Je vous remercie à mon tour pour votre communication, qui a le mérite de la clarté. Vous avez choisi, pour conduire votre réflexion sur la fiscalité environnementale, le thème de l'urgence climatique, ce qui donne plus de cohérence à votre démonstration.
L'ennemi, c'est le CO2. La fiscalité carbone doit donc être dissuasive. Le Gouvernement devrait se demander s'il ne faut pas une fiscalité simple et irrémédiablement dissuasive. Si nous voulons engager notre pays tout entier contre le CO2, sur tous les fronts et dans tous les domaines, il faut être absolument certain que des procédés qui sont aujourd'hui nécessairement plus coûteux deviendront économiquement viables, sans aucun aléa. Le premier facteur d'aléa, dans l'investissement industriel, c'est la décision politique, qui vient accélérer ou reporter telle ou telle décision. Une fiscalité qui conduirait nos compatriotes à avoir une attitude différente ne peut être qu'une fiscalité de dissuasion.
Quand il est question de fiscalité environnementale dédiée, non plus à la dissuasion, mais au soutien de divers projets, on entre dans un domaine extraordinairement précaire, incertain et aléatoire. Outre l'écotaxe, on peut évoquer la politique en faveur de l'énergie photovoltaïque, de l'énergie éolienne, qui n'est tout de même pas illimitée, ou encore des différents usages de la biomasse, qui requièrent des équipements extrêmement lourds et à l'utilité économique parfois discutable.
Les pouvoirs publics sont partagés entre une attitude dissuasive, assortie d'un correctif social, et la volonté de devenir eux-mêmes techniciens. Il faut plutôt laisser à l'investisseur, quel qu'il soit, le soin de choisir ! Je choisis donc la dissuasion plutôt que le soutien, car c'est plus clair : on pose une règle, et tous s'adaptent.
La dimension internationale de l'enjeu est indéniable. Vous suggérez qu'on peut progresser à l'échelon européen. Il s'agit de pays de cultures à peu près comparables : ils se tiennent par la barbichette, ils sont amenés à converger, quoi qu'ils en pensent. Le choix allemand d'abandonner l'énergie nucléaire au profit d'énergies fossiles est évidemment contre-productif, mais on peut discuter.
Tel n'est pas le cas hors de l'Union européenne. Une bonne partie de l'amélioration de notre empreinte carbone est liée aux délocalisations industrielles, avec leur lot de fermetures d'usines et de chômage. On importe : cela soulage à court terme l'industriel français, qui se fait commerçant, mais en fin de compte on perd des emplois tout en continuant de diffuser du CO2 dans l'atmosphère, depuis l'étranger.
Certes, on peut taxer les produits d'industries émettrices à l'importation, l'Union européenne peut adopter une attitude commune envers les importations en provenance de pays non coopérants, mais quand on voit la difficulté à mettre en place une politique commerciale européenne, cela me semble être une illusion. Il conviendrait de clarifier ce que doit être une fiscalité aux frontières de l'Union européenne.
Alors, comment juguler le risque de l'empreinte qui croît, des importations qui augmentent et des délocalisations industrielles ?
Par ailleurs, vous incluez au sein de la fiscalité environnementale la contribution au service public de l'électricité (CSPE). Cette fiscalité a pourtant un effet absolument contraire ! Elle taxe l'électricité, dont le mode de production, entre le nucléaire et les énergies renouvelables, est à plus de 85 % neutre du point de vue du CO2. On pénalise une énergie qui devrait gagner des parts de marché, notamment pour le chauffage, au détriment de systèmes émetteurs de CO2.