Mes chers collègues, nous nous réunissons aujourd'hui pour assister à la présentation du rapport « Green Budgeting : proposition de méthode pour une budgétisation environnementale », que le Gouvernement a commandé à l'Inspection générale des finances (IGF) et au Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD).
Les objectifs de notre pays en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre sont de plus en plus ambitieux puisque la France s'est engagée, à la suite notamment de l'accord de Paris de 2015, à les diminuer de 40 % en 2030 par rapport à 1990 et à atteindre la neutralité carbone en 2050. Outre la protection du climat, notre pays s'est également engagé à lutter davantage contre les pollutions, à mieux protéger les milieux naturels ou bien encore à agir en faveur de la préservation de la biodiversité.
Si la prise de conscience écologique de nos concitoyens est de plus en plus forte, les outils traditionnels des politiques publiques, et en particulier le budget de l'État que nous examinons chaque année, ne prennent pour l'heure quasiment pas en compte les impacts des mesures que nous votons sur l'environnement.
C'est pour tenter d'y remédier que l'OCDE promeut « le collaboratif de Paris pour un budget vert », destiné à faire évoluer la présentation des projets de loi de finances des pays membres, de sorte que tant les dépenses que les mesures fiscales fassent systématiquement l'objet d'une évaluation environnementale.
Le rapport qui va nous être présenté aujourd'hui formule des propositions destinées à nourrir une concertation qui devrait aboutir à l'élaboration du premier « budget vert » français dans le cadre du projet de loi de finances pour 2021.
Je vous laisse à présent la parole.
Je suis également membre du Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD). C'est un très grand honneur pour la mission de vous présenter aujourd'hui son travail. Au préalable, je vous prie de bien vouloir excuser l'absence de Mme Claire Waysand, collègue de l'IGF, co-auteur de ce rapport, qui n'a pas pu se joindre à nous, et je veux mentionner que nous avons reçu l'appui d'un jeune stagiaire Louis Stroeymeyt. Je profite de l'occasion qui m'est donnée pour remercier également les administrations et toutes les organisations que nous avons rencontrées dans le cadre de cette mission.
J'assurerai la présentation de la première partie de cet exposé, puis je donnerai la parole à ma collègue Florence Tordjman et Dorian Roucher interviendra en conclusion.
D'abord, j'exposerai le contexte de cette mission.
La France a pris des engagements environnementaux internationaux, qui ont donné lieu à de très nombreuses stratégies européennes ou nationales, la plus emblématique d'entre elles ayant trait au climat, avec la réduction des émissions de gaz à effet de serre de 40 % en 2030 par rapport à 1990 et la neutralité carbone en 2050. Antérieurement, la convention des Nations unies sur la diversité biologique avait été ratifiée en 1994, puis complétée par divers protocoles. D'autres objectifs ont également été fixés en matière d'économie circulaire, de pollution, de gestion des eaux et de protection des espaces naturels, et ils sont tous retracés dans une annexe du rapport.
Dans ce contexte, s'est exprimée la volonté de mieux retracer la contribution des politiques budgétaires et fiscales à la protection de l'environnement.
L'OCDE avait pris l'initiative d'évaluer la « compatibilité des budgets nationaux avec l'accord de Paris ». Pour ce faire, il fallait se doter d'une méthode susceptible de décrire l'impact environnemental des dépenses et des recettes.
De plus, dans le cadre de la loi de finances initiale pour 2019, un rapport a été demandé sur le financement de la transition écologique. Il s'agissait alors de remplacer plusieurs « jaunes » budgétaires et documents transversaux par un seul document de synthèse qui retracerait tous les éléments relatifs à l'ensemble des politiques environnementales.
En outre, la loi relative à l'énergie et au climat prévoit la remise d'un rapport au Parlement sur « les incidences positives et négatives du projet de loi de finances pour 2020 sur le réchauffement climatique et sur l'atteinte des objectifs de développement durable du programme de développement durable à l'horizon 2030 ».
Ce contexte a justifié cette double commande à l'IGF et au CGEDD.
Pour identifier les recettes et les dépenses du budget de l'État - j'insiste sur ce périmètre - ayant un impact significatif, positif ou négatif, sur l'environnement, la mission a recherché une méthode permettant de rendre compte de la richesse des objectifs environnementaux sans pondération entre ces objectifs - on a toujours tendance à mettre l'accent sur l'objectif climatique - ; de distinguer plusieurs impacts pour une même dépense, une même dépense pouvant être à la fois favorable sur un impact et neutre ou défavorable sur un autre ; de nuancer la cotation en identifiant plusieurs classes, comme des dépenses favorables à court terme, par exemple, mais qui pourraient s'avérer moins favorables, voire défavorables à moyen ou long terme ; et, enfin, d'être transparente sur les choix effectués, notamment sur la situation de référence pour permettre qu'ils soient discutés - c'est peut-être là le point le plus important.
Concernant les recettes, nous nous sommes fondés sur la définition de la taxe environnementale retenue par Eurostat, qui est communément admise, car nous n'avions pas de raison de la remettre en cause : c'est une taxe qui est susceptible d'avoir un effet comportemental, sans écarter l'objectif de rendement. Selon cette définition, la fiscalité environnementale française représentait environ 53 milliards d'euros en 2017, dont 33 milliards entrent dans le champ du projet de loi de finances, le reste incombant à la sécurité sociale et aux collectivités territoriales. Sur le graphique, on constate que la France est un petit peu en dessous du niveau européen, mais elle s'attache à rattraper son retard. La mission a proposé d'ajouter certaines recettes, mais nous pourrons revenir sur ce point lors de vos questions.
Concernant les dépenses, y compris les dépenses fiscales, nous avons évalué les méthodes existantes ou répertoriées.
Premièrement, figurent dans le cadre des recensements issus des données budgétaires françaises le jaune « Protection de la nature et de l'environnement », le jaune « Transition énergétique », le document de politique transversale (DPT) « Lutte contre le changement climatique », tous les documents liés aux obligations vertes de l'État depuis 2017, ainsi que le rapport de la Cour des comptes sur les dépenses fiscales. Deuxièmement, en matière de statistiques publiques, nous avons eu à notre disposition des données qui ont constitué le noyau dur de nos études, même si leur champ est restreint. Troisièmement, nous avons demandé des explications à I4CE - Institute for Climate Economics, l'Institut de l'économie pour le climat -, cofondé par la Caisse des dépôts et consignations et de l'Agence française de développement (AFD), le Think Tank climat. Ce dernier a publié un panorama des financements climat et vient de publier un document sur le budget. Quatrièmement, nous avons regardé ce qui existe au niveau national et au niveau international en matière de finance verte, avec des méthodes développées pour les investisseurs sur les marchés financiers en vue de les attirer vers la finance environnementalo-compatible, si je puis dire. Nous nous sommes notamment intéressés aux discussions en cours portant sur la taxonomie des activités au sein de l'Union européenne pour voir de quelle manière sont classifiés les objectifs environnementaux. Cinquièmement, enfin, nous avons examiné les travaux des organisations internationales, notamment l'OCDE, avec les marqueurs de Rio et les subventions aux énergies fossiles, ainsi que ceux qui sont menés dans certains pays ; je pense au Green Budgeting mis en place en Irlande et au recensement des subventions favorables et défavorables à l'environnement en Italie.
Au final, peu de méthodes embrassent l'ensemble des objectifs environnementaux que nous avions identifiés. Il n'y a pratiquement pas d'exemple de recensement de dépenses défavorables. Peu de méthodes sont applicables aux dépenses de fonctionnement et d'intervention. Il n'existe pas vraiment d'accord sur les finalités de ces méthodes. Enfin, le champ des dépenses fiscales va bien au-delà des seules exonérations sur la fiscalité environnementale.
Notre objectif était de considérer toute la dépense fiscale, qu'elle soit environnementale ou pas.
Pour les dépenses budgétaires, nous devions trouver une méthode qui permette d'envisager l'ensemble des types de dépense, la diversité des objectifs, mais aussi les dépenses défavorables. En nous inspirant en partie de l'obligation verte et en partie du règlement en discussion sur la taxonomie des activités, nous avons identifié six objectifs environnementaux. On peut en discuter, mais il est déjà complexe de cibler très clairement chaque objectif... Ces objectifs sont la lutte contre le changement climatique, l'adaptation au changement climatique, la gestion de la ressource en eau, l'économie circulaire et les déchets, la lutte contre les pollutions de l'air, des sols, les pollutions sonores. Enfin, nous avons regroupé dans un seul axe la question de la biodiversité et, plus généralement, la question de la gestion durable des espaces naturels, agricoles et sylvicoles, ces questions étant intimement liées.
Nous avons dû proposer une méthode un peu novatrice, la nouveauté tenant moins aux objectifs environnementaux qu'à la cotation des dépenses à travers une sorte de nutri-score, chaque dépense devant être cotée sur chacun des objectifs environnementaux, car une dépense peut être favorable à l'un et défavorable à un autre.
Trois classes de dépenses peuvent être classées comme favorables : celles ayant comme objectif la production d'un bien ou d'un service environnemental sans aucune interprétation possible, comme les dépenses qui financent les agences de l'eau ou la gestion des forêts domaniales publiques ; à un degré moindre celles qui favorisent indirectement un objectif environnemental sans qu'il soit leur objectif principal, comme les dépenses en faveur des transports publics ; des dépenses qui nous semblent tout aussi favorables, mais qui sont soumises à un effet de temporalité, car liées à des technologies considérées aujourd'hui comme favorables à court terme, mais qui pourraient induire un questionnement à plus long terme, comme le soutien aux biocarburants, qui réduisent les émissions, mais valident aussi le modèle des véhicules thermiques.
La cotation zéro correspond aux dépenses qui n'ont aucun impact en matière d'environnement et celles dont la mission n'a pas été en mesure de déterminer avec exactitude l'impact environnemental. Enfin, nous réservons la cotation -1 aux dépenses qui constituent une atteinte directe à l'environnement ou qui incitent les consommateurs à adopter des comportements négatifs. Mais il n'y a pas de pondération entre ces différents objectifs.
La mission a travaillé sur le budget de l'État, les comptes d'affectation spéciale, les budgets annexes, les dépenses fiscales, les mesures déclassées et les opérateurs de l'État. Mais, dans un souci d'efficacité dans le délai imparti, elle a concentré son analyse détaillée sur les quatre missions « Agriculture », « Écologie, développement et mobilité durables » « Recherche » et « Cohésion des territoires » ainsi que sur la quarantaine d'opérateurs, les dépenses fiscales, les mesures déclassées et les comptes d'affectation spéciale qui leur sont rattachés. Nous avons essayé d'appliquer directement la méthode pour voir si elle était réellement possible à mettre en oeuvre et éventuellement « réplicable ». La mission a également procédé à une première analyse encore très partielle des dépenses transversales des achats de l'État à partir des données issues de la comptabilité publique. Pour le reste, la mission s'en est tenue aux informations disponibles dans les autres documents budgétaires transversaux actuels tels que le jaune budgétaire « Protection de la nature et de l'environnement ».
Ayant travaillé entre avril et début août dernier, nous nous en sommes tenus au budget exécuté en 2019, et, s'agissant des dépenses fiscales, nous avons préféré nous en tenir aux recettes de 2017 pour avoir une vision exhaustive.
Pour mesurer l'impact significatif en matière d'environnement de telle ou telle dépense, nous avions besoin de disposer systématiquement d'un scénario de référence ; la mission s'est parfois heurtée à l'indisponibilité de ressources transparentes et fiables telles que le décret qui définit les véhicules à basse émission permettant de classer aisément les dépenses en faveur de véhicules hybrides ou électriques ou a contrario de véhicules thermiques. Nous avons donc été obligés de poser un certain nombre de conventions pour mener l'exercice. Ainsi, les transferts sociaux aux ménages, la masse salariale ont été, sauf exception, classés comme neutres dans ce premier exercice, mais a contrario les dépenses de masse salariale du programme 217 du ministère de la transition écologique et solidaire, ont été considérées comme favorables à la délivrance d'un service environnemental. Les transferts généraux aux entreprises non ciblés sur les secteurs à forte empreinte, comme le crédit d'impôt recherche, ont été considérés comme neutres, comme l'ont été les prélèvements sur recettes au profit de l'Union européenne et des collectivités territoriales.
Pour le secteur agricole - pour lequel les montants sont relativement faibles, les dépenses de la politique agricole commune (PAC) étant exclues - les dépenses favorables retenues par la mission visent la réduction des pollutions, les bonnes pratiques agricoles, la gestion durable des forêts. Ont été identifiées comme défavorables les dépenses fiscales liées aux exonérations de la taxe intérieure sur la consommation des produits énergétiques (TICPE) - celle pour le gazole non routier par exemple -, qui augmentent l'empreinte environnementale.
Sur les transports, nous avons considéré que le scénario de référence était le trafic routier et l'infrastructure routière actuels : nous nous sommes demandé si les différents modes de transport étaient plus ou moins émissifs actuellement que la route en essayant systématiquement de nous reporter à des exercices d'évaluation menés par l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) ou par de grands opérateurs comme SNCF-Réseau ; nous en avons conclu rapidement que les soutiens aux modes de transports moins émissifs comme le fluvial ou le ferroviaire étaient plutôt favorables à l'atténuation du changement climatique, mais que les infrastructures nouvelles de transport devaient, quant à elles, être évaluées sur la base d'analyses de cycles de vie, et être plutôt classées négativement au regard des objectifs de préservation de la diversité et de gestion des déchets, puisqu'elles augmentent l'artificialisation des sols et la consommation d'espaces naturels.
Sur l'énergie, nous avons retenu que le mix énergétique actuel était la situation de référence. Par simplification, dans ce premier exercice, nous avons considéré que les mesures de soutien aux énergies renouvelables étaient plutôt favorables, et que le soutien au nucléaire - énergie décarbonée - était naturellement considéré comme favorable à la lutte contre le changement climatique, mais défavorable à l'objectif de gestion durable des déchets.
Sur les bâtiments, nous avons considéré que les dépenses de rénovation thermique dans l'ancien étaient très favorables aux objectifs climatiques, mais que certains dispositifs de soutien aux logements neufs pouvaient être, en fonction de leurs effets sur la demande des ménages, classés comme défavorables à la protection des espaces naturels pour la part qui se traduit par une artificialisation des sols.
Notre travail a toutefois comporté des limites. D'abord, la seule analyse du budget ne permet pas de juger de la compatibilité avec les objectifs environnementaux. L'action publique passe en effet par d'autres outils, tels que les outils réglementaires et les financements extrabudgétaires. Nous avons ensuite retenu le champ de l'État, alors que l'atteinte des objectifs nécessite la mobilisation de l'ensemble des acteurs, en particulier des collectivités locales, qui portent l'essentiel de l'investissement public, ou des entreprises. Il s'agit par ailleurs d'un classement technique qui ne préjuge ni de la légitimité ni de l'efficience de la dépense : certaines dépenses défavorables à l'environnement peuvent répondre à un autre objectif de politique publique et l'efficience des dépenses devra être évaluée lors de la phase d'évaluation qui devra comporter des mesures et des études qui n'existent pas aujourd'hui. Enfin, les scénarios de référence dépendent de la technologie disponible et de la situation présente de l'économie française ; ils sont donc amenés à évoluer à long terme : il faudra s'en souvenir lorsque l'on cherchera à comparer les pays ou à regarder les choses sur une longue durée.
Nous ne nous sommes pas contentés de tracer une méthode, nous avons essayé de l'appliquer pour savoir si elle était opérationnelle. Côté recettes, sur la base des chiffres d'Eurostat pour 2017, on peut évaluer à 53 milliards d'euros la fiscalité environnementale, dont 35 milliards correspondant au champ de la loi de finances, soit les taxes environnementales sur le carburant, l'électricité, l'eau ou le gaz.
Côté dépenses, notre méthode nous donne des dépenses favorables et des dépenses défavorables pour chaque objectif environnemental, pris séparément. Pour faciliter la lecture, nous proposons des méthodes d'agrégation qui aboutissent au graphique présenté détaillant la somme des dépenses au moins une fois favorable à un objectif environnemental - 35 milliards d'euros-, dont 30 milliards défavorables à aucun objectif. Environ 20 milliards d'euros de dépenses sont défavorables à l'environnement sans être favorables par ailleurs.
Les dépenses favorables peuvent être ventilées par secteur : 10 milliards d'euros pour la production d'énergie, via le soutien aux énergies renouvelables, puis les transports avec le soutien aux transports moins émissifs que la route, puis 6 milliards d'euros pour la recherche en lien avec l'environnement, et 5 milliards d'euros en faveur de la protection de l'environnement stricto sensu - le coeur vert -, c'est-à-dire les dépenses classées par l'Insee et par le système statistique public comme ayant pour objectif principal la protection de l'environnement ; enfin, environ 3 milliards d'euros correspondant aux bâtiments et 2 milliards d'euros à l'agriculture et à la protection des espaces naturels, notamment via l'Office national des forêts (ONF).
Les dépenses défavorables ventilées par nature démontrent une prédominance des dépenses fiscales qui représentent 15 des 25 milliards d'euros concernés : différentes exonérations de TICPE, mesures déclassées qui concernent l'aérien ou le trafic maritime international, mais aussi, pour 1 milliard d'euros, des exonérations de taxes sur l'électricité pour les sites électro-intensifs et, pour le même montant, des dépenses fiscales favorables à la construction de logements neufs qui créé de l'artificialisation des sols. Viennent ensuite des dépenses relatives à des infrastructures de transport pour un peu moins de 6 milliards d'euros, dont 5 également favorables, puisque consacrés au transport ferroviaire ou aux transports en commun. Il faut compter un peu plus de 1,5 milliard de dépenses au titre de la péréquation tarifaire avec les zones non interconnectées, un peu plus de 1 milliard de dépenses d'achats de l'État, en particulier les dépenses de carburant et environ 400 millions d'euros au titre de la recherche pour le nucléaire, favorable au climat, mais défavorable à la gestion durable des déchets.
Pour terminer, je ferai quelques éléments de propositions.
La méthode de classification que nous proposons devra faire l'objet d'une validation interministérielle et elle devra être présentée de manière détaillée aux différentes parties prenantes. Ce n'est qu'à ces deux conditions que le green budgeting pourra être utilisé comme un outil d'aide à la décision. La mission a constaté un besoin criant en travaux d'évaluation, qui ne pourront se déployer que progressivement. Il apparaît naturel que le Haut Conseil pour le climat, créé par le décret du 14 mai 2019, en soit chargé. Les choix méthodologiques relatifs à l'information statistique environnementale doivent également être débattus et la Commission des comptes et de l'économie de l'environnement pourrait être réactivée et élargie, une fois que la méthode sera validée, et pourra servir deux objectifs principaux : suivre les dépenses favorables et défavorables dans le temps et fournir un cadre d'analyse systématique pour les dépenses nouvelles. La mission propose en effet que cette cotation, ce nutri-score, soit systématiquement précisée pour les mesures nouvelles, en tout cas pour les secteurs les plus émetteurs.
Lorsque nous avons remis le rapport le 25 septembre dernier, Gérald Darmanin et Élisabeth Borne se sont engagés à réunir des groupes de travail...
L'objectif est de déterminer une méthode communément admise qui puisse être utilisée pour les Printemps de l'évaluation, avec l'engagement de présenter un budget vert complet et accepté en 2021.
Où en sont les autres pays dans ce domaine?? Le green budgeting est-il balbutiant partout ?
L'Irlande a repris à l'identique la classification qu'elle avait utilisée pour ses émissions d'obligations vertes souveraines. Elle a donc exclu les activités controversées ou celles dont l'impact est nuancé. Cela représente un périmètre de 1,6 milliard d'euros sur ses 66 milliards d'euros de budget.
L'Italie ne se prévaut pas d'une démarche de green budgeting, mais elle a adopté une méthode ad hoc constituée par un centre de recherche, Quick Scan. Elle publie un catalogue annuel des subventions ayant un impact environnemental significatif depuis 2016, que l'on retrouve à l'annexe 3 du rapport.
La Commission européenne fait un exercice assez différent. Elle utilise la méthodologie des marqueurs de Rio, issue d'un autre champ, celui du développement, puisqu'elle mesure l'impact des dépenses dans le développement des pays. Son objectif est de consacrer 20 % du budget de l'Union au climat et elle publie des statistiques qui montrent qu'elle le fait plus ou moins. Une dépense constituant une contribution principale est cotée à 100 %, une contribution significative à 40 % et pas d'impact à 0 %. Cette méthode a suscité des réserves dans un rapport de la Cour des comptes européenne en 2016.
Le green budgeting est-il autre chose qu'une vaste opération de communication ? Le Gouvernement prend un gros pot de peinture verte et se met à verdir le budget, au lieu d'assurer la traçabilité des recettes à finalité environnementale, comme la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) ou les redevances des agences de l'eau qui sont censées financer des travaux évitant la pollution. Dans les deux cas, cela devient des recettes de poche du budget général : les agences de l'eau voient ainsi leur fonds de roulement être prélevé régulièrement et l'on constate ensuite que des travaux nécessaires n'ont pas été entrepris, faute d'argent.
La TGAP augmente de plus en plus, comme la TICPE sous prétexte de financer des politiques environnementales... Quelqu'un, à Bercy, a inventé la fiscalité invisible, qui n'était malheureusement pas indolore : elle augmentait chaque année sans que l'on ait besoin de voter la hausse...
Vous dites que les logements neufs artificialisent les sols, mais on peut aussi dire qu'ils sont en général plus efficaces d'un point de vue énergétique que les anciens. Votre classification intellectuelle me semble finalement toujours un peu subjective. Comment déjà tracer clairement la fiscalité environnementale ?
Deuxième question sur les dépenses fiscales. D'autres pays, comme la Suède et le Danemark, ont une fiscalité environnementale, tout en se préoccupant de la compétitivité de leur économie : ces petits pays, qui possèdent des champions qui exportent, nous disent que la fiscalité environnementale devrait être « autodestructrice », qu'elle n'est là que pour accompagner des transformations, mais à terme ne plus rien rapporter, les consommateurs ayant changé de comportement ; ils nous disent aussi qu'ils l'ont compensée pour les entreprises. Avec vos cotations, j'ai peur que l'on ne supprime par exemple les aides aux électro-intensifs et donc les électro-intensifs eux-mêmes.
Le bien-être, c'est peut-être aussi d'avoir encore un emploi et donc encore de l'industrie en France... Comment concilier tous ces objectifs ?
Notre classification des recettes repose sur le fait qu'elles changent un comportement, quelle que soit leur affectation. Elle n'est pas subjective : lorsqu'on taxe un polluant, on fait changer les comportements par un signal prix. Cela répond à une définition internationale. La France prélève plutôt moins ce type de recettes que les autres pays.
Je comprends que le fait de bien comprendre l'utilisation de cette fiscalité soit un vrai problème pour vous, mais ce n'était pas notre objectif.
Notre classement est technique ; il ne préjuge ni de l'efficience ni de la légitimité de la dépense. Il peut y avoir des dépenses défavorables avec des objectifs légitimes : les achats de carburants par l'État relèvent majoritairement de la défense. Cela pollue de faire voler des avions et de faire naviguer des bateaux, mais il est légitime que la France ait une politique de défense.
Pour le logement neuf, nous avons classé comme défavorable la part - elle est de l'ordre de 20 % - de la dépense en matière d'aide à la construction de logements neufs qui se fait par artificialisation des sols, essentiellement dans les zones détendues, où le taux de vacance est élevé et où il progresse, donc là où l'on déforme la demande des ménages en faveur du logement neuf et en défaveur de la rénovation de l'ancien, ce qui est défavorable à l'environnement. On peut se demander si c'est légitime ou non de le faire, mais ce n'était pas la question qui nous était posée.
De même, notre travail n'incite pas à supprimer toute dépense fiscale défavorable, mais à réfléchir à la façon d'aider les secteurs concernés - car nous vivons dans un monde concurrentiel - autrement que de manière proportionnelle à leur consommation d'énergie. Ce n'est certes pas facile, car nous sommes contraints par le régime des aides d'État...
Pourquoi l'OCDE n'a-t-elle pas été chef de file pour définir une méthode qui aurait été appliquée de manière uniforme dans tous les pays ? C'est dommage : on ne pourra pas faire de comparaisons entre pays.
La qualité de la donnée s'est-elle améliorée depuis les remarques du rapport de la Cour des comptes, qui notait que Bercy n'arrivait pas à remonter toute l'information, qui était souvent approximative - il n'y a qu'à voir l'écart entre le prévisionnel et le constaté...
Vous avez estimé que la route était neutre pour le carbone, mais très négative pour l'artificialisation des sols. Comment la classez-vous ? Comment concilier cela avec la stratégie bas carbone du Gouvernement et les objectifs de plus long terme du programme 203 « Infrastructures et services de transport » ?
Bravo pour votre synthèse. Le Gouvernement, qui a perdu sa boussole il y a un an, vous a chargé d'élaborer une méthode. Les sénateurs, qui avaient dénoncé l'absence d'information pendant les débats budgétaires, ont été entendus. N'oublions pas la colère sociale portant la même couleur que le « jaune » budgétaire... Je continue de penser que tous ces sujets méritent une traçabilité.
En effet.
En Europe du Nord, nos interlocuteurs nous l'ont dit : pour garder un numéro un mondial, ils ont fait un choix, dans un climat social marqué par le consensus, en défaveur des particuliers, jusqu'à ce que le numéro un soit assez fort pour conserver son leadership.
Plus on parle de transparence, et moins j'y vois clair. Je crois que nos concitoyens pensent la même chose que moi.
I4CE a mené une étude globalement identique à la vôtre. Quels points de divergence et de convergence constatez-vous entre vos deux méthodologies?? Quelles dépenses ont-elles été difficiles à classifier ? Le nucléaire, par exemple, produit une énergie décarbonée, mais suscite des interrogations sur la dangerosité de ses déchets. En témoignent les débats sur cette question.
Vous avez évalué les dépenses de l'État. Mais les collectivités sont au coeur de la transition énergétique. Votre approche pourrait-elle leur être étendue sous la forme d'un document budgétaire ?
Vous avez parlé d'un budget vert d'ici à 2021, issu d'une co-construction avec le Haut Conseil pour le climat créé sur mesure par l'exécutif, puis examiné devant la Convention citoyenne de 150 membres tirés au sort, avant que le Conseil économique, social et environnemental n'en soit saisi (Cese)... Pourtant, des collectivités territoriales dont les présidents sont élus démocratiquement bénéficient de la plus grande confiance des électeurs. De plus, il existe heureusement encore des institutions démocratiques, notamment les deux chambres du Parlement. Quel rôle pourraient-elles tenir avant le vote du premier budget vert ?
Je vous félicite pour cet exercice complexe. Vous évaluez l'impact défavorable à l'environnement des dépenses fiscales à 15,2 milliards d'euros, y compris pour les départements d'outre-mer et la Corse. Vous chiffrez à 1,6 milliard la péréquation tarifaire dans les zones non connectées au réseau métropolitain et vous évoquez les outre-mer et la Corse.
C'est vrai qu'il y a une péréquation tarifaire. Mais vous ne tenez pas compte du différentiel : dans les outre-mer, les carburants sont assujettis à la taxe spéciale de consommation. J'aimerais comprendre pourquoi. Cela fait des années que je demande au Gouvernement de revoir le calcul tel qu'il est fait, en particulier en matière de carburants.
Merci à nos trois intervenants pour leur courage : le chantier auquel ils se sont attelés n'est pas terminé, tant s'en faut ! Qui a défini le cahier des charges conceptuel initial ? Qu'est-ce que l'environnement ? Où s'arrête l'action pour l'environnement ? L'être humain fait-il partie de la biodiversité, et mérite-t-il qu'on agisse pour sauver sa vie ? C'est pour cela que j'ai réagi, lorsque vous avez dit que les infrastructures n'étaient pas très eco-friendly : si elles artificialisent les sols, elles sont en effet aussi le principal facteur de la baisse du nombre d'accidents de la route.
On ne peut pas décréter que la route et l'autoroute sont négatives, sauf à considérer que l'être humain doit être moins protégé que le tétras et la libellule. Aussi, nous avons besoin du cahier des charges qui anime votre recherche. De la même façon, on respecte l'être humain en réduisant le gaspillage de son temps. L'humain n'appartient-il pas à la biodiversité ?
J'en viens à l'artificialisation des sols. Pendant très longtemps, dans notre pays, la surface était insuffisante pour nourrir la population. Aujourd'hui, ce n'est plus le cas, les révolutions agricoles ont répondu aux besoins alimentaires. Pourquoi ? Parce que la totalité des sols est artificielle - on parle de prairies artificielles. Il n'existe plus, en France, de forêt primaire. L'artificialisation des sols correspond à un mode de vie. À moins que l'objectif inscrit dans le cahier des charges soit de revenir au caractère primaire des sols...
Dans votre présentation, vous faites état des recettes issues des actions en faveur de l'environnement. Vous mettez sur le même plan la TICPE, liée à la consommation d'énergies fossiles qui émet du CO2, et la contribution au service public de l'électricité (CSPE), qui vient, elle, de la taxation de la consommation électrique, qui est à 75 % nucléaire et pose des problèmes de déchets, ce qui est différent. TICPE et CSPE ne sont pas de même nature.
Vous classez la consommation d'eau comme défavorable à l'environnement. Or je pense exactement le contraire. L'eau n'a jamais été aussi bien traitée en amont et en aval de son usage. Quand j'étais enfant, une publicité pour le vin citait Pasteur, selon qui le vin était la plus hygiénique des boissons. En effet, au XIXe siècle, l'eau était souvent à l'origine de morts par maladie. Aujourd'hui, ce n'est plus le cas.
Vous vous êtes lancé dans un exercice comptable sans que nous connaissions le cahier des charges. Clarifions les éléments conceptuels de base.
Enfin, n'oubliez pas que l'être humain appartient à la biodiversité.
L'exercice n'est pas facile. Il convient d'en préciser les contours. Est-il destiné à alimenter les études d'impact préalables au projet de loi de finances ? Introduira-t-on des notions plus qualitatives ? Des mesures telles que le certificat d'économies d'énergie ne sont sans doute pas intégrées alors qu'elles participent des politiques publiques.
Il est difficile d'appréhender certains secteurs. Le rapporteur général a évoqué les prélèvements de l'État sur les institutions chargées d'actions sur l'environnement. Il faut tout mettre sur la table.
L'exercice est-il applicable au projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) ? Y avez-vous travaillé ?
La fiscalité environnementale a pour objet d'inciter nos concitoyens à consommer différemment et à adopter un comportement vertueux. Or je n'ai pas trouvé de référence à la digitalisation, aux data centers et au streaming, qui représentent pourtant 4 % des émissions de CO2, soit davantage que celles du secteur aérien. Sans vouloir aucunement freiner la digitalisation de nos comportements, j'adresse un message à Greta Thunberg, qui préfère la voile à l'avion, mais envoie des milliers d'e-mails pour fédérer ses fans.
Notre premier étonnement a été de constater que l'OCDE n'avait pas préparé de méthode. Elle a lancé cette initiative de comparaison internationale des dépenses favorables à l'environnement en marge du One Planet Summit en 2017. La France et le Mexique ont immédiatement fait part de leur volonté de participer à l'exercice. Les autorités françaises pensaient que l'OCDE avait une méthode à proposer. Or ce n'était pas le cas. Les premières réunions, très exploratoires, au cours desquelles chacun des pays a explicité ses mesures favorables ou défavorables à l'environnement, ont rendu apparent le besoin d'une méthode internationale. La France a indiqué qu'elle ferait l'exercice, et c'est dans ce cadre qu'une commande a été passée aux inspections générales.
Dans la lettre de commande, nous n'avions pas de définition de l'environnement, d'où la latitude que nous avons prise. Nous avons choisi de restreindre notre analyse très détaillée à quatre missions principales, sans prendre en compte le soutien aux ménages, même si les dépenses en faveur de l'environnement de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) figurent dans notre analyse.
Mme Lavarde nous a interrogés sur la qualité de la donnée. Pour mener notre exercice, nous nous sommes fondés sur les documents budgétaires à notre disposition sans remettre en question l'état de la donnée - même si nous avons été étonnés de voir que, sur les niches fiscales, elle était approximative ou manquante. De même, les métriques d'évaluation des émissions de gaz à effet de serre par passager ou tonne transportée sont beaucoup trop anciennes et mériteraient d'être actualisées. Nous appelons les administrations à de nouvelles études pour actualiser ces données.
J'ai pris soin de décrire les objectifs environnementaux. Nous avons joint, dans un même enjeu, biodiversité et gestion durable des espaces naturels, agricoles et forestiers. Il ne s'agit pas d'opposer le développement humain à une nature vierge et intacte. Les objectifs en termes de développement durable reposent sur le social, l'économique et l'environnemental. Nous avons tenté de voir dans quelle mesure une dépense budgétaire ou fiscale de l'État avait un impact sur la durabilité de la gestion par l'homme des espaces. La biodiversité est, quant à elle, parfaitement définie.
Dans notre travail, nous lançons des alertes sur l'évaluation. Le choix entre les différents enjeux et le système de cotation est parfaitement discuté et discutable ; c'est pourquoi nous avons choisi de tout mettre sur la table. Toutefois, dans les documents budgétaires, selon le programme, l'action ou la sous-action, la granularité de la dépense descend à la centaine de milliers d'euros ou alors reste à une hauteur de l'ordre de 100, voire 500 millions d'euros. Il est évident qu'il faudra clarifier les granularités minimales et maximales de la dépense considérée.
Le travail que nous vous présentons n'est qu'une première application d'un type de raisonnement.
L'OCDE n'a pas développé de modèle probablement parce qu'elle n'a pas de budget d'État. Or le budget dépend totalement de l'État, de son fonctionnement, de ses outils. Nous avons cherché à élaborer une méthode qui puisse être déclinée, en définissant des enjeux et en proposant un système de cotation transparent et assez résilient quant à la variabilité des différents types de budgets étatiques.
Enfin, les objectifs sont très nettement en lien avec les engagements environnementaux internationaux, qui sont bien décrits.
Revenons sur la classification du programme 203 relatif aux infrastructures de transports. Chaque dépense est classée selon l'une des six cotations que nous avons définies. La situation de référence est l'état des infrastructures de transports aujourd'hui. L'entretien d'une route existante est donc considéré comme neutre. Tout soutien à un mode de transport moins émissif est favorable au climat ; tout soutien à un mode de transport plus émissif est défavorable au climat. La construction de nouvelles routes est défavorable parce qu'elle crée des opportunités de pollution accrue.
La construction d'une nouvelle route a une empreinte carbone négative.
La circulation est plus fluide, donc le temps d'usage du véhicule est réduit. On le voit en région parisienne.
Le modèle Modev montre que, si l'on construit une route pour décongestionner, on diminue le coût d'usage de la route. S'il y a moins d'embouteillages, on utilise beaucoup plus sa voiture.
Nous sommes au début du raisonnement sur la planification et la conceptualisation de ces questions.
Nous avons essayé d'évaluer les infrastructures nouvelles sur la base des analyses en cycle de vie. Nous avons noté qu'elles étaient peu nombreuses. Toutefois, nous disposions de certaines analyses assez poussées qui montrent, par exemple, l'impact favorable sur le climat de la création de nouvelles infrastructures ferroviaires. De la même façon, nous avons utilisé les données à notre disposition pour évaluer les effets sur les autres axes tels que la production de déchets. Ainsi, dans son reporting, la Société du Grand Paris a évalué que la création du nouveau métro conduirait à une hausse durable de 20 à 25 % de la production de déchets en Île-de-France.
Concernant l'acquisition de nouveaux véhicules, nous avons utilisé les normes des décrets sur les véhicules à basse émission puisque c'était la référence dont nous disposions.
Sur le cas précis de l'exonération de la TICPE dans les départements d'outre-mer qu'évoque M. Lurel, nous n'avons retenu que l'écart entre la dépense fiscale telle qu'elle est comptabilisée par la direction de la législation fiscale et la taxe spéciale de consommation qui est prélevée dans ces départements, afin de bien noter que la dépense fiscale n'était que la baisse de prix entre la taxation au taux de métropole et la taxation effective pour les ménages et les entreprises dans ces départements. Nous avons également retraité d'autres dépenses fiscales comme celles qui sont relatives au taux super-réduit de rénovation thermique des logements, pour être plus proches de la réalité.
M. Husson nous a interrogés sur I4CE, anciennement CDC Climat, qui a également travaillé sur le budget vert. Nous avons échangé avec ses membres, dont l'étude s'est concentrée uniquement sur l'objectif climatique et non sur l'ensemble de l'environnement. Ils n'ont pas non plus intégré les opérateurs de l'État dans le périmètre du budget. Leur système de classification n'est pas très différent du nôtre. Le montant des recettes favorables est, dans leur étude, du même ordre que dans la nôtre, soit 53 milliards d'euros dont 10 milliards d'euros sont liés à l'impact sur le climat. Du côté des dépenses, comme ils n'ont pas pris en compte les opérateurs, le montant est plus faible : 23 milliards d'euros, contre 26 à 29 milliards d'euros pour l'objectif climatique dans notre étude. Le montant des niches fiscales est, dans leur étude, supérieur au nôtre, mais ils se sont appuyés sur des chiffres de 2018, alors que nos chiffres datent de 2017. Ils n'ont pas répertorié certaines mesures fiscales que nous faisons apparaître telles que les dépenses déclassées, à savoir des dépenses à hauteur de 4 milliards d'euros pour les seuls transports aérien et maritime, qui ne sont jamais votées par le Parlement. De la même façon, les détaxations en faveur des raffineries pétrolières représentent 300 millions d'euros. Au total, ce sont 4,3 milliards d'euros de dépenses.
Nous soulignons dans notre rapport l'intérêt de mieux valoriser les taxes, ou quasi-taxes, que sont les certificats d'économies d'énergie. Nous avons eu des difficultés à obtenir une bonne approximation et sommes parvenus à une somme comprise entre 1 et 2 milliards d'euros par an. Il sera nécessaire d'approfondir ce point. Nous avons également chiffré les écocontributions, qui sont des contributions en faveur de la gestion des déchets extrêmement significatives et efficaces.
Nous avons attribué une cotation en fonction de chaque objectif. Certaines dépenses sont favorables à un objectif et défavorables à un autre. C'est le cas du nucléaire, favorable dans l'axe climat et défavorable dans l'axe déchets.
Mêler climat et environnement est source de complexité. Comment quantifier les déchets ? Le budget ne comporte pas de dépense concernant les déchets nucléaires.
Les dépenses de gestion des déchets sont favorables à l'environnement. En effet, Eurostat considère que le traitement des déchets est toujours plus avantageux que le non-traitement. Les dépenses de fonctionnement de l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra), à hauteur de 250 millions d'euros environ, sont classées comme favorables. Il existe également des dépenses dans le programme 181 ainsi que dans la mission « Recherche », relatives au démantèlement des installations du Commissariat à l'énergie atomique (CEA).
Notre question porte sur le soutien à la nouvelle production d'énergie nucléaire. On compare avec le mix actuel, qui n'est pas que nucléaire. Ces dépenses de soutien se trouvent dans le budget général et dans celui des opérateurs. C'est surtout le soutien aux générateurs de deuxième et troisième génération qui sont favorables au climat, mais défavorables en matière de déchets, car ils en créent, l'exception étant Iter. En effet, si ces générateurs n'étaient pas construits, il y aurait moins de déchets.
Nous n'avons peut-être pas assez insisté sur la notion de nutri-score. Nous avons opéré programme par programme, action par action, en décomposant les dépenses. Chaque action a été passée au crible de chaque enjeu. Une même dépense peut être favorable sur l'axe de l'atténuation du changement climatique et défavorable sur l'axe de la production de déchets. La cotation, qualitative, suppose progressivement la mise en place d'un arsenal d'évaluation de la dépense au regard d'objectifs environnementaux. Cet arsenal existe dans le ferroviaire, puisque SNCF Réseau a réalisé des analyses de cycle de vie sur les voies nouvelles et les réparations de voies ferroviaires, mais pas dans les secteurs fluviaux et routiers.
Nous avions une mission sur le budget de l'État. Néanmoins, nous disons en filigrane que l'analyse de la seule part étatique de la dépense publique ne suffit pas à vérifier la conformité avec les engagements. Dans le reste du monde, les collectivités territoriales jouent un rôle tout à fait prépondérant. Étant donné les importants transferts de recettes fiscales aux collectivités, il serait positif que l'exercice soit mené à leur niveau, selon une méthodologie cohérente avec celle qui sera in fine retenue.
La caractéristique principale de la définition de l'artificialisation des sols est l'imperméabilisation. Les sols forestiers et agricoles sont gérés par l'homme, mais ils sont peu anthropisés, contrairement à des parkings, des routes ou des trottoirs qui, imperméabilisés, rompent le lien biophysique entre le sol et l'atmosphère. L'eau ruisselle et les échanges gazeux ne sont plus assurés. La différence est fondamentale.
Nous préconisons que les transferts vers l'Union européenne soient analysés et traités. C'est l'une des limites de notre analyse. Nous avons également indiqué que l'exercice aurait sans doute toute sa légitimité pour ce qui concerne le PLFSS.
Enfin, le crédit d'impôt sur les data centers n'a pas été recensé par la mission en raison de son faible niveau. I4CE ne l'a pas non plus inclus, mais c'est un point d'attention important compte tenu de l'évolution de la société.
Nous vous remercions.
La réunion est close à 16 h 50.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.