Je voudrais féliciter le président du Conseil des prélèvements obligatoires. Là, nous sommes davantage dans le concret qu'avec le « green budgeting » du gouvernement.
Le 18 octobre 2018, j'étais dans le bureau du Premier ministre pour parler de la loi de finances. Nous avions quasi exclusivement parlé du début du mouvement des « gilets jaunes » et j'avais reçu des réponses technocratiques du type : « Le signal prix est le meilleur moyen de faire changer les comportements. » On a vu ! Toute la difficulté vient de ce que les constats n'ont pas été faits. Je regrette que le rapport du CPO n'ait pas été publié un an plus tôt. Si certains de vos constats avaient été partagés par le Gouvernement il y a un an, nous aurions sans doute évité ce que nous avons connu.
Je reviens sur quelques-uns de ces constats.
Historiquement en France, la fiscalité écologique a été conçue dans une logique de rendement. La hausse de la TICPE pluriannuelle avait été conçue comme une fiscalité de rendement pour équilibrer le budget de l'État, et non pour la transition énergétique.
Le CPO souligne aussi que la fiscalité énergétique pèse davantage sur les ménages ruraux et périurbains en raison de l'importance de leurs déplacements routiers. Évidemment, cela entraîne de très grandes inégalités. Vous soulignez l'hétérogénéité de l'impact de la hausse en fonction des revenus, de la localisation et des pratiques de déplacements des ménages.
Ces constats sont partagés.
Nous ne sommes pas contre une fiscalité énergétique ni contre la taxe carbone, mais le problème est la manière dont elle a été conçue, c'est-à-dire comme un rendement sans tenir compte de l'hétérogénéité des situations et sans compensation.
Monsieur le président, vous dites, à la proposition n° 4 : en fonction de la trajectoire retenue de la fiscalité carbone, des mécanismes de compensation en direction des ménages les plus affectés, notamment les ménages modestes, devront être associés, de manière à favoriser l'acceptation de la fiscalité carbone et l'adaptation des comportements. C'est exactement ce que le Sénat avait dit. Le signal prix est compréhensible sur un plan intellectuel si l'on dispose de 5 000 euros de revenus nets : on pourra acheter un véhicule hybride ou électrique. Mais si l'on gagne 1 200 euros par mois et que l'on habite en milieu ou dans une zone périphérique, comment changer son comportement sans compensation ? Avez-vous trouvé des exemples étrangers d'augmentation de la fiscalité adossée à un mécanisme d'accompagnement la rendant acceptable ?
On ne peut que partager votre objectif de transparence de l'utilisation des recettes de la fiscalité sur le carbone. On ne reproche pas à cette fiscalité qu'elle ne soit pas affectée, mais que la transparence fasse défaut. Il y a eu ambiguïté sur la hausse de la TICPE qui allait au budget général, de même que la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) déchets.
Une de vos recommandations rejoint les sujets abordés lors de la communication de Vincent Capo-Canellas de ce matin sur la compétitivité du transport aérien. La proposition n° 8 promeut en effet la suppression de l'exemption de fiscalité de carburant des transports internationaux aériens. Il existe trois moyens de réduire les émissions de gaz à effet de serre : améliorer la fluidité du trafic ; accélérer le renouvellement de la flotte ; soutenir la recherche pour promouvoir l'avion électrique ou d'autres modes de propulsion. Dans le projet de loi de finances, la taxe sur le transport aérien n'est pas du tout affectée à la transition énergétique, mais à l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF) pour rembourser les pertes liées aux radars. Est-ce typiquement le bon signal pour vous ? Est-ce que cette suppression de l'exemption de fiscalité, c'est juste pour donner un signal prix ? Quelles alternatives pour le transport aérien ? Cela doit-il accompagner un mouvement ?