Je souhaite évoquer l'article 8 concernant la transmission des entreprises, car il remet en cause l'avenir et la prospérité de la majorité des entreprises françaises, voire la société dans laquelle nous souhaitons vivre. Vous proposez de réduire l'abattement de 75 % à 25 % lors des successions ou donations pour les dirigeants d'entreprise. Par là même, vous condamnez à mort toutes les entreprises familiales détenues par des Français, à la grande joie, j'imagine, des multinationales étrangères, qui pourront acheter à vil prix nos fleurons de l'économie française.
En effet, si cet article a peu d'impact sur les très petites entreprises (TPE) ou petites PME, qui sont souvent faiblement valorisées, il a, en revanche, un impact considérable sur les grosses PME ou les entreprises de taille intermédiaire (ETI). Je le rappelle, 5 000 ETI emploient 7,5 millions de salariés. Lors des successions, l'entreprise est valorisée par l'administration fiscale en tenant compte des plus-values latentes, et non pas uniquement du capital investi dix ou vingt ans auparavant.
Prenons l'exemple d'une ETI dynamique qui distribue peu - ce qui est souvent le cas des entreprises familiales -, mais investit beaucoup. Je prendrai l'exemple d'une ETI valorisée à hauteur de 100 millions d'euros le jour de la succession. Dans le cadre du pacte Dutreil, en gardant six ans les actions, il faudra verser 11 millions d'euros. Ce sera difficile, mais pas impossible en ayant recours à des emprunts et à des distributions de dividendes. Avec votre proposition de loi, il faudra payer 35 millions d'euros, ce qui est impossible. La seule solution sera de vendre. Vous avez écrit que la vente était une bonne chose : favoriser la reprise d'activité par des héritiers serait, selon vous, dommageable à l'activité économique. Mais telles ne sont pas les conclusions de nombreux rapports, dont celui de M. Tordjman : dans le cadre des transmissions familiales, le taux de survie à trois ans d'ETI est de 100 %.
Un rapport d'information dont je fus co-auteur en 2017, au nom de la délégation aux entreprises, prouve le contraire. Il a donné lieu au dépôt d'une proposition de loi, dont notre collègue Christine Lavarde fut rapporteur, et qui a été adoptée par le Sénat en 2018 à une très large majorité. Elle visait à porter l'abattement, en cas de transmission, à 90 %, en échange de l'allongement de la durée de détention des actions.
En tant qu'élu d'un département rural, j'ai connu plusieurs cas où d'importantes entreprises familiales ont dû être vendues à la succession. Le scénario est toujours le même : on délocalise d'abord le siège social, puis les bureaux administratifs, puis l'informatique ; on ne travaille plus avec les acteurs locaux, ni avec les banques locales et les transporteurs locaux. Au bout de quelques années, on ferme l'entreprise.