeurs, pouvant relayer avec efficacité les besoins locaux au niveau régional.
J’ajouterai que la création de ce nouveau mandat permettra aussi accessoirement une substantielle réduction des dépenses liées aux 6 000 élus actuels.
Ayons de plus à l’esprit que la multiplication des élus locaux n’est pas un gage de vitalité démocratique. J’en veux pour preuve les city councils des plus grandes villes américaines, qui n’excèdent pas cinquante membres.
Cela dit, je regrette que nous devions attendre le projet de loi relatif à l’élection des conseillers territoriaux pour que soient levées les zones d’ombre qui persistent.
Nos compatriotes sont attachés à la commune, qui constitue la première et la plus proche expression de la démocratie. Cependant, l’insuffisance des ressources fiscales propres crée une dépendance vis-à-vis des dotations de l’État ou des autres collectivités. C’est pourquoi le renforcement et l’approfondissement de l’intercommunalité constituent un impératif que vise à traduire le présent projet de loi. Je m’en réjouis comme élu rural connaissant les difficultés des petites communes.
La carte de l’intercommunalité va enfin pouvoir être achevée, au besoin – hélas ! – par l’intervention nécessaire du préfet, mettant fin à l’incohérence des enclaves ou à l’égoïsme de communes peu disposées à partager certaines recettes fiscales au profit du développement et de l’aménagement du territoire.
Monsieur le ministre, je nourris cependant un regret. Le poids de nos régions reste malheureusement souvent très en deçà de celles de nos voisins européens pour pouvoir soutenir la comparaison dans une économie où la compétition est féroce.
Hormis trois ou quatre d’entre elles, parmi lesquelles naturellement l’Île-de-France, qui est la plus riche d’Europe, la plupart de nos régions n’atteignent pas la masse critique économique suffisante. La « banane bleue », qui s’étend de Hambourg à Milan, exerce une force centrifuge défavorable pour celles qui en sont exclues, sauf quelques exceptions, comme l’arc méditerranéen. Que pèsent aujourd’hui l’Auvergne ou le Limousin, que nous aimons tous, face au dynamisme de la Catalogne ou au poids économique de la Rhénanie ?
L’article 13 laisse à l’État le soin de donner ou non une suite aux délibérations concordantes de conseils régionaux optant pour une fusion. Une plus grande latitude des collectivités aurait été souhaitable, car elles sont les mieux au fait de leurs besoins, comme c’est le cas pour les deux Normandies.
Cette dernière observation ne remet cependant pas en cause le besoin de clarification, de rationalisation et de simplification auquel ce texte entend répondre.
Le contexte social et économique de notre pays a profondément changé. Il est normal de faire évoluer les structures administratives pour les adapter à une nouvelle époque. Parce que ce texte, comme vous l’avez dit, monsieur le ministre, « redonne du cœur et du corps à la décentralisation », je le voterai.
Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l ’ Union centriste et de l ’ UMP.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes à la veille d’une évolution profonde de nos structures de gouvernance locale, trente années quasiment après que la France s’est engagée dans cette rupture historique qu’est la décentralisation. Je regrette d’ailleurs que M. le Premier ministre Pierre Mauroy ait quitté l’hémicycle, car je l’aurais remercié de vive voix !
Pour une fois dans l’histoire de la République, les Girondins l’ont emporté sur les Jacobins, et cette victoire a été décisive. La Constitution ne précise-t-elle pas, désormais, le caractère décentralisé de la République, et ce grâce au rôle décisif joué par notre collègue Jean-Pierre Raffarin, alors Premier ministre ?
Le bilan de ces presque trois décennies est, à mon sens, très positif sur le plan des libertés locales. La vitalité de notre pays a été renforcée, l’énergie de nos territoires libérée et, surtout, l’appétence de nos concitoyens pour les affaires locales nourrie d’un principe simple et efficace : la démocratie de proximité.
Renforcer les collectivités locales, c’est donner davantage de sens et de responsabilités aux acteurs des territoires. C’est donc aussi renforcer le goût de l’engagement citoyen. En un mot, c’est choisir de favoriser la démocratie par rapport aux technostructures.
La décentralisation permet aussi de gérer les affaires publiques au plus près des spécificités des territoires et des besoins exprimés localement. Communes et intercommunalités, départements et régions sont désormais à même de faire du « cousu main ». Ce fut une avancée considérable.
Pour autant, il ne sert à rien de nier les défauts de notre organisation territoriale actuelle.
La décentralisation s’est essentiellement focalisée sur les transferts de compétences, sans que l’on repense ni les structures, ni le système dans sa globalité. On n’a pas cessé d’ajouter et de juxtaposer, sans se préoccuper suffisamment de supprimer, de clarifier, de réorganiser.
Le résultat, chacun le constate, c’est un paysage institutionnel fragmenté, auquel s’ajoute l’enchevêtrement des compétences qui entraîne un excès de financements croisés et, au final, trop de complexité, trop de doublons, trop de dépenses.
Nous sommes tous des élus nationaux et, pour une large majorité, des élus de terrain. Nous savons à quel point nos concitoyens et tous les maires, adjoints, conseillers municipaux et conseillers généraux, aspirent à une organisation plus simple et plus cohérente.
Grâce aux travaux du comité pour la réforme des collectivités locales, présidé par Édouard Balladur, mais également grâce à la mission temporaire du Sénat conduite par notre collègue Claude Belot, avec Jacqueline Gourault et Yves Krattinger notamment, la concertation et l’échange ont permis d’aboutir à un constat partagé sur de nombreux points. Il convient de saluer les efforts et le sens de l’intérêt général de toutes celles et de tous ceux qui ont pris part à cette réflexion.
Le Gouvernement a déposé sur le bureau du Sénat une réforme cohérente et courageuse. La commission des lois, après un travail remarquable dont je tiens à vous féliciter, monsieur le rapporteur, nous propose un texte à la hauteur des défis à relever.
Cette réforme porte en elle de grandes ambitions, celle de donner plus de clarté et plus de simplicité à notre organisation territoriale, celle d’assurer une répartition des compétences plus nette, celle, aussi et surtout, de proposer le meilleur service public au meilleur coût.
C’est l’occasion de m’arrêter quelques instants sur l’aspect financier de la question, ô combien important, alors que les collectivités locales sont nombreuses à avoir fait ou à se préparer à faire des choix parfois difficiles pour les budgets 2010.
Avec au moins 1 500 milliards d’euros de dette, soit 80 % du PIB, le niveau d’endettement du pays est pour le moins préoccupant. Au cours des douze dernières années, la dette publique a doublé. Convenons ensemble que, retenant la période 1997 à 2009, je ne fais pas de « petite politique ».
Si la crise économique, historique, à laquelle nous sommes confrontés explique largement l’envolée des déficits et la croissance de la dette, le déficit structurel, c’est-à-dire la part que nous portons année après année, quel que soit le taux de croissance, est évalué à 45 milliards d’euros.
C’est pourquoi personne ne se fait d’illusion : nous avons atteint la « fourchette haute » de nos capacités d’endettement.
Face à la rareté de la ressource publique, nous devons non seulement intensifier nos efforts de bonne gestion, mais aussi « changer de braquet ». Une réforme n’est pas seulement nécessaire, elle est indispensable. Je l’ai déjà dit maintes fois, par exemple le 16 novembre dernier, devant une assemblée peu convaincue, lors de la réunion nationale des conseillers généraux. Et quand je dis « peu convaincue », c’est une douce litote.
Sourires
En dépit de telle ou telle prise de position, la plupart des membres du groupe des départements de la droite, du centre et des indépendants de l’Assemblée des départements de France, dont j’ai l’honneur d’être le porte-parole, refusent le statu quo et soutiennent la démarche engagée.
Si les conseils généraux doivent disposer des moyens nécessaires à l’exercice convenable de leurs compétences, tout simplement parce qu’il y va de la crédibilité de la parole publique, la démarche de mutualisation des moyens et de clarification des missions de chacun doit poursuivre son développement.
Mutualisation ? C’est tout le sens de la réforme institutionnelle.
C’est pourquoi, au sein du groupe DCI de l’Assemblée des départements de France, nous sommes favorables, pour la plupart d’entre nous, à la création des conseillers territoriaux, qui ont vocation à être tout à la fois de véritables acteurs de proximité, mais également des stratèges.
Cette évolution décisive renforcera l’articulation entre l’échelon régional et l’échelon départemental, dégagera évidemment des économies d’échelle et, surtout, garantira une plus forte convergence et une meilleure cohérence des politiques publiques.
Chaque département devra, pour ce faire, disposer d’un nombre suffisant d’élus, monsieur le ministre. Cela suppose un nombre minimum de représentants pour les départements peu peuplés. Le nouveau rôle joué par les suppléants sera d’un concours précieux pour les conseillers territoriaux dans l’accomplissement de leurs fonctions, notamment en ce qui concerne les représentations.
Dans ce cadre renouvelé qui redessine et conforte le canton, le maintien, pour l’essentiel, du scrutin majoritaire nous paraît déterminant afin de préserver le lien si particulier qui existe entre un territoire et un élu.
Pour nos concitoyens, le conseiller général est un interlocuteur privilégié, apprécié, clairement identifié. C’est ce que nous constatons tous les jours dans nos départements. C’est ce que nous souhaitons demain pour les conseillers territoriaux. Reste, comme le disait Mme Gourault, à définir très exactement le mode de scrutin. Mais c’est l’objet d’une autre loi.
Parallèlement à l’évolution des structures, la clarification des compétences est essentielle pour mieux distinguer « qui fait quoi » entre la commune, les EPCI, les départements et les régions.
Élu d’un département rural comptant 532 communes et communes associées, je suis très attaché au respect des droits et libertés de cet échelon territorial qui représente le socle de notre démocratie.
Les communes, notamment les plus petites, ne sont pas des anachronismes qu’il faudrait supprimer au nom d’une prétendue modernité qui ne voit d’avenir que dans les grandes villes et dont on nous rebat sans cesse les oreilles.
Bien sûr, il faut créer des métropoles parce que la compétition mondiale se fait aussi à ce niveau, mais cela ne signifie pas pour autant que ces vastes territoires faiblement peuplés qui constituent nos campagnes doivent devenir la variable d’ajustement, sans quoi ce n’est plus la peine de parler d’aménagement du territoire.
Les communes, notamment les plus rurales d’entre elles, sont dépositaires d’une fraction de notre histoire et de notre identité.
L’intercommunalité, quant à elle, représente une réponse originale pour rassembler les talents et les moyens, dans une démarche de mutualisation. Encore faut-il veiller à atteindre une taille pertinente, à agir dans un périmètre cohérent et, surtout, dans une logique de projet.
La rationalisation de l’intercommunalité, sur la base du volontariat des communes, est une nécessité pour renforcer la logique de projet et d’investissement qui a présidé à leur création par le législateur. Dominique Braye abordera ce sujet tout à l’heure, donc je ne m’y attarde pas.
Il est heureux que ce texte, à défaut de revenir sur la loi Marcellin, qui a laissé un triste souvenir notamment en Haute-Marne, département champion de la fusion-association, loin devant la Meuse, fasse au moins évoluer la possibilité laissée aux communes de se regrouper.
C’est à la fois un gage de succès et une marque de respect envers les maires et des élus communaux, dont on ne mesure pas toujours, à Paris, le caractère irremplaçable en milieu rural.
La répartition des compétences, non seulement entre le niveau communal et le niveau intercommunal, mais aussi entre le département et la région, doit obéir à un principe simple : non pas la spécialisation des collectivités, dont nous reparlerons certainement, mais la simplification et, partant, la lisibilité.
Le projet de réforme permet de concilier l’impératif de clarification avec le respect des libertés locales en créant trois catégories de compétences : les compétences exclusives, réservées à un seul niveau de collectivité ; les compétences partagées, qui nécessitent une coordination autour d’un chef de file ; les compétences non attribuées par la loi, où une capacité d’initiative est reconnue au département pour agir, si un intérêt départemental existe.
Avec mes collègues présidents de conseil général du groupe de la droite, du centre et des indépendants, je suis très attaché au maintien d’une capacité d’initiative au niveau départemental. Si la plupart d’entre nous souscrivent au constat de la nécessité de clarifier les compétences de chacun, et donc d’éviter que tout le monde continue à se mêler de tout, il ne faudrait pas que, demain, au nom du respect cartésien d’un système très, voire trop rationnel, nous soyons empêchés d’accompagner les projets structurants dont dépend l’avenir de nos territoires.
Le débat sur les compétences des collectivités locales sera organisé, si nous adoptons le présent projet de loi, dans les douze mois qui suivront sa promulgation.
Les départements de la droite, du centre et des indépendants entendent y prendre toute leur part et contribuer à faire de cette étape décisive un succès collectif.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP, ainsi que sur certaines travées de l’Union centriste.
Madame la présidente, monsieur le ministre, chers collègues, depuis des mois, le Président de la République et le Gouvernement ne cessent de déclarer que notre organisation territoriale est trop complexe et que nos citoyens ne s’y retrouvent plus.
Ces affirmations, jamais justifiées, viennent d’être totalement infirmées par un sondage du CEVIPOF. En effet, dans cette étude, les maires, les conseillers généraux et régionaux, sont les seuls hommes politiques qui conservent la confiance des citoyens.
Dans ces conditions, monsieur le ministre, comment pouvez-vous dire que leur action n’est pas lisible ? Pensez-vous sérieusement que nos concitoyens plébiscitent ces élus tout en ignorant leurs compétences et leurs actions ?
C’est bien parce qu’ils savent combien leur action est précieuse dans leur vie quotidienne qu’ils leur accordent leur confiance. Aussi, en vous attaquant aux élus territoriaux et aux collectivités locales, vous prenez le risque de déstabiliser notre République.
Au sein de la commission Belot, ainsi que dans cet hémicycle, les sénatrices et les sénateurs du CRC-SPG n’ont eu de cesse de vous alerter sur les risques de disparition des communes et des départements portés par ce projet.
En dynamitant l’organisation territoriale de notre République, votre objectif est de réduire de façon considérable le nombre des collectivités. Pour y parvenir, sans l’annoncer, vous vous cachez derrière la généralisation des intercommunalités.
Vous savez parfaitement qu’en fixant l’objectif de réaliser des intercommunalités sur tout le territoire et en confiant aux préfets le soin de les imposer et d’en modifier les périmètres existants, vous transformez ces outils de coopération volontaire en de nouvelles institutions obligatoires, dont vous prévoyez par ailleurs de renforcer les compétences.
Le regroupement obligatoire porte un coup d’arrêt à la coopération volontaire et à la communauté de projet librement définie. Les communes ne pourront plus décider de leur mode de gestion ou de leurs actions dans de très nombreux domaines ; les décisions prises par d’autres communes s’imposeront à elles, même si elles ne les partagent pas.
C’est faire de ces intercommunalités des institutions supra-communales, éloignées du contrôle citoyen, monsieur le ministre. Avec les métropoles, vous accélérez les transferts de compétences au détriment des communes membres.
Les communes n’exerceront plus que des missions administratives déléguées et seront alors vidées de toute substance, ne disposant plus d’aucun pouvoir de décision, d’aucune possibilité d’action.
Quant aux départements, vous commencez à mettre en œuvre leur lent dépérissement, en supprimant la clause de compétence générale, en les obligeant à s’effacer au profit des métropoles et en encourageant leur fusion avec les régions.
Par ce renforcement des intercommunalités et cet effacement des départements, vous enclenchez, vous le savez d’ailleurs très bien, un processus dont l’aboutissement inéluctable est la disparition programmée de plusieurs milliers de communes et de nombreux départements. Vous en prévoyez même les modalités. Alors, pourquoi ne pas dire clairement qu’il s’agit là de votre objectif ?
Pour y parvenir, vous n’hésitez pas à remettre en cause les principes républicains de la libre administration des collectivités territoriales et de la non-tutelle d’une collectivité sur une autre.
L’uniformisation des politiques locales, pilotée d’en haut, est alors en marche.
Les communes y perdront leur identité, leur diversité, leur dynamisme et les services publics locaux disparaîtront peu à peu au profit d’initiatives privées.
Les 36 000 foyers de débats citoyens et d’initiatives pluralistes qui fondent pourtant notre identité et constituent les bases démocratiques de notre République seront alors fortement affaiblis.
L’investissement citoyen, l’engagement local, le bénévolat au profit de l’action publique, les solidarités locales, vont perdre de leur sens et disparaîtront peu à peu.
Aussi, face à cette vaste et dangereuse opération de remise en cause de nos institutions, nous allons combattre l’ensemble de vos projets de loi. Nous le ferons en défendant une tout autre conception du développement de nos territoires, au profit des populations qui y résident, en favorisant la vie démocratique, les coopérations et les mutualisations et en refusant la mise en concurrence des territoires et des habitants, qui consacre toujours la victoire du plus fort au détriment de la solidarité, laquelle est pourtant un élément essentiel de notre pacte républicain.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce texte est tout à fait suicidaire pour les élus renouvelables en 2011 !
Cependant, chacun le sait, une réforme de nos territoires est indispensable. Je souhaitais vous faire part, lors de cette discussion générale, des réflexions d’un sénateur rural, « hors-sol » et sans aucun autre mandat.
Mon département, l’Orne, dont, vous l’aurez remarqué, 100 % des sénateurs ont aujourd'hui tenté leur chance
Sourires
Nous avions soumis, il y a quelque temps, à un ministre de l’économie et des finances devenu ministre de l’intérieur avant d’être appelé aux plus hautes fonctions de l’État, un projet de redécoupage des cantons, pour réunir les plus petits d’entre eux aux plus grands.
Aujourd'hui, je m’interroge tout d’abord sur la méthode employée : pourquoi n’avoir pas procédé à une refonte des cantons afin de supprimer les plus petits, redessiner les cartes départementales et, dans le même temps, achever la carte de l’intercommunalité en ramenant les derniers villages gaulois à la raison de l’intercommunalité ?
Une telle mesure aurait été sans doute moins agressive que l’apparition ex nihilo du conseiller territorial, dont nous voterons ou non le principe dans ce texte et dont nous déciderons ultérieurement, beaucoup d’orateurs l’ont fait remarquer, des modalités d’élection. Cette méthode inquiète les territoires.
Ensuite, ce projet de loi transforme les EPCI, ou tout du moins les communes qui les constituent, en ions dans un champ magnétique. Je m’explique.
Nombre de ces établissements publics de coopération intercommunale, notamment en zone rurale, sont nés au forceps : il avait alors fallu faire de la pédagogie auprès des plus petites communes et leur donner l’assurance qu’elles auraient leur mot à dire dans la gouvernance de l’EPCI en gestation.
Aujourd’hui, après deux ou trois mandats, les communes les plus importantes sont les plus gros contributeurs en équipements, en services et en moyens, sans avoir pour autant leur mot à dire au sein des EPCI ! Nombre d’entre elles voient, par conséquent, dans le projet de loi dont nous discutons aujourd'hui, le moyen d’échapper à un mariage de raison.
Monsieur le ministre, votre texte fait souffler un vent d’espoir en ce qu’il permet d’envisager des divorces ou de prévoir des mariages plu heureux, mais il fait également naître une grande angoisse pour les communes isolées, qui tremblent d’être absorbées dans des périmètres subis, sans assurances sur la gouvernance.
Enfin, il faut évoquer les situations de blocage. J’aurais l’occasion au cours de la discussion d’évoquer de nombreux cas de conflits graves, qui portent sur les questions financières ou de gouvernance, un sujet extrêmement important.
L’intercommunalité est une solution ; sa gouvernance est la garantie de son succès. Il est d’autant plus dommage de différer l’application des articles 2 et 3. Et je connais par avance le sort qui sera réservé aux amendements que j’ai déposés sur les dérogations proposées à l’article 37.
Néanmoins, il faut bien apporter des solutions aux conflits ; or, en l’état, le texte ne prévoit rien. Monsieur le ministre, vous pourriez, au cours de la discussion, nous donner votre sentiment ; vos réponses pourront, sans aucun doute, être utilisées par les préfets qui ont la charge de suivre les dossiers litigieux.
Dans l’ensemble, et sous réserve de l’article 1er, ce projet de loi comporte de nombreux points positifs et attendus. Les sénateurs des champs, dont je m’honore de faire partie, seront extrêmement vigilants à l’impact de ce texte sur les territoires ruraux. Le Président de la République a rappelé dans ses vœux au monde rural l’attachement qu’il portait à celui-ci. Ce projet de loi sera, serait, pourrait être une première occasion de retranscrire ses nobles propos dans notre droit positif.
Applaudissements sur les travées de l ’ Union centriste et de l ’ UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à dix-neuf heures vingt-cinq, est reprise à vingt-et-une heures trente, sous la présidence de M. Roland du Luart.