Votre délégation entend bien y contribuer en préparant techniquement le travail.
Deuxièmement, et toujours au nom des principes d’efficacité et de légitimité, je salue l’approche pragmatique du projet de loi en matière d’intercommunalité et de regroupement de communes. Je pense par exemple à la création de communes déléguées au sein des communes nouvelles issues de fusion d’EPCI, solution habile pour concilier développement de l’intercommunalité et proximité de l’action publique. Cependant, même si je comprends l’objectif de la commission des lois, je m’interroge sur la réduction d’un tiers du nombre de représentants du conseil général à la commission départementale de coopération intercommunale, la CDCI. Dans les départements ruraux, quelle est la tête de réseau des intercommunalités, sinon le conseil général ?
Troisièmement, je veux évoquer la mutualisation des services. C’est un sujet capital. Nous pouvons avoir de grands points de vue généraux sur la démocratie, mais encore faut-il que cette dernière rende au citoyen ce qu’il attend. La mutualisation des services est un enjeu considérable.
Le projet de loi va dans le bon sens, mais il reste encore, à mes yeux, monsieur le ministre, un peu timide, d’autant que les contraintes du droit communautaire se sont allégées. Prenons un exemple : faut-il maintenir l’obligation de passer par un syndicat mixte pour des initiatives de simple bon sens telles que la création d’une cantine commune à un collège et à un lycée ou une école primaire ? Ces sujets doivent absolument être traités.
Quatrièmement, il me semble que la légitimité et l’efficacité sortiront renforcées si des principes clairs sont posés pour la clarification des compétences.
Dès lors que les initiatives resteront possibles lorsqu’elles seront justifiées par l’intérêt local bien compris, je crois utile d’encadrer les financements croisés, qui brouillent la vision du citoyen sur les responsabilités de chaque échelon public. Je note, au passage, pour l’approuver totalement, le souhait de la commission des lois de confirmer le rôle du département dans le soutien aux communes rurales ; nous pourrions utilement y ajouter, monsieur le rapporteur, les intercommunalités.
S’agissant du rôle de l’État, monsieur le ministre, vous avez dit tout à l’heure qu’il ne fallait pas opposer l’État aux collectivités territoriales, et je souscris totalement à votre affirmation. Il est cependant urgent de redéfinir son rôle. Il lui faut enfin choisir entre le rôle d’arbitre, qui est naturellement le sien, et celui d’acteur, lequel n’a plus lieu d’être dans les compétences transférées. Disant cela, je ne pense pas au ministère de l’intérieur.
Quant aux compétences des collectivités, travaillons dans la concorde pour, l’année prochaine, adopter les modalités d’une clarification idéale. Le Sénat en est capable.
Le citoyen devra pouvoir identifier qui fait quoi, savoir qui finance et à quelle hauteur.
Est-il possible, par exemple, de poser la règle élémentaire du décideur-payeur ? La séparation du maître d’œuvre et du maître d’ouvrage doit être à la décentralisation ce que la séparation de l’ordonnateur et du comptable est aux finances publiques, c'est-à-dire un principe clé !
Comment conclure sans évoquer ce qui ne figure pas formellement dans les textes, mais qui reste présent à l’esprit de chacun, à savoir la place de l’État, dont j’ai parlé à l’instant ?
La légitimité comme l’efficacité commandent que l’État joue le jeu de la décentralisation. L’organisation décentralisée de la République a besoin d’un État fair-play et sincère.
L’État fair-play – je vous prie de me pardonner cet anglicisme, mais j’ai cherché en vain un vocable convenable et élégant –, c’est celui qui accepte de tirer les conséquences d’un transfert de compétences en laissant aux autorités locales la responsabilité des décisions à prendre. L’État fair-play, c’est celui qui sait opter entre le rôle de contrôleur et celui de prescripteur. L’État fair-play, ce n’est donc pas celui qui confère une compétence pour imposer ensuite ses propres objectifs par voie réglementaire.
L’État sincère, c’est celui qui prend des engagements et qui les tient. C’est celui qui applique le principe de la compensation intégrale des dépenses qu’il engage par collectivité interposée et qui réalise les transferts de personnels correspondant aux compétences transférées. C’est celui qui garantit aux collectivités le respect d’un cadre financier pluriannuel. L’État sincère, ce n’est donc pas celui qui invente, par exemple, une allocation personnalisée d’autonomie dont il n’assure qu’un tiers du financement, laissant aux conseils généraux une facture de 3 milliards d’euros. Ce n’est pas non plus celui qui crée des maisons départementales du handicap en conservant ses agents qui assuraient la gestion des COTOREP. La rétention des personnels par l’État oblige ce dernier à s’acquitter à la fois de la rémunération des agents qu’il conserve et de la compensation financière des dépenses des collectivités territoriales pour les agents que celles-ci doivent recruter !
En conclusion, mes chers collègues, c’est ensemble, en ayant l’audace et la générosité de dépasser nos clivages, que nous moderniserons l’organisation territoriale de la République pour le plus grand bien de la démocratie, qui est elle-même sans doute le plus grand bien que nous ayons en commun. Je veux y croire, car la légitimité et l’efficacité nous rassemblent et transcendent tous les courants représentés dans cette assemblée. Héritiers de Tocqueville ou chantres du jacobinisme, nous avons tous un même devoir à l’égard de la nation : nous devons être crédibles pour rassurer nos concitoyens et responsables pour mériter le mandat que nous avons reçu !