Intervention de Eric Jeansannetas

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 16 octobre 2019 à 8h40
Projet de loi de finances pour 2020 — Mission « sport jeunesse et vie associative » - examen du rapport spécial

Photo de Eric JeansannetasEric Jeansannetas, rapporteur spécial :

Commençons le « marathon budgétaire » qui s'ouvre devant nous par l'examen des crédits de la mission « Sport, jeunesse et vie associative ». Depuis plusieurs années, la mission est marquée par le dynamisme de quelques dispositifs emblématiques qui la composent : en cinq ans, ses crédits auront été multipliés par deux.

La présentation proposée pour 2020 ne déroge pas à la règle, puisque les crédits sont proposés en hausse de 11 % à périmètre constant par rapport à 2019. Ils s'élèvent à près de 1,3 milliard d'euros. Ces crédits servent à financer un ensemble hétérogène de politiques, éclatées entre le ministère des sports et le ministère de l'éducation nationale.

Je commencerai ma présentation par une considération strictement budgétaire. Pour notre commission, un élément doit retenir notre attention : les crédits proposés excèdent de 3 % le plafond fixé par le budget triennal. Souvenez-vous, l'an dernier, je vous avais alertés sur l'incohérence du triennal actualisé pour tenir compte de l'attribution des Jeux olympiques et paralympiques de 2024 à la France.

Cette analyse se confirme en 2020 : l'ensemble des objectifs que le Gouvernement se fixe ne pouvait être poursuivi sans dépasser le plafond fixé. Ces objectifs, à savoir le développement des pratiques sportives, les politiques de l'engagement de la jeunesse ou encore la préparation des Olympiades, doivent être soutenus. Pour autant, la question de la sincérité budgétaire se pose, car ils étaient déjà connus lors du vote de la trajectoire pluriannuelle des finances publiques.

J'en arrive désormais aux points marquants pour 2020. Les dépenses de la mission sont fortement concentrées sur quelques dispositifs, dont le service civique pour 40 %. C'est pourquoi, je souhaiterais concentrer mon propos en vous faisant part des trois nouveautés qui marquent l'année 2020.

La première concerne la mise en place de la nouvelle gouvernance du sport. Le Centre national pour le développement du sport (CNDS) disparaît, absorbé par l'Agence nationale du sport, un groupement d'intérêt public créé au printemps dernier. Cette nouvelle structure procède d'une réalité et d'un objectif. La réalité, c'est que les collectivités territoriales constituent le premier financeur public du sport en France. L'objectif, c'est d'agréger les différents acteurs pour améliorer la cohérence du soutien au sport. Il est donc prévu que l'agence nationale du sport se décline dans chaque territoire par des conférences régionales du sport et des conférences des financeurs. Cette étape devrait s'enclencher en 2020. L'agence doit intervenir à la fois pour soutenir les pratiques sportives, par des subventions à l'équipement, et la haute performance. Sur le plan budgétaire, sa création se traduit par le versement d'une dotation unique de 137,6 millions d'euros et du produit des taxes affectées précédemment au CNDS pour un montant identique de 146,4 millions d'euros.

C'est donc une année de transition qui s'ouvre, pour laquelle des questions demeurent. Je pense en particulier à l'avenir de la gestion des conseillers techniques sportifs (CTS), dont la rémunération est désormais intégrée au sein du programme 219. La phase de concertation lancée au printemps dernier doit aboutir très prochainement par la remise d'un rapport sur la base duquel le Gouvernement devrait décider au début de l'année prochaine de l'évolution de leur statut. Un transfert vers les fédérations de ces fonctionnaires d'État est envisagé, ce qui suscite un accueil très différent selon les fédérations sportives. Nous le savons très bien : la question cruciale sera celle de la dotation versée en compensation aux fédérations et de son évolution dans le temps. J'y serai donc vigilent, mais il est dommage que les décisions soient reportées après la discussion budgétaire.

La deuxième nouveauté concerne un dispositif emblématique : le service national universel (SNU). Une ligne budgétaire est créée en 2020 et dotée de 30 millions d'euros, ce qui correspond à un objectif de 20 000 jeunes. Une préfiguration a eu lieu en juin dernier dans treize départements pilotes, dont la Creuse, pour 2 000 volontaires. Les résultats sont encourageants, mais ils ne présagent en rien des difficultés qu'un déploiement à grande échelle entraînera. C'est pourtant une généralisation à vitesse grand' V qui est souhaitée par le Président de la République, avec un objectif de 150 000 jeunes en 2021 et 400 000 jeunes en 2022. De nombreuses questions d'organisation demeurent, pour assurer le déplacement et l'hébergement collectif de ces jeunes. Surtout, l'équation budgétaire demeure à ce stade non résolue : le coût moyen par jeune est espéré à 1 500 euros, pour une classe d'âge de 800 000 jeunes chaque année. Cela représente donc 1,2 milliard d'euros par an minimum en rythme de croisière - presque le montant des crédits de l'ensemble de la mission pour 2020.

Ces questions devront être traitées : dans l'attente, il est pour le moins regrettable qu'aucune réponse aux questions budgétaires adressées au Gouvernement pour le programme 163 « Jeunesse et vie associative » ne m'ait été adressée.

Le troisième élément marquant concerne les Jeux olympiques et paralympiques de 2024. L'effort budgétaire devient réel en 2020, avec près de 130 millions d'euros de dépenses prévues. Il s'agit d'une année charnière pour la construction des infrastructures, car les premiers travaux seront financés. Les dépenses augmenteront encore au cours des prochaines années, pour atteindre un pic à plus de 230 millions d'euros par an entre 2021 et 2023.

Je m'inquiète de la rhétorique du Gouvernement consistant à parler de « budget des sports », comme lors du débat d'orientation des finances publiques ayant donné lieu à une répartition des crédits par ministère. Certes, l'organisation des Jeux olympiques et paralympiques de 2024 donne une impulsion incroyable au sport français. Les infrastructures rénovées ou construites sont pensées dans le temps long, conformément à la priorité donnée à « l'héritage » des Jeux. Pour autant, soyons clairs : l'essentiel des infrastructures concerne le territoire francilien.

Le Président de la République s'était engagé à ce que l'organisation de la compétition ne s'opère pas au détriment du soutien au sport pour tous. Or, depuis l'attribution en septembre 2017, j'observe un tassement de plus de 10 % des crédits dédiés au sport. Il importe d'enrayer cette dynamique pour que les Olympiades demeurent une chance pour tous les Français, dans tous les territoires.

De façon plus générale, compte tenu des besoins de financement élevés constatés sur la mission pour les prochaines années - estimés à 800 millions d'euros d'ici à 2022 -, je m'associe au Président de la commission des finances pour regretter que la trajectoire pluriannuelle n'ait pas été actualisée.

Avant de conclure, j'aimerais élargir mon propos au-delà des simples crédits budgétaires. La mission retrace également les différentes incitations fiscales à la générosité des Français, pour un montant de plus de 2,7 milliards d'euros l'an dernier. Un climat d'incertitude ronge le monde associatif : en 2018, les dons qu'elles reçoivent ont reculé de 4,2 % après plusieurs années de progression continue.

À cet égard, il faut se réjouir de la mise en oeuvre effective du compte d'engagement citoyen en 2020. Ce dispositif vise à reconnaître et valoriser l'engagement des bénévoles à travers l'octroi d'heures de formation citoyenne ou professionnelle ; 11,5 millions d'euros y sont consacrés en 2020.

Il n'en demeure pas moins qu'une nouvelle impulsion est nécessaire pour conforter un tissu associatif plus que jamais indispensable à notre société. Les 25 millions d'euros distribués par le fonds pour le développement de la vie associative (FDVA) ne suffisent pas. Ce montant est inférieur de moitié au soutien apporté par l'ancienne dotation d'action parlementaire. C'est pourquoi je soutiens la proposition de lui affecter les avoirs des comptes inactifs des associations. Seule une initiative du Gouvernement en loi de finances pourrait y procéder : j'interrogerai le ministre sur ce point.

En conclusion, la situation de la mission reflète une double réalité. Pour 2020, les crédits proposés correspondent aux objectifs fixés par le Gouvernement, ce que je soutiens. Les questions en suspens concernent l'après 2020 : il faudra attendre la prochaine trajectoire pluriannuelle annoncée pour le printemps pour y répondre. D'ici là, je vous propose d'adopter les crédits de la mission « Sport, jeunesse et vie associative ».

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