Notre travail a toutefois comporté des limites. D'abord, la seule analyse du budget ne permet pas de juger de la compatibilité avec les objectifs environnementaux. L'action publique passe en effet par d'autres outils, tels que les outils réglementaires et les financements extrabudgétaires. Nous avons ensuite retenu le champ de l'État, alors que l'atteinte des objectifs nécessite la mobilisation de l'ensemble des acteurs, en particulier des collectivités locales, qui portent l'essentiel de l'investissement public, ou des entreprises. Il s'agit par ailleurs d'un classement technique qui ne préjuge ni de la légitimité ni de l'efficience de la dépense : certaines dépenses défavorables à l'environnement peuvent répondre à un autre objectif de politique publique et l'efficience des dépenses devra être évaluée lors de la phase d'évaluation qui devra comporter des mesures et des études qui n'existent pas aujourd'hui. Enfin, les scénarios de référence dépendent de la technologie disponible et de la situation présente de l'économie française ; ils sont donc amenés à évoluer à long terme : il faudra s'en souvenir lorsque l'on cherchera à comparer les pays ou à regarder les choses sur une longue durée.
Nous ne nous sommes pas contentés de tracer une méthode, nous avons essayé de l'appliquer pour savoir si elle était opérationnelle. Côté recettes, sur la base des chiffres d'Eurostat pour 2017, on peut évaluer à 53 milliards d'euros la fiscalité environnementale, dont 35 milliards correspondant au champ de la loi de finances, soit les taxes environnementales sur le carburant, l'électricité, l'eau ou le gaz.
Côté dépenses, notre méthode nous donne des dépenses favorables et des dépenses défavorables pour chaque objectif environnemental, pris séparément. Pour faciliter la lecture, nous proposons des méthodes d'agrégation qui aboutissent au graphique présenté détaillant la somme des dépenses au moins une fois favorable à un objectif environnemental - 35 milliards d'euros-, dont 30 milliards défavorables à aucun objectif. Environ 20 milliards d'euros de dépenses sont défavorables à l'environnement sans être favorables par ailleurs.
Les dépenses favorables peuvent être ventilées par secteur : 10 milliards d'euros pour la production d'énergie, via le soutien aux énergies renouvelables, puis les transports avec le soutien aux transports moins émissifs que la route, puis 6 milliards d'euros pour la recherche en lien avec l'environnement, et 5 milliards d'euros en faveur de la protection de l'environnement stricto sensu - le coeur vert -, c'est-à-dire les dépenses classées par l'Insee et par le système statistique public comme ayant pour objectif principal la protection de l'environnement ; enfin, environ 3 milliards d'euros correspondant aux bâtiments et 2 milliards d'euros à l'agriculture et à la protection des espaces naturels, notamment via l'Office national des forêts (ONF).
Les dépenses défavorables ventilées par nature démontrent une prédominance des dépenses fiscales qui représentent 15 des 25 milliards d'euros concernés : différentes exonérations de TICPE, mesures déclassées qui concernent l'aérien ou le trafic maritime international, mais aussi, pour 1 milliard d'euros, des exonérations de taxes sur l'électricité pour les sites électro-intensifs et, pour le même montant, des dépenses fiscales favorables à la construction de logements neufs qui créé de l'artificialisation des sols. Viennent ensuite des dépenses relatives à des infrastructures de transport pour un peu moins de 6 milliards d'euros, dont 5 également favorables, puisque consacrés au transport ferroviaire ou aux transports en commun. Il faut compter un peu plus de 1,5 milliard de dépenses au titre de la péréquation tarifaire avec les zones non interconnectées, un peu plus de 1 milliard de dépenses d'achats de l'État, en particulier les dépenses de carburant et environ 400 millions d'euros au titre de la recherche pour le nucléaire, favorable au climat, mais défavorable à la gestion durable des déchets.
Pour terminer, je ferai quelques éléments de propositions.
La méthode de classification que nous proposons devra faire l'objet d'une validation interministérielle et elle devra être présentée de manière détaillée aux différentes parties prenantes. Ce n'est qu'à ces deux conditions que le green budgeting pourra être utilisé comme un outil d'aide à la décision. La mission a constaté un besoin criant en travaux d'évaluation, qui ne pourront se déployer que progressivement. Il apparaît naturel que le Haut Conseil pour le climat, créé par le décret du 14 mai 2019, en soit chargé. Les choix méthodologiques relatifs à l'information statistique environnementale doivent également être débattus et la Commission des comptes et de l'économie de l'environnement pourrait être réactivée et élargie, une fois que la méthode sera validée, et pourra servir deux objectifs principaux : suivre les dépenses favorables et défavorables dans le temps et fournir un cadre d'analyse systématique pour les dépenses nouvelles. La mission propose en effet que cette cotation, ce nutri-score, soit systématiquement précisée pour les mesures nouvelles, en tout cas pour les secteurs les plus émetteurs.
Lorsque nous avons remis le rapport le 25 septembre dernier, Gérald Darmanin et Élisabeth Borne se sont engagés à réunir des groupes de travail...